Suite du RP « Douze ans plus tard »

[PNJ : Angel Fleurdelys, Flora Fleurdelys]

Dimanche 12 juin 2044 - 03h00

-Fife, Château de Dunfermline-

Le carillon de l’immense horloge du salon sonna trois heures. Angel, confortablement installé sur son fauteuil à observer le crépitement des dernières braises de la cheminée en pierre sortit de sa torpeur. Près de lui, la bouteille de whisky posée sur le petit guéridon était vide depuis longtemps. Le cendrier d’argent débordait de mégots de cigarettes dont certaines s’étaient consumées toutes seules. L’homme leva les yeux vers la fenêtre qui donnait sur le parc. Une silhouette à l’extérieur se tenait immobile sous la pluie.

« Flora ! » s’écria le sorcier en s’élançant vers la porte de la terrasse attenante.

L’Écossais prit sa femme dans ses bras. Elle était trempée. Il sentit la froide peau blanche de son épouse contre son visage. En dehors de tremblements incontrolés, elle ne fit aucun mouvement, figée comme une statue de marbre.

- « Viens près du feu mon amour », murmura Angel, une main dans son dos pour la guider vers l’intérieur.

Le propriétaire du domaine ôta le manteau humide de la rousse et la couvrit d’une douillette couverture de laine. Il lança une bûche dans l’âtre pour réactiver le feu.
Assise sur le canapé, à la lueur des flammes, la légilimens reprit des couleurs, sortant quelque peu de sa torpeur comme découvrant soudainement où elle se trouvait. Après le départ d’Edward de la vieille mercerie, elle avait transplanée depuis Londres jusqu’à Fife, et n’aurait su dire combien de temps elle patienta sans bouger devant la baie vitrée du Château.

Tandis qu’Angel s’affairait dans la cuisine, ses yeux se posèrent sur les objets qui l’entouraient. Elle se sentit comme une étrangère dans sa propre maison. Sur le piano, les photos-souvenirs dans les cadres d’argent lui semblèrent représenter une vie qui n’était plus la sienne. Elle eut le sentiment d’avoir mis son existence entre parenthèses durant douze années, comme pour contenir une douleur qu’elle ne fut pas autorisée à vivre.

Angel revint, une tasse de café chaude dans la main. Il la déposa sur la petite table face à Flora, s’assit à ses côtés et l’observa sans mot dire un long moment. Il ne l’avait plus revue depuis Paris, un mois auparavant. En dehors de quelques hiboux formels pour lui confirmer son installation à Londres, elle n’avait guère donné de nouvelles. Il savait que la mère de son fils avait eu besoin de temps pour réaliser ce qu’elle avait entrepris. C’était une femme forte, qui ne prenait point de décisions à la légère sans aller jusqu’au bout de ses convictions. Elle avait les traits tirés et semblait avoir pleuré.
Angel n’était pas légilimens, mais sentit ce qui se joua à cet instant, comme une évidence. Il finit par rompre le silence :

- « Ça y est, tu l’as vu ? (silence) Comment a-t-il réagit ? »

Il prononça ces mots dans le plus grand calme mais fermement, dans le but de la faire réagir un peu, ce qui eut l’effet escompté. Flora posa les yeux sur lui. Elle connaissait son épou, franc et direct.

- « Je l’ai croisé oui... J’étais venu lui demander conseil pour la résistance. (silence sous le regard insistant d’Angel) Oui il sait, et il ne l’a pas bien pris... »

Angel se leva et se saisit du tisonnier. Le dos tourné, il remua les braises chaudes comme pour se donner une constance.

- « À quoi t’attendais-tu Flora ? (petit rire cynique) Qu’il te prenne dans ses bras et te remercie pour ce cadeau. Puis vous auriez bu un verre en vous racontant vos vies, échafaudant des projets d’avenir... »

- (tranchante) « Non, je ne m’attendais pas à cela ! Et je n’avais pas prévu de lui en parler... »

- (sans hausser le ton) « Bien-sûr que si, c’est même la raison principale de ton départ. (silence, se tourne vers elle) Et maintenant ? Tu rentres à la maison ? »

La sorcière se frotta les tempes. Elle se sentit à bout de forces mais n’eut pas l’intention de se laisser aller.

- « Je n’ai pas encore fait ce que j’avais prévu Angel... Qu’Edward soit maintenant au courant ne change rien. »

Edward... Le prénom du véritable père de son enfant frappa Angel aussi sauvagement qu’un coup de poing. Jamais encore Flora ne l’avait prononcé. Il ne lui avait d’ailleurs pas posé la question. Il ne savait concrètement rien de lui, et n’avait pas cherché à en connaitre plus. C’était une façon de ne pas le faire entrer dans leur vie, moins il en savait, plus cet homme restait dans le passé. Mais ce soir, plus rien ne serait jamais plus comme avant. Il connaissait l’existence de Gabryel et chercherait à faire sa connaissance, à n’en pas douter. Le destin écrivait son histoire après un sommeil de douze années.
Angel ne s’y opposerait pas. Il s’était déjà prononcé sur le sujet et ne reviendrait pas dessus. Leur enfant n’avait pas à pâtir de choix égoïstes ou empreints de jalousie. Il s’agissait avant tout de sa propre vie.

Angel alluma une cigarette après avoir écrasé celle qu’il venait à peine de fumer.

- « Et nous dans tout ça ? »

Flora déposa la couverture sur le dossier du canapé, se leva et se saisit de son manteau maintenant sec grace au feu de cheminée. Attachant ses cheveux d’un chignon rapide, elle se tourna vers son épou.

- « Je reviendrai, quand tout sera terminé... »

- « Terminé entre toi et moi ? Terminé lorsque tu te seras faite tuer et que l’on me ramènera ton corps ? Ou terminé lorsque je n’aurai plus aucun rôle dans la vie de mon fils ? »

- (sans broncher) « Gabryel aura plus que jamais besoin de toi, de nous... J’étais simplement venue pour te tenir au courant, car tu es son père... »

- « Tu ne m’as pas répondu Flora... Et notre couple, que devient-il ? »

La sorcière s’approcha d’Angel et balaya du doigt la mèche de cheveux qui recouvrait le front de son homme. Elle plongea son regard dans le sien, avant de glisser à son oreille :

- « Nous sommes liés à jamais par notre fils... Je reviendrai. »

Flora disparut quelques secondes plus tard, transplanant pour rejoindre Londres.
Debout au milieu de la pièce vide, l’Écossais sentait encore les effluves du parfum de son épouse.

Après un instant d’hésitation, il écrasa sa cigarette et se dirigea vers son téléphone portable posé sur une table.

- « Archibald ? Désolé pour l’heure tardive. C’est Angel Fleurdelys... Merci c’est gentil mais je n’aime pas abuser des relations de mon père. Pourriez-vous toutefois s’il vous plaît me rendre un service ? Très bien... J’ai besoin que vous me trouviez dans la plus grande discrétion tout ce que vous pouvez sur un sorcier. Il s’appelle Edward... Non, j’ignore son nom de famille. Il aurait terminé ses études à Poudlard vers 2030. Je sais simplement qu’il est Gallois... »

Terminé