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20 août 2018, 18:47
 I.1  Göttingen, Through the years
29 août 2026

Marzie Altenbach passa une main dans les cheveux blonds de son fils, embrassa une dernière fois son front, avant de le pousser doucement vers le Portoloin. Là où attendait patiemment Erwan Körtz, professeur d'Astrophysique et d'Etude de Runes, et bibliothécaire de la petite école de Magie de Göttingen. Après s'être détaché de sa mère, Noam s'avança vers le vieil exemplaire de Celle qui faisait tomber la neige placé aux pieds de Körtz. Si le gamin affichait un air tristounet pour faire plaisir à Marzie, il était intérieurement ravi. Bref regard hésitant en arrière. Laissant tomber son calepin sur le parquet du salon, il courut se blottir une dernière fois dans les bras de sa mère en murmurant un "Je t'aime maman". Puis il s'écarta, et rejoignit une bonne fois pour toutes le professeur, glissant sa petite main dans la sienne. Après avoir ramassé son calepin et parcouru la pièce du regard, il s'accroupit vers le bouquin et s'y agrippa, reproduisant les gestes de l'adulte. Quelques secondes, et ils disparurent tous les deux.
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Il pleuvait, il pleuvait, il pleuvait, il pleuvait encore et encore. Il pleuvait à n’en plus finir. Il pleuvait des cordes, depuis des heures. Depuis la longue table du réfectoire, Noam laissa s’échapper un long soupir, désespéré. Septembre, pas un rayon de soleil. Pour un premier jour à l’école, c’est nul. Naze. Il avait déjà déposé ses affaires dans le dortoir, rangé – un bien grand mot – ses petits bibelots dans sa table de chevet, trésors trouvés dans le fond du jardin pour la plupart, puis visité d’un bout à l’autre le vieux Manoir qui servait de bâtiment à l’école de Magie de Göttingen depuis tant d’années. Manoir dans lequel il allait passer les sept prochaines années de sa vie. Sept. C'est long, sept ans. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à attendre. Attendre le repas. Tout seul à sa table, il s’ennuyait. Attendre l’autre garçon, l’autre gosse de son âge. Parce que parmi les quarante-huit élèves, seulement six entraient en première année la semaine prochaine. Et quatre étaient des… filles. Erk. Sombrant dans un ennui de plus en plus profond, le gamin finit par sortir un vieux stylo bille de sa poche, dont l’encre fuyait par le bout, lentement mais sûrement. Sur son petit carnet, il entreprit de lister l'intégralité des pays de ce monde, par ordre alphabétique. Entre Liban et Lituanie, une main lourde se posa sur son épaule, accompagnée d’une voix encore enfantine.

- Peux m’asseoir ?

L’intéressé sursauta, cligna des yeux, avant de se retourner avec une certaine appréhension. Pourtant, rien à craindre. Face à lui, un gamin, de son âge sûrement. Ni grand ni petit, cheveux noir jais et en bataille, un visage un peu rond sur les bords, et surtout, de grands yeux noisette qui le fixaient. Vêtu d’un simple jean, d’un vieux t-shirt à l’effigie du King, dont une partie des pieds et des cheveux avaient disparu. Le pied de l’autre était toujours là, bien chaussé dans une paire de tongs de vacances, celles que tes parents t’achetaient pour cinq euros au supermarché du coin. Et des chaussettes. Il avait l’air perdu, ou juste désintéressé. Et surtout, il n’attendit pas la réponse de Noam pour s’installer. La bouche de ce dernier se déforma un instant, là où s’affichait une brève grimace, avant d’aborder un sourire en coin. Plus intrigué qu’inquiet, le blondinet articula paisiblement une réponse tout en posant sans un bruit son stylo sur la table.

- Je sais pas. Pourquoi tu poses la question si tu n’attends pas que j’t’aie répondu ?

