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09 avr. 2019, 20:38
 Wick  Thurso's pathway  Solo++ 


- Je t’ai attendu. Chaque jour j’espérais.

- Et tu as trépigné.

- J’avais de bonnes raisons (vindicative)

- Pieuchka, tu dois te contenir. Le secret que nous partageons ne peut être exposé si tôt. Cette évidence devrait pourtant te sauter aux yeux !?!

L’ainée pourrait saisir la main de la plus jeune, on sent l’hésitation mais on perçoit davantage encore son refus de trop en faire. Au loin, pas si loin en fait, se font entendre les écoulements de la rivière le long de laquelle les deux femmes ont décidé de se promener. Elles viennent d’achever leur descente vers le bord de l'eau, un long escalier construit depuis des lustres est le chemin que tous empruntent. Mais aujourd’hui, à part ces deux sorcières, aucune présence humaine ne se signale, moldus comme doués de magie se sont ligués pour laisser ce huit clos se dérouler sans heurts.

- Tante Neptuna…

- je préfèrerais que tu m’appelles par mon prénom tu veux bien ? Je crois qu’entre nous il y a moins d’une génération désormais.

La plus âgée sourit mais l’autre ne donne pas de signe d’approbation. Au contraire, on peut lire sur son visage hésitation puis réticence.

- Je ne suis pas ma mère.

- C’est déjà bien que tu ne dises plus « Mère »…

- Et mon nom est Alekhina !

- Tiens ? Tu coupes aussi ce cordon-là ? (La tante semble surprise). J’aurais commencé par lui à ta place… (...mais échappe un sourire complice)

- C’est facile quand on connait toute l’histoire.

Le ton du reproche est manifeste, Circéia a mis au jour de nouveux éléments depuis plusieurs semaines. Et tout a commencé avec ce cahier (post 6). Mais elle sait que sa tante en maitrise bien davantage. L’information est la source première du savoir. Elle commence tout juste à le comprendre. C’est un bien néanmoins et elle ne saurait négliger ce besoin qu’elle éprouve d’en apprendre davantage. Jusqu’à quel point neptuna peut-elle lui révéler des réalités qui ne la mettraient pas en danger de mort ? Car désormais, l’ainée des Alekhin de Wick a compris qu’il fallait utiliser les termes les plus appropriés.

- Personne ne connait toute la vérité. C’est un concept juridique foireux si tu veux mon avis.

- Ne dis pas de mal de la justice.  Ce n’est pas parce que vous n’êtes pas parvenus à la faire triompher qu’il faut lui jeter la pierre.

Elles avancent le long de la rivière Thurso. Les clapotis se sont multipliés maintenant que la pente est plus douce.

- Je ne veux pas t’arracher à tes illusions mais permets-moi de te dire que jamais personne ne fera la peau à ceux qui ont décidé de répandre le mal partout où ils agissent. Les sorciers que nous combattons sont bien plus dangereux que tout ce que tu peux imaginer, et en premier lieu car ils sont bien plus discrets que ne l’ont été Grindelwald ou Jedusor. Ils sont nombreux, ils sont anciens. Et ils ne font aucun cadeau.

- Père et Mère…

- Tu as compris. Vous êtes en grand danger. Encore plus car le ministère ne me croit pas. Pour eux, toutes ces histoires sont lointaines, nous n’avons pas à nous occuper de choses qui se passent sur le territoire russe… mais la Russie, c’est Durmstrang. Et…

Alors la tante s’arrête d’un coup. Et porte à son cœur une main tremblante, presque fébrile. Sa peau devient laiteuse, puis verdâtre.

- Tu… tu ne peux pas en parler c’est ça hein ?! Et tu viens de t’en rappeler !?!...

Neptuna, assise, semble se reprendre.

- Une vie d’aventure, c’est bien quand on est jeune. Tu as choisi le magenmagot, n'est-ce pas ? Tu as raison, crois-moi !

Elle est encore très marquée, comme une personne qui aurait subi un long imperium et se rendrait compte d’un seul coup de tout le mal qui s’en est suivi.

