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28 déc. 2018, 00:05
 France  Le Quatuor  Solo 
I. Quatre Voies, un Cœur – Quatre Voix, un Chœur



Graham Ophis


Un courant d’air frais vint chatouiller la peau du jeune garçon qui dormait paisiblement, qui frissonna à ce nouveau contact avant de pousser sa couverture sur le côté. Toujours se faisait-il réveiller en douceur par une différence de température, jamais son corps n’ignorait le signal et il trouvait cela moins violent que de se faire agresser l’ouïe dès potron-minet. Il ouvrit d’abord un premier œil timide, découvrant la clarté de sa chambre, puis un second fixant plus de netteté à son décor bien connu. Cette matinée était un peu particulière, il ne s’agissait pas d’une énième tirée de sommeil semblables à celles d’été, mais de l’ultime en quelque sorte. Il avait à l’occasion demandé à son parrain d’avancer l’heure du réveil à plus tôt que de coutume, imaginant avoir besoin d’un peu plus de temps pour ses derniers préparatifs. Ce jour était celui de la rentrée, il allait quitter pour la demeure… familiale ? À vrai dire il vivait avec son parrain qui l’avait élevé depuis aussi longtemps que ses souvenirs pouvaient remonter dans cette bâtisse. Ses parents étaient rarement présents, tout deux sorciers, Graham n’avait jamais vraiment compris quelle était leur activité professionnelle. Toujours est-il qu’ils ne revenaient que ponctuellement, avec de très beaux cadeaux indiquant qu’ils devaient certainement voyager, mais dont toute la somptuosité ne pouvait en rien remplacer leur présence. Ils les conservaient précieusement dans un tiroir de sa chambre, c’était un peu la vitrine d’un musée personnel. Celui de ses parents. Il espérait quêter des indices sur eux au fil du temps en observant l’accumulation. Ce qui frustrait assez l’enfant, c’était qu’ils tapaient juste grâce aux renseignements glanés auprès de son parrain, mais il se refusait à faire usage de ces présents, qui lui rappelaient justement une absence.

Son parrain était tout pour lui. Un père, une mère, une figure protectrice, à laquelle il pouvait se confier, qui l’aidait à grandir. Il avait fini par accepter que le couple Ophis ne serait pas là, un jour il aurait peut-être une explication auprès d’eux. Car en le confiant entre les mains de cet ami commun de famille, il n’avait pas été parfaitement abandonné, son sort n’était pas à plaindre en comparaison aux enfants réellement livrés seuls à eux-mêmes. Ils étaient alors bienveillants, mais qu’est-ce qui pouvait bien les empêcher de voir leur fils évoluer, de l’accompagner, alors que c’est le devoir de tout parent ? Dans son innocence Graham tentait de leur trouver des justifications, ils n’avaient pas le choix, n’avaient pas trouvé la tierce voie. S’il les avait connus durant une certaine période, il aurait pu être aigri. Cependant comment en vouloir à des inconnus et couver de la rancune alors que rien n’a jamais été promis ? Le garçon vivait bien sa situation, il était bien aux côtés de son parrain, si un jour ses parents revenaient il se ravirait de les découvrir, autrement cela lui était égal. Il avait cessé de poser des questions très précises depuis que son aîné lui avait fait comprendre que si explications il devrait y avoir, elles ne viendraient pas de lui mais des principaux intéressés. Ces derniers étaient d’ailleurs tenus au courant du développement de leur enfant par les témoignages à distance de leur ami, comme quoi ils n’étaient pas totalement indifférents.

Sourire aux lèvres, il rejoignit sa figure parentale dans le séjour et prit rapidement son petit-déjeuner en sa compagnie avant de retourner rapidement dans sa chambre pour vérifier rapidement qu’il prenait toutes ses affaires. Il ne serait pas de retour avant les vacances et avait intérêt de ce fait à ne rien oublier. Tout en voulant avoir un trousseau complet, il tenait à voyager léger et à ne pas s’encombrer de valises gigantesques. Alors qu’il passait encore le doigt sur le fermoir de sa malle, hésitant à l’ouvrir pour en vérifier le contenu, une silhouette imposante arriva derrière lui et posa sa main dans un geste pour l’arrêter avec un regard qui disait tout. Ce n’était pas la peine d’angoisser, au pire il pourrait toujours recevoir des colis par hibou avec ce qu’il manquait. Le jeune garçon avait fait le choix de ne prendre que la lettre de ses parents de rentrée concernant les objets venant d’eux, autrement ce serait de l’ordre de l’encombrement. Il acquiesça et se prépara à sortir. Le jeune Ophis se saisit d’une veste qui lui avait été offerte par son parrain, sur laquelle était brodé son nom en une écriture stylisée qui rappelait le motif du serpent, signification de son nom. En la portant il avait l’impression de ne pas être parfaitement seul.