Tout en parlant, il referma son calepin. Un peu honte de s'ennuyer à ce point, à vrai dire. L’autre haussa un sourcil, puis l’autre. Ses yeux affichèrent un instant un éclat de mépris vite transformé en un mélange d'amusement et de curiosité. Ils détaillaient Noam de haut en bas, parcouraient les traits de son visage sans le toucher, observaient ses cheveux en silence, descendaient un peu et s’attardent sur l’énorme pull qu'il portait, avant de revenir se figer dans ceux de l’enfant. Puis ses lèvres se tordirent à leur tour pour lâcher avec une légère ironie :

- Je sais pas. Pourquoi tu me réponds si c’est déjà fait ?

Noam sourit, détourna brièvement le regard, embarrassé, avant de tendre timidement sa main droite vers l’autre. L’autre, il dégageait une aura bizarre. Il s’imposait, il dominait, il savait, il maîtrisait. Le King de sa génération. Mais l’autre restait un gamin de onze ans. Comme lui. Alors pas de quoi avoir peur. Est-ce qu'il devait parler ? Est-ce qu'il devait se présenter ? Oui. Maman se présentait quand elle rencontrait des nouveaux gens. Alors lui aussi devait se présenter.

- Noam. J‘suis en première année.

L’autre entoura ses doigts autour de ceux du blondinet sans une hésitation, avec une force qui finit par arracher une petite larme à Noam. Il répondit amicalement, mais sans plus.

- Joshua. Première année aussi.

la pouissance des idiots et des arrogantes
#E6E6FA

21 août 2018, 09:55
 I.1  Göttingen, Through the years
14 décembre 2027

C'était long. Atrocement long. Si la plupart des cours à Göttingen étaient plutôt intéressants ou avaient au moins le mérite d'être dynamiques et suffisamment animés, ceux d'Etude des Moldus étaient l'exception qui confirme la règle. Un blabla continuel, sans fin, et particulièrement fade. Nul. Sur la douzaine d'élèves assistant au cours, seuls deux avaient l'air d'écouter réellement l'enseignante. C'était tellement long que Grisha dormait - et ronflait - depuis une dizaine de minutes, étalée telle une flaque sur la table, ses cheveux traînant en serpillière tout autour de sa tête. Une belle image, soit. Noam esquissa un sourire en l'observant ainsi, avant de reporter son attention sur la feuille que gribouillait Joshua. Lui aussi, à moitié avachi, la tête appuyée contre son bras gauche, le droit s'agitant au dessus du parchemin. Les minutes passaient, Miss Ruetsch continuait à exposer tout un tas d'informations sur une certaine "électricité". Désintéressé, son camarade tira du bout des doigts sur la manche de son pull et désigna en silence une nouvelle feuille. Convaincu qu'il y aurait toujours plus d'intérêt dans les jeux sur papier que dans l'étude d'une ampoule à filament, le blondinet traça deux lignes horizontales, puis les croisa soigneusement de deux verticales, avant d'adresser un court signe de tête à son voisin de table. Pendant que Joshua traçait un premier rond dans la case en bas à gauche, Noam redressa une énième mèche lui tombant devant les yeux et dessina lui une croix dans celle du centre, avant de s'avachir dans la même position que son camarade. Tiens, c'était marrant, de voir le monde à l'horizontale. Grisha avait le nez tout écrasé contre le bois massif de la table. Son regard glissa jusqu'à la fenêtre. Un peu, un tout petit peu de neige cette année. Surtout de la pluie, plein de pluie. Nul. Déjà en janvier, le soleil pointait le bout de son nez et réchauffait les visages de quelques rayons traversant les fenêtres. L'herbe du jardin reflétait déjà un vert pomme, et semblait identique à celle d'un doux printemps. Le blondinet releva la tête un instant, le temps de vérifier la grille du jeu, puis plaça une seconde croix une fois que Joshua eut dessiné un petit rond. Prévisible, trop simple. Sauf si l'autre se plantait. Et Noam n'attendait que ça. Une victoire ne lui apportait rien, quoiqu'un peu de satisfaction ne pouvait pas faire de mal, de temps à autre. Un cercle dans la mauvaise case, et le King lui avait accidentellement ouvert la voie. Il plaça sa dernière croix avec une certaine satisfaction - alignement parfait - avant de souffler, amusé, à l'oreille de Josh :

- T'es nul.