- Circéia… (son regard est implorant), tu dois protéger Ivanovna, il est trop tard pour les autres.

La main de la jeune fille, qui jusque-là cherchait à relever sa tante, la lâche brusquement. Les secondes suivantes sont un long échange entre leurs yeux.

- Je ferai tout mon possible pour te donner tort. Mais j’en prends bonne note ma tante.

- Tu peux toujours essayer mais dis-toi bien que tes chances sont nulles et que tu augmentes par là-même les leurs quant à votre annihilation.

- Je ne crois pas un mot de tout ce que tu dis. C’est trop…

- …trop bien ficelé hein ? Aucune brèche dans le scénario ?!!!?  C’est pour cela que c’est vrai. Si tu savais…

- Tu ne peux pas tout me dire alors… Ton foutu serment lié à Durmstrang… et peut-être d’autres encore ! Alors je dois tout faire moi-même ?

- Non, tu dois le faire par toi-même, c’est totalement différent. Comme pour les cendres de hiboux. Tu me demandais dans ton dernier parchemin si je me suis appuyée sur des technologies moldues, je ne te répondrai pas. Car même si c’était le cas, cela ne t’avancerait à rien de le savoir. Tu dois le découvrir seule. On est au-delà de la technique, bien plus loin dans les arcanes de la magie. C’est vrai pour ce genre de secrets comme c’est vrai pour les… secrets d’alcôve… ou les intrigues politiques.

Le ton est devenu professoral. Désormais, Neptuna donne un cours de stratégie générale à sa nièce. Qui n’en perd pas une miette bien que le propos la chiffonne le plus souvent. En étudiante sérieuse, elle écoute, appliquée. En apparence…
La promenade se poursuit une fois que les sens de la plus âgée sont restaurés dans leur entièreté. Son passé d’élève de l’école est-européenne lui ont donné des savoirs et obligations que les britanniques n’imaginent même pas. Elle se tient droite et fait bonne figure mais l’alerte a été chaude. Il ne faut pas jouer avec les serments inviolables, quelle que soit leur nature ils sont capables de vous terrasser en moins de temps qu’il ne faut à un dragon femelle pour exterminer toute menace. Toutes les mères ont cet instinct protecteur. A croire que Neptuna en est une en toute innocence.
La lande qui peuple l’arrière côte écossaise est, dans cette région, très pauvre ; on peut même parler de roche à peine recouverte de terre et lichens. Aujourd’hui le soleil est insolent, rendant l’ensemble beau comme le visage d’une jeune femme aimée. Des nuances de marron, ocre, vert foncé… comme de longs cheveux roux sur une tenture vert émeraude. A couper le souffle, une vue si éloignée de ces murs noirs de Poudlard dont elle finit par vomir la teinte sinistre. Mais il est une chose que Poudlard ne possède pas, cet air salé, aux effluves d’océan, de lointain. Cet air qui vous attire, cet air fait pour envoûter les hommes et en faire des marins, à jamais. Elles avancent, sans se soucier du temps qui passe et des remontrances à venir des grands-parents Gunnray. Ils ne savent rien de la présence de leur cadette en ces lieux. Savent-ils d’ailleurs qu’elle réside au Chili ?  Est-ce là sa "résidence" ? Ou juste un paravent ? Circéia ne le sait toujours pas et préfère ne pas savoir. Si jamais elle venait à devoir avouer des choses, moins elle en connait, moins elle en dira. Est-ce cela, raisonner comme un auror ? Elle ne le veut pas. Et s’il faut se battre, elle le fera avec ses armes. Une pensée récurrente de sa part. Mais pour sa sœur, Circéia ressent un sentiment de grande impuissance ; Ivanovna est devenue une étrangère, en tout cas elle fait tout pour en donner le sentiment. C’est injuste et de ce point de vue, les choses ont été d’une grande immobilité depuis le début de l’année. L’été n’a pas modifié cette situation, les deux filles se sont murées dans une forme de positionnement formel, elles font mine de bien s’entendre, comme à la grande époque d’avant Poudlard mais Circéia sent qu’il n’en est rien, qu’une franche discussion devra avoir lieu un jour ou l’autre. Mais le moment n’est pas venu …

- Vous vous entendiez ?

