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16 nov. 2018, 18:01
 OS  Âme de bois
08 Août 2043
Godric's Hollow – Domaine “
Les Silves
1ère année


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Son corps tombe à terre en un bruit sourd. Elle s'effondre parmi les herbes hautes. Les brins lui chatouillent le visage, effleurent sa peau lisse et pâle. L'air chaud brûle ses poumons tandis qu'elle inspire une grande bouffée d'air qui l'étouffe. Elle tousse, elle crache dans le vide, sa gorge est irritée et ses yeux embrasés de Larmes toutes aussi cuisantes.

Les hautes branches des arbres familiers forment une Voûte au-dessus d'elle, ne la laissant apercevoir que des parcelles du ciel azur. Les nuages blancs parsèment celui-ci, voguant dans l'espace comme des barques sur la mer. La mer... La rigole sauvage coule à quelques mètres de la Gamine, son ruissellement incessant envahissant l'atmosphère.
Des oiseaux chantent depuis les branches, leur sifflement mélodieux atteint avec légèreté les oreilles de la petite. Les feuilles s'agitent au gré de la douce brise, l'ensemble produisant une mélodie harmonieuse qui remplace le Silence.
*Le Domaine*

La Maison. La Jaune y est depuis un mois et demi sans pourtant y être réellement. Elle est Ici sans être Là, dans une maison parallèle, sans la majuscule. Les Sylves ne sont plus comme avant, elle ne perçoit plus le chant de la Maison, l'Appel du Domaine.
Jusqu'à maintenant.
Elle est là, la Symphonie de sa Maison à elle. Là, entre les arbres et le ruisseau. Au milieu de la nature, là où elle est tranquille. Parce qu'il n'y a personne.

Ah ! Maintenant, elle la perçoit, la particularité de ce lieu. Le Domaine-Refuge de son Enfance. *C'est plus le Refuge* Mmh... Ici, si elle inspire à plein nez, l'odeur douce-amère de la résine vient picoter ses narines. Ici, c'est comme avant. Inchangé, son petit coin au milieu des Arbres.
Mais à la Maison, ce n'est plus pareil. Le jardin du Domaine est resté tel-quel, merveilleux et envoutant. La Maison s'est transformée.

*Plus toute seule*
Des pièces qui lui étaient inconnues, n'existant pour l'Enfant que sous la forme de portes ne menant à rien, s'étaient révélées ; et elles s'étaient révélées pour les Autres. Pour cette femme et son gamin.
*J'la hais*
Thalia n'avait que très peu parlé à Shaina Olÿa depuis qu'elle était revenue au Domaine ; et malgré toutes les tentatives sympathiques de sa nouvelle belle-mère pour établir le contact, la Poufsouffle s'était fermée à tout signe de gentillesse envers cette femme qui lui avait volé son père.
*Sky...* Hmm... Le seul avantage de cette affaire était sans aucun doute le garçon. *Mon frère* Si la rousse ne deviendrait jamais la “mère” de la jeune fille, il n'avait fallu qu'une discussion, qu'un échange, pour que Sky devienne son frère, dans son Coeur comme dans son Esprit.

Jamais elle n'avait été aussi proche de quelqu'un, à part peut-être de sa mère, avant. *Mais...* Pourtant elle ne s'ouvrait pas totalement à Sky. Une petite – ou peut-être grande, elle ne savait pas trop – parcelle d'Elle-Même restait enfermée au plus Profond de son Être. Secrète.
Elle avait confiance en son frère, mais ce n'était pas le problème. Le problème c'était qu'il était peut être un peu trop différent. Autiste. Incapable de la comprendre.

*Rien n'va*
Les Larmes coulent de plus belle sur ses joues sans intérêt, dégoulinent le long de son visage. L'une d'elles s'arrêtent sur les lèvres de la Gamine, et celle ci sort légèrement sa langue mouillée et visqueuse *dégueulace* pour la cueillir. *'est salé* Bizarre. *Un peu amer* C'était donc ça, le goût de sa Colère ? De son Incompréhension ? Visiblement.

Sa Haine, dirigée aujourd'hui non pas vers les intrus dans sa “famille” mais contre elle même. Contre le bâton qu'elle serre de toutes ses forces de sa main gauche. Ses doigts sont crispés dessus et ne veulent plus la lâcher ; ses articulations sont blanches à force de se cramponner au bout de bois.

