Arya avait gardé les yeux rivés sur ses chaussures tout le long du trajet en taxi moldu. Coincée entre ses deux sœurs à la banquette arrière, elle redoutait la colère de Madison une fois qu'elles seraient rentrées chez elles. Pour le moment, elle était calme, mais la jeune Gryffondor la connaissait bien. Madison n'est pas du genre à se laisser emporter par ses émotions. De plus, sa devise était certainement « la vengeance est un plat qui se mange froid ». Arya espérait simplement qu'au moins pour Noël, celle-ci la laisserait tranquille. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était revoir sa famille, sans faire de scène si possible.

Le taxi s'arrêta enfin non loin de la demeure des Nightshade. Sandy remercia le chauffeur en lui donnant de l'argent moldu. Elles sortirent de la voiture et prirent chacune leurs valises, avant de se diriger vers la maison. Arya observa les fenêtres d'où on pouvait apercevoir de la lumière, et se souvint qu'il y a exactement un an, c'était elle qui se tenait à une fenêtre, attendant l'arrivée de ses deux sœurs. Elle avait la sensation de revenir dans le rôle d'une inconnue.

C'est Sandy qui frappa à la porte une fois arrivées. Elles entendirent la serrure se déverrouiller puis Elly Nightshade, leur mère, sortit pour les accueillir.

– Vous êtes enfin là, les filles ! Nous vous attendions pour le dîner, nous allions commencer à manger sans vous !

Elle prit Sandy et Madison dans ses bras, puis se tourna vers sa benjamine. Arya se sentait encore plus petite que d'habitude face à elles. À Poudlard, elle fréquentait beaucoup les élèves de son âge, et même si elle restait la plus petite, la différence de taille n'était pas non plus frappante. Maintenant, devant ses sœurs et sa mère qui devaient faire bien trois têtes de plus qu'elle, elle avait l'impression de s'être transformée en asticot.

Finalement, sa mère lui serra la main avec un demi-sourire, ce qui rassura la jeune Gryffondor. Sa mère étant moldue, la maison dans laquelle elle avait été envoyée ne lui importait certainement pas. Et puis, si sa mère n'avait pas pour habitude de se montrer agréable envers elle, c'était surtout parce qu'avant Poudlard, elle devait supporter ses bêtises et son caractère turbulent, et cela devait certainement beaucoup la fatiguer. Maintenant qu'Arya s'était absentée durant quatre mois pour la première fois, peut-être serait-elle plus patiente avec elle. Arya se promis de faire des efforts pour ne pas la faire tourner en bourrique jusqu'à la rentrée.

– Entrez, entrez ! s'exclama Elly. Il fait si froid, vous devez être frigorifiés ! J'ai préparé un taboulé pour le dîner, j'espère que cela ne vous dépaysera pas trop de la nourriture de sorcier.

Elle offrit en passant un clin d’œil à Arya, qui ne cacha pas sa surprise. Sa mère savait qu'elle adorait le taboulé. En avait-elle cuisiné spécialement pour son retour ? Durant toute sa vie, elle avait cru que sa mère ne l'appréciait pas. Se serait-elle trompé à ce point ? Aurait-elle été influencée par ses sœurs ? Ou bien lui avait-elle manqué ?

Arya refoula ces interrogations et entra dans la maison à la suite de Sandy et Madison. L'odeur lui rappela immédiatement les nombreuses années qu'elle y avait passé et qu'elle avait oublié une fois arrivée à Poudlard.

– Qui est à la maison ? demanda Sandy alors qu'elles déposaient leurs valises dans le hall d'entrée.

– Lindsey et Jenny sont arrivées hier, la première à l'aube, la deuxième au crépuscule.

– Papa et Alison ne sont pas là ? s'assura Arya.

– Non, ils devraient arriver dans les jours qui suivent. Quoiqu'avec Alison, on ne sait jamais...

Cette nouvelle attrista profondément la fillette. Les deux seules personnes qu'elle adorait dans sa famille étaient absentes. Et même si c'était à prévoir avec leurs emplois du temps, elle avait encore une infime once d'espoir. Elle soupira et commença à monter les escaliers avec sa valise pour la déposer dans sa chambre.

– Arya, tu feras ça tout à l'heure ! la sermonna sa mère. Viens manger avec nous.

La jeune Gryffondor reposa son bagage et rejoignit sa famille dans la salle à manger, où ses sœurs s'étaient déjà attablées.
Le repas se déroula normalement, et Arya fut soulagée que personne ne mentionne sa maison. Jenny parla de son travail de journaliste, et ce fut elle qui mena la plupart des conversations. Leur mère s'informa sur Poudlard auprès de Madison et Sandy, s'assurant que tout allait bien.

