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26 nov. 2019, 18:55
 Irlande  Mourir sur scène  Solo++ 
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Ceci est un recueil d'OS narrant la vie dansante de Théophile bien avant son arrivée à Poudlard.
Ambiance
Les étoiles pleines du sommaire mènent directement aux posts et celles présentes dedans mènent au sommaire.

Je serai danseur ! • Année 2014
Mais c'est un sport de fille • Année 2016
Beaucoup trop de pression • Année 2019
Je n'en veux plus ! • Année 2022
Carrière de rêve • Année 2029

L'effet de gloire • Année 2032 
Mourir sur scène  • Année 2033
Laissez-moi seul • Année 2033
Reprendre là où on s'arrête • Année 2035
Apprendre à accepter • Année 2035
Dernière modification par Théophile Aldermaston le 29 nov. 2019, 20:57, modifié 20 fois.

On ne peut pas soigner ce qui est déjà mort.
Last Christmas, I gave you my heart
But the very next day you gave it away

26 nov. 2019, 21:12
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Ⅰ | Je serai danseur ! 

    Le petit garçon regarda avec émerveillement la jeune femme en charge de son groupe faire de grands gestes alors qu'elle parlait dans le but de les faire patienter avant le début du spectacle. La plupart des enfants à quatre ans étaient turbulents et avaient du mal à rester assis tranquillement sur leur chaise, mais lui observait avec attention le décor qui s'étalait sous ses yeux, avide d'en savoir plus alors que son voisin de chaise lui frappait l'épaule en lui demandant un jeu à deux. Finalement, l'autre enfant se lassa de son manque de réponse et se tourna vers son autre voisin alors que le petit Théophile ouvrait grand les yeux, comme une parodie d'un personnage de dessin animé, pour être certain de ne rien louper. L'adulte finit de parler quand les lumières de la salle se tamisèrent et que les enfants se rassirent d'un seul mouvement, soudainement plus agités alors que les lumières ne leur permettaient plus de voir leurs pieds correctement. 

Une personne monta lentement sur la scène en utilisant les escaliers devant les spectateurs et non pas ceux qui menaient aux coulisses, faisant froncer les sourcils de quelques personnes dans la salle, pour la plupart des adultes beaucoup plus vieux qu'eux. Gracieusement, la personne leva les bras au dessus de sa tête alors qu'un projecteur le mettait soudainement en lumière, laissant apparaître une peau marron chocolat et de grands yeux de biche sur un visage qui, bien que masculin, n'était que douceur. La musique se lança et l'enfant était certain qu'elle venait de derrière le public, peut-être de vrais musiciens ? Il n'y pensa pas longtemps avant que toute son attention soit à nouveau dirigée vers le danseur qui sautait et tournait, agile comme un félin et maîtrisant parfaitement ses mouvements comme un maître. Les yeux du petits pétillaient alors qu'il se penchait vers l'avant, presque à en tomber de sa chaise. Tout son être semblait être appelé par la douce lumière blanche qui suivait le danseur comme une étoile filante dans un ciel nocturne. Il était magnifique et ses muscles tendus à l'extrême alors qu'il penchait son corps en arrière en levant sa jambe droite qui, normalement, auraient dû paraître disgracieux dans cette scène, mais ne lui ajoutait qu'une beauté supplémentaire. Une magnificence absolue. 

Quelques danseurs se suivirent, offrant aux spectateurs des chorégraphies endiablées et lentes, classiques ou pop. Le petit garçon resta accroché à la scène du début à la fin, incapable de séparer son regard des danseurs. Tels des cygnes sur un lac, ils semblaient si beaux mais inaccessibles. Quelque chose de merveilleux, comme si toute la scène brillait. De la magie. Il ne se réveilla seulement lorsque la monitrice lui prit la main lentement pour le tirer vers le reste du groupe qui se dirigeait en riant vers la sortie. Lui ne pouvait pas quitter des yeux la scène désormais vide où s'était déroulée avant, à ses yeux, une véritable représentation du paradis. Il observa la jeune femme qui lui tenait la main d'un regard nouveau, comme si elle l'avait amené au bout du monde pour lui montrer la mer scintillante de mille éclats.

-Veux être comme eux !

La rousse glissa un genoux à terre alors qu'elle tenait toujours la main de l'enfant, qu'elle tapotait à présent. Elle lui sourit tendrement.

-Je suis sûre que tu pourras devenir tout ce que tu voudras.