- Avec ta mère ? C’est elle qui m’a poussé à accepter l’offre du ministère. Un concours interne avait été mis sur pied pour déterminer qui avait le courage et les aptitudes magiques pour la mission que constituait cet… « échange ». J’ai été la seule à réussir tous les tests alors quelle alternative s’offrait à moi ? Nous nous entendions bien et Emily représentait tout ce que je vénérais en secret. Brillante, douce, tellement douée en Potions. Je n’ai compris que bien plus tard son soit-disant intérêt pour les plantes. Un joli prétexte… je lui dois une partie de ma réussite, une épreuve très compliquée qui a d’ailleurs envoyé trois élèves à l’infirmerie dont un qui n’est jamais vraiment redevenu lui-même… Bien sûr, mon invention venait de moi mais Emily m’avait vraiment appris des choses extrêmement subtiles en Potions. D’ailleurs, les cendres…

- C’est une invention de ma mère ?

- En partie… mais l’idée vient de moi. Je te déconseille de brûler un quelconque parchemin passé entre ses mains en tout cas. Ma sœur emploie des méthodes plus expéditives que les miennes…

- Tu la détestes ?

- Non, c’est ma sœur et j’ai toutes les raisons de l’aimer. C’est juste la vie qui nous a mises en concurrence, jusqu’à nous séparer. Et ton insistance à exister par toi-même n’a rien arrangé. Ton père a essayé de te convertir mais tu n’as pas cela en toi. Les échecs n’étaient qu’un moyen de te tester. Et je crois qu’il a renoncé avant même d’avoir ses propres soucis.

- Et Ivanovna ?

- C’est ton frère le problème, on peut même parler d’enjeu. Ta sœur n’a aucune des… aptitudes qu’ils recherchent.

- Tu penses à quoi quand tu dis cela ?

- La magie emprunte des chemins nombreux, certains d’entre eux sont plus dangereux que d’autres, il faut un esprit ouvert pour envisager certaines possibilités. Je ne serais pas étonnée qu’Ivanovna soit une catastrophe en Divination.

- Je suis très douée en Divination.

- Voilà pourquoi tu es proche d’eux, voilà pourquoi tu as été pressentie il fut un temps. Ils avaient juste oublié que les professeurs génèrent souvent de la part de leurs élèves des émotions très intenses…et les tiens ont éveillé en toi…

-… le sens de ce qui est juste…

- Tu le sais depuis longtemps je crois. Circéia, tu es faite pour ces affaires-là. Ne passe pas ton temps à te lamenter de ne pas être capable de devenir Auror. Ce n’est pas une vie enviable tu sais. Le magenmagot en revanche… et tu remplis les conditions pour…

- Et... ma soeur ?

- Une auror, indubitablement. Et efficace, impitoyable. Il n’est pas besoin d’avoir beaucoup d’imagination pour savoir comment les choses vont tourner la concernant. Mais il est impératif que tu ne sois pas considérée par elle comme une ennemie.

La promenade prend indiciblement un tour prophétique. Désormais, Circéia a une mission plus cruciale qu’une simple réconciliation familiale. Elle ne sait pas pourquoi ni comment mais son instinct lui impose le renoncement.

- … alors je n’ai pas le choix, je dois le faire…

- Plus encore, tu dois absolument réussir. Sinon vous êtes toutes les deux perdues.

