« TAIS TOI ! »

L’escalier craque dangereusement tandis que la Gamine le monte en courant.

« J’AURAIS DU RESTER LÀ-BAS ! »

La porte claque brusquement derrière la petite qui s’effondre dans le lit nouvellement fait. *J’suis… à la maison* La Pensée se fraye difficilement un chemin dans son Esprit envahi par les Cris. *Nan…* C’est pas sa maison. *J’ai pas d’maison* C’est plus sa maison.
Elle essuie ses larmes d’un revers de la manche, se traine à genoux vers la fenêtre. Ses doigts s’accrochent au rebord de pierre et elle tire sur ses bras frêles pour s’accouder sur l’ouverture. Elle observe le jardin d’un air indéchiffrable. Un sourire léger se dessine faiblement sur ses lèvres pâles tandis que ses yeux courent sur les plantes. L’Arbre est toujours là. Le grand chêne au tronc noueux qui passe sous sa fenêtre. La main de la jaune et noire se décolle de la pierre, reste un instant suspendue en l’air avant de se poser sur l’écorce rugueuse, encore fraiche de la rosée matinale. *Comme avant* Oui, tout est comme avant. Comme tous les matins où elle s’est réveillée dans cette chambre aux murs nus, comme tous les soirs où elle s’y est couchée. Tout est à sa place, dans la chambre. Mais pas dans la maison. *Parce que ce n’est plus comme avant*

Parce que dans la chambre qui a toujours été vide, à côté, il y a quelqu'un. Elle ne sait pas qui au juste ; un garçon un peu plus grand qu'elle, apparemment. La porte entrouverte lui a permis d'apercevoir une valise en cuir, un sac à dos noir et quelques affaires éparpillées. Elle ne sait pas vraiment quoi ; elle n'a pas cherché à regarder attentivement.
Ce n'est plus comme avant. Parce que dans la chambre pour deux de P'pa, dans la chambre qu'il a occupé seul depuis que Maman est Partie, y'aura quelqu'un d'autre, ce soir. *Et j'sais qui c'est* Oui. L'Enfant l'a vu, Elle. Une sale conne aux cheveux rouges vifs, aux yeux doux et à l'air d'ange. Une voleuse. Qui lui a volé P'pa. Quoiqu'elle ne veule plus le récupérer. Il l'a trahit. Elle Hait la rouquine. Elle la Hait. D'une Haine Furieuse et qui Gronde dans son estomac.

« Thalia... »

L'Enfant se retourne d'un coup sec, dégainant sa baguette en un Réflexe acquit ses derniers mois. *'tain* Faudra qu'elle trouve un moyen de ne plus dépendre de c'bout de bois, et rapidement.

« Qu'est c'qu't'as ? »

Un Regard de braise qui traverse la porte, même si son père ne peut pas le voir. Sa Voix est déformée, hargneuse. Mais toujours aussi brisée et douloureuse quand les Mots franchissent ses lèvres - bien plus douloureuse que ce que souhaiterait la Gamine.

« Je voul... »

*Dégage* Rien à battre. Qu'est ce qu'il croit ? Qu'elle va ouvrir la porte et lui sauter dans les bras ?

« Rien à faire. Fous moi la paix ! »

Elle l'entend qui essaye désespérément de tourner la poignée. *Pfff* La Poufsouffle se souvient que ses parents n'avaient pas voulu acheter une clé pour sa chambre, et un sourire dédaigneux étire ses lèvres. « T'y arriv'ras pas. Dégage. » Plus besoin de clé, maintenant. *J'suis une sorcière* Une sorcière avec une Magie d'merde, incapable de lancer la moitié des sorts. Mais une sorcière quand même ; et la Colère est un bon élément pour affuter ses Sens et lancer une maléfice. Son “Collaporta” à bien marché ; et elle n'a pas l'intention de défaire le sort de sitôt.