Théophile entra dans la maison en courant, agrippant la jambe de sa mère dès qu'il la vit alors que son père rentrait la voiture dans le garage. Babillant des phrases sans sens tellement elles étaient bégayées et floues alors que sa mère le tirait vers le haut pour l'asseoir sur sa hanche. Il lui expliqua en zozotant, bavant à moitié sur sa manche, qu'il voulait devenir danseur parce que c'était si beau ! Elle secoua la tête, ses jolies boucles rebondissant sur ses épaules alors qu'elle riait de l’enthousiasme de son petit garçon en le faisant sauter entre ses mains, amusant l'enfant. Le petit garçon tremblait d'excitation alors qu'il essayait d'expliquer à sa mère, bientôt rejoins par son père, à quel point cela avait été génial, beau et merveilleux. Comme un rêve. 

Son père évita habilement la main que sa femme essaya de poser sur son bras en lui lançant un regard qui signifiait qu'ils savaient bien des choses sans vouloir les dire à leur fils. L'enfant, trop jeune et trop amusé, n'y fit pas attention alors qu'il faisait de grands gestes en tournant dans le salon pour expliquer les mouvements des danseurs. Le garçon était bien moins gracieux que les adultes qui avaient dansé mais sa bonne humeur rendait le tout adorable et d'une certaine manière très touchant. Il y mettait tellement d'énergie qu'il était certain, dans son esprit, que sa prestation était aussi parfaite que celle vue plus tôt. Il serait danseur un jour, et du haut de ses quelques années, il le savait déjà. Il était certain qu'un jour, il serait sur une scène comme celle-ci et danserait sous la lumière, illuminé comme une comète. Il frappa ses mains en riant, beaucoup plus expressif et excité qu'il ne l'avait jamais été.


On ne peut pas soigner ce qui est déjà mort.
Last Christmas, I gave you my heart
But the very next day you gave it away

26 nov. 2019, 23:15
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Ⅱ | Mais c'est un sport de fille 

    Le garçonnet fredonna une mélodie unique à ses oreilles en balançant des jambes, tranquillement assit à sa table de travail. La première année à l'école n'était pas si affreuse que les autres enfants semblaient le penser. Il avait toujours été d'un naturel très calme et plus le temps avançait, plus la différence que cela montrait entre lui et les autres grandissait. Apprendre était amusant et il sentait le gouffre, pour l'instant assez petit pour être franchit d'un pas, qui se formait entre lui et ses camarades qui gémissaient quand on leur donnait un exercice ou pleuraient parfois pour leurs parents. Lui aimait bien apprendre, écouter la maîtresse était intéressant même si ses pensées s’échappaient souvent au lieu de rester dans la salle de classe. Il y avait beaucoup de choses intéressantes à voir et tellement d'autres choses auxquelles penser, cela lui jouait parfois des tours quand la maîtresse leur demandait quelque chose mais qu'il n'écoutait pas vraiment. Il entendait très bien mais son cerveau occupé à se demander si les oiseaux dehors pouvaient voler à reculons ou à penser au fait qu'il ne verrait papa que les week-end maintenant ne traitait pas bien les informations. 

Il s'entraînait à faire de jolis "o" bouclés sur une ligne de son cahier parce que c'était une des lettres qu'il avait du mal à faire. Il ne les fermait jamais vraiment, tout comme il avait du mal à former les "f". Il fit voler son crayon où une petite figurine de danseur trônait fièrement au bout sur son cahier avant de s'arrêter, satisfait du résultat mais remarquant peu après que l’exercice était déjà fini et que la maîtresse leur parlait d'autre chose. Il posa son crayon sur sa table de travail en regardant sa voisine qui gribouillait quelque chose en sortant sa langue sous la concentration. Il fronça des sourcils en croyant reconnaître un papillon avant de finalement porter son attention sur la femme qui s'activait devant la classe.

-Bien ! dit-elle en frappant ses mains ensemble. Maintenant qu'on a vu des activités, dites-moi celle que vous préférez faire, oui ?

Les élèves n'attendirent pas leur tour pour lever la main en braillant pratiquement leur réponse. Il compris vaguement des choses comme le foot ou jouer à cache-cache avant de se désintéresser à nouveau de la leçon en faisant la moue. Il renifla et essuya son nez sur sa manche. Il se demandait quand est-ce que maman l’emmènerait à la danse. Normalement, c'était dans trois dodo, parce qu'il avait compté sur le calendrier accroché sur le frigo, mais cela semblait être si loin. Trois dodo ça voulait d'abord dire trois journées et même si l'école était amusante, danser l'était bien plus, même s'ils ne faisaient toujours pas comme les danseurs de y'a quelques années parce qu'ils étaient trop jeunes d'après le professeur. 