Le chemin remonte désormais en direction d’un vieux château en ruines dont les soubassements se confondent avec la roche à nu de la falaise. Circéia se souvient alors de l’interdiction absolue de pénétrer l’enceinte de cette vieille bâtisse, les recommandations fermes et définitives de Père, les cris d’Ivanovna, la violence du vent dans leurs cheveux de petites filles. Et leur mère qui semble effrayée par ce spectacle intime. Ici, les roches ont toujours été rouge sang les jours de grand soleil. Spectacle à couper le souffle. Mais le reste du temps, soit presque tout le reste de l’année, il n’est que roche sombre, humide et peu accueillante. Comme Irkoutsk, comme cette région où ses grands-parents paternels furent découverts morts. A chaque fois le même environnement hostile… Et si…la coïncidence… non, ce serait trop facile, trop évident, trop simple.
Elle pénétre dans les ruines, constatant que le syndicat d’initiative a bien fait les choses, à moins qu’une amicale quelconque de gens amoureux du lieu l’ait entretenu depuis des années. Grillages et mains courantes permettent de se promener à l’intérieur de l’enceinte sans le moindre danger. Comme elle aurait aimé y venir avec eux, franchir les barrières de l’interdit au moins une fois dans sa vie, avec ses parents. S’amuser en somme, avoir des souvenirs, ainsi que toutes les familles du monde en partagent. Il lui semble que cela lui a été interdit. Est-ce pour la protéger ? Ou par le simple fait que ses parents n’ont pas su construire un roman familial ? Et la protéger de quoi ? Pour construire quel roman alternatif ? Depuis cinq ans, sa vie n’a été que devoirs, hiboux et inquiétudes. Une guerre se prépare et elle ne sait même pas le nom de son ennemi.

- Tu vas devoir y aller, n’est-ce pas ?

- Si tu veux dire rentrer chez moi, oui. Un certain nombre de tâches m’attendent. Mais je vais tenter de creuser une question restée sans réponses. Si tu pouvais emmener promener tout ce petit monde à Inverness dans les jours prochains, cela me permettrait de fouiller encore un peu la chambre de ma sœur.

Elle se tourne vers le large.

- Ce n‘est pas que cela me fasse particulièrement plaisir mais j’ai encore deux ou trois hypothèses à vérifier.

- Tu cherches un passage secret n’est-ce pas ?

- Oh non, celui-là, cela fait longtemps que je l’ai mis au jour. Non, je cherche des indices…

- Une pièce d’échecs peut-être ?

- C’est ce qu’elle renferme que je ne parviens pas à déterminer exactement. Les combinaisons chimico-magiques sont innombrables. Je… enfin je n’ai pas encore tout trouvé. Je cale…

- Dis-moi comment pénétrer dans ce qui doit être son laboratoire secret, je pourrais peut-être…

Circéia est instantanément interrompue.

- Je te défends d’y aller. Tu n’as pas les capacités pour y parvenir. Tu ne ferais que te mettre en danger. Et le reste de la famille avec. Circéia tu n’as aucune idée de leur puissance, occupe-toi de ce que tu es en mesure de résoudre ! Ce sera beaucoup si tu y parviens, fais-moi confiance.

A nouveau à l’air libre, les deux femmes s’en retournent en direction de Wick. Mais au moment de remonter le grand escalier, Neptuna fait une halte et prend sa nièce par le bras.

- Je dois te laisser maintenant.

Circéia saisit la main venant de l’attraper. Leurs doigts se mêlent dans un étrange maelström tactile. De plus en plus les entités se mélangent jusqu’à ce qu’elles tombent dans leurs bras qui n’attendaient pas mieux. Fort, longtemps. Elles se serrent d’une manière qui n’appartient qu’aux familles les plus unies.

- Je t’aime, ma grande….

Circéia aurait aimé entendre un dernier mot. Mais les liens sont ce qu’ils sont, on ne peut voler à autrui ce qui le définit. Neptuna connait sa place, toute sa place mais jamais elle ne volera celle de sa propre sœur.

- Prends soin de toi.

