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09 déc. 2018, 01:10
 Allemagne  Dunkel sind die Stämme  Solo 
Dunkel sind die Stämme – Sombres sont les Troncs


Les hauts troncs à la surface inégale entouraient une petite boule blanche éclairant cette sombre nuit d'Hiver. Elle était recroquevillée, en proie au vent glacial qui fouettait la peau de son visage exposée à la fraîcheur externe. La fillette était emmitouflée d’un manteau fin la gardant bien au chaud, mais il ne la couvrait pas totalement, certaines parties de son corps se retrouvaient ainsi exposées à la morsure de ce froid hivernal. Elle y trouvait les airs d’une caresse vivifiante, qui la forçait à une attention au Monde. Elle était totalement ancrée dans le moment présent par ces piques de glace qui la harponnaient et la maintenait dans cette réalité ventouse. Assise sur un rocher, elle patientait. Ses parents s’étaient éloignés un instant et lui avaient garantis qu’ils seraient de retour bientôt. Mais qu’est-ce que « bientôt » pour un enfant perdu au cœur d’une sombre forêt ? Une bien trop longue attente, l’enfant ne bougeait pas, n’ayant aucun horizon, les ombres dansantes et noires des arbres étaient telles des Silhouettes effrayantes l’encerclant et lui ôtant toute échappatoire. Elle n’osait faire un mouvement et ne pouvait qu’appuyer de toutes ses forces ses mains sur la pierre en invoquant les adultes par une prière silencieuse. La jeune fille était incapable de déterminer ce qu’ils étaient en train de faire et la raison de leur absence interminable. *Ich will euch zurück…*[α]

Aucune notion du temps ne pouvait être perçue par Chioné qui ne voyait pas même le ciel et ses Astres. L’atmosphère sombre lui indiquait seulement que la nuit était déjà tombée, ce qui en cette région et cette saison pouvait tout autant situer un début d’après-midi ou le cœur le plus profond du temps de Nyx. Le vent, après avoir presque insensibilisé ses mains et la peau de son visage par ses violentes bourrasques s’était apaisé et continuait à souffler avec plus de douceur. Jamais Chioné ne s’était sentie aussi seule, aussi froide et glacée. Cette léthargie était loin d’être un état qu’elle était prête à embrasser, elle songeait au contraire à la combattre à tout prix. Il ne lui était qu’à peine possible de s’autoriser à espérer que tout prenne fin. Elle ressentait une chape autour d’elle la limitant dans ses mouvements. Là où toutes les directions lui étaient ouvertes, elle se sentait au Croisement d’Hécate, elle risquait de prendre le mauvais chemin et de ne plus jamais revoir l’issue de cet espace. En d’autres circonstances elle l’aurait apprécié, l’enfant n’aurait imaginé se retrouver dépourvue de la moindre accroche tangible et rassurante et ne parvint à trouver le goût à l’exploration, tétanisée qu’elle fut. La seule source de chaleur provenait de sa respiration qui passait entre ses lèvres, véritable supplice pour ces dernières. Ses paupières se refermèrent sur ses yeux verts et l’enfant enfouit son visage entre ses bras. Si seulement ce monde était sien. Chioné, la Neige, cet environnement devrait l’être. Tant que le dialogue ne saurait être instauré, autant l’une que l’autre demeurerait muet.

