Inscription
Connexion

05 sept. 2018, 00:44
Les Acrobates  Solo 
Avril 2041
Naples, Italie


Image
I. CAMILLE
Camille, c'est une fille joyeuse, énergique, sociable, drôle, gentille, une amie parfaite et, entre autres, moi.


J'aime bien aller chez Lyn. Une maison moyennement grande, avec un étage, une vue sur la mer depuis la fenêtre de sa chambre. Mon appartement à moi n'est pas du tout bien placé pour ça. Chez elle, il y a un grand jardin avec des balançoires, et puis un grand arbre et beaucoup de fleurs. Comme j'habite en appartement j'ai pas de jardin. Donc chez elle, c'est cool. Et puis, j'aime bien aller chez elle parce qu'il y a ses parents qui sont très gentils, son frère qui est un zouave adorable, et ses chats que j'aime trop. Puis bon, j'aime bien aller chez elle parce que c'est une amie quoi. Une très bonne amie même. Je suis la meilleure amie de Lyn à vrai dire, c'est elle qui me l'a dit. Moi j'ai plusieurs amies et je fais pas de classement entre elles mais c'est chez Lyn que je vais le plus souvent. Comme aujourd'hui.

Mes parents me laissent aller toute seule chez elle, depuis le début de l'année. En même temps elle habite pas loin, à quelques rues de chez moi seulement. Et je suis grande ! J'ai 12 ans, je suis à la scuola media alors que l'année dernière j'étais encore à la scuola primaria. Lyn, elle, n'a que 11 ans, et elle aura 12 ans en décembre, dans longtemps. Moi je suis née le 5 janvier 2029 et elle le 29 décembre de la même année donc forcément on a beaucoup d'écart. C'est marrant que la plus jeune se lie d'amitié avec la plus vieille de sa classe. Parfois elle aime bien dire qu'on a que sept jours d'écart alors que c'est pas vrai.
J'ai pris toutes mes affaires pour dormir chez elle, et en arrivant je dois appeler chez moi pour prévenir mes parents que j'y suis. Il va rien m'arriver mais ils sont toujours inquiets, ceux-là. Bref. Je tourne une dernière fois et je suis dans sa rue. Sa maison est la quatrième à droite, au numéro 8. Il y a une haie pas très haute et un portillon de bois au centre. Et juste derrière, son grand jardin, une allée de pavés en travers, et au bout, sa maison, avec des murs blanc et du lierre qui court dessus, sur la partie gauche.
Comme d'habitude, je n'ai pas eu besoin de sonner. Lyn guette toujours par la fenêtre, et quand elle voit ma tête dépasser de la haie, elle ouvre sa porte d'entrée et accourt pour m'ouvrir le portillon. Cette fois n'était pas différente des autres, je l'ai vue trottiner sur l'allée, un grand sourire aux lèvres. Quand on la voit parfois, dans la cour de récréation, plongée dans un bouquin, l'air ultra concentré et surtout balançant un regard de reproche à quiconque la dérange, on ne dirait pas qu'elle est capable d'être aussi radieuse. Tout le temps fermée, celle-là. Je n'ai même pas essayé de lui présenter quelques amies, je sais qu'elle n'en a pas envie. Du coup je l'ai un peu pour moi toute seule et ça me plaît (si on compte pas sa famille bien sûr).
Nous nous sommes saluées d'un "Salut !" parfaitement synchronisé (même si le mien était plus énergique, d'abord), et nous avons avancé jusqu'à passer la porte d'entrée. Là, Esteban m'a sauté dessus avec un grand sourire, et ne m'a même pas laissé le temps d'enlever ma veste.

– COUCOU ! Tu viens jouer dans l'jardin ? Comme d'habitude en fait. Enfin, j'ai l'impression qu'il a grandi quand même, la dernière fois il était resté accroché et ne m'avait même pas dit bonjour. C'est sa manière de dire qu'il a hâte de jouer avec moi, je suppose.
– Coucou toi ! J'arrive, j'arrive, deux secondes ! Deux secondes, le temps de saluer les parents de Lyn et de poser mes affaires, donc un peu plus que deux secondes. Amelia a passé la tête par la porte de la cuisine, et j'ai aperçu Thomas à côté d'elle, probablement en train de préparer quelque chose. Je me suis dirigée vers eux, Amelia m'a dit bonjour avec un grand sourire et aussitôt, Thomas s'est retourné et a fait de même. Et moi aussi, et puis j'ai filé aussitôt dans les escaliers, Lyn à ma suite, et j'ai cherché où poser mes affaires dans son antre.
Sa chambre est assez spacieuse mais elle la partage avec son frère, ce qui fait deux fois moins de place par personne. Par contre il y a des jouets partout, qu'ils appartiennent à l'un ou à l'autre. Lyn a poussé quelques figurines et kaplas avec négligence, puis j'ai posé mes affaires là où elle avait dégagé un petit espace pas trop au milieu du passage. Après quoi, elle est partie sans prévenir et a dévalé les escaliers comme si elle avait un dragon aux trousses. Je l'ai poursuivie en rigolant, et nous sommes sorties dans le jardin, où le petiot de six-ans-et-demi-presque-sept nous attendait déjà, bras croisés, nous regardant d'un air insolent. Je lui ai tiré la langue, lui aussi, et il n'a pas eu le temps de faire une autre grimace que Lyn lui sautait dessus et le faisait tomber dans l'herbe.