Il sursauta quand une main se posa légèrement sur son épaule avant de cligner des yeux plusieurs fois quand la maîtresse lui fit un sourire avant de lui demander ce qu'il aimait faire, lui, puisqu'il était le seul à ne pas avoir répondu.

-Danser. Avança-t-il lentement en marquant chaque syllabe tout en levant les yeux.
-Mais c'est pour les filles ça ! lança un de ses camarades, le faisant se renfrogner légèrement.
-C'est vrai que c'est peu commun, Théophile, mais c'est bien de danser pour s'amuser, beaucoup de personnes le font.

Il plissa des yeux sur la maîtresse. Lui il ne voulait pas danser comme maman le faisait quand elle cuisinait le soir, il voulait danser comme le monsieur qui s'illuminait sur la scène. Ce n'était pas la même chose. Et qu'est-ce que ça voulait dire "pour les filles" ? Il était un garçon, est-ce que ça voulait dire qu'il ne pouvait pas danser ? Juste pour ça. Il renifla alors qu'une vague de tristesse le terrassait tandis qu'il se tassait sur sa chaise. 

Quelques dizaines de minutes plus tard, il repartait avec sa mère pour aller manger et revenir ensuite mais ça n'allait toujours pas. S'il n'avait pas le droit de danser parce que c'était pour les filles, qu'est-ce qu'il ferait ? Il aimait danser, c'était plus amusant que toutes les journées à l'école et même bien plus amusant que tous les livres illustrés qu'on lui offrait. C'était même encore plus marrant que lorsque le père Noël venait apporter des cadeaux. Ce n'était pas juste s'il n'avait pas le droit de le faire juste à cause de ça. C'était vrai que dans son cours de danse, il n'y avait certes que des enfants de son âge mais c'étaient toutes des filles et il était le seul petit garçon, mais il ne lui avait pas semblé que cela posait problème. 

-Théophile ? dit-elle, attirant l'attention du petit garçon pour quelques secondes. Peut-être minutes si elle avait de la chance. Qu'est-ce qui va pas mon ange ?
-Zozeph il a dit que danser c'était pour les filles. Ça veut dire que moi je peux pas le faire ? dit-il en zozotant alors qu'il essuyait à nouveau son nez avec sa manche. Sa mère fronça les sourcils avant de répondre :
-Bien sûr que tu peux  danser, même si tu es un garçon. C'est pas grave si les autres n'aiment pas, le plus important c'est ce que toi tu penses, et tu aime danser, non ?
-Oui !
-Maman est certaine que tu deviendras un grand danseur. Son fils rigola avant de répondre :
-Aussi grand que le monsieur sur la scène ?
-Plus grand encore ! s’exclama-t-elle alors qu'elle voyait son fils ouvrir de gros yeux excités. 

Il serra sa petite main d'enfant encore plus fort dans celle de sa mère avant d'avancer à grands pas vers la sortie tout en sautillant. S'il pouvait danser même s'il était un garçon, tout allait bien alors, et si Joseph ne trouvait pas ça bien, ça n'avait pas trop d'importance tant que lui aimait. C'était maman qui avait dit ça, et elle avait toujours raison, alors si elle disait qu'il pouvait danser et deviendrait un grand danseur, encore plus que le monsieur lumineux de la scène, alors c'était qu'il le ferait parce qu'elle ne mentait jamais.

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27 nov. 2019, 08:44
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Ⅲ | Beaucoup trop de pression 

    ▹ La large salle rectangulaire était remplie de cris, de joie, pour la plupart. Il se cachait derrière sa mère comme il pouvait. Il y avait soudainement beaucoup trop de monde comparé à ses cours de danse et c'était étouffant. Il gémit piteusement alors que sa mère le tirait par la main vers les vestiaires pour qu'il se change. En y allant, ils passèrent devant nombre d'autres enfants, certains bien plus âgés que lui, qui s'entraînaient. Il se sentait de trop ici. Même s'il aimait la danse il n'avait aucune confiance en lui sur ce point là. C'était son truc à lui, il n'avait jamais dansé devant d'autres personnes que celles de son cours qui n'auraient donc pas pu se moquer puisqu'elles avaient toutes approximativement le même niveau que lui, mais là c'était différent. Il était tout seul et il passerait tout seul devant un jury qu'il ne connaîtrait pas et c'était effrayant. Terrifiant même. Il secoua la tête quand sa mère essaya de lui faire lâcher sa main. Il n'avait pas envie d'y aller. Cela avait semblé être une bonne idée mais il se rendait compte que ça n'en était pas du tout une. Et s'il n'avait aucun talent et qu'on l'obligeait à arrêter parce qu'il n'avait pas d'avenir dedans ? Il ne pourrait jamais devenir danseur s'il ne savait pas danser devant les autres. Le stress empoignait ses tripes et les retournait dans tous les sens, faisant monter dans sa gorge une bulle de sentiments qui lui donnait la nausée.