Lorsqu'elle put enfin sortir de table, Arya ramassa sa valise dans le hall d'entrée et partit retrouver sa chambre. La revoir lui procura un sentiment étrange. Elle rangea sa valise dans un coin et s'assit sur son lit. Sa mère avait dû la ranger, car la dernière fois qu'elle y étais venue, un désordre monumental régnait dans la pièce.

Arya n'arrivait pas à mettre de mot sur ses sentiments, ce qui la mit en rogne. Ce n'était pas vraiment de la nostalgie, c'était autre chose... Cette pièce avait connu ses pleurs les plus profonds, ses déboires et ses désillusions.
La fillette en vint à la conclusion que revenir ici ne lui procurait qu'un sentiment de vide intense. Même si elle n'était partie que quatre mois, ces derniers avaient d'un tel changement qu'ils lui avaient parut durer des années.

Elle finit par s'endormir sur son lit sans prendre la temps de vider sa valise, encore toute habillée.

Arya observait l'immense jardin depuis sa fenêtre, perchée sur sa valise pour pouvoir l'atteindre. Elle rêvait de pouvoir s'enfuir de la maison pour y grimper aux arbres, mais n'osait pas avec toutes ses sœurs dans les parages. Peut-être que lorsqu'elles seront occupées à une séance de lecture dans la bibliothèque, elle pourrait se permettre...

– Arya ! cria sa mère depuis le rez-de-chaussez. Viens manger !

Brusquement sortie de ses pensées, Arya sursauta et tomba du haut de sa valise. Son dos se cogna contre le parquet et lui coupa le souffle.

– Arya, mais qu'est-ce que tu es encore en train de faire ? la sermonna sa mère du bas de l'escalier, alertée par le bruit.

La fillette resta quelques secondes allongée, reprenant son souffle alors que la douleur dans son dos s'estompait. Elle se leva avec précaution et sortit de sa chambre pour descendre les escaliers, où elle faillit trébucher plus d'une fois. Lorsqu'elle arriva enfin au salon, elle découvrit une grande silhouette familière en levant la tête. Ces cheveux blonds toujours attachés à la va-vite ne pouvaient appartenir qu'à une seule personne... Un sourire éclaira le visage d'Arya et la lueur dans ses yeux se ralluma.

– Alison ! hurla-t-elle en la prenant dans ses bras sans la prévenir.

Serrée contre sa sœur préférée, elle la sentit juste l'enlacer à son tour après quelques secondes. Lorsqu'elle se détacha d'elle, elle fut rassurée de voir que sa sœur était tout aussi heureuse qu'elle de la revoir.

– Alors comme ça, nous avons une Gryffondor dans la famille maintenant ! Je suis fière de toi, sœurette.

– C'est... c'est vrai ? bafouilla Arya.

Elle n'avait reçu qu'une lettre d'Alison après sa répartition, et cette dernière laissait deviner qu'elle ne l'était pas du tout.

– Bien sûr ! Tu vas pouvoir rendre la maison des lions fière d'avoir une Nightshade dans ses rangs !

Arya ne savait plus quoi dire. Elle était si heureuse que sa sœur ai changé d'avis qu'elle avait envie de bondir de joie. Les yeux brillants, elle l'enlaça à nouveau.

– Les filles ! les appela leur mère. Venez, le déjeuner va être froid !

– Allons-y avant que maman ne fasse une crise, déclara Alison en lui faisant un clin d’œil.

Elles se dirigèrent ensemble vers la salle à manger, main dans la main. Le tableau était plus comique. Arya devait lever son bras très haut à la verticale pour pouvoir atteindre la main d'Alison, qui devait se courber un peu pour atteindre sa petite sœur.

– Tu n'étais pas censée rentrer plus tard ? s'informa la jeune Gryffondor. Tu as réussi à ta libérer ?

– Exactement. Et j'avais envie d'être plus présente pour Noël, pour une fois. Alors, raconte-moi tout sur Poudlard. Comment ça s'est passé ?

Elles s'installèrent à table où tout le monde était déjà attablé, et Arya garda le silence, hésitant à répondre à Alison.

– Toutes les femmes de la famille Nightshade enfin réunies à table ! s'exclama leur mère en les servant. Je peux enfin profiter de chacune de vous six ! Je me commençais à me sentir seule dans cette maison, moi !

Alison fixa Arya, la poussant à commencer la conversation. Elle répéta donc sa question :

– Alors, Arya, comment tu trouves Poudlard ? Quelles sont tes matières préférées ?

– Heu... Je dirai les défenses contre les forces du mal et le vol.

Arya ferma brusquement la bouche, se rendant compte de ce qu'elle venait de dire. Madison allait certainement encore la traiter de sauvage... Alors que cette dernière ouvrait la bouche, la jeune Gryffondor ajouta :

– J'aime aussi beaucoup l'histoire de la magie.