Ce à quoi l'intéressé répondit par un grognement amical, avant de tracer lui-même une nouvelle grille de morpion du bout de son stylo bille.
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Assis sur son lit, Noam se pencha pour ouvrir le tiroir du haut de sa commode et récupérer son pyjama. En pilou-pilou, haut à manches longues, décoré du dragon gallois, pantalon constellé de petits dragonnets, plutôt confortable, et surtout, il tenait bien chaud. Parfait pour l'hiver, donc. Il se tortilla de gauche à droite pour retirer le t-shirt et le pull qu'il avait porté toute la journée, dévoilant son petit torse blanc de pré-adolescent, puis enfila rapidement sa tenue pour dormir sans même prêter attention aux autres garçons éventuellement présents dans le dortoir. Mais non, il n'y avait personne. Une soirée tranquille en perspective. Si habituellement six adolescents dormaient dans chaque chambre, celle qu'occupaient Noam et Josh était presque vide pour la soirée : tous jouaient aux cartes dans la salle commune. Le blondinet se réjouit d'avoir la pièce pour eux seuls, satisfait de pouvoir enfin discuter avec Josh à l'abri des oreilles indiscrètes. Erwan Körtz passa furtivement la tête et le poignet par la porte pour allumer le poêle, avant de disparaître à nouveau dans le couloir. Joshua fit irruption quelques minutes plus tard, amenant avec lui un senteur de gel douche à la verveine. Tout sourire, il bondit sur son lit, voisin de celui de Noam, et tendit à son camarade un sachet de Patacitrouilles.

- T'en veux ?

Sans même prendre la peine de répondre, le blondinet piocha une poignée de confiseries qu'il déposa sur sa table de chevet, avant de croiser ses jambes en tailleur. D'un calme Olympien, il entreprit de grignoter les contours du biscuit fourré à la citrouille en attendant que Joshua termine de s'enrouler dans sa couette. Une fois chose faite, il engagea la conversation.

- Dis Josh...

Il avait en tête un nombre gargantuesque de sujets à aborder pour une soirée blabla tranquille dans le dortoir, il pouvait parler de tout et de rien. Sauf d'histoire. Ça, Joshua détestait. Vraiment. Du coup, Noam en discutait avec Isaac. Lui, c'était une vraie encyclopédie, mieux qu'un dictionnaire, il savait tout sur tout, avait réponse à tout. Mais le problème avec Isaac, c'était qu'il ne savait pas trop rigoler. Vachement coincé, comme garçon. Enfin bref, pas le moment de songer. Noam choisit finalement un sujet qui l'amusait toujours et, affichant un sourire en coin, il se risqua à demander :

- Pourquoi tu regardes tout le temps la copine de Grisha ?

L'intéressé ouvrit la bouche en o, comme un poisson, puis la referma aussi sec. Le blondinet observa avec satisfaction ne rose monter aux joues de son ami. Touché. Les filles et Josh, c'était un sujet sensible, très sensible. Alors quand Noam remarquait le béguin de l'autre pour une de leurs camarades - Joshua était tout sauf discret aussi, de sa faute après tout - il ne se privait pas pour étaler le sujet. Pour cette raison qu'il balbutia et buta sur les mots pour répondre timidement.

- Je, euh, elle... elle est vraiment jolie tu trouve pas ?

Noam réprima un petit rire nerveux pour ne pas vexer son camarade. C'était discutable. Vraiment discutable. Elle était gentille, ça oui, elle partageait toujours ses chocogrenouilles, et donnait toujours ses cartes à Noam. Et sa maman dirigeait la branche allemande des Fondants du Chaudron. Un truc cool. Mais jolie... c'était une fille quoi. Rien de plus. Petite, brune, elle avait peut-être ces yeux bleus que les moldus aimaient tant donner à leurs héros, mais c'était tout.

- J'sais pas, j'trouve pas moi. Il marqua une pause, le regard flou, semblant perdu. C'est juste une fille, Grisha est bien plus jolie.