Quelques instants plus tôt, la famille Ajax stationnait à l’Orée de la Forêt où ils avaient prévu de faire une promenade, passer un moment commun. Les arbres étaient nus, et presque plus aucune feuille ne jonchait le sol, la période automnale s’était bien achevée et les vagues venteuses avaient dispersé ce manteau Ambré. Le sol, dur et froid, accueillait déjà la couverture d’un blanc immaculé que l’enfant se souvenait avoir vu chaque année, elle ne doutait pas de son retour régulier. La fillette connaissait assez peu ce lieu, l’ayant à peine côtoyé auparavant, il lui semblait y avoir posé quelques pas en été, ses petites mains avaient été en contact avec les différentes textures des troncs, des feuilles, de la terre sèche. Elle gardait encore souvenir des odeurs champêtres, mais ne les retrouvait pas alors qu’ils faisaient face à l’embouchure fortuitement ouverte entre les végétaux formant une sorte de chemin. Tout semblait comme emprisonné dans des capsules en Sommeil que l’enfant aurait été tentée de briser et ouvrir si elle avait su comment réaliser ce souhait. Le Soleil était déjà bas quand les sorciers pénétrèrent dans la forêt, de son Or il faisant briller d’éclats irisés le voile pur et diaphane qui couvrait aussi une partie des branches. Les rayons dans leur dos, ils étaient entrés et s’étaient enfoncés vers l’ombre provoquée par la grande densité des arbres présents dès que la bordure s’éloignait. L’Astre avait décliné au fur et à mesure de leur avancée, mais les adultes connaissant très bien la forêt ne s’en étaient pas inquiété outre mesure. Sous les branches épaisses qui cachaient tout accès à la Voûte céleste, plus aucune lumière ne transperçait les mailles de bois, si bien qu’Azalée éclairait avec sa baguette d’une lueur tenue qui sortait de sa baguette, l’éclat était très doux. Un certain respect du règne de la Nuit était présent, et il n’était pas dans l’idée de reconstruire la luminosité intense du Jour.

Chioné tenait, le bras levé, la main douce et chaude de Martial, tandis qu’elle avançait avec des enjambées bien plus petites, trottinant presque lorsque son père oubliait de réguler le rythme de la marche pour elle. Une clairière, comme une ouverture dans laquelle il était possible de stationner un moment pour prendre de grandes bouffées d’air froid et pur, se présenta à eux, et ils s’arrêtèrent. La jeune fille fut hissée en hauteur et posée sur un grand rocher, la faisant surplomber la scène. Elle était légèrement essoufflée d’avoir tenu un rythme aussi soutenu, et espérait que le temps allant elle serait capable de mieux tenir cet allongement du pas. Pourtant elle trouvait appréciable de faire des pauses et surtout s’autoriser à goûter à tout ce qui s’offrait à ses Sens de perception. L’enfant leva la tête et ne vit qu’un enchevêtrement étroitement serré dissimulant ce qu’elle cherchait vraiment à apercevoir. Elle ne savait quand la route allait reprendre, ne demanda pas tout de suite. La fillette aurait aimé savoir s’il y avait des nuages porteurs de flocons prochains, incapable de discerner quoique ce soit dans l’obscurité épaisse, elle se résolut à attendre ce qui tiendrait de l’ordre de la surprise.

Alors que l’enfant avait l’attention détournée et que les deux parents la regardaient avec tendresse, songeurs quant à cette fille qui doucement devenait indépendante, apprenait à trouver seule ce qu’elle cherchait, s’émerveillait de phénomènes inexplicables. Aristide sans doute avait-il eu une bonne influence sur l’enfant, qui était certainement grandie à son contact, elle apprenait à affiner et personnaliser toujours sa perception pour ne plus avoir à solliciter un appui externe quand cela n’était pas essentiel. En dépit de sa froideur, il était parvenu à créer une sorte de lien avec Chioné, une confiance mutuelle les aidait tout deux à s’élever. Le couple Ajax ne regrettait pas d’avoir confié une partie de l’éducation de leur fille à leur ami qui avait indubitablement le doigté et la finesse attendues.