Le transplanage est une technique qu’un élève de cinquième année, ce qu’elle est encore pour quelques semaines, ne maitrise pas. Aussi est-elle surprise, impressionnée de voir Neptuna disparaitre dans une brume légèrement poussiéreuse. Seule à nouveau, avec le fardeau d’une sœur qu’il allait falloir convertir au combat. Comment Circéia va-t-elle s’y prendre pour ne pas rompre le maigre lien qui les tient encore pour sœurs. Une fois encore sa tante la laisse face à des questions impossibles, quant aux cendres, aux mages noirs, à ses parents… et sa sœur. Les marches prennent l’allure d’un chemin de mort, ce long escalier d’enfance aux deux-cent quarante-quatre marches se transforme en une montagne plus élevée que tous les BUSEs réunis. Il serait facile de se servir de son balai, d’un portoloin, d’un peu de poudre de cheminette. Mais elle ne le peut pas. La vie des moldus est-elle donc si pénible ? Et celle des sorciers ? Qu’ils semblent loin, ces soirs d’insouciance de l’année scolaire achevée, cette danse improbable, et cette rose posée dans les cheveux d’un prétendant disparu trop vite. L’ainée des Alekhin n’est plus vraiment certaine de vouloir grandir vite. Grandir devient vieillir, avec tous les inconvénients et aucun des avantages supposés, ce poids prend sens chaque jour un peu plus. Quand enfin elle parvient en haut de l’édifice, elle peut à nouveau admirer Wick, ses rues moldues sinueuses, et la partie sorcière finalement très petite. Son monde, univers clos, étriqué, bien plus petit que l’école qui l’accueille avec neutralité ; elle marche en direction de la maison familiale tout en se demandant si son chez elle est bien ce lieu-là. Ni lassitude, ni peur, ni tristesse même. En elle, à ce moment précis, juste l’impression de la fatalité. Non… le devoir.
Le soleil du soir se fait rasant, progressivement les maisons vont se draper de leur tenue de nuit, un noir d’été clair, bleuté. Circéia aime cette couleur annonciatrice des étoiles filantes, de leurs queues majestueuses. En traversant la rue, elle prend soin de regarder alentour. Où peut-elle bien se cacher ? Selon quel processus ? Neptuna reste dans les parages, à l’évidence elle les protége, quand bien même d’autres parleraient de surveillance insidieuse.

En entrant dans la maison familiale, un parfum de crustacés cuits lui saute à la gorge. Heureusement, par instants, la vie de l’enfance pointe son nez. Aucun des quatre n’a abordé les sujets susceptibles de fâcher, et ce depuis le premier jour de leur retour de Poudlard : une atmosphère fantastique, incroyable de déni décidé communément comme le seul moyen de ne pas imploser en famille. Les conversations ne tournent qu’autour de la magie, de l’école, des savoirs. Jamais des échecs, ce qui arrange l’ainée, si longtemps réduite à cette unique réalité. Sa sœur n’est pas, durant ses jours de vacances, aussi distante. Elles ne vont pas jusqu’à dormir dans la même chambre comme à la grande époque mais elles se parlent naturellement, en apparence du moins.
Décortiquer les crustacés est un jeu amusant quand on dispose d’une baguette. Ce soir-là, elles prennent le temps de quelques fous rires. Un soir d’été réussi. Est-elle tapie derrière pour assister à ces minutes volées au drame ? De quelles prouesses une aurore peut-elle être capable ? Elle en a encore produit une l’après-midi même en obtenant de sa nièce une maturité insoupçonnée. Après avoir débarrassé, elle se jette à l’eau.

- Ivanovna ?
Dernière modification par Circéia Alekhina le 25 sept. 2019, 16:02, modifié 6 fois.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

19 mai 2019, 12:07
 Wick  Thurso's pathway  Solo++ 
Post 2



Les fêtes de Noël avaient jusqu’ici été pour Circéia un temps de labeur, une fin de semaine un peu plus longue, sans plus. Pourtant, cette fois, ces jours heureux pour toutes les familles du monde se transformaient heure après heure en cauchemar. Apprendre qu’elle devait rentrer, s’entendre dire par Ivanovna qu’elle rentrerait sans elle, puis ne trouver personne sauf un parchemin lui expliquant pourquoi ses grands-parents ne seraient pas là… Wick, un cercueil vide en forme de maison, ni plus ni moins qu’un immense voile entre l’ici et l’au-delà… Bien sûr, elle aurait le temps de fouiller, encore et encore traquer la moindre cendre suspecte, la moindre trace des baguettes rouges, ou pire, une nouvelle expression de la magie noire qui hantait, si ce n’étaient les lieux, au moins ses pensées.