Il était prêt. Du moins l’espérait. À lui Beauxbâtons, école dont il savait qu’elle deviendrait un jour son foyer, n’ignorant pas sa nature sorcière, son environnement n’était pourtant pas complètement magique, son parrain ne manquait jamais de l’emmener au théâtre, à l’opéra ou dans tout autre lieu de représentation artistique moldu, si bien que son esprit avait été très tôt autant ouvert aux deux mondes, dans lesquels il sentait qu’il avait sa place. Sans vouloir devoir choisir cependant, il avait vite compris qu’une éducation pour maîtriser sa force magique serait essentielle, d’où une éducation obligatoire au sein de l’établissement francophone de sorcellerie. N’ayant pas connaissance fine des langues, il était plutôt ravi d’être français et sentait déjà un peu de peine pour les étrangers des pays limitrophes devant s’habituer à un environnement si typique.

Le trajet se fit avec une telle fluidité qu’il en retint assez peu, il avait tel un enfant moldu à l’arrière d’une voiture observé le paysage monotone défiler derrière la vitre avant de s’en désintéresser et d’attendre l’arriver à bon port. Alors que les futurs élèves étaient sur le point d’arriver il vit une jeune fille en face de lui, à la peau pâle presque translucide et à la chevelure – trait pour le moins étonnant – blanche comme la neige. Fasciné par cette particularité il la fixa avec une insistance presque gênante si cette dernière s’en était rendue compte. Les yeux verts de la fillette s’arrêtèrent sur la veste, amenant Graham à baisser le regard pour se rendre compte qu’elle lisait son nom. Dans un premier temps fier d’avoir cette veste il se sentait un peu gêné qu’elle voie ce qui était lié à une relation assez intime. Il décida de n’en pas faire cas, elle ne savait pas de toute façon. Alors qu’il s’apprêtait à amorcer le contact avec cette intrigante camarade, elle s’échappa, le laissa seule dans une hébétude avant qu’il ne suive le pas. Les portes les attendaient.



Philémon Nótt


L’enfant finissait de noircir une page de son carnet personnel quand il entendit frapper à sa porte. Son corps se raidit et il claqua d’un coup sec la couverture contre la table avant de dissimuler le paquet de feuilles dans un tiroir. Il se leva alors souplement et arriva au niveau de la poignée qu’il abaissa. Personne ne se tenait devant le battant de bois, mais un petit billet avait été déposé sur la plaque horizontale à hauteur de buste où l’on plaçait notamment son courrier. Il se saisit du papier entre deux doigts et le retourna pour lire. Il était convié à descendre dans le salon principal où ses parents l’attendaient. Soupir. Résignation. Acceptation. Ainsi communiquait-on dans la famille Nótt. Ce jour était un peu spécial. Disons qu’il marquait une nouvelle ère dans la vie bien rangée de Philémon. Les adultes avaient déjà prévenu leur fils de ce qui lui attendait concernant son avenir de jeune sorcier. Leurs affaires étaient paraissait-il florissantes et il devait devenir un digne héritier de l’empire qu’ils avaient fondé et faisaient fructifier avec une telle application qu’en dépit de leur fréquente présence dans le manoir l’enfant se sentait commun fantôme ignoré en des instants d’abandon. Il savait qu’une cérémonie très austère et codifiée de salutations l’attendait en bas de ces escaliers interminables. Il prit une veste qu’il jeta négligemment sur ses épaules, ce simple geste suffisait à la faire tenir, et descendit avec une certaine lourdeur les marches de l’escalier.

Salut respectueux accompagné d’une douce inclinaison comme il lui avait toujours été enseigné de le faire. Attente de quelques secondes. Confrontation des regards. Lecture des lueurs respectives et transmission silencieuse de messages. Il était habitué à ce mode d’échange. Les membres de cette famille n’étaient pas de nature très tactile, pourtant chacun des adultes fit un geste en direction de l’enfant, rapide mais empreint de sens. Une poignée de main ferme et défiante, un délicat baiser sur le front avant de recouvrer les positions statiques et glacées. Philémon hocha la tête avant de se retirer, nul doute que ses parents leur transmettraient leur pensée par écrit, c’était là le langage qu’ils maîtrisaient le mieux. Il rejoignit le vestibule où ses effets avaient été assemblés. Il n’avait pas fait lui-même ses valises mais les indications à ce propos avaient exigé qu’elles soient remplies de telle sorte que la répartition interne soit aussi homogène que possible afin d’en faciliter le transport et ménager le garçon qui devrait certainement porter seul ses affaires lors de son trajet qui l’attendait, direction son nouvel établissement scolaire. Beauxbâtons, lieu d’accueil logique pour lui aux origines purement françaises. C’était tracé et comme bien des choses il n’avait pas eu l’opportunité de l’interrogation.