– Comme nous toutes ! se réjouit Alison. Tu vois, Madison. Arya nous ressemble, contrairement à ce que tu penses.

Les deux sœurs s'affrontèrent du regard, et Arya resta abasourdie qu'Alison la défende ainsi avant même qu'elle ne se fasse attaquer. Pourquoi autant la protéger, alors qu'avant, c'était à peine si elle bougeait un petit doigt pour elle ?

– Les filles, mangez calmement, je vous en prie, tenta leur mère. Vous êtes ridicules.

Le repas se déroula donc en silence, et Arya se sentait invincible avec Alison à ses côtés. Quand tout le monde eu finit de manger, chacun vaqua à ses occupations. Arya retourna dans sa chambre, et sursauta en entendant la porte se fermer. Alison l'avait suivit à l'intérieur. Elle resta un long moment immobile, surprise. Jamais l'une de ses sœurs n'était entrée ici. Sa chambre se situait tout au bout d'un long couloir sombre, à l'écart des autres. À part passer devant, généralement personne n'entrait. Alison observait la pièce sous tous ses angles.

– Pour... pourquoi tu es gentille avec moi ? demanda Arya, une fois remise de sa surprise.

Alison sembla elle aussi étonnée. Mais plus par la pièce, par la question de sa petite sœur. Elle baissa les yeux et s'approcha d'Arya.

– Quand j'ai appris que tu avais été envoyée à Gryffondor, j'étais en colère, commença-t-elle. Je me disais qu'avant notre famille était si caractéristique. Même si maman est une moldue, nous avions cette célébrité car tout le monde était à Serdaigle. Lorsque quelqu'un disait « Nightshade », on pensait alors immédiatement aussi « Serdaigle ». Je me sentais comme trahie.

Arya comprenait très bien son sentiment. Elle-même avait eu la sensation d'avoir trahi sa famille en étant envoyée à Gryffondor. Elle évita le regard de sa grande sœur, la tête baissée.

– Et puis je me suis souvenue d'une chose... repris Alison.

– Quoi donc ?

– Qu'il y a huit ans, lors de ma répartition, le choixpeau a aussi hésité entre Gryffondor et Serdaigle. Je ne suis un pas un choixpeauflou comme toi, mais son hésitation a tout de même duré quatre minutes, et j'ai eu tellement peur d'être envoyée chez les lions. Je me suis dis que toi aussi tu avais dû être terrorisée, déjà que Madison te répétait sans cesse que tu n'étais qu'une sauvage. Alors j'ai reconsidéré mon positionnement dans cette histoire, et j'en suis venue à la conclusion que, finalement, cette histoire de répartition, c'était du n'importe quoi. On ne peut pas laisser ça déchirer note famille.

Arya était si émue par ces mots que les larmes lui montèrent aux yeux. Elle sauta dans les bras de sa sœur, la remerciant mille fois. Alison la berça doucement, comme lorsqu'elle était petite. Lorsqu'elle se fût calmée, la fillette murmura :

– Tu crois que papa pensera la même chose quand il reviendra ?

– Évidemment. Tu es sa préférée.

Arya était assise devant la fenêtre de sa chambre, le soir du réveillon, sa tête soutenu par sa main. On ne voyait plus rien au-dehors à cause de la brume et de l'obscurité, mais la fillette continuait de fixer l'extérieur sans broncher. Elle était redevenue la même qu'avant Poudlard, lorsqu'elle attendait désespérément que son père revienne à la maison. Elle ne savait même pas s'il comptait venir. Pourtant, elle ne quittait pas sa fenêtre, têtue. Jamais il n'avait raté un Noël en famille, il faisait toujours en sorte de fermer la boutique pour pouvoir profiter de sa famille, la seule fois dans l'année où tout le monde était réuni.

Ce n'était que le début de soirée et pourtant, Arya avait du mal à garder les paupières ouvertes. Elle n'avait pas beaucoup dormi la nuit derrière. Elle avait rêvé que son père la chassait de la maison en la traitant de sauvage, puis sa voix avait prit celle de Madison et elle s'était réveillé alors que les insultes fusaient de toutes parts et résonnaient dans ses oreilles. La fillette avait beau savoir que ce n'était pas réel, cela ne l'empêchait pas pour autant d'avoir le cœur battant en y repensant.

Sa sœur Alison toqua à la porte ouverte pour signaler sa présence. Arya ne bougea pas d'un pousse, et la jeune femme resta sur l'embrasure de la porte. Elle posa sur sa cadette un regard triste, résigné avant de murmurer d'un voix douce :

– Le repas est prêt, Arya. Descend, on attend plus que toi.

– Je ne descendrai pas tant que papa ne sera pas arrivé, répliqua la fillette d'un ton assuré, contrastant avec sa posture.

– Il ne reviendra peut-être que dans des heures. Tu ne va pas t'affamer jusque là, si ?

