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27 déc. 2018, 16:44
 Cork | Solo  Déchirure
25 décembre 2037


  Noël. Une fête que tout ceux qui la célébrait attendait avec impatience. Une fête qui rassemblait autour d’un bon repas familles et amis pour partager un moment agréable dans une ambiance chaleureuse. Et cette ambiance n’épargna pas la ville irlandaise de Cork. Les trottoirs qui étaient recouverts d’une fine couche de neige reflétaient la lumière des guirlandes qui décoraient les arbres et lampadaires. Les maisons elles aussi décorées par les soins de leurs habitants ne faisaient que renforcer cette « magie de Noël », tout comme les chants des chorales qui s’élevaient dans la nuit.

  La maison des Shelby n’y faisait pas exception. Bien que son extérieur n’était pas décoré, à l’intérieur, l’esprit de Noël était bien présent. À côté de l’âtre flamboyant de la cheminée, qui répandait sa chaleur à travers la maison, trônait un sapin, ni trop grand, ni trop petit décoré dans les tons or et rouge. Une guirlande lumineuse clignotant d’une couleur or ornait le manteau de la cheminée. Et une guirlande en sapin entrecroisé avec une guirlande en ruban rouge habillant la rampe de l’escalier qui menait au deuxième étage. La table qui se situait au milieu de la salle à manger était dressée et n’attendait plus que ceux qui allait l’occuper.

  De la cuisine, où s’affairait aux fourneaux la mère de famille, Keira Shelby, s’échappait une délicieuse odeur de nourriture. L’Irlandaise de quarante-et-un ans s’était levée tôt le matin pour s’assurer que tout sera prêt lorsque l’heure viendra de passer à table. Parée d’une robe rose taupe, elle n’avait plus qu’à surveiller que rien ne brûle et à peaufiner les derniers détails du repas.

  Le calme régnait dans la maison des Shelby, à l’exception des discussions chuchotée entre les deux frères, Thomas et Jonathan, tous deux vêtus d’un costume noir, qui étaient assis dans le canapé, en face de la cheminée. Il ne manquait qu’une personne de la fratrie dans la pièce. La petite Eileen qui était réfugiée dans sa chambre, assise sur le rebord de sa fenêtre à observer les flocons de neige tomber et recouvrir la petite parcelle de terrain qui se situait derrière sa maison.
  Mais le calme et la sérénité que semblait dégager la maison n’était qu’une apparence, une mascarade. Les paroles échangées par les deux frères n’étaient qu’un moyen de détourner leur attention de l’ambiance tendu qui régnait chez les Shelby. Keira ne s’affairait dans la cuisine que pour évacuer son stress. Et Eileen restait cloîtrée dans sa chambre car, comme tous les ans, mais davantage encore cette année, elle redoutait le repas de Noël qui allait débuter incessamment sous peu. Lorsqu’il arrivera.

  Soudainement, le bruit distinct de la porte d’entrée qui s’ouvrit fit taire tous les bruits et mouvement qui animaient la maison.

  Il était là.

  La maison fut plongée dans le calme absolu l’espace de quelques secondes qui eurent l’allure de l’éternité pour Keira et ses deux fils. Puis de concert, les trois Shelby qui se trouvèrent au rez-de-chaussée se dirigèrent vers la porte pour accueillir la personne qui venait d’entrer. Peu de mots furent prononcés, un simple « Père » articulé par Thomas, puis Jonathan qui lui serrèrent chacun la main, presque machinalement. Même Keira, qui d’habitude était si bavarde, n’accueillis l’homme que par un générique « Bonsoir chéri », même si elle accompagna ses quelques mots d’un sourire à travers duquel elle tenta de faire passer toute sa bonté, espérant détendre l’atmosphère pesante qui semblait s’être multiplié depuis l’arrivée du père de la famille, Aedan Shelby.

    Atmosphère qui ne se détendit pas pour le moins du monde lorsque ce dernier prit la parole.

- Où est-elle ? Demanda-t-il d’un ton presque agacé.
- Elle est encore dans sa chambre, elle n’a sûrement pas dû t’entendre rentrer, s’empressa de répondre Keira.
- Je vais aller la chercher.