Il avait fait ses au revoir, façon Nótt. Le temps était venu de partir découvrir un nouvel univers peuplé d’inconnu, de nouveauté. Trouverait-il sa place, lui petit être à peine sorti d’un microcosme atypique ? Mais voyons, se raisonna-t-il, tout le monde vient de son microcosme propre, il n’est pas de raison de s’inquiéter, la nature humaine sait comment se plonger en des entrelacements et se mêle sans difficultés autant au lisse qu’au rugueux. Quelle que soit sa forme, il tenterait de trouver sa place. Au pire il pourrait toujours la sculpter. Et pourquoi pas ? Il était sorcier et avait le pouvoir de Création. Et il ne demanderait pas d’aval pour s’en servir. Il devait faire ses preuves. Montrer sa valeur, sa sensibilité. Avoir une Œuvre. L’acharnement, sa détermination lui apporteraient ce qu’il quête, l’apport de ce qui est sien et uniquement sien. Durant tout le temps de voyage, il songeait à cette nouvelle porte qu’il poussait, à l’endroit où elle le mènerait. Peut-être découvrirait-il enfin le sens du terme accomplissement. En quittant cette boule de neige opaque où tout doit être compris car l’explication ne sort jamais pour les ignares. L’enfant n’a-t-il pas le droit d’apprendre ?

Le regard dans le vide, saisissant de façon demi-consciente la stature du château aux contours ciselés, l’enfant s’approchait, suivant ses semblables qui se dirigeaient en suivant les instructions de guidage vers l’entrée de leur futur lieu de vie et d’apprentissage de la sorcellerie. Il ne parvenait pas à voir les individualités dans la foule, la masse d’élèves en devenir l’entourant. Sa façon de partager les instants avait toujours dans une idée de face-à-face, seul-à-seul, vis-à-vis. Créer une fusion temporelle des deux espaces personnels puis se détacher quand l’un ou les deux estiment que le temps de partage est écoulé. Vision très structurée des faits. Elle pourrait s’assouplir en côtoyant des êtres différents de ceux qui avaient été les figures du théâtre de son enfance. Il pourrait grandir autrement, sortir de sa chrysalide longuement tissée et un jour devenir le Papillon aux couleurs chatoyantes qu’il rêvait de voir se révéler.
Des mèches d’un blanc pur attirèrent son attention, il se demanda un instant si ce n’était pas la Lune qui créait de tels reflets, mais ces derniers étaient à vrais dire bleutés, ce qui l’intriguait. L’enfant qui portait cette chevelure dans son port de silhouette, dans son attitude présentait quelque chose d’étonnement et terriblement… attrayant. En quelques pas il avala la distance les séparant et prit sa main entre ses paumes, la plaça contre son cœur en inclinant la tête, contemplant par cette perspective l’espace sur la poitrine de la fillette accueillant vraisemblablement son cœur avant de lentement relever vers son regard vert et de se préparer à chuchoter ses premières paroles intimidées dans ce monde qu’il ne connaissait pas encore.



Hannaë Feder



La jeune fille se tenait devant une glace qui reflétait son corps d’enfant de pied en cap. Elle était vêtue simplement d’un pantalon clair et d’un chemisier mais ses ajustements étaient centrés sur la tenue de ses cheveux qu’elle tentait de relever en un savant chignon. La fillette aimait être impeccable dans son apparaître, et répondre à l’expression selon laquelle pas un cheveu ne doit dépasser était un premier pas pour elle. Alors qu’elle disposait une dernière épingle pour engouffrer ses dernières mèches rebelles dans sa sculpture, un autre corps vint se refléter dans le miroir. Un homme adulte qui avait ce regard émerveillé et tendre, fascination et affection mêlées. Avec une pointe de tristesse-fierté. Sa femme lui avait prévenu que leur fille Hannaë ferait très probablement ses études au terme de l’école primaire dans un établissement particulier où elle développerait diverses aptitudes magiques. Son époux avait acquiescé. Avant de s’unir à sa femme sorcière il n’avait pas eu idée de l’existence de ce monde insoupçonné, il pouvait seulement se l’imaginer et fantasmer dans les pièces qu’il mettait en scène. Peut-être était-ce d’ailleurs ce regard si empreint de respect, de poésie, de perpétuel étonnement vis-à-vis de ce que l’on créé même qui avait séduit la jeune femme après avoir assisté à quelques-unes de ses représentations moldues. Elle avait déjà une ouverture à ce monde. Il en rêvait. Leur alliance révéla une belle complémentarité dont le cœur devint quelques années plus tard leur enfant.

La jeune Feder esquissa un discret sourire en direction de son père, elle se voulait rassurante. Non, elle ne disparaissait pas à jamais et ne couperait pas le contact. Juste avant de se retourner elle tira d’un tiroir une plume blanche qu’elle inséra dans ses cheveux. Elle s’approcha alors de son père et lui prit la main qu’elle sera très fort contre son cœur. L’enfant lui offrait ses battements, en toute transparence et sincérité. Elle non plus n’était pas pleinement confiante à l’idée de cette journée liant la séparation familiale et la rencontre nouvelle. L’inquiétude d’un parent ne faisait qu’ajouter des tressautements et irrégularités au tempo. Sa mère s’était éclipsée très tôt mais après avoir passé une soirée de présence avec Hannaë, cette dernière ne lui en voulait pas trop pour son départ anticipé. Quelques derniers ajustements et elle était prête et sur le départ.