-Veux pas y aller maman. dit-il en secouant de plus belle la tête alors que ses bouclettes brunes volaient dans tous les sens contre la volonté de les tenir plaquées sur son crâne.
-Mais pourquoi ? 
-Je vais pas y arriver, ça va être nul, s'il te plait je veux pas y aller ! Y'a que des filles en plus, et moi je suis un garçon.
-Mais ça ne change rien ! Théophile, t'es mon parfait petit garçon et je suis sûre que tu seras parfait. Elle mit un genou à terre pour prendre son menton dans sa main pour qu'il la regarde. Tu t'es beaucoup entraîné et tu danse très bien. Tu vas gagner et même si tu ne gagne pas, participer c'est déjà génial. Ça va aller, d'accord ?
-Mais...Mais et si c'est nul ?
-Ce sera parfait.

Il hocha la tête mal assuré avant de lâcher la main de sa mère pour entrer dans le vestiaire. Comme prévu, elle le retrouva quand il en sortit tout habillé de sa tenue blanche, comme un petit point blanc dans une mer de couleur. Ce constat le stressa encore plus. Pourquoi est-ce qu'il était le seul à ne pas être en couleur ? Est-ce que ça importait ? Ou peut-être qu'il fallait une tenue en couleur pour danser ? Et si cela se trouvait, le fait qu'il soit habillé en blanc ferait tout capoter. Il sauta sur place, la figure rouge alors qu'il regardait les autres s'entraîner une dernière fois en aillant l'air totalement normaux. Il était le seul à avoir peur ? Maman disait qu'on avait peur devant une évaluation quand on ne connaissait pas sa leçon par cœur. Était-ce le cas là ? Peut-être allait-il oublier un pas dans la chorégraphie et alors tout serait raté. Il gémit encore une fois en regardant sa mère qui avait bloqué son regard droit devant elle. 

-Tout va bien se passer Théophile. Les autres essaient peut-être des choses plus compliquées mais dans cette salle, au moins une bonne moitié d'entre eux se trompent dessus. Toi tu vas faire des pas que tu connais parfaitement, il te suffit seulement de ne plus penser autant. Qu'est-ce que tu ressens quand tu danse ?
-C'est bien ! Et.. Et c'est comme si je volais et c'est beau ! 

Il sauta presque quand le numéro accroché à sa tenue fut appeler et regarda sa mère avec crainte.

-Alors sois comme un oiseau et envole toi ! Tout sera parfait. 

Elle passa son pouce sur sa langue avant d'essuyer une petite trace avec sur sa joue alors que son fils s'éloignait pour éviter la torture du pouce. Il gambada vers la personne en charge d'accompagner les enfants jusqu'à la scène sans même un regard en arrière. Il était toujours stressé et il avait toujours aussi peur mais ça allait un peu mieux. Il pouvait jouer à l'oiseau, faire comme s'il volait. Il pouvait le faire. Il prit une grande respiration avant de tourner sa jambe droite et en baissant la deuxième. Il pouvait sentir son cœur palpiter quand il vit plus qu'il n'entendit son père siffler au premier rang.


-J'ai gagné ! J'ai gagné ! MAMAN J'AI GAGNÉ ! hurla-t-il en sautant partout, secouant la jolie médaille dorée sous le nez de sa mère.

Elle hocha la tête en riant alors qu'il répétait pour la énième fois qu'il avait gagné. C'était fou ! Quand il était arrivé sur scène et qu'il avait commencé à danser, c'était comme maman l'avait dit. Il avait oublié les autres, avait arrêté de penser à tout ce qui lui faisait peur et avait juste fait ce qu'il aimait le plus au monde. S'envoler tout en restant les pieds sur terre, juste envoyer son esprit dans les étoiles en le lançant de toutes ses forces pour qu'il retombe le moins vite possible. 

-Je vais devenir danseur, je vais devenir DANSEUR !


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27 nov. 2019, 10:42
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Ⅳ | Je n'en veux plus ! 

