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16 oct. 2019, 22:10
 Ilfracombe   SOLO  Elle est partie
Octobre 2044
Eglise St James et St Philip


Elle était morte.

Vivianne Taylor n’était plus. Elle était morte. Emportée par une maladie dont Joanne ne connaissait pas grand-chose. Qui dévore le corps de l’intérieur. Elle était morte et elle avait emporté avec elle la jeunesse de sa fille, ses espoirs et ses rêves les plus fous. Tout ce qui aurait pu constituer une vie normale pour elle. Mais non, elle en avait voulu autrement. Elle était morte comme elle avait vécu : seule. Seulement soutenue par son mari. Et ce fut une révélation pour Joanne. Malgré les faux semblants de sa mère, malgré ses nombreuses courbettes, elle était morte seule face à sa conscience.

C’est en ricanant à cette pensée qu’elle entre dans l’église supposée recevoir la cérémonie. Si sa mère était morte dans la solitude de leur manoir familial, il fallait croire que ses connaissances avaient décidé de venir en nombre pour cette dernière cérémonie. Un nouveau ricanement s’extirpe des lèvres de la jeune femme. Plus fort cette fois-ci. Tant et si bien qu’une partie de l’assemblée se retourne sur elle. Pas l’once d’un regret dans son regard quand elle fend la foule pour venir se positionner au plus près du cercueil, à l’opposé de son père toutefois. Paternel qui la fusille du regard. Jamais une Taylor n’avait osé faire une entrée aussi fracassante dans une cérémonie supposée n’être que recueillement et bon souvenir.

Parce que Joanne n’avait pas fait les choses à moitié. Se vêtir en noir n’avait rien de spectaculaire pour la trentenaire. Juste qu’elle avait malheureusement omis qu’elle enterrait une sorcière très à cheval sur les valeurs que portent le sang qui coulait dans ses veines. Pas de tenues moldues, nulle part. Juste la fille de la défunte qui dénote dans ce paysage de visages triste. Elle rayonne dans ce jean noir et dans cette veste rouge. Telle la passion, le sang, le feu, le rouge flamboyant qui dévore tout sur son passage.

Pire encore que l’affront qu’elle faisait à la défunte, c’est l’affront qu’elle faisait à son père, à la famille Taylor toute entière, ainsi amassée sur les bancs en bois d’une église trop petite pour contenir toute l’hypocrisie de cet arbre généalogique. Son père James, mais aussi ses grands-parents, Wilhem et Carol … le visage tuméfié. A cette dernière, Joanne lui adresse un sourire d’espoir. Un genre de sourire qui dit que leur calvaire, à leurs géoliers, ne faisait que commencer. Et que le sien, à sa grand-mère touchera bientôt à sa fin. Elle l’espèrait en tout cas, qu’elle ne serait pas la dernière à quitter l’emprise familiale. Seule Vivianne vivait bien cette souffrance. Elle qui avait perdu sa sœur dans sa tendre enfance, elle n’avait que faire de la souffrance des autres. Pire encore, elle avait besoin de leurs souffrances pour vivre, pour exister.

Au fond, peut-être que Joanne lui ressemblait plus qu’elle ne voulait bien l’admettre. N’était-elle pas là dans ce but, justement ? Elle qui avait été brimée, battue, insultée, asservie pour une cause familiale qu’elle n’avait jamais saisi. N’était-ce pas ce qu’elle voulait voir aujourd’hui, en venant à cet enterrement ? A cette cérémonie ? Voir le visage de ses bourreaux tordus de douleurs, meurtris dans leurs chairs. Mais non. C’était encore trop leur demander. Car ce qu’elle voyait dans leurs yeux, c’était cette lueur infâme qui brillait, cette étincelle qu’elle avait mainte fois vu quand elle devait les servir comme la parfaite petite bâtarde qu’elle était. S’ils n’étaient même pas capables de ressentir de la peine et de la souffrance pour l’une des leurs, comment pouvait-elle croire qu’ils aient le moindre regret la concernant ?