Son père s’était mis à lui parler de plus en plus français ces derniers temps pour l’aider, car Beauxbâtons était un établissement francophone, et échanger en cette langue avait aidé la jeune fille à développer un bilinguisme au moins oral. Son nom Feder - la Plume - trahissait bien ses origines allemandes. Ainsi fut-ce en ce langage que ses derniers mots furent échangés avec lui avant de se livrer en cette contrée étrangère. Pourtant si proche, la fillette ne l’avait pas tant côtoyé. Ce serait une découverte qui tout en éveillant une forme d’appréhension suscitait surtout une excitation montant très progressivement au fur et à mesure que le point d’arrivée s’approchait.

Enivrement et envoûtement, toujours ce partage interne qui bouscule un peu. Voire plus qu’un peu. Hannaë s’employait à écarter au plus de ses pensées ses incertitudes. Elle comptait goûter pleinement la découverte, la savourer, éviter l’amertume désagréable en bouche. Le sommeil la happa pour une bonne partie de la route, elle fut des dernières à rejoindre ses camarades en groupe ayant déjà quelques mètres d’avance mais qu’elle pouvait encore nettement distinguer. Voir des dos, dans la pénombre, était moyennement engageant. Trottant pour combler son retard, son œil fut attiré par un garçon, semblait-il, qui au lieu de bien suivre la marche se retournant de temps en temps, l’air égaré de celui qui a perdu ou cherche quelque chose. En une certaine sorte cet enfant qui se démarquait fut point de repère pour la fillette qui le rejoignit après quelques pas encore qui les séparait, ils étaient déjà arrivés aux portes. Elle darda l’inscription sur la veste et eut un petit sourire en coin.

_ Ophis ? La couleur est annoncée, charmant Serpent.

Son doigt suivit le tracé du motif en courbe alors que le garçon la regardait faire, incertain du retour le plus fin qu’il pourrait offrir à cette future camarade qui était entrée en matière de façon frontale, mais assez subtile. Il avait coutume d’expliquer ou de faire devenir quand on lui demandait et cette assurance l’avait pris de court.

Chioné Ajax

« Eum… oui ? »

Ce fut tout ce que Chioné parvint à émettre après que sa main ait été prise en étau entre celles d’un inconnu. Bien qu’il ait eu l’initiative du geste, il avait tout d’un oisillon égaré tombé de son nid. Ce monde ne semblait pas être le sien, ce qui en somme idem pour la majorité des nouveaux futurs résidents de l’établissement, mais le montrait plus ostentatoirement. Il sembla être dans une détresse et la fillette ne put le repousser. Elle descendit doucement sa main pour libérer son cœur, en marmonnant des excuses en allemand dans ce pourrait être interprété comme un repoussement alors qu’elle avait simplement besoin de se libérer de cette emprise trop rapide et non préparée.

« Tu peux m’appeler Chioné. Sans vouloir… vexer... Pourquoi t’être rué sur moi ? »

Trouble silence. Puis Philémon lâcha son nom avant de s’excuser, il allait avancer l’éclat étrange de la chevelure avant de se raviser, il se douta qu’elle devait certainement déjà entendre trop de remarques à ce propos et qu’il serait malvenu d’en rajouter une couche. Il fit simplement une remarque sur l’origine grecque du prénom, trait qu’il partageait aussi. Ce qui avait débuté de façon bancal avait ainsi su retrouver fluidité et les deux enfants échangèrent un peu ensemble en cette soirée de découverte et d’inédit. Arriver dans une fosse sombre et inconnu avec même l'illusion d'un soutien avait un côté réconfortant indéniable et même sans déterminer si l'entente serait sur le long terme, la jeune Ajax admis cette compagnie en attendant de mieux la cerner. Elle n'oubliait cependant pas les enseignements d'Aristide et peinait à effacer cette amertume en entrant en ce lieu, ce ne serait plus lui. Il lui faudrait accepter que ce soient d'autres qui l'entourent, la guident, la fassent grandir. Dur défi.