La Gryffondor ne répond pas et continue de balayer son regard au-dehors. Elle ignorait même comment il comptait revenir. À pieds, en taxi moldu, en balai ?

– Maman ne sera pas contente si elle ne te voit pas au repas, la prévint Alison.

– Tant pis, elle s'en remettra.

Alison soupira, puis hésita avant de s'approcher de sa petite sœur.

– J'admire ta détermination, reprit-elle. Mais il vient toujours un moment où il faut lâcher prise et admettre la chose.

Arya ne réagit toujours pas, mais elle avait saisi qu'Alison ne parlait plus seulement de l'arrivé de leur père.

– Je ne peux pas m'en empêcher, souffla-t-elle. J'ai l'impression que si je m'arrête, je vais perdre le contrôle.

Alison la prit doucement dans ses bras, la berçant du mieux qu'elle pouvait.

– Je comprends. Mais papa arrivera peut-être tard dans la nuit, et tu m'as déjà l'air bien fatiguée. Alors si tu ne veux pas t'endormir le ventre vide, viens prendre le repas avec nous.

Ce fut au tour d'Arya de soupirer. Elle regarda l'extérieur encore quelques secondes, vérifiant que son père ne se cachait pas derrière un buisson, avant de se détacher de la fenêtre.

Elle descendit au salon derrière Alison. Tout le monde était déjà attablé et leur mère les réprimanda :

– Enfin, les retardataires ont daignés venir se joindre à nous. Nous allions commencer sans vous.

Arya s'installa à sa place habituelle et commença à manger en silence. Alors qu'elle tournait lentement sa fourchette dans son assiette, on frappa à la porte. La fillette sursauta sur sa chaise et se précipita à la fenêtre. Il faisait toujours très noir dehors, mais la jeune Gryffondor reconnut immédiatement la silhouette de son père. Ni une, ni deux, elle ouvrit la porte d'entrée avant même que sa mère ait eu le temps de se lever de sa chaise.

Alison observa Arya sauter dans les bras de Logan Nightshade en la couvrant d'un regard protecteur. Ces retrouvailles étaient émouvantes, personne ne pouvait le nier. On entendait Arya sangloter légèrement, la tête enfouie dans la robe de sorcier de leur père.

– Attends Arya, laisse-moi au moins me mettre au chaud, protesta ce dernier en la reposant à terre.

Un immense sourire plaqué sur le visage, la fillette le laissa entrer dans la maison, sautillant sans répits. Le marchand de balais posa ses affaires dans le couloir avant d'aller embrasser sa femme – sans un regard pour Arya qui attendait en vain un petit signe d'affection de sa part. Finalement, Logan salua une à une toutes ses filles, hormis Arya qui dû se rasseoir à table sous les consignes de sa mère. Le repas continua comme s'il n'avait jamais été interrompu et le père de famille s'informa sur le travail de Lindsey, Jenny et Alison avant de parler de la scolarité de Sandy et Madison.

– Et toi alors, Arya ? demanda-t-il enfin à sa benjamine. As-tu récolté de bonnes notes au premier trimestre ?

La jeune Gryffondor releva la tête et resta silencieuse, ne sachant quoi dire.

– Eh bien alors, tu as perdu ta langue ? insista sa mère.

– Hum, j'ai... j'ai une moyenne d'Optimal en ce moment... finit-elle par bégayer.

– Une moyenne ? Tu sous-entends avoir reçu de moins bonnes notes, alors ?

La fillette se mordit les lèvres avant d'opiner sans oser affronter le regard de son père.

– Si tu as déjà des E et des A alors que tu n'es encore qu'en première année, ça promet pour la suite... murmure Madison en levant ses sourcils fins.

– Si je me souviens bien Mady', intervint Alison, tu n'as pas eu que des O pendant sa première année, toi non plus. Ta bête noire était le vol, si je me souviens bien...

Les deux sœurs se lancèrent des regard noirs que Logan ne releva pas. Il félicita sa femme pour le repas avant d'annoncer qu'il était fatigué et allait se coucher. Arya le regarda disparaître dans sa chambre, sortant de table sans même avoir terminé son assiette. Elle n'entendit pas sa mère lui demander de venir finir son repas et monta les escaliers marche par marche, le regard dans le vide. Enfin, elle s'arrêta devant la porte close de la chambre de Logan, fixant la serrure. Alison vint la rejoindre quelques minutes plus tard, s'agenouillant pour être à la hauteur de sa petite sœur.

– Ne t'inquiète pas, lui murmura-t-elle. Il est seulement fatigué par le long voyage qu'il a fait. Tu verras, demain il te prendra dans ses bras en te surnommant sa sauvageonne, comme toujours.

La fillette aurait aimé la croire, mais au fond d'elle elle savait que la fatigue n'avait rien à voir avec la froideur de Logan.