La jeune femme laisse s’écouler une larme. Non de tristesse, mais d’amertume, la prise de conscience était rude, difficile, presque impossible à avaler. Au-dehors de l’église, la pluie tombe sur les pavés avec une vitesse affolante, comme si même le ciel criait toute la détresse que la sorcière n'en pouvait plus de contenir. Le bruit de l'eau couvre même les paroles du maître de cérémonie et des connaissances qui se succèdent pour vanter les louanges de la défunte. Dernier ricanement que l'assemblée entend de la part de la sorcière alors qu'elle fait demi-tour : hors de question pour elle de rester dans cette atmosphère étouffante. Elle aurait bien d'autre occasions de faire passer les messages qu'elle avait le besoin viscéral de transmettre.

16 oct. 2019, 22:41
 Ilfracombe   SOLO  Elle est partie
Octobre 2044
Quelques heures après l'enterrement
Manoir familial


« Mais qu’est-ce qui t’as pris Joanne, de t’afficher ainsi ? ». La gifle vole dans le visage de la sorcière. Elle se mord l'intérieur des joues de rage. C’est la dernière qu’elle se prend de la part de son père. Dernier coup qu’elle reçoit. Elle le sait, elle en est convaincue. Au fond, n’est-ce pas l’espérance d’une enfant au cœur meurtrie ? Elle aurait aimé vivre dans une famille parfaitement normale. Elle aurait été prête à sacrifier sa magie pour ça. A refuser de connaitre Poudlard, la sorcellerie, juste pour une famille aimante. Loin des coups, loin de la douleur. Elle tremble face à son père qui la juge de toute sa hauteur.

« N’as-tu pas pensé une seule seconde que ton comportement pouvait influer sur ma situation au Conseil des Sorciers ? Crois-tu qu’il me soit nécessaire de voir comment mon indésirable fille n’est pas capable de se tenir aux funérailles de sa mère ? ». La colère trahit les traits de son père, aucune amitié, aucun sentiment positif ne l’habite quand il regarde sa fille. Tout au plus sa vision l’indispose. Voilà, exactement. Quand la sorcière se relève, il n’y a aucune émotion sur son visage d’albâtre marquée par la violence du coup. Rien.

La femme tousse en même temps qu’elle ricane. Un rire jaune, rictus narquois sur le visage. Rien d’aimable vis-à-vis de ce père qui n’a de père que le nom. « Parce que vous pensez vraiment que Miss Parkinson en a quelque chose à faire de vous ? ». Maintenant, elle sait. Que non. Jamais Ursula Parkinson ne prendrait le risque d’avoir un imbécile pareil dans ses petits papiers. C’était impossible. Et si c’était le cas, jamais son père ne prendrait le risque de se pavaner ainsi. « Vous n’êtes qu’une épine dans son pied, et je rigole du jour où vous le comprendrez ». Son père lève la main, encore, prêt à l’abattre sur sa fille qui se redresse de toutes ses forces. « Allez-y Père ». Était-ce la fermeté de la jeune femme ou peut-être ses yeux résignés qui firent baisser la main de l’homme ?

Joanne l’ignorait, et elle se moquait bien de connaître les raisons qui dirigeaient les actions de son père. Elle était décidée à lui dire ses quatre vérités. A abattre ses cartes, une par une. Pour ne jamais avoir à revenir au sein du manoir familial. Non. Elle ne voulait plus de tout ça. Il y avait autre chose désormais, de plus fort que ce qu’elle avait pu vivre ici. Devant l’absence de paroles de son père, la jeune femme vient figer son regard azur dans celui de son géniteur, et lui indique, d’une voix blanche « Au mois d’aout, je vous ai dit que si vous vous opposiez à mon départ de la Citadelle, Miss Parkinson s’occuperait de vous. Je ne plaisantais pas. » Un éclair malsain passe dans le regard de la jeune femme. Lueur dangereuse qui ne vacille pas. Jamais. « Que veux-tu dire par là ? ». Elle sourit, un air perfide sur le visage. « Serait-ce de la peur que je lis dans vos yeux Père ? ».

Mais il ne lui répond pas. Son visage se détourne totalement d’elle. Il trouve simplement le moyen de dire qu’elle peut prendre ses affaires et disparaître. Hochant la tête, le visage balafré par la gifle reçue quelques instants plus tôt, la jeune femme se retire. Elle ne prend aucune affaire. Rien qui ne puisse lui rappeler cette vie. Quand elle sort du manoir, son cœur est lourd mais son esprit est apaisé. Comme si elle s’était finalement résolue à être elle-même. Même si cela signifiait encore d’intenses combats intérieurs. Un seul mot résonnait pour l'instant dans son esprit : liberté.