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20 sept. 2018, 09:29
Lame de bois  os 
7 juillet 2043
Pavillon de Budsberry, dans les environs de Falkirf
Été entre la 2ème et 3ème année


Le ciel est lourd. Il est sombre et épais ; son énorme ventre pend sur le monde, menaçant à chaque instant de s'ouvrir et de déverser ses entrailles d'eau sur nos tronches. Ce temps ne convient pas à l'été. Il n'est pas en harmonie avec la chaleur qui pulse dans mon crâne et la moiteur de mes membres. Je regarde ce gros tas de nuages sombres et si je me détache de mon corps, j'aperçois l'hiver. Je n'en veux pas, de l'hiver. Il est synonyme de Poudlard ; cet hiver, je serais là-bas. *Merlin*.

Le lourd grondement de l'orage me fait frémir. Il roule comme un hurlement silencieux. Je ferme les yeux, me cachant du monde pour mieux l'entendre. Il grogne tout au fond de mon estomac, il vibre dans ma chair et bout dans mon sang. Le hurlement silencieux du ciel est une chose qui convient parfaitement à l’ébullition que cache mon esprit. Ouais, l'orage est une chose d'été plus que d'hiver. Je lève la tête pour voir un éclair rafler le ciel.

Le monde s'assombrit. L'air s'emplit de l'odeur de la pluie. L'humidité me fait frissonner ; j'ai chaud pourtant. Merlin, j'ai si chaud dans mon corps. Ma nuque pliée vers le ciel est douloureuse mais je ne la baisse pas. Je suis affalée sur ma chaise, face au dossier, et je m'offre au ciel. La Nature est puissante. Elle est bien moins attirante que la frénésie du savoir, mais je veux bien lui accorder le monopole de la Puissance. Bientôt, les gouttes tomberont. Je tends le cou comme si je voulais recevoir la première d'entre elles et la sentir couler sur ma peau de feu. Je le souhaite ardemment, mais je sais que cela ne viendra pas : Lounis tient trop au bonheur de sa gosse pour gâcher ainsi ce jour de fête. Le jardin est protégé. Deviendrai-je aussi peu sensible à ces choses un jour ?

Les rumeurs des discussions sont recouvertes par le hurlement du ciel. Je n'entends plus qu'un mot ou deux et j'en comprends moins encore. Seul le ciel me parle, seule la Nature s'impose et seul le calme règne sur moi. Le calme est une chose bénéfique dans ce monde d'Autres. Cela ne fait qu'une semaine qu'Aodren est rentré que je recommence déjà à le chérir, ce calme. Il ne suffit qu'une semaine à écouter la voix de cet abruti pour me faire apprécier des choses que j'avais oubliée. Finalement, Aodren n'est pas si désagréable quand il ne me parle pas. Si seulement il pouvait ne jamais parler.

Le ciel gronde. Il hurle au monde sa présence. L'orage est si fort que la terre en tremble ; je frissonne et malgré moi, je crispe mes paupières et me retranche dans l'obscurité de ma tête. Derrière moi, j'entends un cri aiguë. Il déchire mes oreilles aussi sûrement que le fait l'orage. Si ce dernier est profond et gémissant, la voix de l'enfant est aussi vive que l'éclair : douloureux non pas pour les oreilles mais pour l'esprit. Je ne peux me retenir de lever les yeux vers la masse de nuages, un affligement pointant sur le bout de mes lèvres pincées. Je me penche légèrement, soupirant plus que nécessaire, pour apercevoir Krissel courir d'un bout à l'autre du jardin en brandissant son épée de bois.

C'est une gamine. Tant dans le comportement que dans le caractère ; elle est plus vide que la plus sombre des grottes. Pourtant, sa joie pique mon intérêt. Je le comprends alors que je la suis du regard en me demandant sincèrement ce qui trotte sous sa masse de cheveux blond. Fut un temps, je courais comme elle. J'aimais fouler la terre de mes pieds nus, courir si je le voulais, hurler si je le souhaitais. Aujourd'hui, je ne le veux plus alors je ne le fait plus. J'étais comme elle. Je suis comme elle. Pourtant, elle m'agace, Krissel. J’espère qu’elle a compris que je ne veux pas supporter ses babillages. Si elle n’a pas compris, je devrais lui répéter. Encore.