– Bon on fait quoi ? Quand Lyn posait cette question, elle n'avait même plus besoin d'ajouter quoi que ce soit. Les propositions étaient nombreuses, et je les connaissais toutes. Balançoire, escalade dans l'arbre (mais ça aurait impliqué que son frère ne puisse pas venir, ses parents lui interdisaient, parce qu'il était trop petit), cache-cache, jeux divers et variés dans l'herbe, etc. De toute manière, je savais aussi que quoi qu'il en soit je n'aurais rien besoin de dire.
– On fait un chat c'est pas moi l'chat ! Et Esteban est parti aussi sec en courant. J'ai poussé un petit soupir, puis je suis partie en courant moi aussi, faisant comprendre à Lyn que c'était elle le chat. Je savais d'avance que je me ferais pas toucher, je cours bien plus vite qu'Esteban et elle préfère taquiner son frère. Mais étonnement, quand je me suis retournée, c'est derrière moi qu'elle se trouvait. J'ai accéléré, profitant de mes quelques années d'athlétisme pour la distancer un peu, puis je suis montée debout sur la balançoire, avec un petit sourire narquois. J'étais perchée, en sécurité, intouchable. Devant son air dépité, je n'ai pu que sourire encore plus, dévoilant mes dents, et j'ai commencé à me balancer d'avant en arrière sur la planche de bois. D'abord doucement, puis en accélérant. Lyn a fait une moue renfrognée.
– C'est pas juste. Tu dois descendre. Puis elle s'est éloignée, soit pour me laisser le temps de courir loin, soit pour partir embêter son frère. En me balançant plus fort, j'ai commencé à sentir que je perdais un peu l'équilibre, et j'ai soudain eu une sorte de boule dans le ventre, pendant une seconde, jusqu'à ce que je retombe pour remonter ensuite. Je me sentais vulnérable, même si j'étais protégée du chat. Je n'étais pas à l'abris de la gravité et je n'avais pas l'habitude d'être debout sur une balançoire.
Mon équilibre s'est finalement rétabli. Lyn est revenue en courant, l'air contrarié en me voyant toujours sur mon perchoir. Mais apparemment, il lui avait fallu très peu de temps pour chasser l'autre souris. À sa suite, son frère a déboulé de derrière la maison, l'air déchaîné (ce n'était plus un chat mais un tigre, à ce stade), battant des bras devant lui comme s'ils allaient s'étendre pour toucher Lyn. Après m'être remise en place et avoir repris mon mouvement, je me suis imaginée quelques secondes sur un trapèze de cirque, en l'air, à la place d'une balançoire. Ça me faisait pas peur, j'ai pas le vertige. Mais ça m'impressionnait. Beaucoup plus haut. Plus dangereux. Mais pas exactement pareil, bien sûr. Seuls ce balancement d'avant en arrière et les cordes m'y avaient fait penser.

Lyn a dit quelque chose à Esteban, apparemment elle était outrée que je refuse de jouer et que je m'en fiche totalement d'être en train de faire de l'anti-jeu. Puis Esteban a haussé les épaules et est monté sur la deuxième balançoire, en maugréant quelques mots.
– Bon bah c'est toi qui as perdu alors. J'ai résisté à l'envie de le traiter de mauvais joueur pour le taquiner parce que je me doutais qu'il se vexerait ; mais à la place, j'ai continué mon balancement, pour lequel j'avais finalement adopté un rythme régulier et pas trop dangereux.
Une nouvelle fois, je me suis vue presque au sommet d'un chapiteau, suspendue par les deux bras à une fine barre, devant plein de spectateurs qui attendraient des figures et sauts impressionnants, ou bien ma chute. J'ai souri en pensant à la cruauté du public, que je projetais parfaitement en Esteban le petit diablotin. J'ai donné un petit coup d'accélérateur, ravie et fière de mon propre équilibre, puis une voix a tout cassé, me ramenant sur ma balançoire, mais semblant lire mes pensées aussi aisément qu'un bouquin.

– Eh. Tu vas finir par tomber. C'est ce soir, le cirque.
Dernière modification par Lyn Felix le 02 janv. 2019, 16:23, modifié 1 fois.

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry

27 sept. 2018, 19:51
Les Acrobates  Solo 
Image
II. ESTEBAN
Mes jambes me servent à bouger et mes bras me servent à manger. Et inversement.


Camille elle est cool mais parfois elle est méchante. Là elle a sabotagé notre partie de chat perché. Bon mais c'est pas grave parce qu'on va au cirque ce soir donc je suis content. On va voir... des jongleurs ! Et puis des fuban...fu-nambules. Et plein d'autres trucs, je crois. Lyn vient de me le rappeler. J'ai pas compris pourquoi elle avait dit ça à Camille alors que Camille faisait de la balançoire et pas du cirque. Les grands ils sont bizarres ils changent de sujet on sait pas pourquoi. Du coup j'ai répété "On va au cirque !" parce que moi aussi je sais qu'on y va. Je sais pas si Lyn l'avait dit à Camille mais de toute façon tout le monde le sait maintenant. Même les voisins parce qu'en fait j'ai crié, presque. Parce que je le sais plus que Lyn.
Papa et Maman ont pris des places pour tous les cinq, c'est une "troupe indépendante" ils ont dit. Du coup ils installent leur chapiteau là où y a de la place et ils repartent en tournée ensuite, et pendant qu'ils sont là on en profite. Je suis allé qu'une seule fois au cirque et j'étais petit donc je me souviens juste du jongleur et de l'énorme éléphant qu'il y avait. Ils m'ont pas laissé le droit de monter sur son dos mais c'est parce que j'étais trop jeune, c'est tout le temps pareil. Comme l'arbre du jardin où j'ai pas le droit de grimper jusqu'à je sais pas quand. Alors que les branches elles sont pas hautes. Et puis j'ai presque sept ans ! Mon anniversaire est dans... à peu près deux mois. Vu que c'est le 20 juin. J'ai hâte ! En plus le 20 juin c'est presque les vacances. Et les vacances c'est mieux que l'école.