Le matin de Noël, Arya sortit tard de sa chambre pour rejoindre sa famille. Elle n'avait pas beaucoup dormi malgré sa fatigue, et était réveillée depuis un long moment. Seulement, elle avait peur de sortir et de découvrir ce qui l'attendait. La froideur de son père envers elle la veille l'avait secoué plus qu'elle ne voulait l'admettre.

Lorsqu'elle arriva enfin au salon, toute la famille était réunie autour du sapin et se retourna en l'entendant approcher.

– Arya, te voilà enfin ! s'exclama sa mère. Tu en as mis du temps à te réveiller. Nous t'attendions pour ouvrir les cadeaux.

La fillette serra la manche de son pyjama bleu nuit, n'osant se fondre entre ses sœurs. Elle sentait le regard de son père sur elle, et ce dernier la paralysait. Ce fut Alison qui la ramena au temps présent en venant lui prendre la main pour venir lui montrer les cadeaux emballés. La jeune Gryffondor observa les paquets colorés où des étiquettes étaient collées pour désigner leur futur propriétaire.

– Lindsey, à toi l'honneur, annonça Logan à son aînée.

La jeune femme s'approcha du paquet à son nom et le déballa avec précaution, découvrant un livre sur les herbes médicinales asiatiques. Elle remercia son père, puis ses autres sœurs déballèrent leurs cadeaux à leur tour, toujours en partant de la plus vieille à la plus jeune. Jenny eut droit à une biographie sur Rita Skeeter, Alison une édition collector d'un livre de Norbert Dragonneau, Sandy un livre sur les potions et Madison un livre de sortilèges. Lorsque vint le tour d'Arya, elle prit le dernier paquet posé au pied de l'arbre de Noël et ne cacha pas sa surprise. Vu la taille du cadeau, cela ne pouvait être un livre ! Pourtant, Logan offrait toujours à ses filles des ouvrages divers, jamais autre chose. La fillette leva les yeux vers son père, mais ce dernier ne montra aucune émotion sur son visage. Arya ouvrit donc le paquet en déchirant soigneusement le papier. C'était une boîte carrée en velours argenté. La jeune Gryffondor fronça les sourcils et l'ouvrit, perdue. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir un pendentif en forme d'aigle ! Elle resta un long moment immobile devant le présent, sans savoir comment elle devait réagir. Elle leva à nouveau les yeux vers son père d'un air suppliant, le priant silencieusement de lui donner des explications. Mais il restait impassible, imperturbable.

– Qu'est-ce que tu attends ? lui demanda sa mère en s'approchant d'elle. Essaie-le !

Elly libéra la chaîne en argent de sa boîte, avant de l'attacher délicatement au cou d'Arya. Cette dernière observa le pendentif, essayant de comprendre pourquoi son père le lui avait offert. La véritable raison était évidente, mais la fillette la refoulait au plus profond d'elle, ne voulant pas l'envisager. Le pendentif était en forme du blason des Serdaigles, bleu et argent.

– Eh bien alors ? la réprimanda Elly. Remercie ton père ! C'est un présent des plus nobles.

Arya regarda à nouveau son père, mais n'arriva pas à prononcer un mot. Les lèvres tremblantes, elle tentait de se retenir de pleurer. Finalement, elle prit ses jambes à son cou avant que les larmes ne tombent la vue de tous. Elle ne réfléchit pas et sortit dans le jardin, toujours en pyjama. Elle eut juste le temps d'entendre sa mère crier son nom avant de quitter la maison.

Une fois à l'extérieur, elle prit une grande inspiration. L'air glacial s'infiltra dans ses poumons et lui brûla la gorge, mais elle l'ignora. Elle se dirigea vers son arbre préféré, celui qu'elle grimpait toujours pour échapper à sa mère, avant Poudlard. Il était couvert de neige, mais peut lui importait. Elle sauta sur ses deux pieds en chaussettes pour atteindre la première branche, puis se hissa jusqu'à la cime de l'arbre, avant de secouer la neige pour pouvoir s'asseoir. Le soleil commençait à pointer le bout de son nez, mais il faisait encore sombre. Arya observa l'obscurité de l'immense jardin alors que quelques larmes coulaient silencieusement sur ses joues. Elle ne faisait pas attention au froid mordant et essayait simplement de calmer la boule qui s'était formée dans sa gorge.

Arya n'était pas bête. Ce pendentif en forme d'aigle ne pouvait que représenter l'amertume de son père quant à sa répartition. Il lui en voulait bel et bien de ne pas avoir été envoyée à Serdaigle, la maison de sa famille.