Azalée ferma sa main engourdie de son immobilité dans ce froid et se figea net en passant son pouce de la paume vers son annuaire gauche. Son regard d’Ambre se tourna aussitôt vers son époux qui se raidit aussi lorsqu’elle lui montra sa main. Sans avoir besoin de s’exprimer, il comprit, et annonçant à leur fille qu’ils revenaient dans un petit instant, ils se précipitèrent sur leurs pas, emportant leurs baguettes pour tenter de retrouver la bague perdue certainement à quelques mètres de là, dans la neige. Ils abandonnèrent alors temporairement une gamine le temps de leur exploration, ne s’inquiétant pas de ce qui pourrait lui arriver.

Ils ne revenaient toujours pas… Elle pourrait les chercher ? La sorcière en devenir n’était pas certaine de la route qu’ils avaient empruntée et craignait de se perdre dans la mauvaise voie. Chioné fit un petit saut pour descendre du rocher sur lequel elle avait été montée par son père. Ses pieds firent deux marques sur le sol friable. Des piétinements d’indécision avant de se rendre compte que le plus sage était de conserver cette position plutôt que s’enfoncer plus profondément dans la forêt au risque de se perdre à jamais. Son corps se repose sur la pierre, s’élevant et s’affaissant au rythme des respirations. Ses mains s’étalent sur la surface rugueuse qui apporte comme une chaleur relative. Ses sens endormis commencent à se réactiver gentiment et ses yeux s’accoutument à la noirceur de la Nuit, de telle sorte qu’elle arrive enfin à distinguer des εἴδη[β] et contours. Un contraste se crée devant elle, révélant les cernes du décor nocturne. Au bas de ses jambes la neige ondoie s’agite d’une ondulation étrange. Tenu en son état par la température, elle ne devrait pas présenter ces modulations en sa surface. Immobilisé dans une contraction surtendue, entre l’envie de se baisser pour comprendre ce qui provoque le mouvement, et la terrible tentation de fuir cette manifestation suspecte sans savoir quelle issue était préférable. La couche de neige s’élève, se tasse, se distend et se casse, et la jeune Ajax, tous Sens en éveil, le perçoit à travers la semelle de ses chaussures, par son ouïe l’informant d’une friction entre l’élément et un corps inconnu, de son regard fasciné et soucieux. De partout ses stimulus lui hurlent que sous la neige s’agite une ondulation étrangère, sans qu’il ne lui soit possible d’en déterminer la nature de quelque manière que ce soit.

Une béance s’écarte alors et perce la couche épaisse blanche sur laquelle l’enfant repose. D’abord une forme d’ellipse très petite d’où sortait une langue très fine et ondoyante, cette perle ovale semblait sertie de minuscules pierres précieuses et brillantes d’un Onyx pur et brillant sur lesquelles se reflétait le visage de Chioné qui voyait la pâleur extrême de ses joues et l’écarquillement de ses yeux. Deux Sphères de chaleur d’un bleu acier étaient implantées dans ce qui était à présent identifié comme la tête d’une créature qui venait de se faufiler un bout de chemin entre les flocons entassés. Suivit l’émergence d’anneaux successifs constitués de ces mêmes Onyx lisses. Cette noble et sublime apparition serpentait, provoquant de magnifiques chatoiements, et pouvant tracer toute sortes de courbes par la souplesse extrême de son tronc. Émerveillée par la grâce absolue de la Créature la fillette plia doucement ses genoux pour se rapprocher de sa hauteur et ménager une proximité satisfaisant sa muette observation. C’était la première fois qu’elle avait une vision de la sorte, elle ne saisissait que la beauté et la rareté de ce qui sembla avoir été façonné par des mains minutieuses. L’idée d’un ciselage précis, d’une sculpture sur laquelle le créateur aurait encore et encore affiné les Contours. La Perfection dans la vie, sa première impression.

