Cette rentrée n'est comme aucune autre. L'horloge sonnera les six heures dans quelques minutes, et pourtant Herminie est assise sur le rebord de sa fenêtre. Elle n'est ni pressée, ni en train de profiter de quelques heures de sommeil en plus. Pas de cheminette ou de transports moldus à prendre, pourtant. Avec un soupir, la jeune fille de treize ans gratte une veine du bois sur le pourtour de la vitre. Le soleil se lève au dessus de la mer, illuminant bientôt les façades de Saint Peter Port : elles sont toutes tournées vers l'est comme des tournesols vers la lumière. Elle garde les yeux fixés sur ce rouge, le gravant dans son esprit pour au moins les trois mois à venir, avec l'odeur de bois ciré et de papier d'Arménie.Trois mois, si ce n'est plus, lui rappelle la petite insigne brillant sur sa commode et le Chicaneur sur le bureau. C'est l'angoisse qui l'a réveillée, elle le sait. Si les deux derniers mois à Poudlard n'avait pas suffit, ces vacances auront définitivement inscrit au fer rouge dans son esprit à quel point la situation du monde magique est délicate. Que va t-elle trouver à Poudlard ? Comment, même dans une situation normale, pourra t-elle être une bonne Préfète à treize ans ? Si seulement ses deux Préfets étaient restés pour leur dernière année à Poudlard... 

Huit heure. Elle déplie ses membres engourdis et se libère de la couette qui lui avait tenu chaud. La grande malle ouverte lui fait de l’œil, avec son parchemin scotché qui lui indique tout ce qu'elle ne doit pas oublier ce matin. Le panier couvert de Lianz n'est pas loin non plus, ainsi que son sac à dos contenant les premières nécessités et sa cape et chapeau, bien emballé. Chaque objet rejoint sa place dans la malle, qui devient bientôt affreusement lourde. La chambre a déjà l'air plus vide. Elle descend ensuite embrasser ses parents et attraper de quoi manger, avant de remonter se laver et se changer. Eb' part pour l'école avec une drôle d'expression. Tante Diane a fait l'hypothèse qu'il s’inquiétait pour elle. Elle avait haussé les épaules. Tant qu'il ne ferait pas l'effort d'ouvrir la bouche pour plus d'une monosyllabe en face de sa famille, elle ne se fatiguerait plus à faire des hypothèses. 

A dix heure tapante, elle entend depuis la mezzanine la porte d'entrée - celle si rarement utilisée puisque l'on passe plus facilement par la boutique - qui s'ouvre sans qu'on ait sonné. Puis le staccato de talons sur le plancher et le bruissements du manteau et des robes. Le canapé qui s'affaisse légèrement,  des pas plus lourds et le thé qu'on verse dans une tasse - le visiteur était attendu. Une mélodie qu'elle a déjà entendu de nombreuses fois cet été. La jeune fille a revêtu son uniforme sans la cape car il n'est pas vraiment différent de ceux d'un collège moldu de qualité. Cependant, elle ne peut se résoudre à épingler l'insigne, qui termine dans sa poche. Herminie laisse sa malle et son sac à dos dans sa chambre mais emmène le panier de Lianz - il dort sous la table basse du salon, elle le sait.

Demetria Lawford buvait son thé sur le canapé, le dos droit et la soucoupe poliment tenue dans la main gauche. Elle porte un manteau long brodé sur une belle robe sorcière violette. L'image même de la retenue. Mais ses yeux verts foncés à l'iris si semblable à ceux de sa petite fille brillent d'une lueur jamais partagée : calculatrice et possessive quand ils se posent sur l'enfant qui vient de descendre l'escalier. Elle balaie la petite blonde d'un regard approbateur, prenant en compte l'uniforme sans accroc et les chaussures cirées. "Bonjour, jeune fille. Nous partons dans dix minutes, as-tu besoin d'aide pour ta malle ?". Sa voix est chaude, sûre d'elle et captivante. Quand Herminie hoche la tête et lui souhaite le bonjour, les entrailles nouées, elle lui rend un sourire que la fillette ne sait pas encore interpréter.