  Sans un autre mot, l'aîné de la fratrie, sous les regards inquiets de sa mère et son frère, monta les marches de l'escalier qui menait au deuxième étage, puis se dirigea vers la dernière porte à droite du long couloir. Ne recevant pas de réponse, il ouvrit la porte afin de passer sa tête dans l'embrasure.

- Père est là.

  Presque léthargiquement, à contrecœur, la fillette de sept ans quitta des yeux le paysage enneigé qui s'offrait à son regard et tourna la tête vers Thomas. Elle hocha austèrement la tête, mais au fond d'elle, elle redoutait la soirée qui allait se dérouler. Elle aurait tout donner pour pouvoir rester dans son petit refuge. Car même si c'était Noël et que cela faisait un mois qu'elle n'avait pas vu son père, beaucoup de choses s'étaient passée en un an, et Eileen n'avait plus la même joie de vivre que la dernière fois qu'elle avait vu Aedan.

  Suivant son frère hors de sa chambre jusqu'à l'entrée où se tenait encore le reste de la famille, son visage était toujours aussi fermé, elle tenta alors d'adoucir son expression, sachant que cela déplairait sûrement à son père de la voir si apathique.

- Excusez-moi Père, je ne vous avais pas entendu arriver, veuillez me pardonner.

  Et la maison était à nouveau plongée dans le silence, alors que la fillette riva son regard vers le sol. Les yeux marrons d’Aedan étaient rivés sur sa fille, dont le visage était toujours baisé vers le parquet qui habillait le sol de la maison.

    Silence. Trop de silence. Même pas un bruit de respiration ne vint briser ce lourd silence. Silence qui ne faisait qu’augmenter la tension palpable dans la maison. Silence qui aurait pu durer encore des heures si la douce voix de Keira n’était pas venue remplir l’espace vide et résonner gentiment dans les oreilles des quatre autres personnes à côté d’elle. Voix qui espérait faire redescendre la tension. Voix qui brisa le regard dédaigneux et froid que jetait Aedan sur sa fille qui resserrait l’étau de ses mains l’une sur l’autre pour ne pas laisser trahir leur tremblement.

- Et si nous passions à table avant que tout ne refroidisse. 

  Silencieusement, encore une fois, les Shelby s’installèrent autour de la table afin d’entamer le repas.

  La soirée s’annonçait interminable.
Dernière modification par Eileen Shelby le 26 juin 2020, 18:08, modifié 1 fois.

« Free will does exist, it's just fucking hard.»

03 janv. 2019, 21:27
 Cork | Solo  Déchirure
   Malheureusement, le passage à table ne fit qu’empirer la situation. Au lieu du silence pesant qui occupait auparavant l’espace, fusait les remarques désobligeantes d’Aedan envers sa fille. Au début du repas, la jeune fille avait eu le malheur de manger légèrement trop vite un morceau de saumon fumé au goût de son père ce qui lui valut un regard à lui glacer le sang et une réprimande.

- Mange moins vite, ce n’est pas comme si tu semblais mourrir de faim, prononça avec mépris l’homme, en lançant un rapide coup d’œil vers le ventre de sa fille.                                     

   Eileen, qui n’avait plus pipé mot depuis qu’elle s’avait présenté ses excuses à son père, pinça ses lèvres et baissa ses yeux vers son assiette, ne voulant pas donner à son père la satisfaction de voir les larmes qui commençaient à embuer sa vision. Elle prit alors soin de mettre plusieurs minutes à mastiquer chaque bouchée de saumon.      

   Lorsque ce n’était pas ça, c’était la posture de sa fille qui dérangeait Aedan qui était légèrement recroquevillé sur elle-même, comme pour se protéger de ce qui l’entourait. Elle avait pris l’habitude de cette posture à cause des problèmes qu’elle avait rencontré cette même année à son école. Les moqueries, insultes, c’était devenue une habitude pour elle, cependant, cela ne rendait pas le fait de les entendre plus facile, surtout lorsque ces dernières viennent de votre propre père.

   Alors qu’Aedan allait ouvrir la bouche pour à nouveau rabaisser sa fille, Keira, qui avait remarqué que tout le monde avait finit son assiette, se leva précipitamment mais tout en douceur et commença à ramasser les assiettes et le plat de l’entrée.