*'tain*
Sa Baguette était bien trop Complexe pour elle. Tellement Complexe qu'elle en devenait presque Inconsistante et Vide devant ses yeux. Raaah... Ça lui faisait mal au coeur de savoir qu'un Pouvoir Immense résidait dans c'machin et qu'elle était incapable de s'en approcher ; ne serait-ce que de l'effleurer. Elle voulait juste vomir cette incapacité, dégueuler sa Magie. *Ouais, dégage !* Ah ! C'était une Interrogation intéressante, ça. Si elle était pas une Sorcière, qu'est c'que ce s'rait ? Comment elle s'rait, elle ? Peut être qu'elle s'rait pas aussi dégoutée. Aussi... Vide. Nulle.

*'suis obligée d'y r'tourner ?*
Oh non, elle pourrait sans doute plus y'aller. Rester allongée là. Dans l'Domaine. Au plein coeur des Sylves. Elle pourrait sans doute ne pas retourner à Poudlard. Ne pas retourner dans ce lieu qui l'avait beaucoup trop troublée. Changée. Pas qu'en bien. Mais pas qu'en mal.

De toute façon, pour y retourner, il faudrait déjà que la Gamine sache se servir de c'machin. De sa Baguette. Ce qu'elle la haïssait, celle là... Pourquoi fallait-il avoir un putain d'bout d'bois pour faire de la Magie ? Elle ne l'aimait pas, ce bâton. Elle ne lui avait rien demandé. *J'l'ai pas choisi* Oh que non ! Si ça avait été à elle de choisir, elle aurait... *j'aurais quoi ?* elle aurait pas choisi, justement. Elle se s'rait barrée d'la boutique sans Baguette, et elle aurait été mille fois plus heureuse. Mais elle n'aurait pas pu aller à Poudlard. *Et alors ?*Elle n'aime pas le château. Y'a trop d'monde, trop d'Autres qui causent pour ne rien dire. Elle s'en rend compte, maintenant. Pendant sa première année, elle était Aveugle. Émerveillée par la beauté Factice du lieu.

*Pas factice*
Non. À bien y réfléchir, la beauté de Poudlard était tout sauf factice. Terrifiante, merveilleuse, pas pas fausse. C'était sans doute ça qui l'avait envoutée.
Ça et le fait que, là bas, elle était Elle sans être surveillée ; non pas une Sorcière mais une Gamine qui allait exploser. Enfin... elle aurait pu être Elle. Elle avait été une Autre. Si elle y r'tournait – si, et seulement si. Avant, fallait qu'elle soit capable d'y retourner. Fallait qu'elle soit une Sorcière – elle serait Elle. Et là-bas... Elle pouvait effleurer l'Essence même de la Magie.

Et, même si elle ne se l'avouerait jamais, elle aimait ça. Thalia Gil'Sayan aimait Poudlard ; mais elle détestait cette école à cause de ça. Elle détestait l'école car elle l'aimait ; et si elle l'aimait, elle en était par conséquent dépendante. Juste un tout petit peu. *Un peu plus qu'un tout petit peu* Oui, un peu plus que ça. Beaucoup plus, même. Elle ne pouvait tout simplement pas s'imaginer à la place de cette Autre *'quoi son nom, d'jà ?*, ah oui, Bristyle, qui s'était fait virée l'année dernière. Elle n'y survivrait pas. Toute seule à la maison, ou plutôt avec tous les autres, avec Arthus, Arthus qui la détestait et qu'elle détestait tout autant.

La Gamine jette un dernier regard au bout de bois avant de trainer ses coudes sur le volet de s'appuyer dessus pour se relever péniblement. Douloureusement. Ses côtes lui font encore mal de la Chute, sa chute volontaire mais incontrôlée. Elle sent la Baguette dans sa main ; accentue la Pression contre le bois. Expire lentement. Calmement. Ouvre la bouche, toujours au ralenti. Et puis lance, d'une voix rauque et, malgré sa lenteur, ferme :

« Fumos ! »

Le son racle sa gorge, l'irrite. Mais la Jaune n'y prête pas attention, ses yeux fixés sur l'air devant la bâton. *Allez*
Une volute de fumée grisâtre s'échappe de la baguette, son Coeur se serre, aux aguets. Un minuscule sourire étire difficilement ses lèvres abimés.
Et puis la fumée s'évanouit dans l'air. Disparait. Tout simplement. *'TAIN* Aucun mur de fumée ne se dresse devant la petite. Sa face se tord et le sourire disparait brutalement, elle se mord les lèvres de toute ses forces pour s'empêcher de pleurer à nouveau.

Ça ne marche pas. Bien sûr. Les Larmes amères se remettent à dégouliner sur ses joues pâles. Sales de larmes. *J'LES DÉTESTE !* Elle déteste Poudlard et ses profs qui disent que c'est de son niveau. Parce qu'elle sait que c'est de son niveau. D'un niveau de gamin, de bébé. Et qu'elle en est incapable. Elle déteste la Baguette, le bout d'bois incapable de faire son boulot.
Et elle se déteste. *Pitoyable*
Elle est incapable.
Elle ne sert à rien.
Elle est inutile.