Je pose mon front contre le dossier de la chaise. Je prends une grande respiration, je gonfle mes poumons comme l’eau grossit les nuages. Puis j’expire un long souffle brûlant. Je suis bien, je suis calme. J’ai toujours aimé passer du temps chez Lounis, même si ces fois-là peuvent se compter sur les doigts d’une main. Lounis est ce qu’il y a de meilleur en Zakary ; il est ce que je préfère chez mon grand-frère. Quand Lounis est dans les parages, Zakary paraît moins grand. Il paraît plus doux, plus beau. Il me fait moins peur parce qu’il me regarde moins.

Mue d’une curiosité malsaine, je me retourne vers la table. Zakary est face à moi et Lounis, de dos. Je vois les muscles du blond frémir quand il rit aux éclat ; Zak’, lui, a sa face tordue d’un sourire immense. Il me remarque par dessus l’épaule de Lounis, je le sais et je frémis. Il pose ses yeux sur moi : en une fraction de seconde, le monde se refroidit et j’ai froid. Puis il détourne le regard. Moi je ne le fais pas. Mon coeur bat dans mon corps, il bat vite et fort. Douloureusement. Zakary m’a déjà oublié, il rit et parle de sa grosse voix de Grand Con. Aujourd’hui pourtant, il n’est pas le Grand Con. Il est seulement Zak’ et je le vois dans mon propre regard qui ne veut se détourner de lui. Zak’ est différent du Grand Con. Il me fait moins peur mais il m’écrase encore. Il m’écrase toujours, Zak’.

Je me lève en même temps que le ciel gronde. Je marche sous le ciel qui va tomber, l’air frôle ma peau, contourne mes formes et se perd dans mes cheveux. Sous mes pieds nus, l’herbe est fraîche et la terre humide. Je fais quelques pas avant de m’arrêter près de l’unique arbre qui semble pousser dans cet horrible quartier pavillonnaire ; je l’entends avant même de la voir : un être qui s’essoufle jusqu’à moi.

Je me retourne à l’exact moment où Krissel apparaît devant moi. Elle est tout proche, ses grands yeux marron me fixent et luisent, ses lèvres s’étirent en un sourire qui fend ses joues rebondies. Je me recule, surprise : j’oublie toujours que Krissel n’est pas aussi petite que l’on croit. Krissel parait petite. De loin, je l’imagine comme un bambin minuscule et insupportable. Mais elle a onze ans aujourd’hui et elle bientôt elle sera aussi grande que moi.  *’fais chier !*.

Je recule encore d’un pas et je grogne. Non pas comme le tonnerre qui gronde sourdement, moi je grogne dans ma bouche pour marquer mon agacement. Mes yeux plongent dans les billes vides de Krissel ; je ramène mes bras tout contre mes hanches, je sens la peau de mes cuisses sous mes doigts. Le visage de la blonde est un tableau à admirer dans sa laideur. La petite est trop blonde, a les yeux trop sombre et les cheveux trop épais. Elle a la peau trop pleine et le sourire trop grand. Je n’aime pas Krissel mais quand elle est ainsi face à moi, souvent donc puisqu’elle aime violer l’intimité, j’aime observer ses sourcils se lever sur son front et sa grande bouche trembler.

« Tu fais quoi, Aelle ? »

Elle n’a rien pour elle, l’enfant. Si le père est un homme plein de Savoir, la fille est un vide exponentiel. Sa voix fluette n’a pas changé pendant les longs mois où je ne l’ai pas vu. C’est une voix qui coule comme de l’eau. Elle coule dans mes oreilles et tombe de ma bouche comme un vomi acide. Krissel m’agace ; cela a toujours été le cas. Avant Poudlard, elle se perdait en frénésie à la moindre de mes paroles. Depuis Poudlard, elle se tuerait pour l’un de mes mots.

Je regarde son visage se froncer et se tendre. Je vois son bras se balancer, poussé par le poids de l’épée en bois qui pend de sa main. Je vois ses doigts fourrager ses cheveux et gratter son crâne. J’observe ses yeux bruns passer de mon visage à mon corps puis de l’arbre à la table où je peux apercevoir Maman nous regarder.

