Inscription
Connexion

13 août 2019, 22:37
Crever l’abcès  Solo 
[PNJ : Angel Fleurdelys, Flora Fleurdelys]

Mardi 3 mai 2044 - 11h


-France / Paris , quartier du Palais Royal-
(Chez Mamina, mère de Flora)


Au fil des siècles, les murs de la Comédie Française avaient été témoins de bien des drames, parfois feints pour le plaisir des spectateurs, souvent vécus en coulisses, à l’abri des regards. Sous les projecteurs, nombre de larmes avaient coulé pour de faux et parfois pour de vrai, sous l’effet de révélations et de règlements de comptes, rédigés avec la plume d’auteurs célèbres.

La vie aussi est une scène ouverte, où chacun y écrit son histoire, son passé, son présent et la direction de son avenir.

À deux pas de ce temple du théâtre, dans un petit appartement sous les toits, Flora Fleurdelys tira le drap sur ses seins nus, un frisson parcourant son cou. Le martèlement de la pluie sur le toit de tôle ondulé avait sonné le glas de son sommeil depuis plus d’une heure. Elle n’avait pourtant pas encore eu la force de se lever, ses grands yeux bleus scrutant le plafond blanc. L’odeur de café lui chatouillait les narines. Angel, son époux, faisait les cent pas dans la cuisine, en attestait le craquement du parquet.

La veille, ils s’étaient couchés sans se parler, après une énième dispute, et une énième tentative avortée de renouer le dialogue.
Ils ne se comprenaient plus.
Flora posa enfin les pieds sur les planches de bois cirées et se frotta les yeux. Elle enfila son peignoir et fit quelques pas vers la fenêtre. Derrière les épais rideaux, les gouttes s’écrasaient sur la fenêtre. À quelques mètres, l’eau ruisselait sur les voûtes du Palais-Royal. La dynamique rousse serra la ceinture de son déshabillé et se dirigea vers la porte qui donnait sur le couloir. Angel toussait encore, son rhume ne semblait guère s’arranger. Le vieux meublé était rempli de courants d’air, fatidiques pour l’Écossais qui supportait difficilement l’éloignement de sa terre natale.

- Flora : « Bonjour »

Elle prit place sur une des deux chaises qui entouraient la table de la cuisine. Un bol de café chaud, noir et corsé, fumait face à elle. Elle n’avait jamais réussi à s’accoutumer au thé.
Angel, de dos, fumait torse nu à l’une des lucarnes entrouverte.
Dieu qu’il était beau, ses omoplates musclées révélant l’énergie déployée chaque jour pour aider aux besognes des plantations, et ainsi montrer l’exemple qu’un propriétaire terrien se devait à ses administrés. Il n’avait jamais rechigné à la besogne, n’étant pas de ses patrons qui se contentent de dire quoi faire, les fesses collées à leur fauteuil.

- Angel : (sans se retourner) « Tu ne m’as pas répondu hier soir... »

Il attaquait fort et sans nuances, se dit Flora, les doigts massant ses tempes pour réveiller son cerveau encore embrumé.

-  (après un silence) « Tu es certain que tu veux revenir la-dessus une nouvelle fois ? Ça changera quoi ? Je vais te répéter la même chose, tu vas mettre en doute ma sincérité et la véracité de mes propos. Tu ressentiras une puissante souffrance émotionnelle mêlée d’un sentiment de rancœur et... »

Angel se retourna vers sa femme et lui coupa sèchement la parole :

- « Ne  joue pas à l’empathe avec moi ! Nous ne sommes pas à la fondation et je ne suis pas un de tes petits orphelins. Garde ta légilimancie pour toi Flora ! »


Flora serra la mâchoire et se redressa sur sa chaise. Les yeux d’Angel la scrutaient comme un animal sur sa proie. Elle n’avait pas le choix que de revenir à nouveau douze années en arrière, plonger dans sa mémoire pour justifier encore et encore ses agissements.
Poudlard était si loin, tout cela était si vieux...

-  « Tu l’as aimé ? Dis-le-moi... (silence) Tu l’as aimé ! »

- « J’ai aimé sa prévenance... (parlant avec précipitation et agacement) Tu m’avais tourné le dos Angel ! Tu avais fait le choix de suivre les règles imposées par ta famille. Tu m’ignorais depuis Noël, après ton retour de Fife. Tu ne me parlais même plus.... »

- « J’étais aveuglé par le discours de mes parents... j’avais 17 ans ! »

- (tranchante) « Tout comme moi ! (silence) Et j’étais seule... »

Nerveusement, l’ancienne Gryffon enroulait une mèche de cheveux roux flamboyants autour de ses doigts.

- « Quand tu es revenu, je ne t’ai rien reproché. Je t’ai écouté, je n’ai porté aucun jugement. Pourtant, tu m’avais traitée comme une pestiférée. Mais je ne t’en ai jamais voulu. Dés que je suis tombée enceinte, je t’ai tout avoué, je ne t’ai jamais menti.»