03 janv. 2019, 01:30
 France  Le Quatuor  Solo 
II. Détruis l'Hostile


Adossée contre un feuillage épais, le visage contre ses jambes relevées contre elle de telle sorte à ce que nul ne put le voir pour l’identifier, une petite fille s’était ainsi réfugiée dans le parc sitôt la fin d’un cours sonné, elle avait eu besoin de se cacher, que personne ne la voit autant touchée par ce qui avait laissé de marbre les autres étudiants. Sa respiration était lente et profonde, elle se concentrait pleinement sur les sons que produisait ce souffle quittait et pénétrant ses poumons à un rythme dont elle avait pris le contrôle. Elle pensait passer quelques heures s’il le fallait, pour revenir sans risque de vaciller de nouveau. Seule mais avec elle-même, à tenter de se raisonner. Ce n’était qu’une démonstration fugitive, il ne s’était rien passé. Du tout. N’est-ce pas ? Comme les autres elle aurait dû être émerveillé de l’acte et prêter une attention dérisoire à la manifestation visuelle. C’était sa corde fragile, il est possible de tenter tant bien que mal de la rafistoler, retisser le lien de chanvre. Panser temporairement mais la section appelle bien plus souvent au remplacement. Des années s’étaient écoulées, pourtant aucunement la précision des sensations ne s’était érodée. Toujours ce tremblement interne qui la secouait : ce Zittern, ce Frisson qui la possédait. Un ressenti purement physique auquel elle ne savait pas exactement quoi rattacher. Peur ? Attraction ? Répulsion ? Rien de tout cela même certainement. Focalisée uniquement sur les sons qu’elle produisait, hermétique à ce qui l’entourait, ses épaules continuaient à s’élever et s’affaisser doucement. Elle sentait le contact dur de ses jambes contre le front de sa tête, la friction de la peau avec le tissu qui dégageait une diffuse chaleur, suivie par une sorte d’étourdissement des sensations. Elle sentait ses doigts serrés et rejoint de telle sorte à ce sa main soit un poing aux articulations saillantes apposant leur empreinte torturée sur la terre sur laquelle l’enfant reposait. À défaut d’ouvrir les portes à ses ressentis inexpliqués, elle se ressentait aussi pleinement que possible sur le plan physique. Ses Sens en éveil uniquement tournés sur ce dont elle acceptait être atteinte. *Il me manque… * Lui aurait su tout de suite l’aider à se relever, à se recomposer pour affronter de nouveau le monde, le menton droit.

Le jeune garçon avait aperçu, désorienté, la fillette du premier jour partir en trombe dès qu’il lui fut permis de décoller son corps de son pupitre, dont il avait appris le nom grâce à la liste de présence dès leur premier cours partagé. Pour l’instant il ne connaissait pas grand monde. Hannaë Feder rencontrée dès les premiers instants, ils se soutenaient mutuellement, étaient chacun l’ancre rassurante de l’autre. Elle était de bonne compagnie, semblait toujours avoir une hésitation ou un moment de réflexion avant de parler. Graham l’avait crue réservée, mais il apprit vite que ce n’était pas sa langue maternelle, d’où les efforts supplémentaires d’expression. Toujours est-il que ce filtre visiblement offrait plus de densité et de pertinence à ce qu’elle disait. Ou peut-être était-elle toujours ainsi. Il avait hâte de voir comment leurs rapports pourraient évoluer quand elle aura appréhendé pleinement ce langage. Il avait froncé les sourcils en sa direction pour lui signifier que la scène ne l’avait pas laissé insensible, afin d’expliquer sa volte-face rapide et ses grandes enjambées sur les pas de sa camarade qui s’était – y avait-il d’autres mots ? – enfuie. Sans qu’il ne comprenne vraiment pourquoi. Le seul élément étonnant qu’il avait relevé, c’était son expression lorsque le professeur avait montré une transformation d’une chaîne en Serpent. Il avait vu le clin d’œil d’Hannaë ayant naturellement fait le lien avec Ophis. Cette Fille à la chevelure de neige avait montré une face de fascination autre de celle des autres, il n’avait su lire assez précisément pour déterminer s’il s’agissait d’épouvante ou admiration. Dans les deux cas, ça ne faisait sens. Sans vraiment savoir pourquoi, il avait le ressenti qu’elle venait certainement du monde de la Magie, cette scène aurait dû être naturelle, et non autant la heurter. D’où sa course effrénée demandant des réponses, un reflet parmi les multiples réflexions de sa curiosité.

L’enfant ralentit quand il crut l’avoir perdu, ne sachant quel couloir elle aurait pu choisir. Alors qu’il allait tenter une direction au hasard, il entendit un claquement qui le fit se retourner. La grande porte menant vers les Jardins extérieurs. Serait-elle sortie ? C’est ce qu’attestait ce mouvement et le bruit l’ayant accompagné, il quitta alors le château à son tour. Elle avait eu le temps de le semer. Regard de rodage circulaire. Forcément un Labyrinthe très bien entretenu comme celui que l’on verrait à Versailles. Il n’eut pas le temps de se demander s’il renfermait des statues grandioses de magnificence, et y pénétra, supposant naturellement que tel avait été l’idée instinctif de Refuge qu’aurait pu avoir sa condisciple. Premier trajet courbe. Première interjection. Hésitation. Sa main appuya le doux feuillage à droite et suivit le tracé. Sans la Magie lui restaient les petites astuces de son parrain. Il ne savait pas si la Fille connaissait cette méthode – certes un peu de la triche – pour trouver l’issue. Ou avait-elle un bon instinct ? Graham s’engagea sans plus réfléchir dans cette voie. Elle n’avait pas tant d’avance sur lui a priori. Il vit sa première impasse. Alors qu’en temps normal il l’aurait ignorée dans un Dédale, il approcha son embouchure, convaincu et résolu quand il vit l’éclat pur et blanc si distinctif. Son pas se fit plus feutré au fur et à mesure qu’il avançait, il ne souhaitait pas susciter une réaction de sursaut. Il s’assit alors juste en face de la Neige, dans une position proche si ce n’est qu’il était adossé au mur faisant face. Juste avant il avait effleuré l’épaule de sa camarade, laissant traîner ses doigts probablement quelques secondes de trop en contact avec une de ces mèches ondulées, sa curiosité de les toucher avait été si forte qu’il n’avait pas résisté pour en profiter en enroulant quelques cheveux avant de se retirer. Ils étaient doux. Surtout ils étaient réels, ce dont il avait presque douté.