    ▹ A peine arrivé chez lui, il se précipita dans sa chambre en faisant claquer ses pieds nus sur les escaliers sans prendre la peine de répondre à sa mère qui criait son prénom pour avoir des réponses. Il avait été étrangement silencieux durant le voyage. Ce n'était pas un enfant très bruyant en général mais quand il rêvassait, il fredonnait beaucoup. Le fait qu'il soit resté si silencieux montrait seulement qu'il n'avait même pas fredonné, qu'il s'était juste assis et n'avait rien fait du tout et c'était tellement étrange de sa part que sa mère s'était tout de suite inquiétée. Que ce passait-il pour qu'il soit muet de cette façon, son regard perdu dans le vide ? Il avait beau être silencieux et rêveur, souvent dans la lune, il ne l'était jamais comme ça. La façon dont il avait traversé la maison au pas de course prouvait bien qu'il n'allait pas bien. Pour autant elle savait qu'il voudrait rester seul et qu'il n'aurait pas envie de lui parler. C'était un garçon assez secret. 

Quand l'heure du dîner sonna, il n'était toujours pas redescendu et elle commençait réellement à s'inquiéter. Elle monta les marches lentement, certaine qu'il l'entendrait monter et qu'il aurait tout le temps de lui dire de s'en aller s'il le voulait vraiment. Elle toqua légèrement à la troisième porte du couloir, attendant qu'il lui ouvre, ce qui arriva quelques minutes interminables plus tard. Il reniflait et se mordillait les lèvres pour éviter de pleurer mais ses yeux bouffis et rouges montraient clairement que c'était déjà arrivé et qu'il avait juste essayé de reprendre contenance devant sa mère. Il n'avait que douze ans, elle lui avait répété des dizaines de fois que pleurer c'était normal et que ça ne faisait jamais de mal, mais il détestait toujours autant le faire parce que ses sentiments se déchaînaient et qu'il ne pouvait pas les contrôler. Il détestait ne pas avoir le contrôle sur ses sentiments et ses pensées. Quand il dansait ce n'était pas la même chose, il oubliait ses soucis mais savait contrôler ses émotions. S'il ne voulait pas se laisser totalement aller, il pouvait. Quand il pleurait, c'était une tempête dans sa tête et ça lui donnait la nausée quand tout tournait si vite. 

Elle passa dans l'espace créé par la porte ouverte et s'assit sur le lit lentement, observant son fils affalé dans son fauteuil de lecture où traînait une lourde couverture où il s'enroula en s'asseyant. Il renifla à nouveau alors que sa mère profitait du silence ambiant pour observer son fils. Il semblait déchiré.

-Théophile ? dit-elle doucement. Je ne t'obligerais pas à me parler, poussin. Peut-être que tu veux aller danser ?
-Je veux plus danser. croassa-t-il. 
-Quoi ? s'exclama-t-elle sous le choc. Elle ne comprenait pas, il avait toujours aimé danser et elle n'imaginait pas comment il aurait pu arrêter d'aimer ça.

Il secoua la tête en expliquant à demi mot qu'à Poudlard, c'était l'enfer. Pas vraiment l'enfer affreux, parce qu'il avait quand même quelques amis, deux ou trois, mais à côté de ça il se faisait bousculer dans les couloirs et appelé par des surnoms blessants. Les gens disaient qu'il était une femmelette et que c'était un PD. Il ne savait même pas ce que cela voulait dire avant et il était certain d'avoir bien mieux vécu s'il ne l'avait jamais su. Ils disaient que la danse c'était un sport de pédale donc qu'il en était une, qu'il était débile. Il les détestait de toutes les cellules de son corps. Même quand il restait tout seul, ils venaient pour l'embêter et il ne comprenait simplement pas pourquoi. Il était un sorcier comme eux, curieux et intéressé mais probablement trop rêveur même pour la maison Serdaigle. De grosses larmes coulaient sur ses joues alors qu'il disait ne plus vouloir y retourner et qu'il ne voudrait plus jamais danser de sa vie parce que ça la lui pourrissait.  

C'était pas censé faire aussi mal de danser. C'était censé être génial, libérer son esprit, pas l'encombrer. Il n'arrivait même plus à danser correctement parce qu'il avait l'impression que ses jambes étaient de coton et devaient déplacer des poids de dix kilogrammes. Il n'aimait plus autant danser qu'avant et ça faisait mal parce que toute sa vie il ne l'avait passé qu'à ça. C'était triste à dire mais sans la danse, il ne savait pas quoi faire. Il n'avait plus rien s'il n'avait plus sa passion. Il essuya son nez alors que ses pleurs se tarissaient. 