Joshua répondit du tac au tac, sans aucune hésitation, avec un sérieux à toute épreuve

- Mais Grisha a...

- Un caractère de cochon. compléta Noam.

Si jusque-là leurs regards étaient rivés sur le plafond boisé du dortoir, il suffit d'un seul croisement pour déclencher un fou-rire. Noam, il aimait bien cette complicité. Il y en avait toujours un pour finir la phrase de l'autre, et leurs esprits semblaient s'accorder suffisamment bien pour qu'ils choisissent les bons mots. Joshua, c'était un autre lui-même, à la fois complètement différent et purement identique.
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Minuit une. Les treize bougies allumées dans le noir de la salle commune s'éteignirent simultanément, laissant la pièce éclairée par la lune seulement, pendant qu'une dizaine de voix célébraient un an supplémentaire à Josh. Il flottait désormais un mélange d'orange et de miel, ponctué de cannelle, un mélange réconfortant. Dans la pénombre, Noam tendit un paquet à son autre lui-même, qui le reçut avec un sourire éclatant. Après l'avoir ouvert, le King se précipita pour étreindre de toutes ses forces le blondinet en articulant un "Merci".

la pouissance des idiots et des arrogantes
#E6E6FA

25 août 2018, 02:31
 I.1  Göttingen, Through the years
Assis bien confortablement sur une chaise de la salle commune, Noam laissait glisser son archer sur les fines cordes de son violoncelle. Les notes n'étaient pas parfaites, mais résonnaient tout de même plutôt joliment entre les quatre murs de la pièce. Un petit moment de plaisir sans mots, seulement des notes, des accords. Lui, dans sa bulle, avec son violoncelle, avant d'être rejoint par deux autres instruments : un accordéon dynamique quoi qu’un peu maladroit, et une guitare sûre et douce. Le premier était manipulé avec ardeur par une fille, petite, toute petite malgré son âge, cheveux blonds parsemés de brun relevés en un chignon négligé dont quelques mèches s’échappaient, petites lunettes rondes grossissant ses minuscules yeux noisette, encore en pyjama, vieux t-shirt de Dominique Grange qui s’étendait jusqu’à ses genoux. Noam l'appréciait. Un peu. Beaucoup. Une camarade du quotidien, un Joshua féminin. Elle était plutôt douée, mais gâchait toujours tout en
pressant le pas, en refusant de prendre le temps. Quoique son caractère grognon l'aie repoussé plus d'une fois, ils s'entendaient à merveille ou passaient leurs journées à se taper dessus tels des enfants d'école primaire. Comme frère et sœur quoi. L’autre joueur, c’était un garçon bien plus âgé, presque toujours installé dans le vieux canapé. Barbe naissante, cheveux bleu pastel - couleur étrange mais qui se mariait tout de même bien avec son caractère -, il dépassait les trois autres d’une tête ou plus. Assis sur le rebord de la fenêtre, partition en main, Josh quant à lui écoutait le trio sans un mot. En silence, il écoutait la valse. Lorsque résonnèrent les dernières notes de la mélodie, il descendit doucement de son perchoir. Le blondinet releva la tête vers son ami, quelques mèches blondes et ondulées devant les yeux, puis entreprit de ranger son instrument, plutôt satisfait de sa performance. Il n'était sûrement pas des plus talentueux, mais arrivait à s'en sortir. A peu près. La toute petite sorcière s’avachit sur le sofa aux côtés du presque adulte aux cheveux pastel. Ce dernier prit rapidement la parole, résigné à commenter le dernier morceau.

- Grisha, plus doucement, moins vite, c’est une valse, pas une chanson d’hard rock bordel, commença-t-il avec un léger ricanement.

Il était sympa, Luther. La plupart du temps conciliant, il était rare qu'il perde son calme. Le grand-frère de Göttingen.

- Noam c’est pas mal du tout, tu joues de mieux en mieux. Sincèrement.

L’intéressé rosit sous l’effet du compliment, déclenchant au passage un petit rire moqueur de la part de Joshua. Le géant esquissa un sourire et continua.

- Essaie juste de détendre un peu tes bras, tu vas voir ça ira tout seul.