Elle ne descendit de l'arbre que lorsque son ventre cria famine. Ses membres étaient ankylosés par le froid, aussi eut-elle du mal à revenir à terre. Frissonnant dans son pyjama, elle rentra dans la maison sans faire de bruit. Elle allait se rendre dans la cuisine lorsqu'elle y entendit la voix de sa sœur Alison. Elle se cacha derrière la cloison pour écouter.

– Pourquoi tu ne lui as pas offert un livre, comme d'habitude ? demanda Alison d'un ton agressif.

– Parce que ça n'allait certainement pas lui plaire, répliqua une deuxième voix, celle de Logan.

– Pardon ? Tu sais très bien qu'Arya adore lire, tout comme toi et moi !

– Ça m'étonnerait. Elle n'aurait pas été envoyée à Gryffondor si elle avait aussi soif de connaissance que nous.

– Alors c'est juste pour ça ? Qu'elle soit Gryffondor ne change rien ! C'est toujours ta fille. Elle n'est peut-être pas Serdaigle, mais elle n'est pas idiote non plus. Elle a très bien compris la signification de ce maudit collier. Tu l'as blessée, papa ! Elle n'a que onze ans !

La voix d'Alison devenait suppliante. Arya écouta encore, buvant chaque paroles de son père.

– Ne me dis pas que tu vas laisser la décision d'un vieux chapeau qui parle influencer sur l'amour que tu portes à ta fille, reprend-elle d'une voix plus calme. Ce serait monstrueux.

– Tu n'as pas à me dicter ma conduite, Alison. Tu es peut-être majeure, mais je reste ton père à toi aussi.

– Pourtant tu ne te comportes pas comme un père. Un père ne juge pas son enfant ainsi. Arya n'a pas changé, elle est la même qu'avant.

– Je n'en suis pas si sûr. Je ne sais pas comment j'ai pu ne pas m'en rendre compte avant, mais il est vrai qu'elle est impulsive, comme le dit toujours Madison.

– C'est peut-être parce que tu ne la connais pas, finalement. Tu n'es jamais à la maison, Arya a presque vécu sans père ! Même lorsque j'étais enfant, tu étais bien plus présent. Et puis, depuis quand tu fies-tu aveuglément à ce que dit Madison ? Elle a failli atterrir à Serpentard, elle aussi !

– Elle n'est pas un choixpeauflou, elle n'est resté qu'une ou deux minutes sous le choixpeau !

– Et moi, papa ?

Silence. Arya retint sa respiration, toujours cachée.

– Comment ça, toi ?

– Le choixpeau a hésité pendant quatre bonnes minutes entre Gryffondor et Serdaigle pour moi aussi. Tu avais oublié ? Alors, est-ce que tu vas me renier, moi aussi ?

– Ça ne compte pas. Tu as finalement été envoyée à Serdaigle.

– Mais pourquoi accordes-tu autant d'importance à cette répartition ?! Arya est ta fille, tout comme Sandy, Madison, Jenny, Lindsey et moi ! Ça ne devrait pas influencer sur ton amour pour nous toutes !

Arya s'éloigna lorsque le ton monta. Fatiguée d'entendre tout le monde autour d'elle se disputer tout le temps, elle monta lentement dans sa chambre, le regard vide.

Pour changer, Arya était heureuse. Elle sortait du gymnase où elle avait l'habitude de prendre ses cours d'escrime, avant Poudlard. Son professeur avait accepté de lui donner juste un cours toute seule pendant les vacances, et cette séance lui avait largement remonté le moral. Renfiler cette tenue blanche et serrer dans son poing le fleuret lui procurait une sensation de sécurité rassurante. Elle n'avait pas eut l'occasion de pratiquer depuis son entrée à Poudlard, et l'activité commençait sérieusement à lui manquer.

Elle prit le bus moldu pour revenir à la maison. Revenir entre ces personnes vivant sans magie était étrange. Avant, elle n'avait aucun mal à se fondre dans la foule, mais à présent, elle avait l'impression de trop s'en démarquer.
Elle repensa à la séance d'entraînement pendant le trajet. Son professeur avait été adorable, et il ne lui avait pas demandé une seule fois comment se passait l'école. Elle lui avait fait croire, sous la demande de son père, qu'elle était entrée à l'École Internationale Marymount, à Londres. Et fort heureusement, cette explication lui avait suffit.
Ils avaient donc croisé le fer pendant près de deux heures. Arya lui était très reconnaissante d'avoir rouvert le gymnase pendant ses congés spécialement pour elle. Elle espérait qu'il en serait de même pour les prochaines vacances.

Elle sortit du bus lorsqu'il arriva enfin à l'arrêt le plus proche de chez elle. Elle avait encore un bon quart d'heure de marche avant d'arriver à la maison, alors elle replaça son sac sur son épaule et se mit en route.