Comme on continue pas le chat, Lyn s'est dirigée vers l'arbre et s'est assise sur la branche la plus basse. Elle fait tout le temps ça, souvent avec un livre dans les mains. Elle lit des trucs où y a pas d'images, c'est horrible. Que du texte partout, c'est triste et fatiguant. Parfois y a même pas d'image sur la couverture. Moi je sais lire mais je frime pas avec des gros livres comme ça. Camille la rejoint sur la même branche, elle est hyper rapide ! Je crois qu'elle fait un peu d'escalade. Et plein d'autres sports, Lyn m'a dit que sa copine était sportive donc je suppose qu'elle passe tout son temps à taper dans un ballon ou à faire des pompes (bon c'est faux je sais que c'est pas possible parce qu'elle va à l'école aussi donc elle peut pas faire tout ça, je suis pas bête).
Alors je les suis. Je vais au pied de l'arbre, et j'essaie de grimper. De toute façon je sais comment on fait, mais j'ai juste pas le droit. Camille me fait un grand sourire, et elle me dit :  Alors tu tentes la grimpette ? J'croyais que t'étais trop petit ?
J'suis pas petit, enfin si mais c'est parce que je suis jeune. Ma sœur elle est vieille et petite par exemple. D'ailleurs elle me lance un regard que je connais bien, celui qui dit "attention, t'as pas l'droit et si les parents t'voient t'es mort", sauf que ce regard ça m'fait rien. Je la regarde dans les yeux avec un sourire "effronté" comme Maman me dit parfois. Je sais qu'elle va rien leur dire, et je sais aussi que si je suis puni elle sera contente de me dire "tu vois j't'avais prévenu". Sauf que vu qu'elle est témoin oculaire de mes faits et gestes, elle a aussi sa part de rebonsp.. resbon.. de faute. C'est toujours comme ça. "On joue pas dans la même équipe mais on doit quand même coopérer", c'est ce qu'elle m'a dit (et qu'elle m'a appris à écrire parce que je voulais l'écrire parce que j'aimais bien) il y a quelques mois quand jesaisplusqui avait fait une bêtise je crois. J'ai vite oublié le pourquoi du comment.
- C'est même pas haut d'abord, j'peux parfaitement monter.
- J't'ai à l’œil ! Mon cher frère. Elle est marrante quand elle me dit ça façon princesse. Enfin je sais que c'est de l'ironie, elle m'a dit ça plusieurs fois. Mais elle m'aime bien quand même parce que je suis son frère avec ou sans ironie.

J'ai réussi à monter sur la branche ! C'est pas la même que celle des filles, c'est une qui est un peu plus haute mais pas beaucoup. Je vois que Lyn me surveille en tout cas. Elle est trop stressée, j'vais pas tomber. Je m'avance un peu sur la branche, m'éloignant du tronc, et de Lyn et Camille en même temps. Je m'agrippe très fort à la branche, je commence à avoir un peu peur de tomber. Mais je le montre pas parce que sinon Lyn va me dire de descendre.
Il s'écoule quelques secondes, et Lyn me quitte pas des yeux. En fait c'est énervant de rester là sans rien faire. Je voudrais monter plus haut, c'est nul de juste être assis sur une branche. Y s'passe rien. J'vais descendre. Comme ça Lyn sera contente et je serai pas puni.
Je peux même pas sauter depuis la branche parce que je vais me faire mal.
Alors je pose mes mains sur la branche et je lâche une jambe dans le vide. ("T'as peur ?") Nan je m'ennuie juste. Sauf que l'écorce me fait mal (je risque d'avoir des écharpes à cause du bois) et j'ai envie de lâcher aussi les bras.
- Ah !

J'suis pas tombé. Enfin si mais je me suis pas fait mal, je suis atterri sur les pieds, bien par terre. Je suis trop fort ! J'ai cru que je perdais l'équilibre mais finalement non. Juste à côté, ma sœur doit en avoir marre aussi de rien faire, les jambes pendantes. Je l'entends qui dit, tout de suite après mon saut : Eh, ça vous dit un cache-cache ? Camille, tu comptes jusqu'à 100 ?
Et puis elle rigole, elle descend et elle m'embarque par le bras en courant.
- Non mais ! Pff même pas le temps de discuter, avec vous deux... !
Elle se tourne vers l'arbre, la tête entre les bras, et je l'entends commencer. 1. 2. 3...
Elles sont bizarres aujourd'hui, Camille et Lyn. Mais j'ai pas le temps de m'ennuyer, c'est cool.

Lyn m'emmène jusqu'à la maison, elle marche vite.
- On est pas censé se cacher pas au même endroit ? Elle me répond même pas, elle continue à marcher.
- Mamaaan ? Elle veut quand même pas me faire punir ! Méchante ! On arrive dans la cuisine, puis je sens qu'elle va parler de moi. Je crois que si j'avais pu la détinzégrer rien qu'avec mes yeux, bah elle serait plus là. Je peux même pas lui mettre un coup de pied vu que Maman et Papa sont tournés vers nous.
- J'crois qu'euh... Esteban a fait d'la magie. Genre là, y a trente secondes. Comme ça.

Ah ouais ? Trop classe.

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry

23 nov. 2018, 21:31
Les Acrobates  Solo 
ImageImage
III. AMELIA & THOMAS
25% cuisiniers, 65% éducateurs, 30% chauffeurs, 15% coéquipiers, 45% surlepointdecommettreuninfanticide, 90% mangeurs de chocolat, 100% super-héros. Bénévoles à plein temps.