Même pas foutue de lancer un sort de gamin. Peut-être qu'elle ne va pas retourner à Poudlard, finalement. Mais ce s'ra pas son choix ; elle s'ra virée. Virée parce qu'elle est trop nulle. Ah ! Beaucoup trop nulle. Ses joues se creusent tandis qu'elle expire bruyamment, fortement. Plus de douceur, plus de calme, plus de lenteur. Juste de la colère. De la haine. De la précipitation. De l'envie. Elle va gueuler. Elle va gueuler de toutes ses forces et elle va y arriver. Elle va y arriver sinon elle va arrêter. Tout arrêter. *'tain* Elle arrive à rien. Son Coeur palpitant s'est mis à cogner bruyamment dans sa poitrine ; chaque battement lui fait mal. Trop mal. Elle peut plus se concentrer ; elle peut pas lancer un sort.

Ses jambes se plient soudainement ; elle bascule en arrière, balance les mains derrière et se tord le poignet droit en voulant se rattraper. *'fais chier* Si s'était la main gauche qui s'était blessée, peut-être que la Baguette serait brisée. Qu'elle s'rait tranquille. Mais tout s'acharne contre elle, contre la gamine incapable que la Poufsouffle est. Elle pousse brusquement sur ses bras, se relève. Ses yeux sont flous de Larmes et elle ne voit plus rien. Juste des tâches de couleur, autour d'elle.

Dans sa main, le bâton s'agite tout seul, accompagné d'un léger mouvement involontaire de son poignet. Elle cause même pas, elle n'y arrive pas ; elle comprend même pas ce qui lui arrive.
Et puis le jet de Magie fuse. Elle le voit distinctement, à travers ses larmes. Un sanglot la pousse en avant, elle se penche, sa main droite et blessée rencontre une écorce dur.
*'core du bois* Y'a du bois partout, ici. Les arbres l'entourent et sa main serre la baguette. Que du bois. Le ruisseau coule et sa mélodie frappe les oreilles de la petite ; déchirante. L'Harmonie du lieu s'est barrée en courant, sans trop que la Gamine ne sache comment. Ni pourquoi.

Elle se laisse glisser au sol, le dos contre l'écorce ; contre l'écorce rugueuse qui frotte sa peau à travers le vêtement, lui fait mal. Mais elle s'en fout de la douleur ; elle aime la douleur ; elle veut la douleur. Elle veut sentir à quel point elle est incapable.
Dos contre l'arbre, ses doigts remontent sur le tronc et courent le long du bois.
S'arrêtent.
Stoppés par un trou.

Par une estafilade. Une entaille rectiligne dans le bois. Une blessure dans son corps, dans sa tête, et maintenant dans l'arbre. *L'Arbre* Un revers de la main pour essuyer ses larmes et la morve qui coulent sur son visage de gamine, et elle y voit plus clair.
Thalia se relève faiblement, recule de surprise, entrouvre la bouche pour suffoquer.
*L'Arbre*
L'Arbre est barré d'une coupure, longue et épaisse. L'Arbre. Son Arbre.

*L'Arbre-Flux*
L'Arbre-Origine.
L'Arbre-Souvenir.
Son Arbre.

La pousse qu'elle a frappé de sa Magie, à six ans. Le faisant grandir ; donnant naissance à un magnifique chêne. L'Arbre. Blessé. À cause d'elle. Elle déglutit bruyamment, se penche en avant. Cette fois, le cri est voulu, le mouvement circulaire que sa baguette décrit également.

« DIFFINDO ! »

L'autre arbre, celui d'à côté, le hêtre, vole en morceaux. Un sourire étire ses lèvres, une moue cruelle. L'arbre a été touché de plein fouet. Il est éclaté. À cause d'elle. *J'l'ai fait* De la Magie volontaire. Mais l'Arbre-Flux est toujours blessé ; à cause d'elle. Son Arbre.

Un froissement de feuilles se fait entendre derrière elle, et quand elle se retourne, Thalia voit d'abord les pieds. Des pieds chaussés de bottines en cuir qui foulent l'herbe verte. Son regard remonte et elle distingue une silhouette ; une gamine à peine plus jeune qu'elle, avec des cheveux noirs-de-jais, et un sourire grâce qui étire sa face. Les sourcils froncés, aussi. Un mouvement du menton désigne l'arbre en morceaux, à côté d'elle, et l'Autre lance :

« Pourquoi tu l'as tué alors qu'il t'a rien fait ? »

oOo

Suite directe
Fille de feu
[à venir]

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[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]