« Rien, » je réponds afin, la voix traînant en bout de mot.

Je laisse le doute s’installer sur son visage de gamine. Je me détourne pour ne pas voir sa bouche s’entrouvrir ; je ne veux pas sentir son souffle caresser ma peau. Je n’ai jamais blessé Krissel autant que je le voulais. J’aurai aimé la voir pleurer une fois ou deux puis ne plus jamais la voir du tout. Je voulais voir autre chose sur son visage de porcelaine. Ou du moins, quand j’étais près d’elle. Il suffisait que je m’en éloigne pour que son souvenir disparaisse de mon esprit. Krissel est une Autre inconsistante. Elle a du mérite : finalement, j’aime plus les Autres inconsistants que les Autres tout court.

Je m’avance vers l’arbre, la tête baissée. Je n’ai pas d’espoir : je sais que Krissel va me suivre. Elle le fait effectivement, ses petits pieds tassant l’herbe derrière moi.

« Tu seras avec moi à Poudlard, Aelle ? »

Je soupire devant la bêtise de l’Autre inconsistante.

« Pas si Loewy s’fait un plaisir d’me dégager encore, » marmonné-je en balançant mollement mon pied contre le tronc.

La gamine fait le tour de l’arbre pour venir se poster face à moi. Ses grands yeux marronnasses me fixent avec une surprise palpable, mais moi je ne vois que sa bouche rose qui se tord vers le bas, comme si elle voulait déposer un baiser sur la terre. Je m’en veux instantanément, sachant pertinemment bien que Krissel allait me noyer sous les questions. Je n’avais pas cru qu’elle puisse ignorer mon exclusion.

« Quoi ? Mais… »

Krissel et sa voix insupportable. Elle lance ce cri comme si elle lançait un os à un clébard. Sa voix monte et descend, elle passe par des lieux inaccessibles de tout autre personne que celle à qui elle appartient. Mon coeur bondit à l’entendre et mon corps le suit ; en un pas, j’élimine la distance qui nous sépare. Je pose mes doigts sur ses lèvres chaudes, j’approche mon corps du sien. Cette proximité me dérange, j’en frémis, mais je ne m’éloigne pas. Je plonge mes yeux dans son regard agrandi ; elle n’a pas peur et ça me met en colère. Ses yeux sont rieurs et le souffle chaud que je sens contre la paume de main s’accélère.

Je me penche vers elle et tout près du dos de ma main, je chuchote :

« Ta gueule ! Dis pas un mot d’plus. »

Je peux à peu près tout entendre d’elle. Je peux l’écouter babiller sur ses combats à l’épée, sur son père et même sur Zakary. Je peux l’entendre frémir d’amour pour Poudlard et me contenter d’afficher mon air moqueur. Je peux même me retenir de vouloir froisser ce petit visage, si tant est qu’un intérêt plus grand m’appelle. Mais il est hors de question que je l’entende parler elle de mon exclusion, de Loewy ou des Chinois. Hors de question qu’elle me dise qu’elle se battra pour que Madame Loewy me garde à Poudlard. Je ne veux rien entendre de cette sorte-là sortir de la bouche de cette sale gosse ; je ne saurai le supporter.

Je la sens bouger sous mes doigts. Ses yeux n’ont pas bougés, ils sont encore vrillés aux miens. Son visage ne frémit pas, naturellement je baisse la tête vers son corps. Elle bouge les pieds de bas en haut, frappant la terre de sa maigre force, s’agitant pour rien, balançant son épée à un rythme qui m’est inconnu. Je fronce les sourcils. Je sens alors sous ma paume ses lèvres s’étirer en un grand sourire. Je regarde ses paupières battre rapidement, comme pour dire qu’elle accepte ma demande. *Bien sur*, je grogne intérieurement ; Krissel accepte tout de moi, c’est la seule chose que j’aime chez elle.

« He ! Qu’est-ce que vous faites ? »
« Merde ! » je lance en me retournant pour voir que nos parents sont retournés vers nous.