[AMELIA]
Je sais pas si je dois sourire ou péter un câble. Non mais franchement. Prenez une minute, et imaginez que vous avez une vie parfaitement normale, à ceci près que vous vivez avec un type qui fait des étincelles avec un bout de bois, qui peut se téléporter, et qui en vous disant "Mmh ? Ouais. Magie." détruit une bonne partie de ce que vous pensiez savoir, et tout ça le plus naturellement du monde, pendant qu'à côté de ça, des milliers d'enfants ont le cœur brisé parce qu'on leur fait croire exactement le contraire. Vous suivez ? Bon, ajoutez à cela que vous êtes mère de deux gosses qui sont voués à devenir des David Copperfield comme leur papa. Ça, c'est ma vie à la maison. En dehors de ça, je suis seulement professeure en collège, c'est-à-dire que je combats une armée de Gremlins huit heures par jour. Okay j'exagère peut-être un petit peu. On s'y habitue, et ça devient ce qu'on appelle communément la routine. Mais dans les premières années c'est un combat de tous les instants.
DONC. Quand ma fille arrive avec mon fils et qu'elle me dit qu'il a fait de la magie, c'est quoi, ma première réaction ? "Chouette, un collégien moldu de moins !" Pas du tout. Je sens venir les petits accidents avec les draps brûlés par mégarde, l'arbre déraciné mégépaféexprès, ou encore "la maîtresse a disparu en plein milieu du cours donc j'ai fini en avance !". Cauchemar en approche bonjour. Et puis quand Thomas me raconte ses aventures à Poudlard j'ai du mal à croire que ce soit un établissement aussi sécurisé qu'on le dit. Les cours de vol, typiquement, ça n'a pas l'air hyper safe. Malgré tout, faisons bonne figure. Après tout, c'est comme les premiers mots de mon fils, c'est toujours un peu émouvant. J'opte donc pour un sourire, absolument sincère. Mais je suis un peu inquiète aussi, comprenez.

– Vraiment ? Je regarde Lyn puis Esteban, ne sachant pas vraiment quoi faire. C'est pas moi la sorcière ici, pourquoi c'est à moi qu'on s'adresse d'abord hein ? Bravo mon chéri ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? J'espère que tout va bien... ?
Je jette un petit coup d’œil par la fenêtre, mais la maison des voisins est toujours debout. De toute façon Lyn n'a pas l'air plus inquiète que ça, donc je présume qu'il ne s'est rien passé de grave. Quant à Esteban, comme d'habitude, il a pas trop l'air de comprendre. Heureusement, la grande m'éclaire assez rapidement.
– Bah... Juste qu'il est tombé de l'arbre et euh... c'était bizarre en fait il... s'est accroché à des petites branches qui étaient pas là juste avant. Fin chais pas comment dire mais voilà.
Okay... Bizarre, c'est le mot. Le truc quand on vit dans une famille comme ça c'est qu'on commence à voir de la magie partout. On devient parano, complètement. Thomas, lui, il est hyper détente, mais c'est facile quand on a vécu toute sa vie avec la magie comme une évidence.
– Bon, Camille a vu ? Elle est où ? Lyn me fait non de la tête et Esteban bondit.
– Elle compte, on fait un cache-cache ! Je vais aller à Poudlard avec toi Lyn ?
La première chose dont il se préoccupe... Et Thomas il m'aide pas hein. Pas besoin de me retourner pour savoir qu'il est en train de se marrer en silence en me voyant galérer.
– Quand t'auras onze ans mon loulou. Bon on en reparlera plus tard, retournez jouer, pour le moment. Allez zou !

Après leur départ, je me retourne vers Thomas, qui éclate de rire. Ben voyons.

♪♫♪

[THOMAS]
Oui bon. C'était drôle à voir quand même. Je note que j'ai beau être le plus qualifié niveau magie, on m'a rien demandé, hein. Quand même, je suis fier de mon petit bambin. Un nouveau sorcier dans la famille, un futur Poudlardien ! C'est la seule chose à laquelle je pense pendant que je retourne à mes carottes. Dans quelle maison il pourra bien être ? Je le vois parfaitement bien à Gryffondor, peut-être son côté casse-cou, ou un je-ne-sais-quoi. Ça lui irait bien, d'une certaine manière. Ou alors Poufsouffle, comme moi. Là aussi je me l'imagine bien. Fin bon, il a le temps de grandir et de changer. Là, c'est surtout pour Lyn que je fais des pronostics, elle a eu sa lettre y a quelques mois et on se rapproche doucement du moment où elle devra faire ses bagages. Même si ça me désole un peu, je suis content pour elle. Je me souviens de la joie que j'avais eue en découvrant Poudlard, les cours... Puis même avant ça, le Chemin de Traverse ! Et ma baguette ! Un grand moment ! J'ai hâte de savoir dans quelle maison elle ira. Peut-être même plus qu'elle - ou alors elle cache bien son impatience.
J'avoue que plus les jours passent, moins j'arrive à formuler des hypothèses (rassurez-vous je n'y pense pas non plus tous les jours hein). L'excitation, puis aussi le doute. Au début, j'étais persuadé qu'elle serait Poufsouffle, comme moi. C'est même vraisemblable. Mais comme m'a fait remarquer Amelia à de multiples reprises, y a des trucs qui collent pas. Elle s'y connaît limite aussi bien que moi en maisons de Poudlard maintenant tellement je lui en ai parlé. Elle, elle voit Lyn à Poufsouffle ou à Serdaigle. Plus à Serdaigle en fait. À un moment elle avait même envisagé Serpentard mais franchement ça m'étonnerait. La maison des érudits, après, pourquoi pas. Mais elle aime tellement pas l'école... Ça ferait bizarre. Enfin, nous serons fixés en septembre !