S’abaissant totalement, la jeune Ajax s’assit au niveau du sujet de sa Fascination. S’imprégnant du mouvement hypnotique, elle amorça un tracé par mimétisme. Son annuaire gauche tendu s’approcha très progressivement de la Neige, jusqu’à sentir le contact froid et humide frôler les percepteurs tactiles et sensoriels du bout de son doigt. Il s’enfonça un tout petit plus, juste avant d’atteindre l’ongle. Un sinueux tracé, d’une grande légèreté se fit visible, tracé par la fillette qui ajoutait à son cheminement aléatoire de temps en temps des détours stylisés, parfois mêmes des spirales de déploiement d’ampleur diverses. Lorsque son bras n’était pas loin de l’engourdissement, elle cala son parcours sur celui du modèle pour moins fatiguer, goûtant à l’excitation extrême de pouvoir elle aussi atteindre par un biais la grâce qu’elle admirait. L’homme n’est pas par nature destiné à l’élégance. Aristide lui avait enseigné comment elle pouvait être construite, comment il était ensuite possible de la laisser nous construire. Mais elle n’est pas de la nature commune, certains s’en passent et la rejettent même par dénigrement de ce qu’ils associent au superflu, à l’artifice.

❅❅❅

Souvenir


Aristide, warum bist-du immer perfekt? Mutter sagt, dass du anders bist."[γ]

Un jour, elle avait osé questionner cette figure qui n’avait jamais fait de faux pas devant elle, même après un vacillement momentané, il trouvait toujours la pirouette pour s’en tirer. Il était le seul qu’elle connaissait ainsi. Elle ne savait pas si en suivant ses enseignements, elle devrait devenir comme lui. Était-ce ce que ses parents désiraient ? ou son précepteur même ? L’inquiétude propre à l’enfant qui craint décevoir avait affleuré et Chioné avait ajouté, précisé sa crainte.

Ist es ernst, wenn ich es nicht schaffe?"[δ]

Sous-entendu, si elle ne parvenait à appliquer ce qu’il lui montrait. Si elle n’était pas à la hauteur, et se trompait de façon maladroite. Elle se souvenait encore ce regard perçant et aiguisé de l’adulte qui avait toisé cette fillette de longues secondes avant de répondre. Sa réponse aussi avait été gravée en lettres de feu en Chioné. Il lui avait répondu en français.

« La perfection est un idéal, chercher à l’atteindre serait destructeur, car atteindre le Sommet est certainement une aspiration digne d’une démesure, d’un ὕϐρις de héros voué à l’échec. Je ne suis pas parfait, ma jeune Neige. L’irréprochable, voilà ce à quoi je tends. Être tel que trouver le reproche serait quasiment impossible. Cela implique une grande capacité d’anticipation, et une compréhension de la personne te faisant face. »

L’enfant avait hoché de la tête, étonnée d’avoir entendu son mystérieux précepteur se livrer, lui expliquer ce qu’elle tenait pour Secret scellé. Encore incertaine, elle avait ajouté une interrogation, marque de son innocence et de sa grande jeunesse.

Und die Eleganz ?"[ε]

Monsieur Dante montra un petit sourire en coin, et enroulant une mèche des cheveux blancs de la fillette, il lui souffla à l’oreille.

« Quand tu parviendras à l’identifier en ce que tu vois, tu pourras la faire tienne. »

Sans avoir totalement compris, l’enfant n’avait pas insisté, consciente que le mage ne comptait pas tout lui expliciter d’un coup et ce jour-ci. Elle avait semblait-il épuisé son quota de questions.