Elle peina à s’endormir malgré la fatigue d’un voyage marqué par un froid inhabituel à Londres et encore plus au nord des îles britanniques.  Mais le feu magique qu’elle alluma dès son arrivée parvint à rétablir un semblant de chaleur vivante dans cette maison qui ne résonnait plus depuis longtemps des cris des enfants de cette joie de vivre de cette période de la vie où tout n’est qu’instants magiques. Le bruit des bûches craquant sous l’effet de leur combustion se mélangeait à celui de la cuiller heurtant, par moments, l’assiette qu’elle avait remplie de soupe. Mais pour le reste, une armée de sinistros semblait tapie dans chaque recoin de son esprit, lui faisant la leçon sur un avenir forcément noir Soulages.

Sa nuit ne fut pas tourmentée par des rêves gémellaires, elle se réveilla  tôt mais avec l’agréable sensation d’avoir dormi à poings fermés, ce qui était aussi surprenant que salvateur. Le froid la mordrait dès qu’elle sortirait de ce lit mais devait-elle vraiment le faire ? L’ainée des Alekhin avait l’habitude de ces matins provoquant une chair de poule passagère aussi ne fit-elle rien pour retarder ce moment. Une fois la robe de chambre enfilée, le premier travail consistait en une relance d’un feu magique suffisamment puissant pour avoir alimenté la maison toute la nuit en ce minimum vital qui fait la différence entre la vie et la mort. Dans la cuisine, douce était la chaleur et l’odeur de tartines grillées redonnait presque l’impression que l’on était dans un lieu paisible.  Que pouvaient-ils se dire, quand ils étaient seuls ici, ses parents dont elle savait désormais qui ils étaient vraiment ? C’est une chose que de voir jeter l’opprobre sur les siens mais il faut le vivre quotidiennement, porter le poids de ces horreurs sans pouvoir laisser tomber le fardeau… Neptuna. Le simple fait de penser à sa tante lui redonna de l’allant, et bientôt elle eut envie de refaire leur promenade, le long de cette côté déchirée, au bas de cet escalier interminable. S’imaginer avec elle, bavarder en totale insouciance de la suite… comme si l’on pouvait réellement y parvenir…

Rapidement habillée, après une toilette expédiée comme le font les félins quand ils sont touffus, paresseux, Circéia s’habilla chaudement, avec l’un de ses manteaux dont les extrémités sont affublées de morceaux de cette fourrure décriée mais impérative dans certaines régions du globe. Un manteau presque blanc, la tenue des Alekhin d’Irkoutsk. Une fois prête, elle prit sa baguette après avoir mis des gants dont la laine avait été traitée façon Circéia pour que la pire des glaciations n’ait aucun effet sur eux. Le bout du nez de suite piqué au vif, elle se dit qu’elle avait bien fait de partir en promenade ; le sang russe aime les chocs thermiques.

L’air humide renforçait son audace à braver ainsi les éléments mais elle n’y pensait même pas. Et la magie, elle n’en voulait pas, plus tard peut-être mais pas maintenant. Les escaliers, puis la plage. En hiver, même par temps calme, les lieux sont extrêmes : vent chargé d’embruns et de sable, brume permanente, vagues déchirées. Et ce matin, elle ne s’entendait même pas marcher. Sa toque vissée sur la tête empêchait ses cheveux de s’envoler, enfin les racines car sa tignasse toujours aussi longue manifestait en aval du fleuve son envie de demeurer un torrent entièrement libre de ses faits et gestes. Elle aimait ça, depuis toujours, être une poussière au sein des éléments. Alors qu’elle se voyait comme entièrement seule parmi cet univers primordial, Circéia eut l’envie de le voir à nouveau, ce compagnon étrange issu d’elle, enfoui mais désormais toujours prêt.