-Les gens seront toujours comme ça Théophile. Il y en aura partout, tout le temps et ils n'arrêteront pas de critiquer ce que tu fais. Ça arrive à tout le monde, tout le temps. Ce n'est pas les empêcher de parler qui est important, pas même de ne pas les écouter. Le plus important c'est de ne pas les croire eux mais de croire en toi. Tu étais persuadé, cette année encore, que tu deviendrais un grand danseur. Moi je sais que tu en as encore les capacités et que tu les auras toujours. Tu es né pour ça, ça se voit. N'arrête pas tout pour ça, tu le regretteras un jour. Les gens se lassent parfois et même s'ils ne le font pas, il n'appartient qu'à toi de ne pas les croire. Elle posa une main sur l'épaule de son fils après s'être relevée. On ira au studio demain. Repose toi. Le repas sera dans le frigo quand tu auras faim.

Il observa sa mère en reniflant. C'était dur de croire qu'on pouvait arriver à quelque chose quand les gens vous disaient le contraire. Il voulait danser, toujours, mais il n'y arrivait plus et c'était tellement plus facile de se dire que c'était lui qui voulait arrêter plutôt que d'accepter le fait que les autres avaient tellement d’influence sur ses actes. Il ramena ses genoux sous son menton et les entoura de ses mains alors qu'il cachait son visage dedans. Il pleurnichait comme un petit enfant.

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28 nov. 2019, 12:50
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Ⅴ | Carrière de rêve 

    ▹ Le jeune homme de dix neuf ans leva les yeux au ciel en soufflant. Que faisait-il encore ici ? L'autre parlait depuis des heures, il aurait eu tellement de temps pour faire beaucoup d'autres choses s'il n'était pas resté là. En plus de faire de pauses que pour reprendre son souffle, l'autre ne disait que des âneries et il était certain que rester trop près de lui si longtemps pourrait dégrader son intelligence à lui aussi, comme si sa bêtise était contagieuse. Il s'appuya sur la barre accrochée au mur du studio en jetant un regard blasé à l'autre occupant de la pièce. 

-Papa ! Pourquoi je commencerai des études dans le monde de la magie puisque je sais déjà ce que je vais faire ?

Il roula à nouveau des yeux quand son père essaya de lui expliquer que ça ne durerait qu'un temps et que même s'il était doué, il y avait toujours possibilité qu'il ne réussisse pas. Ce à quoi Théophile lui répondit par son habituelle phrase :

-Je suis né pour danser et je mourrai pour danser !

Son père savait de toute façon qu'il aurait été inutile d'essayer plus que de raison de lui faire comprendre son avis. Il était encore jeune, et à cet âge il était presque normal qu'il ne veuille écouter que ses envies parce qu'elles étaient ce qui trônait au dessus de toutes les autres petites choses qu'il trouvait inutile. Comme s'inquiéter de son avenir, par exemple. Théophile était sûr et certain qu'il arriverait à devenir une étoile, c'était une chose sur laquelle il n'avait aucun doute. Il se disait que le jour où il ne pourrait plus danser, il deviendrait entraîneur, professeur. Il aiderait les autres gamins comme lui à apprendre à briller de mille feux. Il n'avait aucun doute sur ce qu'il ferait de sa vie et trouvait particulièrement inutile de réfléchir à un autre plan de vie. C'était une perte de temps qu'il aurait pu passer à danser pour montrer qu'il était plus que capable de devenir un pro et de danser dans des ballets. Son père était un vieil homme, de toute façon, alors il ne pouvait plus comprendre l'adrénaline de suivre un de ses rêves en étant certain d'y arriver. Pour son fils, qui doutait même qu'il ai eu un rêve un jour, il se la jouait surtout rabat-joie. 

Son père avait juste peur qu'il ne gâche son avenir en ne réfléchissant pas à d'autres solutions que celle-ci. Mais qui cela intéressait-il ? Il était jeune et énergique. Un peu coincé devant les autres et sûrement un peu trop solitaire pour devenir connu mais il savait que sa danse était belle. Il savait qu'il pourrait devenir un danseur avec ses capacités actuelles qu'il ne cessait d'améliorer. Il savait qu'il était né pour passer sa vie sur une scène, sous la lumière à briller comme une multitude de diamants. Il n'avait aucun doute là dessus. Son père pouvait garder pour lui ses inquiétudes, elles étaient infondées. 

-Théophile. Tu pourrais faire n'importe quoi avec les notes que tu as eu aux ASPICs, même dans le monde des moldus. Ne te cantonne pas à la danse, mon fils.
-Tu ne peux pas comprendre. Je n'ai pas envie de faire autre chose ! Qu'est-ce que tu veux pour moi ? Des études qui ne me plairaient pas ou une vie de danseur que j'aimerai à la folie ? Je veux danser, je suis né pour ça et je le sais. Je vais y arriver ça ne fait aucun doute. De toute façon, je suis déjà passé pro. dit-il de mauvaise fois.