Luther connaissait tout ce qu'il fallait savoir d'un point de vue musical. Tout. Il était capable de replacer tous les courants musicaux sur une frise chronologique, de citer les plus grands compositeurs comme de parfaits inconnus, de passer des heures à travailler sur un morceau, et surtout, il maîtrisait une demi-douzaine d'instruments, dont le violoncelle. Et pour ça, Noam l'admirait. Même si ce don pour la musique s'était bâti au détriment de ses capacités scolaires. Dommage. Fatiguée, Grisha soupira, leva les yeux au ciel, avant de se relever pour se saisir de nouveau de son accordéon.

- On change de morceau ? S’vous plaît ! La valse quoi, j’sais que c’est joli, mais c’est leent. railla t-elle.

- Ouais, j’en ai marre de vous écouter, j’veux chanter moi. Pas des chansons en allemand hein, ras-le-bol. J’veux chanter de l’anglais, du français, de l’espagnol, bref. ajouta Joshua avec enthousiasme, s'avançant vers le groupe.

Noam haussa les épaules. Du moment qu'il pouvait jouer, tout lui convenait. Absolument tout. S'adressant au King, il demanda :

- Tu me file la contrebasse s’te plaît ?

Joshua acquiesça et traversa la salle d’un pas de lourd, se saisit de l’objet sans aucun mal, puis le remit au blondinet, qui s’en empara - non sans difficultés, c'était là un instrument bien lourd pour son petit corps d'adolescent - après avoir posé derrière sa chaise le vieux violoncelle. Luther se leva pour s'étirer, avant de répondre calmement à Grisha et Joshua.

- Ok. Du français alors. Sans la nommer ?

- Oui chef, oui. Répondent en cœur les trois autres.

Soupir. Énième soupir du garçon aux cheveux pastel à la fois exaspéré et amusé par les plus jeunes.

- Pas chef. J’m’appelle Luther bande de gosses.

- Oui Martin ! lança en ricanant Joshua.

Blague lourde et répétitive pour le pauvre Luther, mais qui arrachait toujours un rire nerveux au quatuor. Calmement, tous prirent place dans la petite salle : Noam au fond, Grisha sur le fauteuil, Luther debout, ils formaient un arc de cercle un peu bancal autour de Joshua, lui au centre. Le blondinet entreprit de se positionner correctement, debout, tenant fermement le manche de son instrument. Pas question de laisser tomber sa précieuse contrebasse. Les pieds bien ancrés dans le parquet, il attendit le bon accord des deux autres pour commencer. Entamant lui aussi une mélodie au rythme basique, simples pincements des cordes, suivant Luther et Grisha, et bientôt accompagnés par la voix incroyablement paisible de Joshua, il se laissait porter par les notes, pour finir par improviser légèrement, oubliant la partition. Un timbre s'accordant à la perfection avec les mots de Georges Moustaki. C'était un sans-faute pour Noam. Une grande première. Au beau milieu du refrain, la porte s'ouvrit sur Erwan Körtz, robe de chambre et pantoufles Boursouf's, tasse bariolée remplie de café en main. Il écouta attentivement tout le morceau, et, au dernier mot de Josh, il s'exclama tout en frappant dans ses mains :

- Bravo gamins ! Vous avez fait de beaux progrès en quatre ans. Chapeau les artistes.