- SPERO PATRONUM !

Il vint, comme à chaque fois, blanc, si proche des paysages qu’elle aimait, réminiscence de ce jour-là, avec son grand-père paternel, ce jour durant lequel il lui avait dévoilé son propre patronus. « Ours ou Zibeline » avait-il dit. Un ours, arrogante création, était sorti d’elles. Premier ours pour une fille Alekhin. Aurait-il été fier de sa petite fille ? Choqué de la voir braver les traditions ? D’où lui venait la force de braver ainsi les éléments ? Dans son souvenir encore très frais, le commentaire du professeur face à ce devoir avait été axé sur la faiblesse de ce sentiment de bonheur à l’origine de son patronus. Mais des sentiments aussi intimes, cela ne se met pas en place publique. Si elle avait décrit les choses, n’était-ce pas suffisant ? C’était le plus beau de ses souvenirs et désormais elle en comprenait la signification ; Circéia était plus qu’une Alekhin puisqu’elle pouvait se départir de leur tradition. Il la regardait, en gambadant aussi prestement qu’un ours sait le faire. Tous les patronus se comportaient-ils ainsi, idiots sautant dans tous les sens à la recherche de proies à apeurer ? Cela ne la lassait aucunement de le produire et lui semblait même y trouver du plaisir, comme s’il avait une âme capable de mémoire. Elle délirait sur ce plan mais on ne connait bien son patronus qu’au bout de nombreuses années. Comme la baguette, il est une manifestation extérieure de la magie que nous portons.

Marchant sur la partie la plus sèche de la plage, elle s’éloignait toujours plus de la maison familiale, flanquée de son compagnon joueur. Que se passerait-il s’il fallait en avoir un réel usage ? Pouvait-il mourir ? Etait-elle condamnée à cette forme  d’ours ? Et quand deux patronus se rencontraient, étaient-ils amis ? S’ignoraient-ils ou au contraire fraternisaient-ils ? Poudlard lui réservait encore bien des surprises et cela ne lui déplaisait pas. Pendant des années, elle avait perçu son école comme un lieu de contrainte, un territoire la rejetant, l’excluant parce que pas assez… pas assez amoureuse du quidditch, pas assez dédaigneuse vis-à-vis du travail, pas assez… britannique. Mais au moment de se retrouver vraiment seule, sans aucune nouvelle de personne, elle devait bien admettre que Madame Loewy, qui ne lui avait jamais adressé directement la parole, était bien son ultime refuge si toutes les autres issues se révélaient impossibles.

- Dois-je te donner un nom ?

La chose fixa les yeux de sa génitrice mais elle n’avait pas vraiment de regard, en fait à tenter de parler à un fantôme bleu ciel, Circéia devenait folle. Acidulée sensation que celle de n’avoir aucune responsabilité dans l’instant que celle de respirer le sel, de la vie comme de la mer. Le lien entre eux deux était bien plus intime encore, d’une certaine manière elle se voyait dans un miroir fantastique et cette idée la perturbait. Les leçons ne font pas tout, il faut, pour certaines d’entre elles, longuement y méditer, et longtemps après encore leur écho se fait entendre en soi. Ce temps n’était même pas entamé, elle en était encore à laisser refroidir la forme mise au four puis sortie, brunie et cuite par la magie ancestrale. Ne pas bruler les étapes, juste apprécier le moment. Comme elle aurait aimé croiser Neptuna, lui demander quel était son patronus à elle. Sans doute quelque chose de rusé, de silencieux, un renard peut-être ou une souris, la folie du fromage en moins. Complètement seule, éloignée de l’affection dont les filles de cet âge ont tant besoin, fragilisée par l’absence de présence pourtant tellement nécessaire aux adolescents, elle se sentait immortelle ; par sa magie, par sa force, par ce que l’ours apporte dans une forêt impitoyable ; protection, des dieux et des éléments.

Circéia posa ses yeux sur le ciel, à cette heure de la journée on ne voit plus les constellations. Mais elle si…

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