– Les enfants ! C'est prêt, à table ! Et hop, on mange ! Camille est enthousiaste, comme d'habitude. Les trois gosses discutent de leur partie de cache-cache, se relatant les meilleurs moments. Quand Esteban est passé trois fois devant Camille sans la voir. Quand Lyn a camouflé Esteban, se "sacrifiant" pour lui. J'écoute que d'une oreille, mais ça fait plaisir d'avoir un repas aussi animé. On pose quelques questions à Camille sur comment ça se passe à l'école, dans sa famille, etc. Bref, le repas se passe sans encombre, agréable et rempli de carottes épluchées avec amour par moi-même.

– Allez, filez vous préparer, on met les voiles dans dix minutes ! Et après, le cirque. C'était censé être une surprise au départ puis bon, fallait proposer à Camille ensuite, ça a un peu fuité, mais peu importe. Ça sera sympa comme spectacle je sens. Ça leur plaira. Puis à Amelia et moi aussi, au passage.

♪♫♪

[AMELIA]
J'espère qu'Esteban saura se tenir... Déjà qu'il a un peu de mal en temps normal, mais si on rajoute la découverte de ses pouvoirs, il risque de se prendre pour un super-héros. Et, par exemple, s'imaginer qu'il peut faire la même chose que les professionnels qui seront sur scène. Du genre marcher sur un fil. Éviter des couteaux. Faire des pirouettes. Je ne remets pas en doute ses talents mais... voilà, quoi. Enfin, a priori, tout devrait bien se passer. Mais je peux pas m'empêcher de pressentir le pire.

Le cirque n'est pas loin, on s'y rend à pied. Les enfants sont devant, trottinant et se taquinant, et Thomas et moi fermons la marche, surveillant ce petit monde. Le plus drôle c'est de voir Esteban courir en avant, bras écartés comme s'il volait, puis se retourner et nous attendre, mains sur les hanches, essoufflé. Camille l'interpelle en rigolant.
– Tu vas finir par renverser quelqu'un, monsieur l'oiseau !

On arrive au bout d'une quinzaine de minutes, billets en main, et entrons rapidement sous le chapiteau. Il y a encore beaucoup de places libres, nous n'avons aucun mal à trouver un endroit où s'asseoir tous les cinq, tout en ayant une bonne vue sur la scène.

♪♫♪

[THOMAS]
Ça va commencer d'ici quelques minutes. Je vérifie que les enfants sont bien installés. Camille trépigne d'impatience, tout comme Esteban, à côté d'une Lyn plus mesurée. Je leur adresse un sourire et je hausse les sourcils. Je me penche vers eux et leur chuchote :
– Si le lanceur de couteaux vous propose un numéro avec lui, dites oui, c'est votre chance de faire carrière dans le cirque !
Ils sourient franchement, et Esteban renchérit, comme je m'y attendais.
– Et même que je vais me porter volontaire pour me faire découper en deux dans la boîte ! Bon ça c'est dans les tours de magie, pas sûr que nos amis les acrobates s'amusent à ce genre de blague. Mais c'est qu'il est courageux ce petit. Je lui mets la main sur l'épaule avec un air solennel, et je suis devancé par Lyn qui prend une voix sérieuse.
– "Je suis fier de toi, fils." Voilà, exactement. Esteban essaie de gonfler la poitrine, avec orgueil. Il essaie.
Camille lui tape doucement sur la tête, la lumière est en train de s'éteindre au-dessus de nos têtes.

Ça va commencer.

♪♫♪

[AMELIA]
Ils s'amusent bien, à ma gauche... Fort heureusement, ils s'arrêtent tout de suite de discutailler et de glousser quand l'éclairage diminue dans les gradins.
Un premier artiste débarque au centre du chapiteau, affublé de vêtements rapiécés multicolores et d'un chapeau haut-de-forme. Trompette en main. Il joue quelques notes de fanfare, annonçant le début du spectacle.

Ça commence.

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry

29 déc. 2018, 20:11
Les Acrobates  Solo 
Image
IV. LYN
J'aime les pirouettes, c'est rigolo. Et puis le mot "pirouette" est rigolo. Mais indéniablement,
le mot "rigolo" est le plus rigolo.


Il y a un grand nuage de fumée qui se répand sur la scène. Et puis y en a un autre en haut du chapiteau aussi. Au début j'ai cru qu'il y avait un incendie, mais non, ouf. En haut, la fumée se dissipe vite, laissant voir le trompettiste qui descend, soutenu par deux bretelles (élastiques je crois). Pendant qu'il tourne sur lui-même, il gigote avec ses pieds, fait un grand écart, et tout ça en même temps qu'il joue. Trop fort. Tout le public est tourné vers lui, et quand il atterrit, on constate qu'il y a toute la troupe rassemblée. Belle technique de distraction. Il y a un éclat de rire général parce que le musicien-clown reste suspendu alors qu'il n'est qu'à quelques dizaines de centimètres du sol. Zouave jusqu'au bout.
Tous, acrobates, jongleurs, voltigeurs, tous saluent d'un seul mouvement. Puis une espèce de gros feu d'artifice éclate au milieu, en l'air. Je sursaute, mais j'applaudis avec tout le monde. C'est super beau. C'était super beau. Et c'est fini.