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Plic ploc plic ploc faisaient les gouttelettes sur la peau nue de Noam. Assis dans la douche, jambes repliées contre son torse, bras autour, il écoutait calmement Josh, dans la cabine d'à côté, déblatérer sur la dernière "jolie" fille qu'il avait croisé. Celui-là, il était irrécupérable. Toujours à courir la plus belle, toujours à tenter de plaire à celle de son choix. Toujours. C'était souvent amusant, parfois pathétique. Il s'était pris un bon nombre de baffes, le Josh. Surtout sur la joue droite. Elles aimaient bien sa joue droite, les filles. Du coup, on le voyait souvent débarquer le soir dans le dortoir, face rougie, après s'être pris un énième râteau. Au moins, il était persévérant, déterminé. Et toujours, il fallait qu'il parle de ses conquêtes. Pour ça, les douches était un endroit propice au bavardage. Une demi-douzaine de cabines alignées, aux parois en bois, où le son passait plus que facilement. Lorsque les mots de Josh continuaient de se déverser dans la pièce, les gouttes glacées martelaient de plus en plus fort le dos et les épaules de Noam, s'écoulant le long de son échine à une vitesse folle, descendaient sur ses jambes, pour se frayer un chemin entre ses orteils. Les yeux fermés, il bascula la tête en arrière, laissant l'eau s'infiltrer peu à peu dans ses cheveux blond paille et dégouliner sur son visage pâle. Une fois que Joshua eut terminé de parler, l'eau restait seule source de bruit. Jusqu'à ce qu'il brise à nouveau le silence, d'une toute petite voix hésitante.

- Dis, tu veux faire quoi après ton diplôme ?

Noam releva la tête et ouvrit les yeux, intrigué. L'eau continuant de couler le long de ses joues, il prit un instant pour réfléchir. Il n'en avait aucune idée. Vraiment, aucune. Il voulait tout faire, tout essayer. De la musique, de l'histoire, un peu de littérature, de photographie et d'archéologie, de journalisme, bref, les idées étaient trop nombreuses et changeaient si soudainement et si souvent qu'il préféra rester vague dans sa réponse. Après un hochement de tête inutile, il répondit, décidé.

- J'veux voyager.

la pouissance des idiots et des arrogantes
#E6E6FA

30 août 2018, 18:43
 I.1  Göttingen, Through the years
Pendant que Joshua jubilait dans les bras d'Abigahel, Noam voyait noir. Pas mal de noir, une jalousie mal refoulée, et une possessivité tout sauf discrète. Des deux garçons, Josh avait été le plus rapide, le moins délicat, le plus brut et direct, et pourtant celui qui avait atteint la cible en premier. A côté, Noam avait pris son temps, sympathisé, été doux et attentif... pour rien. Pure déception, dégoût, dont se dégageait une certaine haine fraternelle envers Josh. Rien à faire, il réussissait toujours tout, même avec les filles. Au plus grand désespoir du blondinet qui se contentait de suivre les aventures de son meilleur ami d'un air amer. Abigahel, elle avait tout pour plaire. Vraiment tout. Plutôt bonne élève mais pas trop - une première de la classe aurait laissé comme une impression d'infériorité intellectuelle à Joshua, lui qui sur ce point préférait de loin l'égalité - bonne amie, marrante, sportive, cool, populaire. Sur le plan physique, elle était comme ces mannequins moldues qui faisant désormais la une des magazines de mode. Une bombe. Et encore une fois, Noam était passé à côté. Imbécile. Du coin de l'œil, il observait encore et toujours le jeune couple assis sur l'unique banc du jardin, sur la rive de l'étang. Joshua, il avait encore ce sourire niais et stupide, comme si Abigahel lui avait bouffé la cervelle pendant que lui la dévorait du regard. Ce sourire qui foutait la gerbe à Noam à chaque fois qu'il l'apercevait. Imbécile aussi, Josh. Attristé, le visage fermé, le blondinet s'était à nouveau perdu dans la contemplation de la fille lorsque s'éleva dans son dos la voix raillarde de Grisha.

- T'as fini de les regarder comme ça ? A ce stade là c'est presque du voyeurisme.

Noam tenta de l'ignorer complètement et demeura immobile. Le soupir de l'adolescente parvint à ses oreilles mais ne déclencha aucune réaction, du moins, pas extérieurement. Il donnait tout ce qu'il avait pour ne rien laisser paraître. Tout. Parce qu'intérieurement, il fulminait. Il aurait voulu fondre en larme, se précipiter sur Joshua et le frapper, le traiter de tous les noms, le pousser dans l'étang et foutre une belle claque à Abigahel. Mais c'était son ami. Son meilleur ami. Alors il se retenait. Dans ce que Noam voyait comme une légère exaspération, Grisha s'assit en tailleur dans l'herbe à côté de lui. Elle souffla une bouffée de fumée - du tabac sûrement, à l'odeur - avant de reprendre la parole en tapotant l'épaule du blondinet de la main gauche. Un instant, Noam voulut lui hurler qu'il n'était pas un gamin et qu'il n'avait pas besoin d'une maman poule. Et puis il ne dit rien. Avoir Grisha à côté de lui, l'entendre parler, ça lui faisait un bien fou.