Il me protège, ce silence du Monde. Elle n’avait pas réglé son souci, savait pertinemment qu’en étant confronté une nouvelle fois elle serait impuissante. Oublier dans l’instant présent était un baume de premier secours. Elle se serait enfermée encore plus longtemps dans cette forme d’apathie interne si elle n’en avait pas été tirée par un contact importun et non attendu. Doucement elle émergea et découvrit son visage, la rotation fit faire de petites boucles à sa chevelure dans son col, sa peau était livide, telle celle d’un enfant qui émerge d’un long sommeil. Voire d’une léthargie. La silhouette du garçon qui s’imposa à sa vue ne lui était pas totalement inconnue, elle avait été vue à la rentrée, l’Ouverture de l’année. Ophis… Ainsi le Serpent avait-il entreprit de la poursuivre pour que jamais elle n’espère un repos tant quêté. Elle fronça les sourcils, un peu perdue d’avoir été tiré de sa retraite voulue et composée. Il émanait quelque chose de bon. À croire presque qu’il n’avait pas d’intentions car il n’en montrait pas. Le geste sans Intention est rare. Graham leva alors un sourcil interrogateur, semblant attendre quelque chose de Chioné, elle savait ce qu’il se demandait et il attendait une réponse. Ce serait se confier sur l’intime. Non, quelle idée. Cependant, quand il tendit la main, elle la prit sans crainte.

Le jeune les porta alors tous deux pour les relever. Il montra du bras gauche le passage devant eux. Un Labyrinthe entier leur était offert pour échanger. Ils pourraient marcher en attendant que la parole trouve la brèche pour faire son entrée. Les deux enfants quittèrent alors l’impasse et s’engagèrent dans un tunnel vert en silence, écoutant le crissement de leur pas et sentant une brise estivale caresser leur visage. Ils conservaient une petite distance entre eux, une proximité directe aurait enclenché une tension et atmosphère difficile où chacun se serait contenu. Ainsi pouvaient-ils considérer qu’il évoluait simplement dans un Labyrinthe, sans implication de rapport entre eux, si ce n’est qu’ils suivaient le même chemin. Ils s’arrêtent en un mouvement synchronisé devant la première statue de marbre qu’ils croisèrent, dans une niche aménagée, elle semblait les toiser de son regard enflammé. Chioné leva sa main pour l’entourer en murmurant ‘Hécate…’.

« Tu avais un regard étrange. En quoi l’acte magique a-t-il pu t’impressionner au point de te pousser au point de fuite ? »

La fillette avait entendu mais attendit volontairement avant de répondre, s’attardant dans un premier temps sur la représentation imposante devant elle qui sculptait un aspect de la Magie. Peut-être Sombre. Peut-être pas. Cette magicienne était-elle menaçante ou offrait-elle au disciple ? Elle ignorait ce qu’elle pourrait attendre de cette terrifiante figure. La jeune Ajax se retourna vers son camarade et plongea dans ses yeux pour s’éviter de revivre trop intensément son passé. Non, l’acte magique ne l’avait pas… impressionnée. C’était une toute autre question. Elle souffla son aveu à mi-voix, incertaine quant à la confiance qu’elle pourrait accorder au garçon.

« La figure du Serpent. Elle me… elle me… je ne sais pas. »

Quel était le mot pour décrire ça ? Elle ne le connaissait pas ou bien c’était simplement indescriptible.

« Ce n’est même pas de l’effroi. C’est… Elle est trop contradictoire pour que je l’appréhende sans ce Frisson désagréable. »

Graham haussa les sourcils, et répéta ce terme, 'contradictoire', l’invitant à poursuivre, se disposant à l’écoute. Sans être herpétologue, il connaissait une ou deux choses sur les serpents, s’étant intéressé de loin. La vision que dévoilait sa camarade ne lui était pas familière, d’où son questionnement et sa volonté de comprendre pour l’aider, si cela était en son pouvoir.

« Le Serpent est magnifique. Vraiment. Sublime. Pourtant un Venin coule de ses crocs acérés. »

Elle caressa un petit carré de peau sur sa main dont un œil très attentif aurait pu voir une zone à peine plus claire. Souvenir et marque d’une plaie ancienne provoquée par une créature aussi belle que dangereuse. Le garçon le contempla longuement avant de parler.