- Eileen, mon ange, veux-tu bien m’aider s’il te plaît ? Demanda la mère de famille pour éloigner la fillette des moqueries de son père, qui ricana en entendant les mots « mon ange » sortir de la bouche de sa femme pour qualifier leur fille.

   Eileen acquiesça et prit le plat où était auparavant disposé le saumon fumé pour le ramener en cuisine.

- Et tache de ne rien faire tomber, sinon tu auras à faire à moi, avertit Aedan.

   Cette fois-ci, une des larmes roula sur la joue de la fillette. Heureusement, elle était dos à la table, articulant un « Oui, Père », elle reprit son chemin vers la cuisine où elle déposa le plat avant d’être enveloppé dans les bras de sa mère.

   Lorsqu’elles revinrent dans la salle à manger, Keira le plat contenant la dinde qu’elle avait déjà découpé et Eileen le plat de purée et de légumes dans les mains. Le silence était revenu, mais le regard noir d’Aedan s’empressa de retomber sur sa fille. Ce dernier se tue pour les quelques minutes qui suivirent, mais lorsque personne ne s’y attendait, où du moins s’était légèrement détendu afin de profiter de la suite du repas, le quarantenaire décida de frapper.

- Vas-tu passer tout le repas avachie dans ton assiette ? N’as-tu aucune tenue ? D’abord tu n’es pas venue m’accueillir lorsque je suis arrivée, et maintenant ça, cracha Aedan. Et après vous vous demandez pourquoi je suis partie, lança-t-il à ses deux fils et à sa femme.

   Cette dernière phrase fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Les deux frères qui jusque-là n’avaient pas prononcé un mot depuis le début du repas, qui s’étaient retenus à chaque remarque désobligeante de leur père envers leur sœur en agrippant leurs couverts de toute leur force, en serrant la mâchoire jusqu’à s’en faire mal, explosèrent.

   Lâchant bruyamment ses couverts sur la table, Jonathan commença à se lever de sa chaise mais il fut retenu par la main de son frère qui le fit se rasseoir. Thomas paraissait calme, son visage ne trahissait aucune émotion, tout comme sa voix. Mais ses yeux. Derrière ses yeux bleus se préparait une tempête d’une rare violence, prête à être déchaînée.

- Comment oses-tu la tenir responsable pour tes erreurs ? Ce n’est pas de sa faute si tu nous as abandonnés parce que tu hais le fait que maman est mis au monde une fille au lieu d’un troisième garçon comme tu le désirais tant, déclara-t-il toujours aussi calme, avant de hausser légèrement le ton. Alors n’ose même pas la blâmer pour ta stupidité.

« Free will does exist, it's just fucking hard.»

22 mai 2019, 16:38
 Cork | Solo  Déchirure
    Crack. Un premier verre. Crack. Un deuxième verre.

   Seul le bruit de verre qui éclatait résonnait dans la maison des Shelby. Tous les verres qui étaient présents sur la table où se déroulait le dîner éclatèrent un par un, des éclats volant dans tous les sens ; finissant leur course dans le feu crépitant de la cheminée, tombant par terre, déchirant les rideaux des fenêtres. Mais un éclat en particulier ne déchira pas les rideaux, mais la peau de la joue d’Aedan Shelby.

    À nouveau, plus aucun bruit.

  Tout le monde était sous le choc de ce qu’il venait de se produire, personne ne comprenait pourquoi les verres avaient tous éclaté. Puis le regard de Thomas se plongea dans celui perdu de sa petite sœur. Était-ce vraiment elle qui avait fait ça ? Eileen baissa son regard vers ses mains dont le dos était posé sur le haut de ses cuisses. Elle aussi était sous le choc, elle ne comprenait pas, mais quand elle avait entendu son frère dire que son père ne voulait pas d’elle parce qu’elle était née fille, quelque chose se brisa en elle. Une déchirure irréparable et à jamais inscrite en elle qui avait débloqué la magie encrée en elle. Un événement normalement joyeux, mais qui vira au cauchemar.

