Mardi 25 Octobre,
Vacances d’Halloween,
Domaine Blackbirds.
Avant ça

Je suis seul. Papa et Maman sont partis. Je suis seul devant le paquet. Je l’ai sortit de sous mon lit. Ce paquet et tout ce qu’il contient. Je me souviens, la rencontre avec cette fille qui est garçon, la cabine d’essayage, la vendeuse, la robe... Cette journée fut le début. Le début de la fin de ma vie d’avant.

Avant je ne me posais pas de questions, avant je m’habillais comme je voulais, j’avais la coupe que je voulais, l’attitude que je voulais. Mais avant c’est avant. Et nous sommes aujourd’hui. Les questions sont là, oppressantes, suffocantes. Je vois bien que Maman a vu que je n’étais pas bien quelques fois, je sais que Papa me lance des regards en coin. Il veut me faire parler en me disant que si quelque chose me tracasse, je pouvais tout lui dire. Mais non, non je ne peux pas. C’est impossible. Je ne peux pas dire ce qu’il y a dans mon cœur, dans ma tête. Ils parlent tous de psychologie, ils se moquent de ces gens qui veulent changer, ils ne savent même pas que leur fils est une de ces personnes qui n’est pas bien dans sa peau. Que son esprit est une rebelle. Mais non, toujours non. Leur dire, c’est briser quelque chose entre nous, mais si je ne dis pas, cela brisera quand même quelque chose. En moi.

Le paquet est léger, et pourtant si lourd de sens. Si je l’ouvre, je m’avoue que je suis différent, que je suis différente. Je ne sais même plus comment parler. Dois-je mettre des « e » en fin pour marquer la féminité ? Suis-je ? Ne suis-je pas ? La finalité est difficile, mais plus encore est le questionnement.

Alors, je commence à ouvrir. Lentement, sans déchirer. C’est fini, je ne réfléchi même plus, je ne décide plus consciemment. Le scotch se détache ici et là. Mes doigts fins décollent les deux couches de papier presque collées avec le temps. Tout n’est que douceur à l’extérieur alors que tout n’est que de douleur à l’intérieur.

Douceur
Douleur

Alors j’ouvre.
Et la boîte déverse sur mon monde ses plus terribles secrets. Me mettant face à face avec moi-même.

J’ai ouvert ma boîte de Pandore.

Devant moi s’étalent trois choses.

Un haut rose magnifique.
Une jupe superbe.
Un sous-vêtements.

Le silence plane comme un vautour, attendant d’enfin pouvoir déchiqueter sa proie. Car oui, je suis à l’agonie. Je me lève comme un pantin et je vais jeter le papier cadeau dans ma poubelle. Mes mouvements semblent précipités.

Je regarde à nouveau les vêtements. J’en ai peur. Comme s’ils pouvaient prendre vie et m’attaquer. Ce n’est qu’une image impossible, mais c’est ce qu’ils font, ils attaquent, ils attaquent les formidables piliers de mon enfance tel un acide. Dans peu de temps, j’aurai tout perdu. J’en suis persuadé. Mais je regarde encore les choses. Ces machins qui ont détruit le fruit de l’intérieur.

Deux choses forment un paradoxe. D’un côté je ne veux pas accepter, c’est impossible. Mais de l’autre, j’ai ouvert cette boîte, une partie de ma conscience m’a intimé de le faire. Comme si deux êtres se battaient dans ma tête pour avoir le dernier mot.
Pour me faire porter ce vêtement.
Ou non.

Je suis tiraillé, incapable d’exécuter autre chose et si je continue de la sorte, je ferai de la magie involontaire, et je ne veux pas être exclu de Poudlard. C’est un tir à la corde ou un des partisans est plus fort de l’autre, le milieu bouge et glisse lentement. Je n’ai même pas besoin de comprendre, de chercher une logique, je sais déjà qui va gagner. Car l’autre perd du terrain, l’autre va tomber en morceau car les méandres de Pandore sont contre lui. Car l’autre va gagner.

Elle va gagner.
À moins qu’elle ne soit là depuis le début.

Alors,
lentement, je me défais de ces habits de l’autre qui était avant moi. Je sais que je ne suis plus il. Je sais que je suis..


Que...







Je suis une...

Et dans ma tête résonnent ces mots. Si simples. Si lourds de sens. Je regarde la vitre, pas ce qu’il y a derrière, je regarde mon reflet. La personne que je vois est bien moi, mais je sais à présent que ce corps n’est pas celui que je dois avoir. Bien que je sois seul, certain de ne pas être vu, je reste comme tel, torse nu, sans pantalon. Alors je m’imagine avec ce corps que je n’ai pas. Plus fine, plus douce, plus belle. Je le sais, j’en suis convaincu.

Le silence prend tout l’espace. Je m’assieds à nouveau, je tends mes mains et empoigne le haut rose, et, délicatement, je l’enfile. Et c’est au tour de la jupe bleu marine d’épouser ma taille. Alors je me regarde à nouveau. C’est le plus bel ensemble. La tenue me vas à merveille. Mon regard se pose tour à tour sur ces parties de moi, jambes, hanches, ventre, poitrine. Main, épaules, menton, bouche, nez, cheveux. Et mes yeux. Je me fixe, ne cherchant plus une réponse, mais cherchant un moyen. Un moyen de profiter seule, mais aussi avec les autres. Un moyen de pouvoir tout dire, tout avouer. Et ça devra commencer avec Papa et Maman.

Mais je ne peux pas.
Je les briserai.
Je briserai notre famille.
Papa sera en colère,
Maman sera en pleurs,
Et moi je me recroquevillerai dans mon silence affreux.

Je suis une fille. Je le sais, mais les autres ne doivent pas savoir.
Alors comme toujours,
Je me tairai.


Mais rien ne dure éternellement.