Angel se saisit de son paquet de cigarettes et alluma une nouvelle blonde. Debout face à sa femme, il grattait nerveusement son épaule.

- « J’ai pardonné aussi... comme tu l’as fait Flora. Et je sais ce que je t’ai fait subir. À ce moment-là, les mots de mon père sonnaient comme parole d’évangile : « Épouse une femme de ta condition, fais la fierté des Fleurdelys, ne sois pas l’homme qui trancha la lignée des exceptionnels que nous sommes...». Je me sentais investi d’une mission, je devais passer outre à mes sentiments. Et puis j’ai compris. Sans toi, à quoi bon vivre...»

Les volutes de fumées envahirent la pièce.
Entre deux bouffées, il reprit la parole, presque à bout de souffle :

- « Tu l’as aimé ? »

Flora but une gorgée de café et reposa son bol, le tenant entre ses deux mains, les yeux posés sur son breuvage.

- « Je ne sais pas si je l’ai aimé... Sans doute sur le moment ai-je ressenti sa présence comme le réconfort dont j’avais besoin. Ça n’a pas duré... »

- « Assez pour qu’il te féconde ! »

La sorcière se leva de sa chaise, se dirigea vers l’évier et nettoya sa tasse.

- « Assez pour apporter à notre vie le trésor que nous élevons depuis ensemble, et qui sera toujours ton fils Angel. »

L’homme s’avança vers elle et enlaça Flora, caressant avec frénésie ses hanches, embrassant son cou avec passion.

- « Oui, Gabryel est mon enfant, mon fils, mon oxygène... (suppliant) Ne repars pas en Écosse, je t’en supplie mon amour. Reste ici. Ce n’est pas le moment... J’ai su par un cercle de sorciers installé boulevard Beaumarchais qu’Ursula s’apprête à créer un groupuscule, une brigade de répression qui exécutera ses nouvelles directives. Tu es née de parents moldus, tu seras en première ligne, ils ne te feront aucun cadeau... Laisse au moins un peu de temps passer, voir comment cela évolue. Tu ne sais même pas si un réseau de résistance a vu le jour ! Gabryel est à Poudlard, il ne peut pas être plus en sécurité qu’avec Loewy... »

- « Ce n’est pas de Gab dont il s’agit et tu le sais bien. Évidemment qu’il ne sera jamais mieux ailleurs qu’au Château, ce n’est pas la question... »

Flora se détourna de l’étreinte d’Angel et s’installa près de la fenêtre.

- « S’il existe la moindre chance, même infime de lutter contre ce qui est en train de s’installer, je veux en être. Je ne peux pas, je ne veux pas laisser les choses se faire sans agir. Pour Gabryel, pour notre avenir, je ne resterai pas ici à me cacher comme une malpropre, une moins que rien ! Je te rappelle au passage que je suis une sorcière établie et confirmée... »

- « Tu vas le revoir ? »

- « Angel bordel ! Ce n’est pas de cela dont il s’agit ! Tu n’as que ça en tête... Je ne sais même pas ce qu’il est devenu. Si ça se trouve, il a quitté la Grande-Bretagne après Poudlard. Qui te dit qu’il est à Londres ? Je n’en sais rien, je m’en foue ! »

- « Toutes les forces vives issues de parents moldus ont été appelées à se regrouper, pourquoi pas lui... »

Flora se tourna vers son mari, les yeux dans les yeux.

- « Tu m’emmerdes Angel ! »

Elle se dirigea vers la table, remit la chaise à sa place, et resta un instant immobile.

- (d’une voix claire et posée) « On fait ce que l’on a dit. Je pars pour Londres demain, j’irai m’installer chez Lucy. Ses parents sont des Sangs-Purs, personne ne viendra l’ennuyer. Je verrai un temps comment ça évolue et je te tiendrai au courant. Toi tu restes ici jusqu’à ce que Mamina soit sur pied, puis tu retournes à Fife. Les employés ont besoin de toi. Et si Poudlard n’est plus sûr, Gabryel doit pouvoir rentrer à la maison, et rester sous ta protection. »

Angel encaissa sa broncher les dernières paroles de la sorcière. Sans mot dire, il resta un moment, le regard dans le vague, perdu dans ses pensées. Il finit par parler, presque inaudiblement, comme à lui-même :

- « S’il t’arrive quoi que ce soit, je n’y survivrai pas... Tu es mon souffle, la raison qui me pousse à ouvrir les paupières le matin. Je ne serai plus qu’une coquille vide si tu me quittais. Je t’en supplie, fais attention à toi. »

Flora se dirigea vers la porte qui menait au couloir.

- « Je vais me doucher... »

Elle sortit, laissant Angel seul. Il s’alluma une énième cigarette et la fuma en manipulant avec angoisse sa baguette magique.

À quelques pas, dans une des autres chambres, Mamina, en chemise de nuit, pria en reniflant, à genoux contre son lit, après avoir entendu toute la conversation.

Terminé

Gabryel Fleurdelys (avec deux « Y »)
6ème année RP Gryffondor
Auteur de « La touille, c'est la vie »