   Le mouvement de tête de Thomas n’avait échappé à personne, ni à Jonathan, ni à Keira qui tournèrent également la leur vers la jeune fille ; et sûrement pas au patriarche de la famille qui, doucement mais sûrement posa son regard noir sur Eileen, un filet de sang s’échappant de la coupure sur sa joue. La brune était bien consciente qu’ils la regardaient tous, mais elle ne pouvait détacher ses yeux de ses mains, ne voulant pas paraître aux yeux de son père, car elle sentait des larmes rouler sur ses joues, et puis comment pourrait-elle le regarder en face maintenant qu’elle savait qu’il ne voulait pas d’elle. Qu’il n’avait jamais voulu d’elle.

  Mais comme l’avait si bien prédit le dicton moldu : après le calme, il y avait la tempête.

   Tout se passa très rapidement. Un premier grincement des pieds d’une chaise sur le sol de la maison qui fit lever à contre-cœur les yeux d’Eileen vers son père qui se recroquevilla encore plus qu’elle ne l’était déjà, car elle était sûr que s’il avait le pouvoir de la tuer rien qu’avec son regard, elle serait déjà allongée dans un cercueil. Il leva alors la main et sous les yeux ébahit de tous, commença à l’abaisser sur sa fille, mais un deuxième grincement de chaise et une main qui attrapa le poignet d’Aedan, empêchèrent le pire.

   En état de choc et complètement insensible à ce qu’il se passait autour d’elle, Eileen descendit de sa chaise et quitta la table. Aedan tenta de la rattraper, mais l’emprise de Thomas sur le poignet de son père se resserra, l’empêchant de tout mouvement. Tous restèrent silencieux, sauf Aedan dont la respiration saccadée et bruyante remplissait le vide de la pièce, jusqu’à ce qu’ils entendent la porte d’Eileen se fermer.

  La fillette n’entendit pas grand-chose de la dispute qui avait éclaté en bas, juste la voix de Tommy et de son père se crier à tour de rôle dessus, la voix de John qui parfait intervenait pour soutenir son frère, mais rien de plus. La seule chose qu’elle entendit distinctement, quand les cris s’arrêtèrent, était la voix douce mais tranchante de sa mère.

- Je suis désolée Aedan, mais je pense qu’il est préférable que tu t’en ailles. Que tu retournes à Londres.

   Puis plus rien, ses sens se fermèrent au monde autour d’elle. Elle resta assise sur le siège qui bordait le bas de sa fenêtre, ses orbes grises éteintes regardant à travers la neige qui tombait en abondance dehors, alors que des larmes continuaient de s’écouler de ses yeux. Elle ne prit pas la peine de les essuyer, pourquoi faire après tout, d’autres prendront leur place bien assez tôt.

    Elle n’entendit ni son père partir, ni ses deux frères toquer à sa porte avant de se laisser entrer dans sa chambre. Et la vue qui s’offrait aux deux jeunes hommes leur brisa le cœur. Ils s’approchèrent alors doucement de la petite brune pour ne pas la brusquer, et tandis que l’aîné s’assit à côté d’elle et la prit dans ses bras, tout en lui caressant doucement les cheveux pour tenter de la réconforter, Jonathan s’assit devant eux, prenant les mains de sa sœur dans les siennes. Ils savaient tous les deux que ça ne serait pas suffisant, mais que pouvaient-ils faire pour réparer une déchirure telle que celle-ci.

- Pourquoi ? Murmura Eileen.

- Je ne sais pas, et ça n’a pas d’importance petit ange. Sache que ce n’est en aucun cas de ta faute, tu n’y es pour rien, affirma Jonathan en essuyant les larmes de sa sœur. Tu n’y es pour rien.

   Les trois restèrent dans cette position jusqu’à ce que la fillette s’endorme dans les bras de son grand frère qui la porta pour la déposer délicatement dans son lit. Mais les deux frères ne quittèrent pas sa chambre, ils restèrent la toute la nuit à veiller sur elle, à s’assurer qu’elle n’est pas de cauchemar, comme elle en avait eu assez souvent cette année.

  Heureusement, pour tout le monde, ce Noël était le dernier qu’il passerait avec sa famille, à Cork. Enfin...

« Free will does exist, it's just fucking hard.»