Castelobruxo, Avril 2029


— Un basilic dans la jungle ? N'importe quoi ! s'exclama Renata.
Elle sortait d'un cours de Botanique en compagnie de Solar, Vicente, Felipe et Hernando. Ce dernier venait de raconter une rumeur qui circulait parmi les jeunes élèves.
— Tu sais bien qu'Enrique aime faire son intéressant. L'année dernière, il a voulu faire croire qu'un nundu a surgit dans le parc, sauté au-dessus de l'école et est parti en courant, poursuivit-elle.
— Il ne sait pas mentir, ajouta Solar.
Son air amusé ne plaisait pas à Hernando, qui croisa les bras l'air boudeur.
— Ouais, mais là c'est quand même possible non ?
Les deux amies échangèrent un regard entendu.
— On peut aller voir, proposa d'un air absent Felipe.
— À tous les coups, c'est un gros serpent.
Vicente devait avoir raison. Solar en était convaincue, il avait toujours raison non ? Elle le regarda s'éloigner pour faire un tour aux toilettes. Les cours suivants ne commençaient pas avant une heure. Les amis décidèrent de se rendre au parc pour profiter du soleil.
— En plus, un nundu aurait laissé des empreintes, continua Renata.
Ils étaient tous d'accord - ou presque - pour dire qu'Enrique faisait encore son intéressant. Son argument au sujet des sorciers ayant capturé puis transporté un nundu était risible. Qu'ils l'aient perdu dans la jungle encore plus. Même s'ils n'étaient qu'en troisième année, ils ne pouvaient pas se faire avoir. Les premières années furent plus réceptives, au grand dam des professeurs obligés de retrouver quelques imprudents trop curieux.
— Oh, ce soir on pourrait aller voir ! Le professeur Flores veut nous faire explorer la jungle autour de l'école. Avec nos capes, on ne risque rien.
— Tu oublies les odeurs et les bruits, répondit Vicente qui revenait des toilettes.
Encore et toujours, le garçon apportait sa sagesse. Solar avait hâte d'être à l'excursion nocturne. C'était toujours intéressant, mais elle espérait voir des créatures un peu plus spéciale que la faune moldue. Un des gardiens de l'école par exemple.
La jeune fille ne manqua pas de prendre tout un nécessaire afin de prendre des notes et une liste de questions à poser aux Caiporas. Peut-être pourront-ils répondre après tout ?



La soirée s'annonçait tiède et humide. Les élèves revêtus de leur cape suivirent le professeur jusqu'à l'orée de la jungle où la vie suivait son cours avec ses nombreux bruits d'insectes. Ils écoutèrent attentivement l'exercice du soir et se répartirent en groupe. Les élèves devaient récolter quelques plantes réputées pour être plus efficaces si elles se faisaient cueillir la nuit. Interdiction d'aller plus loin que la limite autorisée bien entendu. Tous les élèves apprenaient à reconnaître jusqu'où ils pouvaient s'enfoncer dans la jungle, dès la première année. Les sixièmes et septièmes étaient enviés : on leur autorisait l'exploration plus profonde.
Dès qu'ils furent isolés, Hernando se tourna vers ses amis pour proposer :
— On pourrait le chercher, ce gros serpent ?
— Mais si c'est un basilic pour de vrai, c'est super dangereux ! protesta Renata.
— Tu étais partante tout à l'heure !
— Les professeurs se sont sûrement occupés de lui, fit remarquer Vicente.
Solar était d'accord avec lui, pour changer. Elle le suivait de près pour bénéficier de la lumière, car son lumos était plus faible - de son point de vue - que celui de ses amis. Et bien évidemment, c'était celui de Vicente qui éclairait le mieux. Ils marchèrent un moment tout en cherchant les plantes demandées. Il n'était pas question de rapidité, mais de qualité de la récolte. Un bon botaniste se doit de respecter la flore, et cela passe aussi par la cueillette. Solar jugeait que le respect était encore de ne pas récolter, mais ils n'avaient pas le choix. Les plantes pouvaient guérir, c'était... Un mal pour un bien.
À mesure qu'ils avançaient, le petit groupe d'amis chuchotaient. Il faisait sombre et toutes sortes de bruits provenaient d'un peu partout. Des insectes, des animaux de nuit... Solar restait aux aguets, cherchant une potentielle trace de Caipora. À la place, elle fut frappée par l'absence d'un de ses amis.
— Où est passé Felipe ?
Plus personne ne bougea. Oui, où était-il ?