J'ai encore des étoiles dans les yeux. Je suis trop méga contente, c'était absolument génial, j'ai envie de retourner voir le spectacle. Sur le chemin du retour, on en parle un peu, ça me permet de le revivre. Mais c'est un peu frustrant parce que j'aimerais reparler de TOUS les numéros, et je peux pas, parce qu'il faut bien laisser parler les autres, et puis de toute façon il n'y a plus la magie qu'il y avait en regardant réellement les artistes. Je saurais même pas décrire tout ce que j'ai vu. Je peux juste dire que j'étais ailleurs, à ce moment. La musique, les costumes, ça nous transportait déjà dans un monde féerique, fantastique. Si on ajoute à ça les prouesses physiques... leur habileté, leur équilibre, leur force, tout est impressionnant chez eux. Leur coordination, aussi. La seule chose que j'ai retenue de moi-même, en fait, c'est que j'étais enchantée. Béate, admirative, et euphorique. C'était vraiment trop cool.
Je crois que... artiste de cirque, c'est vraiment un beau métier. Parfois, je me dis que j'aimerais vraiment savoir faire comme eux. Souvent même, parce que c'est toujours mieux de savoir faire quelque chose que de ne pas savoir le faire, mais je veux dire, parfois j'aimerais pouvoir mettre toutes mes capacités dans cet art. Parce que ce que j'ai vu, c'est que ces artistes, ils font un métier qui leur plaît. On a sans cesse l'impression qu'ils s'amusent, en les voyant. Et puis, ça leur plaît, et ça nous plaît. Je pense que c'est un métier qui augmente le taux de bonheur dans le monde, parce que ça fait sourire jusqu'aux oreilles. Rendre heureux les gens en étant soi-même heureux, c'est vraiment un beau métier.

– Et toi Lyn, qu'est-ce que t'as préféré ?
Je sais pas trop ce que j'ai préféré. Je regarde Camille avec un air pensif, je hausse les sourcils et lève les yeux. Je réfléchis. Les trapézistes étaient vraiment incroyables. Le spectacle qu'ils nous ont montré, leur synchronisation et leur agilité, et puis quand ils se tenaient les uns aux autres à plusieurs mètres du sol... Ils m'ont bluffée.
Il y avait aussi... hum, non, je sais pas trop. Je crois que je vais rester sur les trapézistes.
– Les trapézistes étaient vraiment... woaw. C'était trop beau, et puis j'avais peur qu'ils tombent, c'était un peu stressant mais encore plus impressionnant !
Ils sont entraînés, bien sûr, mais on n'est jamais à l'abri d'une petite bêtise. Personne n'est infaillible, et je sais qu'avec le stress du spectacle... enfin, là, y a pas eu de drame, heureusement !
– Et toi ? 'Fin, et vous ?
Esteban c'est limite s'il m'agresse pas, comme s'il avait été tapi dans l'ombre et que là il saute sur sa proie à la première ouverture.
– Moi j'l'ai dit ! C'était l'énooooorme trampoline et ils sautaient hyper haut avec des saltos et tout ! Oh okay, désolée Esteban, j'écoutais pas tu vois. Je lui fais un grand sourire – ça pardonne tout – et je hoche la tête. Je le comprends, c'était super beau ça aussi. C'est incroyable à quel point on peut sauter haut sur un trampoline, pour peu que vos comparses rebondissent eux-mêmes exactement au bon moment pour vous faire décoller de plusieurs mètres. Et faut dire que ce numéro était bien moins éprouvant pour mon petit cœur.
– C'est vrai que les trapézistes étaient ouf. C'étaient aussi mes préférés, ou... j'hésite avec le jongleur. Enfin les jongleurs. Ils étaient drôles et maîtrisaient vachement bien le truc.
J'arrivais plus à compter les balles à la fin. Limite j'arrivais plus à les suivre des yeux, tellement y en avait.

Là aussi, j'approuve totalement. Bon, de toute façon j'aurais approuvé dans tous les cas parce que tout était... extraordinaire.

Je pose la question à Papa et Maman aussi, qui sont quelques mètres devant nous. Je dois dire que leur réponse n'était pas très satisfaisante. Heureusement qu'on leur a pas demandé ça en contrôle, sous forme d'un paragraphe argumenté.
Maman : – Hmmm... ce que j'ai préféré... Eh bien, la même chose que ton père. Vous devinez la suite. Mais je vous la mets quand même.
Papa : – Comme ta mère !
Super, merci. Ils rigolent en se regardant. Beh, je suis sûre qu'ils s'embrassent juste après. De toute façon, j'ai tourné la tête vers Camille et Esteban, affligée. Pff. Bon, c'est vrai que c'est pas facile de choisir quand tout était entièrement trop génial. Mais voilà, ils se liguent contre nous ! Les méchants !

On arrive peu de temps après à la maison. Je suis pas du tout fatiguée, mais plutôt surexcitée. Je ressens encore un peu l'euphorie de tout à l'heure. J'ai envie de sauter partout, de faire des pirouettes et des galipettes. Sauf que je sais pas faire et j'ai pas de matériel pour faire ça en toute sécurité. Le cirque ça ressemble pas vraiment au hip-hop, mais je me dis que vu que je suis assez forte pour ce qui est des figures, je dois avoir quelques bases si jamais je décide de m'orienter vers les arts du cirque, un jour. Plus tard, quand je ferai mes études. J'ai envie de tout essayer.
Papa m'a dit que le vol, avec les balais tout ça, c'est cool. J'ai hâte d'aller à Poudlard pour voir ce qu'ils ressentaient là-haut, les trapézistes. Mais j'ai un peu peur aussi, quoi. Je flippais déjà pour eux, des professionnels, qu'est-ce que ça va être quand moi, je serai dans les airs... Je vais essayer de pas faire une crise cardiaque déjà, ça sera un bon début. Mais je me dis, que si j'arrive à dompter le balai comme ils ont dompté leur trapèze, bah j'essaierai de pimenter un peu les choses. Est-ce que ça existe, le cirque magique ? C'est un peu de la triche, non ? Les moldus ils sont super forts quand même. Pas un gramme de magie, et pourtant, la magie, on était en plein dedans.