Ce n'était pas faux de toute façon, il avait déjà un ballet de prévu et était particulièrement fier d'en être le danseur principal. Ce n'était pas à la capitale mais, même à Cork, les ballets étaient vus par d'autres professionnels qui pourraient l'aiguiller vers d'autres choix. Il ne faisait aucun doute pour lui que ce ballet là changerait sa vie. Il allait commencer sa carrière, c'était non négligeable. Et même son père qui l'entraînait vers une poursuite de ses études ne pourrait pas atténuer ne serait-ce qu'un peu la confiance qu'il avait mit dans sa technique de danse. Elle n'était pas parfaite parce qu'aucune ne l'était, mais elle s'en rapprochait suffisamment pour qu'il n'ai aucun doute sur son avenir. Si, même lui, avait confiance en ses capacités si fort qu'il pouvait les louer même en étant d'un caractère très secret avec ses aptitudes, c'était qu'il savait qu'il pouvait le faire sans risque de passer pour un abrutit. 

-Un jour je serai une étoile, je n'ai pas besoin de reprendre mes études pour devenir professeur comme tu le voulais. Ça ne m'aurait même pas plu, je préfère lire les cours que de les expliquer. 

Il passa à côté de son père et arriva en quelques secondes à la porte du vestiaire qu'il emprunta sans un regard en arrière. Il n'allait pas devenir tout ce que son père avait souhaité être juste pour lui faire plaisir. Son avenir était à lui et plus particulièrement ne devait plaire qu'à une seule personne et celle-ci n'était pas son père. Il n'avait pas besoin de son soutien s'il refusait de comprendre qu'il déciderait tout seul des choses à faire. 

On ne peut pas soigner ce qui est déjà mort.
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28 nov. 2019, 15:17
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Ⅵ | L'effet de gloire 

    ▹ Il sortit de son appartement sur les quais lentement. Il n'était pas en retard pour la dernière répétition avant le spectacle alors il avait le temps de le prendre, justement. Il lança son sac sur son épaule en prenant le chemin du studio à pied. Il courait tous les mâtins pour y aller histoire de se garder en meilleure forme possible. Courir, manger et dormir sainement. Cela ne signifiait pas forcément qu'il n'acceptait pas quelques écarts certains jours, s'il faisait ça, même la danse finirait par l'ennuyer. Il se fit accoster alors qu'il quittait la rue par une jolie jeune femme qui se tortilla devant lui en enroulant une de ses mèches blonde autour de son doigt. Elle faisait sa taille, même était plus grande que lui s'il enlevait ses chaussures plus surélevées que les siennes. 

-Etes-vous monsieur Aldermaston ?
-Effectivement, avança-t-il. Que puis-je pour vous ?

Elle babilla quelques secondes des choses qu'il ne comprit pas avant de lui tendre une brochure où s'étalait la photo d'un studio de danse. Il fronça des sourcils en ne comprenant pas bien pourquoi elle lui tendait ça avant de le prendre lentement pour le tirer plus près de son visage, lisant doucement les informations notées dessus. 

-Nous serions ravis d'ouvrir notre studio à un si bon danseur, monsieur. dit-elle en se penchant légèrement en avant.

Elle faisait jouer ses charmes, ignorant sûrement que cela ne fonctionnerait pas. Il pencha la tête sur le côté dans l'incompréhension totale de la situation. Il dansait déjà dans un studio, il n'avait pas besoin de trouver une autre adresse. Faisait-elle ça pour faire connaître son studio ? C'était inutile. Si personne n'y venait peut-être que c'était parce qu'il n'était pas bon ? De plus, il se sentait parfaitement bien dans celui où il allait, merci bien. 

-Non merci, dit-il avant de s'éloigner en trottinant. Il finirait par arriver en retard si elle continuait à se mettre sur son chemin comme elle le fit pour l'empêcher de partir.
-S'il vous plait, monsieur ? Visitez le studio et vous serez conquit !

Il s'éloigna encore une fois avant qu'elle ne l'arrête à nouveau. 

-S'il vous plait, laissez moi passer.
-Mais ! Monsieur, s'il vous plait ! 

Il grogna presque en poussant l'épaule de l'autre peut-être trop brusquement avant de s'en aller sans se retourner pour voir si l'autre allait bien. Il détestait réellement les personnes qui ne comprenaient pas le sens d'une négation. Cela voulait dire non et voilà tout. S'il n'avait pas été d'accord la première fois, alors la deuxième non plus. Les distributeurs de tracts comme ça étaient détestables. Ce n'était pas de faire de la pub qui le dérangeait, ça il s'en fichait.