« Oui, il a une arme. Comme nous tous en ce monde, n’est-ce pas ? Quelle est la tienne ? »

Il ne fallut pas un très long moment de réflexion à l’Allemande pour qu’elle comprenne ce à quoi il pourrait faire allusion.

« Mais ce n’est pas une arme à proprement parler… Je veux dire, tout dépend de ce que j’en fais. »

Satisfait Graham fit un sourire en coin, ravi de voir qu’elle avait saisi l’idée qu’il tentait d’amener progressivement.

« Alors… tu n’as pas à voir en son Venin une arme, ce tranchant n’est pas que pour blesser. Il peut aussi guérir. Il est possible que nous le voyions même si nous retournons à temps pour le cours de Potions. »

Chioné souriait à présent, dans la curiosité de découvrir et réaliser pleinement ce que son camarade lui racontait.

« J’aurais envie de le voir, oui. Pour me convaincre de balancer mon regard sur le Serpent. »

Leur échange sous l’égide de marbre d’Hécate la magicienne avait aidé à équilibrer la vision de la fillette, qui sentait que cette créature des merveilles serait moins effroyable à aborder. Ils sinuèrent – tels des Serpents ? – dans le dédale des voies du Labyrinthe et trouvèrent aisément la sortie grâce à leur connaissance de cette structure. Ils devaient hâter la cadence du pas s’il ne souhaitait pas cumuler un trop gros retard sur un cours qui les attendait. Alors que la lumière annonçant la fin imminente du parcours se faisait de plus en plus nette, le jeune Ophis ajouta.

« Détruis l’Hostile. Si tu crois avoir un ennemi, dépouille-le de ce qui a son empire sur toi. De l’impasse qu’il crée en toi. Jusqu’à ce que tu puisses le côtoyer en toute sérénité. »

L’enfant ouvrit la bouche, ne sachant pas que répondre. Elle sentait que ce conseil pourrait être salvateur si ce qu’il proposait portait ses fruits. Elle avait trouvé un nouveau guide ? Mais il était son semblable. Pas comme Aristide. Aujourd’hui il avait été son sauveur. Demain, serait-ce elle ? Merci.

❄❄❄


*Vernicht das Feindliche...*

07 janv. 2019, 01:25
 France  Le Quatuor  Solo 
III. ΦανόS



Une fillette était assise sur l’une des chaises en bois d’un large cercle au cœur d’une spacieuse salle. À ses côtés un jeune garçon qui frappait de ses ongles le bois pour maîtriser son attente. Ils s’étaient regardés à quelques reprises dans un partage de leur même impression. Le temps commençait à se faire long. Depuis presque quelques mois l’année scolaire avait débuté. Après une première rencontre un peu étrange entre Chioné et Philémon à la rentrée, ils avaient appris à se découvrir hors des cours. Aux premiers abords l’enfant avait pensé que son camarade était froid, protégé par un alentour si lisse et glissant qu’il ne laissait rien l’agripper. Très lentement elle avait fini par l’appréhender. Commencer à l’appréhender plutôt. Une éducation appuie de ses marques sa matière modelable. Celui qu’elle fait grandir. Ainsi s’était-il construit de telle sorte qu’une telle façade figure devant lui. La jeune Ajax l’avait approché et sans prétendre le connaître parfaitement – certainement faudrait-il des années pour l’espérer, quoiqu’elle tînt à la conservation d’une part de mystère – elle avait découvert quelques considérations. Des Fragments d’histoire par lesquels elle ne se permettait de le voir, cette prétention n’était pas acquise, mais dont elle avait recours pour réaliser sa complexité et en quoi il méritait son attention. Ce n’était pas une glace dans la Nuit repoussant tout assaut, contrairement à ce que dirait le premier regard. La Neige pouvait l’entourer, se déposer, faire fusion, doucement voir l’être au travers. Ce petit Être conservé dans sa gaine telle une coquille d’ambre. L’élève Nótt était peu loquace, de ce fait souvent la Présence mutuelle était part de l’échange, sans que des mots ne dussent être prononcés. Elle respectait ce silence, appelant à une patience. Tout ne peut être accaparé avec célérité, ils avaient une vie devant eux pour s’avancer, Pas par Pas. S’approcher dans le respect l’un de l’autre.

L’entretien avec Graham Ophis l’avait marquée, mais elle n’avait pas osé le voir trop souvent ensuite. Elle se plaisait à attacher à son image celle d’un Gardien, celui qui avait su lui tendre la main au bon moment, celui qui lui avait transmis exactement ce dont elle avait besoin sans qu’elle n’en formule la demande, encore inconsciente de ce qu’il lui faisait défaut. C’était un καιρός, dans sa rareté. Sa vision était-elle éthérée ? Risquait-elle de voir s’effriter une construction en s’approchant trop ? Elle avait eu ces craintes jusqu’à la requête de son camarade. Pour le cours de Musique, l’enseignait avait préconisé d’apprendre une entente à plusieurs, ainsi avait-il proposé à Chioné de se joindre à lui et une amie, Hannaë, qu’elle connaissait vaguement, ne l’ayant jamais encore approchée de très près. L’Allemande aurait aimé avoir une réponse déjà à l’esprit, mais ne trouva pas de quoi argumenter. Elle hocha simplement la tête en murmurant le nom de Philémon, avec qui ils pourraient aussi composer.