Je sens que ça va devenir un de mes grands rêves, ça. La voltige. Et en même temps, j'ai aussi l'impression que, comme à chaque fois qu'un truc me plaît énormément, je vais m'y intéresser un peu pendant quelque temps, puis plus rien. Le seul grand projet que j'ai pour le moment, c'est de devenir un maître de la programmation. Mais si je vais à Poudlard (normalement je vais recevoir ma lettre vers le début des grandes vacances), ça va être dur. Pas d'électricité en milieu magique, sinon boum. Mais je suis sûre que je vais découvrir plein d'autres trucs tout aussi cools. De toute façon j'ai le temps avant de décider ce que je veux faire plus tard. Mais oui, là tout de suite, j'ai envie d'être voltigeuse. J'ai encore en tête les danses aériennes. C'est beau.

Camille me rejoint dans la chambre quand elle a fini de se mettre en pyjama. On va se brosser les dents (on se fait des grimaces aussi, c'est drôle), puis on lance un "Bonne nuit !" à la cantonade, et nous nous enfermons dans ma chambre. On se couche, son matelas est juste à côté de mon lit. Ma veilleuse est la seule source de lumière. On se regarde, et on éclate de rire, essayant d'étouffer le bruit avec nos couettes. Je crois que ça va me manquer, nos délires comme ça, sans raison précise. Je lui ai pas encore dit que j'allais partir l'année prochaine, je sais pas quand je vais le faire. Bientôt, sûrement. J'ai tellement envie de lui dire la vérité, que je pars apprendre à me servir d'une baguette magique. Pas forcément parce que je veux lui dire la vérité (que je lui fournisse ou non une raison, elle comprendra), mais parce que je veux partager mon excitation avec elle.
Je veux pouvoir lui dire que, même si c'est pas vrai, d'ici quelques années, je ferai de la voltige sur un balai.
– L'année prochaine on va faire cirque, en sport ! J'espère qu'on va apprendre à faire tout ça haha !
– C'est peut-être le début d'une grande carrière d'acrobate... !
Je dis ça en rigolant, mais là, cette folle envie commence à grandir en moi. Et puis je repense à ce qu'elle a dit. Et je me dis qu'il va peut-être falloir que je lui dise, pour l'année prochaine.

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry

09 janv. 2019, 15:12
Les Acrobates  Solo 
Image
V. FINAL
Pour chaque fin, il y a toujours un nouveau départ.
– Antoine de St Exupéry,
Le Petit Prince

[LYN]
Le matin, on a petit-déjeuné tout à fait normalement. On avait tous (je pense) encore en tête le spectacle de la veille, parce que ça s'oublie pas tout de suite, ces trucs là. Moi, j'avais oublié pour un moment qu'il fallait que j'annonce à Camille mon futur départ pour des contrées lointaines ; en même temps, Papa et Maman m'avaient dit qu'il valait mieux que j'attende ma lettre pour être bien sûre que j'allais être scolarisée à Poudlard. Gros suspense.
Esteban, c'est le seul dont j'étais à peu près sûre que le cirque, il ne pensait qu'à ça, depuis hier soir. Je me demandais même s'il avait pas passé la nuit à sauter sur son lit comme sur un trampoline. Mais non, il avait l'air en pleine forme. (Remarque, il était toujours surexcité, c'était à se demander s'il avait vraiment besoin de sommeil.) Depuis qu'il était arrivé à table, il empilait les différents éléments présents autour de lui (tels que les fruits, son verre, le paquet de céréales...) pour faire des pyramides. Le fait est que ça tenait assez bien. Équilibre dix sur dix. Par contre, y a un moment où ça a dérapé, c'est quand il a voulu rajouter mon verre (qu'il m'a subtilisé en m'adressant sa bouille d'ange avec un grand sourire plein de candeur) et qu'il a donné un coup à sa magnif... à sa tourelle.
Y a eu un moment de flottement, pendant qu'une bonne partie de l'édifice s'écroulait, puis on s'est regardé, Camille, lui et moi, et on a explosé de rire.
– Mais quel pas doué...

[ESTEBAN]
– Pouet pouet ! Je lui tire la langue, ha !
Quand même c'était un peu gênant quoi. J'avais pas fait exprès moi, alors d'accord c'est drôle, mais elles seraient jamais allées aussi haut que moi. Puis c'est pas ma faute si j'ai pas refait de la magie comme le jour d'avant. Elles auraient moins fait les malignes.
Camille devait rentrer pour midi au plus tard, alors les filles se sont dépêchées de se préparer, et j'ai dû attendre qu'elles aient fini tout leur bidule chouette de préparation pour leur demander de faire un jeu. Il restait un peu de temps, alors elles ont dit oui. Papa et Maman devaient faire des courses alors on était tous seuls. On a fait un jeu de l'oie, puis j'ai gagné au moins deux parties.
Camille est partie un peu après. Du coup j'ai posé plein de questions à Lyn sur la magie. Parce que moi je sais tenir ma langue donc j'ai rien dit devant Camille parce qu'il fallait rien dire. J'ai trop trop hâte d'aller à Poudlard moi aussi !

♪♫♪

Juillet 2041

[LYN]
On était chez Papy et Mamy pour les vacances quand ma lettre est arrivée. Tant mieux parce que c'est un trajet moins long pour les hiboux, d'aller jusqu'à Islington. Comme on fêtait aussi l'anniversaire d'Esteban qui était quelques jours avant, c'était un peu une fête pour nous deux. J'ai vu la liste de fournitures, qui était assez... wow. Ça me paraît irréel tout ce barda, et dans deux mois, je suis à Poudlard. C'est super bizarre.
On est rentré à la maison au bout d'une semaine, on n'avait rien acheté (j'ai pas compris pourquoi parce qu'on était à Londres quoi, donc pratique, mais bon ça nous fera une occasion de retourner voir mes grands-parents).