Ma main est encore sur Krissel. Ma paume est plaquée contre ses lèvres, mes doigts sont agrippés à ses joues pleines. Alors même que je m’apprête à la retirer, je sens sans la voir la bouche de Krissel s’ouvrir et sa langue pointer hors de son antre. L’organe désagréablement humide frôle ma peau. Je me retourne sur l’enfant, un violent frisson me secouant les épaules. J’arrache ma main à ce contact en poussant un cri mêlé de colère et je trébuche en arrière. La bouche libérée de Krissel sourit, sa langue posée sur sa lèvre inférieure. Puis je vois ses yeux se plisser, elle se met soudainement à rire d’un grand éclat.

« Ça va, les filles ? »

J’entends à la voix de Lounis que pour eux, les adultes, rien a l’air d’aller. Mais je suis incapable de me retourner tant l’effroi et le dégoût me clouent sur place. Mon corps bout, ma peau frémit et mes yeux transpercent Krissel et son rire débile. J'agrippe son regard ; je crois qu’elle comprends qu’elle ferait mieux de la fermer car elle arrête de rire.

« Arrange ça, je lui chuchote doucement, la voix tremblante, en m’essuyant la main sur mon short. Grewger ! »

Sa bouche se tord en une grimace vexée, mais elle s'avance pour se poser à côté de moi.

« Ça va, P'pou ! lance-t-elle à son père en agitant la main vers lui. Aelle m'apprend plein de choses. »

J'attends que les conversations entre les adultes reprennent avant de m'éloigner prestement de la gamine. Mon cœur bat encore de ma colère, je frotte énergiquement ma paume contre mon tee-shirt pour l'en débarrasser de la bave chaude de l'enfant.

« La prochaine fois, fais ça à Poudlard, Grewger, et j'te jure que j'me battrai avec toi. »

Je grogne ces mots à voix basse. Je sais qu'elle m'a suivit. Je sais qu'elle est derrière moi avec son petit corps et sa masse de cheveux blonds. Ses lèvres épaisses doivent sourire, toujours pleines de bonheur malgré tout ce que je pourrais lui dire. Elle s'assoit dans l'herbe et pose son épée en bois devant elle. Son regard est levé vers moi, elle a déjà oublié qu'elle m'en voulait. En soupirant, je m'assois près d'elle et me laisse aller en arrière, posant mon dos contre le sol. Sous mes yeux, le ciel est immense et profond.

« Tu te bat avec moi, Aelle ? » me dit-elle en murmurant.
« Me parle plus. »

Je veux me diluer dans le ciel. Il pleure de tout son saoul. Les gouttes dégoulinent des nuages, tombent de tout là-haut et s'arrête miraculeusement à une dizaine de mètres au-dessus de nous. La Magie a beau être merveilleuse, elle ne pourrait dire au ciel d'arrêter de chialer et aujourd'hui, j'apprécie cette limite. La scène précédente avait fait bouillir mon corps et je sens la sueur coller à ma peau. L'air plein de pluie ne suffit pas à me rafraîchir ; il est tiède. Penser à Poudlard me met toujours dans cet état.

« A Poudlard, tu le feras ? » répète Grewger en se penchant sur moi.
« T'es débile, dis-je en détournant la tête. J'veux pas te voir à Poudlard. »
« Mais Papa a dit qu'on se verrait toi et moi ! »

Lounis est décidément trop gentil avec sa gosse pour lui dire que je ne risquais pas de me la coltiner au collège.

« J'veux pas te voir à Poudlard, Grewger. »

Je tourne suffisamment la tête pour la voir baisser la sienne, le visage recroquevillé en une grimace déçue. Je souris légèrement ; je n'ai jamais aimé l'idée que Krissel puisse être toujours heureuse. Si j'avais pu, j'aurai fait plus pour que cette grimace ne quitte pas son visage. Je veux la punir de parler si légèrement de Poudlard. Je veux la punir de parler de Poudlard. *Foutu château !*. Je ne veux plus de Poudlard, ni de ses habitants. Je ne veux rien d'eux, rien du tout. Je me redresse pour serrer mes jambes contre moi, le regard résolument tourné vers la grande haie qui sépare le jardin des Grewger à ceux de leurs voisins.