- Allez, dis-toi que si t'étais une meuf je serais sortie avec toi plutôt qu'avec Josh.

Elle marqua une pause, puis écrasa sa cigarette sur sa semelle gauche. Noam n'avait pas bougé d'un pouce, simplement reporté son regard sur les plants de camomille qui ornaient les rives de l'étang. Il avait toujours la rage. Qu'est-ce qu'il devait faire pitié. Joshua réussissait toujours tout, lui rien. Il était juste nul, naze, pathétique. Catégorique, Grisha reprit.

- Et puis elle est pas exceptionnelle votre Abigahel. Elle est banale, aucun intérêt. Vous embrouillez pas pour une fille, je t'interdis de niquer cinq ans d'amitié pour ça. Ou j'te promets que j'irais tout raconter à Erwan au prochain cours d'astro.

la pouissance des idiots et des arrogantes
#E6E6FA

03 sept. 2018, 22:56
 I.1  Göttingen, Through the years
Noam dévala les marches de l'escalier tournant qui reliait le deuxième étage au premier et traversa à toute vitesse la mezzanine jusqu'aux portes déjà ouvertes de la bibliothèque. Il ralentit le pas de sorte à pénétrer en silence dans la pièce, se refusant à perturber le calme ambiant. Il s'avança d'une dizaine de pas, contourna une étagère pleine à craquer, puis une autre, jusqu'à atteindre le bureau du bibliothécaire où l'attendait Erwan Körtz. Noam posa les deux mains à plat sur la table en bois massif, et l'enseignant lui tendit un ouvrage épais à couverture blanche où était inscrit le titre en grosses lettres grises.

- Tiens. Tu me le passeras quand tu auras fini de le lire, j'aimerais bien faire de même.

L'adolescent hocha la tête en souriant et ajouta, confiant.

- Yep. T'façon j'devrais pas mettre trop de temps, normalement tu l'auras large avant samedi.

L'enseignant sourit à son tour, et, alors que Noam s'éloignait déjà, bouquin sous le bras, il haussa le ton et lança :

- Évite de lire en classe s'il-te-plaît. On est plutôt laxistes dans le genre, tu le sais parfaitement, mais bon, n'abuse pas.

Erwan Körtz soupira, sachant d'avance que ses paroles allaient entrer par une oreille de l'élève et ressortir l'instant suivant par l'autre. Noam prit la direction de l'escalier le plus proche, et descendit bruyamment les marches en bois menant au rez-de-chaussée. Il traversa le hall, manqua de trébucher sur le tapis, et entra finalement dans la salle à manger presque vide. Après s'être installé à la grande table, il se servit en légumes et charcuterie, attrapa à bout de bras un petit pain et le pichet de café, et entreprit de lire les premières pages de How the World Works. Une bonne heure plus tard, Noam toujours plongé dans son bouquin, un visage intrigué se pencha au-dessus de son épaule et demanda d'une voix encore endormie :

- C'est de qui ?

L'adolescent se retourna vivement, surpris, avant de lever les yeux vers le visage. Josh, évidemment. Il marmonna un "ah c'toi." avant de répondre calmement.

- Noam.

Il hésita, avant d'ajouter, la voix teintée d'ironie.

- L'autre.
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Seize, barreaux à la cage, ni plus, ni moins, se dessinant à travers le fin tissus la recouvrant. Noam se saisit de ce dernier du bout des doigts et tira dessus, découvrant une créature blanche et plumée. L'adolescent retint un cri de surprise, avant de faire volte-face, puis se précipita dans les bras de ses trois compagnons, tel un enfant dans ceux de sa mère.

- Il s'appelle Chomsky.

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