Bon, je suis passée dessus super vite, mais c'était vraiment quelque chose. Je réalise toujours pas. Ça doit faire deux semaines que j'ai reçu la lettre et je me lasse pas de la relire (bon si un peu mais j'y jette un coup d’œil presque tous les jours pour être sûre qu'elle a pas disparu façon "oups désolés on s'est trompé c'était pour le voisin !" même si je sais que c'est pour moi bref).
– Quand est-ce qu'on va chercher mes fournituuures ? Ça aussi j'aime bien le répéter. La réponse ne change pas d'un iota.
– Crois-moi, t'as pas envie de voir le manuel de Métamorphose ! Super encourageant, merci Papa !
– On retourne à Londres début août, patience ! En gros, bientôt, mais suffisamment tard pour que je m'impatiente à mort.

Le plus bizarre dans l'affaire c'est que contrairement à ce que je pensais, le débat sur la maison où je serai, il vient pas. Je le fais toute seule dans ma tête. Même si... Papa est sûrement mieux placé que moi. Mais de ce que j'ai entendu des maisons, je suis d'accord avec ce qu'il m'avait dit jesaisplusquand : je me vois soit à Poufsouffle, soit peut-être à Serdaigle. J'ai hâte de savoir, c'est quand même dingue un chapeau qui nous parle et qui lit en nous pour nous dire qui on est. Dit comme ça c'est aussi un peu flippant. En plus on y est pour sept ans donc il doit pas se louper le vieux chapeau.

Avec toute l'agitation, j'en oublie Camille ! Enfin, littéralement. J'ai pas oublié d'en parler, j'ai oublié de lui parler. Maintenant que j'y pense, faut que je me dépêche avant que ça me sorte encore de l'esprit. Je lui propose de nous voir demain après-midi, et comme il fait super beau on pourra aller au parc. J'ai un peu une boule dans le ventre, j'ai peur de me foirer et de laisser échapper des trucs sur la magie, genre "pas la peine de m'envoyer un mail, privilégie les hiboux !"

[CAMILLE]
On parle, on parle, et puis y a un moment où... C'est bizarre. Lyn a un air pas très assuré, et... oh ! Je comprends vite. C'est quand j'aborde le sujet de la rentrée, de l'année à venir. Là, elle ouvre la bouche, je m'interromps, et...

[LYN]
On a discuté d'une "version officielle des choses" avec Papa et Maman. J'ai jamais fait de théâtre, mais là, c'est le moment de sortir toutes mes incompétences dans le domaine. Tirade de Lyn, c'est parti.
– Euuh. C'est un début. L'année prochaine en fait je - serai plus là. Ma voix baisse, mon regard aussi. Je serre les lèvres.
Parfois y a des trucs vraiment bizarres qui arrivent, qui nous passent par la tête. Comme là, le "Oh zut !" qui me traverse l'esprit. C'est Camille, quoi. Elle va survivre même si je suis plus là, y a pas que moi. Puis je compte pas partir définitivement, on se reverra, fin bref. Le "Oh zut !" qui est suivi du "pourquoi je me prends la tête comme ça ?" Parce que j'ai peur de sa réaction ? Aucune raison. Je crois. J'vais en Écosse, 'fin je reviendrai ici pendant les vacances, mais je vais dans une école spécialisée en informatique, y aura plein de maths et tout ! Y paraît que c'est l'une des meilleures d'Europe. Le côté triste, c'est que ça m'aurait presque plus enthousiasmée d'aller dans ce genre d'école (pourvu qu'elle me demande pas le nom), même si bon, la magie, je veux absolument découvrir ça. Le vol sur balai, aussi. Voilà...

[CAMILLE]
Ah ouais d'accord, carrément. Elle part loin. Carrément l'Écosse quoi ! Et elle me dit ça que maintenant ! Je suis un peu vexée qu'elle m'en ait même pas parlé avant (je suis censée être sa meilleure – voire seule – amie, quoi !), mais mieux vaut tard que jamais. Bon, de ce qu'elle dit, c'est pas un adieu, et puis moi j'aurai mes autres potes, je vais pas me retrouver toute seule. C'est sûrement pour elle que ça va être le plus dur. Mais l'Écosse quoi ! J'en reviens toujours pas.
– Ah, bah d'accord ! Tu m'abandonnes, comme ça ! Je lui fais pouic pouic avec le doigt sur la joue, je lui arrache un sourire. Victoire ! Plus sérieusement, j'suis contente pour toi ! On se reverra aux vacances, du coup ! Ça me laisse un peu un goût amer dans la bouche, quand même.

[LYN]
Je suis rassurée, mais je culpabilise un peu. Enfin, au moins, c'est dit. Tout s'est bien passé. Je crois. Première fois que nos chemins se séparent, c'est assez perturbant. En fait, c'est le premier gros changement de ma vie. Je suis pas prête du tout.
C'est là que je repense au cirque. On en parlait encore, ces derniers temps, avec Camille. C'est un air qui revient, souvent. Peut-être que son rêve à elle, c'est ça ? Je sais jamais si elle est sérieuse quand elle parle de jongleries et tout. Est-ce que, elle, elle partirait super loin pour réaliser son rêve ?

Finalement, c'est là que je me dis que... si mes ambitions en informatique s'éloignent, c'est pas si dramatique. Parce que plein de portes vont m'être ouvertes, avec la magie. Ce à quoi j'avais pensé, et à quoi j'ai repensé, et à quoi je pense encore ; est-ce que j'y penserai encore là-bas ? La voltige.

On verra bien. Ça fait plutôt bien, sur le curriculum vitae, "artiste de cirque magique".

♪♫♪

FIN

“C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” - Le Petit Prince, St Exupéry