« C'est pas grave ! » s'élève soudainement la voix aiguë de l'enfant.

Je la regarde franchement cette fois-ci, plongeant mes yeux charbons dans son regard vide qui pétille. Un grand sourire barre son visage ; je ne peux m'empêcher de le regarder et de grimacer quand j'aperçois sa langue qui gesticule derrière la barrière de ses dents. Elle se saisit de son épée en bois et la pose sur ses genoux. Elle la caresse lentement avant de serrer la garde dans sa petite main.

« Moi je veux te voir quand même à Poudlard. Tu sais, je suis contente d'y aller enfin. Mais ce qui me rend le plus heureuse c'est sûrement de connaître déjà des gens qui y sont. Toi et Ao' ! Je suis sur que ton frère sera content de me voir, lui. Mais si tu veux savoir un secret, moi, c'est toi que je veux voir. Tu crois que je serais à Poufsouffle moi aussi ? Oh, j'aimerai tellement ! Ce serait merveilleux et tu serais bien obligé de me voir, hein. Tu sais, Papa dit qu'on peut pas vraiment détester quelqu'un qu'on connaît pas. Tu me détestes, Aelle ? »

Je plonge ma tête dans mes genoux. Puisque je ne lui répond pas, elle continue de parler. Elle parle beaucoup et pour ne rien dire. Je ferme les yeux, à l’écoute de la pluie et du ciel qui gronde. J’attends les rares brises qui frôlent ma nuque et courent sur ma peau. Les mots de Krissel ne sont rien pour moi ; ils sont presque aussi doux que le bruit des gouttes. J’ai bien cru ne pas pouvoir me retenir d’écraser du poids de mon poing la bouche rose de l’enfant quand elle a commencé à parler, mais ses mots se sont mit à couler, emportant avec eux mon intérêt. Je n’avais aucun plaisir à tirer en frappant Krissel ; surtout pas ici, chez elle, sous le regard sans pitié de Papa et de Maman. Et de Zakary. Merlin, Zakary me tuerait si j’ose frapper sa chère pupille. Je jète un regard noir à la petite blonde et à sa bouche qui s’agite. Je ne la déteste pas. Je ne peux pas dire ça : en sa qualité d’Autre inconsistante, Krissel ne peut avoir cette place dans mon coeur. Il n’y a que Charlie pour détester des personnes pour lesquelles elle ne ressent rien. *Charlie*. A bien des égards, j’aurai préféré détester Krissel que Charlie. Charlie est invisible, certes, mais bien trop consistante. Cet hiver me mènerait à Poudlard, mais également à Charlie.

« … pas tellement loyal. Mais tu sais, j’aime ça aussi. Le combat n’a pas de règle et quand je lui ai mis une raclée, il n’en a pas cru ses yeux ! »

Je m’accroche aux mots de Krissel. A ses yeux qui ne se détournent pas de moi. A ses mains qui agitent son épée. A son buste qui se tourne dans tous les sens. Je m’accroche à sa voix insupportable et au flux si léger de ses paroles. Peu à peu, la boule dans ma gorge s’en va et me permet de retrouver une respiration sereine. Peu à peu, mes yeux cessent de me piquer et mes doigts cessent d’arracher l’herbe. Je ferme les yeux pour repousser la peur qui me tire les entrailles. Tout cela s’en va pour ne laisser que Krissel et ses paroles.

Elle est en train d’énumérer ses nombreuses victoires sous mes yeux vides, agitant ses doigts devant moi, quand je me lève. Je ne la regarde plus et je m’éloigne d’elle. Elle parle encore, mais ça n’a pas d’importance : je ne l’entends pas. Je me dirige lentement vers la table sans regarder ni Lounis, ni Zakary, ni Maman. Je sens pourtant leurs regards quand je m’affale sur une chaise, non loin de Narym. Je sens leurs yeux scrutateurs quand je me penche pour me servir un verre de jus de citrouille. Cela n’a guère d’importance. Je crois que je préfère subir leurs regards que ceux qui me transperceront à Poudlard.


- Fin -