— Et-et si un monstre l'a mangé ?
Renata se paniquait toute seule avec ses idées. Cependant, ils réfutèrent l'hypothèse : un monstre aurait fait du bruit, non ?
— Professeur Flores a dit que c'était un périmètre sûr, c'est pas possible, assura Hernando. Il est parti parce qu'il a vu quelque chose peut-être. S'il oublie d'aller aux toilettes, il peut oublier de nous suivre.
Solar ne cherchait plus les gardiens de Castelobruxo. L'inquiétude se lisait sur son visage, tout comme sur celui de Renata. Dangereuse ou pas, la jungle était dense. Ils se repéraient grâce à des balises installées ça et là par l'école et par la carte distribuée qui indiquait le chemin à suivre pour retrouver leur route (elle s'adaptait en fonction de la position des élèves, tel un GPS moldu). Mais Felipe ne possédait pas la carte.
— C'est dommage que ça ne montre pas la position de tout le monde, fit remarquer Hernando. On devrait retourner en arrière et l'appeler... Mais sans crier.
Ils acquiescèrent à sa proposition. Tout le monde resta groupé. Ils n'avaient croisé personne depuis quelque temps, pas d'autres groupes. Solar sentait un nœud au creux de son abdomen. Elle était quelque peu angoissée. Son imagination se mit en marche et elle visualisa un nundu débarquer pour les dévorer d'un coup. Ou son souffle les faucher pour toujours. Mais c'était impossible, bien sûr. Vicente l'avait dit. Elle posa son regard sur lui : cela suffisait à la rassurer. Tant qu'il était là, tout irait bien.
Felipe ne se trouvait pas loin : il contemplait une fleur qui brillait au clair de Lune. Accroupi près d'elle, le garçon essayait de faire un croquis et en avait également récolté une pour son profit personnel. Il voulait sûrement l'ajouter dans la serre familiale.
— Tu nous as fait peur ! reprocha Renata en lui donnant une tape dans le dos.
— Elle est belle, répondit simplement Felipe en désignant la fleur.
Ils étaient habitués par son comportement, ça les faisait sourire. Le groupe avait presque terminé sa petite escapade, ne manquait qu'une plante pour retourner à l'école. Lorsqu'ils reprirent la route, Renata poussa un cri étouffé qui les figèrent tous. La peur s'empara d'eux, mais personne ne prit la fuite. Curieux, ils regardèrent ce que montrait leur amie.
— Le b-basilic !
Solar se cacha derrière Vicente. Elle passa timidement sa tête sur le côté pour voir la créature... Et le rire de son ami la détendit.
— C'est un gros serpent oui, mais ce n'est pas un basilic. On dirait un anaconda...
Ils restèrent à bonne distance du serpent immobile. Ce dernier les toisait, comme s'il évaluait la situation pour mieux attaquer et savourer un repas. Solar se rassura du mieux qu'elle pu en voyant une déformation dans le long corps du serpent : il digérait. Mais elle était fascinée par l'animal, et ne se rendit même pas compte qu'elle avançait vers lui. Ses amis l'empêchèrent d'aller plus loin et ils décidèrent de partir rapidement pour regagner l'école, enfilant bien leur cape pour paraître totalement invisible. Du coin de l’œil, elle crut voir l'espace d'un instant une petite silhouette, comme un petit humain sautant d'arbres en arbres. Serait-ce...



Solar n'oublia pas de sitôt leur rencontre avec l'impressionnant serpent. Si grand, si intimidant, si... Fascinant. Elle en parla encore durant longtemps. Pourquoi chercher un basilic quand on a de telles créatures ?