Un Quatuor était formé par quelques liens et intermédiaires, dans l’idée du moins. Deux membres étaient encore en attente des deux derniers. La course d’une partie du cadran horaire encore avant que les bruits de leur arrivée se fassent entendre. Ils prirent placent et commencèrent les regards croisés. Pas de présentation formelle, par les invocations indirectes faites entre certains, chacun savait plus ou moins à qui il avait affaire. Graham détendit l’atmosphère de tension observatrice en proposant de faire connaissance par Créations personnelles. Avant de s’expliciter il plaça dans les mains de chaque un parchemin de taille plus importante que ceux auxquels les étudiants étaient accoutumés en cours. Il annonça alors qu’il s’agissait de se présenter par le biais souhaité, sans atteindre un dévoilement de l’intimité, au moins offrir les Parcelles nécessaires pour qu’ils se côtoient régulièrement sans avoir la désagréable sensation d’être enfermé entre des étrangers.

Les enfants se regardèrent avec cette même expression mi-dubitative, mi-curieuse. Les premières hésitations passées, ils se mirent à l’œuvre pour ériger une construction qu’ils accepteraient de dévoiler. Chioné regarda la zone vierge attendant qu’elle abaisse sa plume. Ses pensées se dirigèrent vers ses parents, l’Ombre qui aide à avancer, à se relever, qui soigne. Puis Aristide, le Tuteur qui l’avait aidée à grandir, conservant la vigueur sans pour autant juguler sa progression. Elle dessina quelques Flocons, son petit symbole d’écriture tout simple, unique, qui l’aidait à poser ses pensées. Puis entreprit la narration du Récit, après en avoir lu une foultitude, il était temps de retranscrire ses premiers Souffles essentiels. Elle prit garde à ne pas tout narrer, uniquement ce qui devait l’être en ce cadre. Elle leva la tête, ses camarades étaient concentrés sur leurs propositions. Quand tout le monde eut fini, le jeune Ophis récupéra les papiers et annonça que se les échanger pour que tous les parchemins passent dans toutes les mains permettrait d’accrocher le Cerne minimal autour de chacun. Ils hochèrent la tête, en ce moment il avait l’initiative et ils suivaient avec de moins en moins de doutes. Jamais il n’avait frôlé l’intrusion, ce qui aurait fait fuir, il connaissait les bordures, ce qu’il disait était pertinent. La fille à la chevelure blanche laissa s’échapper son écrit et accueillit l’Étranger qui attend de devenir Familier. Le premier qu’elle reçut fut en réalité un pliage. Très savamment conçu, il offrait une représentation en trois dimensions, en dépit de l’immobilité, la première impression venant à l’esprit de l’Allemande était celle de mouvement pur. Le deuxième était un dessin au crayon, un ciel dont les Astres, leur alignement, leur éclat, semblaient rapporter une Histoire dont ils auraient été témoins. Enfin un Labyrinthe au sein duquel le focus était fait sur certains embranchements.

Une fois le tour du carré fait, ils posèrent au centre les quatre productions et se regardèrent de nouveau en silence, mais de façon différente à la première confrontation. Ils n’étaient plus cantonnés à des corps, à de la matière, ils avaient à présent une substance de vie plus tangible. Chioné avait aussi enregistré les noms des autres enfants en lisant la signature sur les supports d’expression. Et mécaniquement, vestige des exercices d’anagramme qu’elle avait fait dans son apprentissage des langues, une combinaison apparut. Elle brisa la tension silencieuse dans un murmure qui gagnait en assurance jusqu’à atteindre une voix plus assurée.


« Feder, Ajax, Nótt, Ophis. Les FANOs. Φανός. »

Elle n’eut pas à poursuivre jusqu’au bout car son ami Philémon prit la parole, ayant compris ce qu’elle avançait.

« Brillant. La traduction, je veux dire. Le raisonnement aussi, mais… Pourquoi remarquer cela ? »

Hannaë parla alors, laissant pour la première fois à Chioné de découvrir la couleur sa voix.

« Ce pourrait être le nom du Quatuor ? Ce ne sera pas notre première réunion, je l’espère. Et sa signification ne nous desservira pas. »

Graham hocha la tête, esquissant un sourire ravi, le début de l’entente était sous de très bons auspices. Il espérait que cela se poursuivrait encore. Des jeunes de Beauxbâtons, aux mille Rêves et projets, qui se rejoindraient sous la protection des neuf Muses dont il avait vu les statues dans les Jardins. Ils avaient démontré des affinités avec certains domaines, ils sauraient certainement se compléter pour construire grand. Une Entente prometteuse naissait. La Graine était plantée. Ensemble ils élèveraient cette pousse de leur richesse personnelle dont germera une nouvelle force, commune.