Tout en observant le soleil se coucher petit à petit, elle réfléchit au comportement de son père depuis qu'il était rentré. C'était comme si ce n'était pas la même personne. Il ne lui adressait presque plus la parole, et Arya évitait son regard le plus possible. Elle avait été profondément blessée les premiers jours, surtout avec le cadeau qu'il lui avait offert à Noël. Elle gardait le pendentif dans sa poche, sans jamais le porter.

Seulement, comme elle ne le voyait plus comme le père qu'il était avant, elle s'y était faite. Ça ne rendait pas ses journées plus agréables, mais au moins ses rares remarques étaient plus supportables. La fillette se félicita d'avoir réussi à bâtir ce mur de protection invisible autour d'elle, comme elle l'avait fait avec Madison avec le temps. Cependant, elle ne pouvait nier que l'ancien comportement de son père lui manquait. Elle essayait de ne pas y penser, et de simplement profiter de l'absence de travail pendant les vacances.

Il ne restait que quelques jours avant de revenir à Poudlard, où elle retrouverait son dortoir, ses profs et ses camarades auxquels elle ne parlait quasiment jamais et qui ne lui posaient pas de question. Après les remarques de Madison sur les quelques E qu'elle avait reçu au cours du premier trimestre, elle s'était promis qu'elle travaillerait comme jamais pour n'obtenir que des O, afin d'être à la hauteur de la réputation de sa famille. Elle s'était donc de nouveau penchée sur ses manuels, même si elle s'était dit qu'elle ne les ouvrirait pas pendant les vacances afin de se reposer. Comme les potions était sa bête noire, elle avait lu et relu les devoirs que sa professeur avait corrigé dans l'espoir de ne plus refaire les mêmes fautes. Il y avait là-dedans au moins un point positif : travailler l'éviter de penser ou de devoir sortir de sa chambre.

Arya était enfin arrivée devant la demeure des Nightshade. Elle ouvrit la porte et monta à l'étage pour déposer son sac dans sa chambre, mais elle s'arrêta en passant devant la porte de sa sœur Alison. Cette dernière rangeait des rouleaux de parchemins et des livres dans sa valise.

– Tu... tu t'en vas déjà ? bégaya la fillette.

Alison leva la tête vers sa cadette en souriant d'un air rassurant.

– Eh oui, confirma-t-elle. J'ai déjà eu de la chance de me libérer pour Noël, maintenant il est plus que temps que je reparte.

– Tu vas où, cette fois ?

– Je pars pour l'Espagne. Par contre, je ne connais pas un mot de la langue, il faudra que je débrouille avec la langue des signes, rit-elle.

Arya esquissa un sourire, sans parvenir à faire disparaître la boule dans sa gorge.

– Tu vas me manquer... Comment je vais faire face à Madison sans toi ?

Alison entrouvrit la bouche avant de s'approcher d'elle en s'agenouillant pour être à sa hauteur.

– Tu retournes très bientôt à Poudlard, Arya. Une fois là-bas, il te sera facile de l'éviter. Et puis, qu'est-ce qu'est Madison, au juste ? Un être humain, tout comme toi. Qu'a-t-elle de plus que toi ? Absolument rien. Alors ne laisse pas ses remarques t'atteindre, c'est son moyen de se rassurer elle-même. Au fond, Madison n'est pas si différente de toi, tu sais. Elle manque affreusement de confiance en elle et si elle travaille autant, c'est seulement par peur de l'échec. Savais-tu qu'elle a été diagnostiquée atychiphobique à l'âge de 8 ans ? Elle déteste qu'on en parle, alors ne le mentionne surtout pas devant elle. Te critiquer est sa manière d'affronter sa peur, de vivre avec. Ça la rassure, en quelque sorte. Je ne suis pas en train d'excuser son comportement, loin de là, mais peut-être que savoir ça t'aidera à l'ignorer.

Arya resta coite. Madison, atychiphobique ? Elle l'avait toujours vu comme forte, imperturbable. Elle la vit soudain sous un tout autre jour. Voilà qui expliquait enfin toutes ces remarques désobligeantes. Son but n'était pas de la blesser, mais bien de se rassurer elle-même.

– Je savais pas... murmura-t-elle. Merci de me l'avoir dit.

– Tu n'avais que quatre ans à l'époque, c'est normal que tu ne t'en souviennes pas. J'en avais douze de mon côté, je venais d'entrer en deuxième année à Poudlard. Papa nous avait envoyé un hibou, à Jenny et moi pour nous prévenir de ne pas lui en parler lorsque nous rentrerons à la maison.

– Et c'est vrai que le choixpeau a envisagé de l'envoyer à Serpentard ? J'ai entendu ta conversation avec papa l'autre jour.

Alison soupira et alla vérifier qu'il n'y avait personne dans le couloir, avant de fermer la porte.