❅❅❅


Ces dernières paroles revêtaient enfin du sens qu’elles attendaient lorsque la jeune Ajax crut identifier en ces ondulations l’élégance. Elle se demandait quelle sensation la traverserait si elle touchait à l’Onyx qui couvrait le reptile. Douceur, rugosité, irrégularité, uniformité ? Chioné attrapa les Perles bleues profondes et transmit une requête silencieuse en avançant déjà sa main à quelques centimètres, attendant de la Créature qu’elle accepte ou non le contact qu’elle proposait. En dépit de la quasi absence de source de lumière, une légère ombre se dessinait de son bras levé. Elle patienta, ignorant s’il daignait lui offrir cette découverte, il pourrait aussi la dédaigner et s’effacer, disparaître et ne devenir qu’un point à l’Horizon. Semblant s’approcher de l’allemande, elle pensa un instant qu’elle pourrait découvrir la texture de cette peau qui mêlait vulnérabilité des interstices et armure des pierres. Cependant le corps se redressa et un orifice s’ouvrit, dévoila deux forme triangulaires et terriblement pointues. La fillette eut à peine le réflexe de reculer le buste, mais sans qu’elle n’ait eu le temps de réaliser ce qu’il se produisait, alors qu’elle était dans la position tangente entre spectatrice et actrice, ces crocs, puisque c’était ainsi qu’il fallait les nommer, s’enfoncèrent dans sa chair, ce ne dura qu’une fraction de seconde avant que la prise ne prît fin, laissant hébétée la victime tétanisée.

Des gouttes pourpres tombaient insidieusement sur la Neige. Elle tenait sa main dans une horreur inédite, dans l’incompréhension la plus totale. La Perfection avait-elle le droit de trahir de la sorte, de tromper l’innocence bafouée ? Elle s’était arrogé le droit de le faire. Chioné ne savait plus quelles étaient les Ancres, les irréfutables. L’ouverture dans sa chair ne semblait pas être en voie de se résorber mais était au moins très nette, l’enfant se dit que les pouvoirs curateurs de ses parents sauraient la sauver de cette déchirure externe. Quant à l’interne… la chute brutale et soudaine d’une confiance de bêtise et d’une fascination aveugle. Est-ce que Aristide se serait laissé tromper dans la même situation ? Elle lui demanderait, c’est certain. Elle avait besoin de mesurer l’inconscience de son action. De savoir si cette perfidie était inévitable ou si elle aurait pu y échapper. Si la douleur cessait, elle aurait moins de peine à avoir ses pensées coulant à flot sur ce trouble, ce dégoût. Elle aurait voulu que sa main s’évanouisse, qu’elle perde toute sensation. Oui, qu’elle soit privée de ses Sens pour avoir fait preuve d’un tel manque de discernement. De rage et de frustration tournées tout autant contre elle-même que vers l’extérieur, un cri déchirant lui échappa, amplifié par les élancements que la morsure lui provoquait le long du bras à présent.

Sa main valide se tendit en direction de la ligne d’un noir brillant qui avait tracé sa ligne de sang permettant de trouver sans peine sa cache, dans l’ombre. Un regard sombre le transperça, si ce n’était pas Perfection, alors elle pouvait lui causer du tort. Elle avait le droit de toucher à ce qui s’avérait ne plus tenir de l’intouchable. Se redressant, un déferlement de magie explosa et sortit de son petit corps pour se jeter sur la Créature, fondre sur elle, alors que Chioné clôt fermement son poing. Une Bulle glaçante entourait à présent ce qui anciennement ondoyait et se retrouvait à présent figé et privé de toute possibilité de mouvement. Son visage resta de marbre en dépit ce qu’elle crut lire dans la profondeur du bleu des Sphères qui avaient conservé ses nuances et son expression. La Magie avait fait son œuvre, et la fillette n’osait émettre le moindre geste. Il s’agissait de tout premier acte dont elle avait conscience, et ses pouvoirs étaient pour le moins… glaçants. Sa propre puissance l’effrayait, c’était ça la Magie ? Une force brute qui sort de ses frontières et fait des ravages. Elle voulait faire des choses belles, contrôler son pouvoir, pas avoir affaire à un potentiel explosif. Elle tomba à genoux, vidée de toute once d’énergie qui aurait pu encore demeurer en elle. Détachée du monde, elle sentait sur le coin de ses paupières une humidité brûlante affleurer. Alors qu’elle plongeait en un effondrement total, des voix familières la ramenèrent à la réalité, elles étaient accompagnées de pas précipités.