Sa tête tombe lourdement sur son bras gauche tandis qu'elle entend son père redescendre. Elle continue d'observer le paysage, et les larmes remontent habiter ses yeux. Sa Vision se flotte lentement ; de l'eau dégouline sur ses joues. Elle pleure en Silence. Même ça elle le fait en Silence. *Pas foutue de Hurler c'que j'pense* Et quand elle Hurle, ça sert à rien. Seuls des Mots vides de Sens s'échappent de ses lèvres, et les Autres n'y prêtent pas attention. Parce qu'après tout, elle est grande, maintenant. Et faut qu'elle fasse comme les grands. « Arrête de faire ton bébé, Thalia » gueule son père quand elle veut dire quelque chose. *Ça m'soule* Les sanglots commencent à remonter dans sa gorge, elle ouvre ses lèvres pâles en un Hurlement Muet.

Tout est différent, dans la maison. Sauf ici, dans sa chambre. *Comme avant* C'est son coin Secret, son endroit à elle et à elle seule. La Gamine se redresse ; fait lentement le tour de la pièce en contemplant le lieu. La chambre est simple ; elle l'a toujours été.
Le lit trône contre un mur, à gauche au fond de la chambre par rapport à la porte, avec une petite table de nuit à côté. C'est un lit simple, tout ce qu'il y a de plus banal pour une gamine de son âge. Un peu plus loin, une armoire en bois sombre est posée contre un mur, pour ses vêtements. Un coffre à jouets abandonné dans un autre coin témoigne des quelques temps qu'elle a passé, plus petite, à jouer ici avec tout et n'importe quoi. Deux étagères emplies de livres et d'objets sont fixés contre un autre mur ; dedans, des ouvrages qu'elle a presque tous parcourus et des trouvailles ramassées lors de ses nombreuses promenades dans les alentours. Des pierres précieuses, des fossiles, des petits os... Ses “trésors” comme elle se plaisait à les nommer, enfant. Un bureau de bois est posé à l'autre bout de la pièce, sa valise et son sac de Poudlard trainant à côté. Sa chambre. Comme avant.

La petite retourne s'installer vers la fenêtre ; mais au lieu de s'y accouder elle grimpe sur le rebord et s'assoit précautionneusement, les jambes pendant dans le vide. *Comme avant* Comme ces Nuits où elle s'est laissée glisser le long du tronc pour aller se balader ; comme ces autres fois où elle a grimpé pour s'allonger sur toit et observer les Astres Brillants. Les larmes coulent toujours sur ses joues, douloureuses. *Je...* Elle inspire une grande goulée d'air frais. *Je m'souvenais pas qu'ça f'sait si mal de pleurer...* Ses yeux la piquent, elle pose une main sur le rebord de la fenêtre pour ne pas basculer en avant. *J'pourrais* Elle pourrait se laisser tomber. Une chute de plusieurs mètres ; sa chambre se trouve au deuxième étage. *J'serais morte* C'est une Mort trop horrible. Mais elle pourrait. Elle avance encore de quelques centimètres ; regarde ses jambes fines se balancer dans l'air. Si elle avance encore un peu, un tout petit peu, elle tombe.

*Que...*
Un bruit léger a retenti, derrière la porte. Un bruit de plume *d'stylo, débile* sur un papier. Elle se penche brusquement en arrière, bascule vers l'intérieur de la pièce et se remet debout. Qu'est c'que c'est ? Son père n'écrit jamais ; sûrement pas à cette heure. *Qui c'est qui m'dérange ?* Qui est-ce, pour l'interrompre dans cet Instant de Tranquillité. De Bouleversement. De Décision.

La Gamine s'approche de la porte, sans savoir quoi faire. Son Coeur bat vite ; trop vite. Ses martèlements sont douloureux dans sa poitrine. *'fait chier* Elle se colle contre le mur, entrouvre la porte dans un Souffle d'air. Colle brutalement son Oeil dans l'ouverture.

Et croise un Regard vert Émeraude. Puissant. Bouleversant.
Avant de claquer brusquement la porte et de tomber à genoux par terre.