– Oui c'est vrai. J'entrais en cinquième année lors de la répartition de Madison. Le choixpeau a tout de suite viré Gryffondor pour elle, tu t'en doutes. Ensuite, il a seulement mentionné Serpentard, certainement parce qu'il avait perçu sa fierté lorsqu'elle te critiquait. Mais l'ambition n'était pas son fort, et puis c'était plus de la fausse fierté qu'autre chose, alors finalement, Serdaigle s'est révélé être un choix évident. Mais ça n'a pas duré longtemps.

Arya hocha la tête. Elle redécouvrait sa sœur sous un meilleur jour. Elle remercia Alison de la confidence avec gratitude.

– De rien, sauvageonne. Je dois boucler cette valise, tu m'aides ?

Arya posa son sac dans un coin de la chambre et lui donna un coup de main pour fermer sa valise.

Arya vérifia qu'elle n'avait rien oublié : manuels, vêtements, baguette... Elle avait même réussi à chiper quelques livres dans la bibliothèque de sa famille. Elle avait prit des ouvrages de toutes les matières, et particulièrement en potions et en métamorphose. Elle espérait réussir à s'améliorer si elle lisait beaucoup sur le sujet, même si au fond, elle n'y croyait pas vraiment. Mais au moins, elle ne pourra pas se reprocher de ne pas avoir travaillé lorsqu'elle recevrait de mauvaises notes.

Elle ferma sa valise et sortit de la pièce sans un dernier regard à sa chambre. Plus rien ne la retenait ici. Maintenant qu'Alison était partie, elle ne rencontrait que des âmes hostiles dans la maison. Au moins, à Poudlard, il lui ait plus facile de se cacher des autres, et personne à Gryffondor ne lui reprochera de ne pas être Serdaigle.

Elle rejoignit ses sœurs Madison et Sandy devant la maison. Cette fois, c'était leur père qui les emmèneraient à Kings Cross. Il avait l'air plus fatigué que jamais, mais Arya n'y fit pas attention. Elle déposa sa valise dans le coffre de leur voiture moldue, bousculant Madison au passage.

– Fais un peu attention, la sauvage, l'attaqua sa sœur en lui jetant un regard méprisant.

Mais cette fois, Arya ne laissa pas la remarque percer son cœur. Elle leva les yeux vers Madison, et perçut dans son regard ce qu'elle n'avait jamais vu avant. La peur. Oui, c'est de la peur qu'il y avait dans ses pupilles entourées de bleues. Elle avait toujours été là, mais Arya n'avait jusque là encore jamais eu le courage d'affronter son regard. Et pour la première fois de sa vie, la fillette ressentit de la pitié envers elle, et non de la rancœur.

Madison fut décontenancée une seconde de ne pas voir Arya baisser la tête comme d'habitude. Mais elle se reprit vite et se détourna pour prendre sa place sur la banquette arrière.

– Arya, dépêche-toi un peu, c'est l'heure de partir, marmonna Logan en s'installant au volant.

La fillette s'assit à côté de ses sœurs et claqua la portière, avant que la voiture ne démarre. Le trajet se déroula en silence et sans accro, au grand soulagement de la jeune Gryffondor. Elle put profiter du paysage défilant par la fenêtre sans être dérangée, perdue dans ses pensées. Elle est était motivée pour travailler une fois arrivée en cours, à Poudlard, et pensais déjà à son prochain cours de vol sur balai. Elle voulait à nouveau sentir le manche sous ses doigts et voler, simplement voler. Elle se demanda si son père acceptera de lui donner un balai, l'année prochaine. Ses sœurs n'en avaient jamais demandé, elle devait être la seule des filles Nightshade à apprécier ce sport. Peut-être que cette passion commune avec son père lui permettrait de se réconcilier avec lui ?

Logan gara la voiture au parking de la gare, puis ils se dirigèrent vers le quai de la voie 9 ¾. Une fois devant le train, leur père embrassa Sandy et Madison avant qu'elles n'entrent à l'intérieur. Arya les regarda s'engouffrer dedans, se noyant au milieu des autres étudiants. Bientôt, elle les rejoindrai, mais avant, elle devait simplement dire quelque chose à son père. Elle leva les yeux vers lui, et ce dernier daigna enfin les poser sur elle. Serrant sa valise dans la main, elle rassembla son courage et articula :

– Tu me déçois. Mais je ne laisserai pas ton indifférence gâcher ma vie.

Sans attendre sa réponse, elle lui tourna le dos et disparut dans le train, la tête haute. Elle n'avait jamais tenu tête à son père, et le faire pour la première fois la soulagea d'un poids immense. Elle avait la sensation de mieux respirer, et ouvrit la porte du compartiment prit par ses sœurs en silence. Madison avait prit la place à côté de la fenêtre, mais Arya distinguait tout de même la foule des parents encore sur le quai, à travers la vitre. Elle chercha son père du regard, instinctivement. Mais il n'était plus là.