Elle ne se reconnaissait plus, elle était perdue quant à l’opinion qu’elle pourrait émettre sur celui qu’elle avait emprisonné sans en avoir l’intention formulée. Elle se retourna, dévoilant toute la détresse sur sa face à ses parents qui s’étaient précipités vers leur fille et avaient fait marche arrière à l’écoute unique du cri terrifiant qu’ils avaient entendu, qu’ils avaient interprété comme un appel de leur enfant. Elle se jeta alors contre les adultes et sanglota amèrement dans leurs vêtements, resta quelques minutes, jusqu’à ce qu’elle sente que les larmes se tarissent d’elles-mêmes. La sorcière apprentie recula alors en prenant de profondes inspirations, tandis que Martial et Azalée attendait qu’elle parle. Avant même que la fille à la chevelure blanche n’eut le temps de prononcer le moindre mot, son père saisit sa main avec horreur et réalisa quelle terrible blessure avait été infligée sur cette main. La tête de Chioné se déportant vers le bloc de glace offrit aussitôt l’information au couple Ajax, qui commençait à reconstituer les divers indices pour comprendre dans quel théâtre ils avaient lâché leur Neige.

D’une voix tremblotante, elle fit le récit décousu de ce qu’il s’était passé, omettant certains détails, accentuant les points sur lesquels elle attendait le plus assurément une réponse. Avait-elle le droit de faire du mal avec sa Magie qui avait exprimé ce qu’elle n’avait pourtant pas dit ? Ses parents ayant jaugé la prison de la Créature lui assurèrent qu’elle sera libérée quand la glace fondra. Étant au cœur de la saison hivernale, ce ne serait pas immédiat, mais d’ici quelques semaines ou mois il pourra déambuler libre. D’une certaine manière la Magie de Chioné le maintenait en vie en le figeant. La jeune Ajax avait développé une crainte si terrible, non seulement de cet Onyx trompeur et perfide en qui elle n’avait vu que les beaux atours, mais surtout d’elle-même. De la brutalité de son pouvoir dans son expression la plus pure et la moins bridée.

L’Allemande avait besoin d’Aristide, elle savait que lui aurait les réponses. Il ne pourrait subir le reproche du mutisme en n’ayant pas de réponses. Le lendemain, alors que sa main était entourée d’un bandage et qu’elle était en état d’écrire, elle se saisit de Plume et Encrier, et écrivit une lettre à son précepteur, le seul dont elle imaginait être son Retter[ζ] l'extirpant de son impasse. Elle écrivit même en français pour montrer qu’elle avait bien retenu ses leçons.
Mon cher Aristide,


J’ai mal, j’ai mal et j’ai besoin de toi. J’ai fait de la Magie incontrôlée, contre une étrange créature. J’y avait décelé ce que je croyais être l’Élégance. Un corps couvert de pierres précieuses, des ondulations souples et sublimes. Mais en retour à ma Fascination la déchirure des Crocs m’a répondu. Comment savoir où est la Perfidie si elle se cache derrière les couvertures les plus attrayantes et aux autours les plus purs ? Quelle fut ma sottise ? Ma Magie est-elle cruelle ? J’espère que tu m’accorderas le temps d’étudier mes questions.
Ich habe Angst. Hilf mir, bitte.[η]

Neige


C’est la main tremblante qu’elle cacheta l’enveloppe. Elle attendait sa prochaine session, où elle verrait son précepteur en chair et en os, avec impatience. Un besoin vital d’apaisement qu'il serait le seul à lui procurer.


Reducio
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Version :
[α] Je vous veux de retour...
[β] Formes
[γ]Aristide, pourquoi es-tu toujours parfait ? Mère dit que tu es différent.
[δ] Est-ce que c'est grave si je n'y arrive pas ?
[ε] Et l'Élégance ?
[ζ] Sauveur
[η] J'ai peur. Aide-moi, je t'en prie.