Le lendemain un bazar de notification des réseaux sociaux se fit entendre sur son téléphone et il grogna en écrasant sa main sur l'appareil. Il ouvrit un œil fatigué mais ce qu'il vit sur l'écran le réveilla aussi vite qu'un cauchemar. Il fit les gros yeux en ouvrant rapidement les rideaux de sa chambre avant de se retrouver littéralement sur le cul tellement il s'écarta rapidement de la fenêtre, comme si le cadran l'avait brûlé. 

Que faisaient tout ces gens devant chez lui ? Il était totalement impossible qu'ils connaissent le code pour rentrer ou seulement le numéro de son appartement mais quel était le bordel qui s'était passé pour qu'ils soient tous là ? Il allait se faire tuer par le propriétaire autant que par ses voisins. Il pouvait voir la fille de la veille dans les personnes sous sa fenêtre. Elle ne portait ni caméra, ni rien qui auraient pu expliquer pourquoi elle était ici, sauf si elle en avait été la cause. elle était totalement folle. 


Il souffla devant la petite maison. Elle était belle, ce n'était pas ça le soucis, mais il avait dû déménager sans en avoir vraiment envie et il était désormais bien plus loin de son studio. Une maison serait largement plus confortable qu'un appartement mais il avait sa routine là bas et il n'avait pas envie de devoir tout reprendre depuis le début pour une histoire si stupide d’imbécillité humaine. Il comprenait maintenant pourquoi il ne s'était jamais intéressé aux autres sur le prend amoureux. C'était une perte de temps mémorable tellement certains étaient stupides et cupides. Il n'avait pas besoin de quelqu'un dans sa vie, surtout si cette personne pouvait la détruire en une nuit.

Il prit le tract distribué il y a quelques semaines par la femme blonde et le jeta à la poubelle en grognant. Imbécile qu'il avait été, il aurait dû se rendre compte que cette femme pouvait être un véritable pot de colle quand on ne lui donnait pas ce qu'elle voulait, à savoir, un danseur dans son studio ou dans son appartement. Le monde de la danse était parfait, mais quand on devenait une figure "publique" il fallait s'attendre à des représailles. Il ne comptait plus les messages de ses parents lui disant d'arrêter maintenant avant que la pression des autres ne finissent par lui pourrir la vie. Il était certain que ce monde avait autre chose que des ennuis à lui offrir. Il avait décidé de danser, pas d'écouter les autres, il pouvait très bien continuer. Quitter les réseaux sociaux n'avaient même pas été si compliqué, ce n'était pas comme s'il y avait été particulièrement actif de toute façon, il avait toujours trouvé ça idiot.
Dernière modification par Théophile Aldermaston le 29 nov. 2019, 11:01, modifié 1 fois.

On ne peut pas soigner ce qui est déjà mort.
Last Christmas, I gave you my heart
But the very next day you gave it away

29 nov. 2019, 09:40
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Ⅶ | Mourir sur scène 

    ▹ Il ne se rappelait pas combien de fois il avait commencé une danse comme ça, les bras levés vers le ciel comme pour y attraper des étoiles et les enfermer dans sa poitrine. Il ne pouvait pas compter le nombre de fois où il avait dansé. Si on lui avait demandé, il aurait répondu qu'on ne pouvait pas compter, parce qu'il n'avait jamais arrêté. Quand il ne dansait pas, il y pensait. Quand son corps ne dansait pas, ses pensées continuaient leur valse perpétuelle. Il n'y avait qu'une chose pour apaiser ses sentiments qui cherchaient à exploser sa poitrine et c'était les laisser s’échapper avant qu'ils ne fassent des dégâts. C'était ce qu'il faisait quand il dansait, il envoyait ses sentiments à qui voulaient les prendre, il offrait son cœur sans barrière, il se l'arrachait de la poitrine pour le lancer de toutes ses forces avant qu'il n'explose comme une fusée d'artifice pour laisser échapper des lumières brillantes et scintillantes. Il n'avait aucune raison de le garder pour lui, il n'avait rien à cacher. Il voulait partager le sentiment béat qu'il avait quand il dansait, montrer aux autres qu'il brûlait sans en avoir l'air et que, sous sa peau, ne se trouvait que du magma traversant ses veines pour le rendre plus vivant encore qu'il ne l'était jamais.

C'était un sentiment enivrant qui ne pourrait jamais le lasser pour la simple et bonne raison qu'il n'était jamais pareil. Un jour il pouvait être destructeur, brûler toutes ses pensées pour les exploser dans son crâne et faire danser des étoiles sous ses yeux, et un autre il pouvait être doux, réparateur. La danse n'était jamais pareille, elle changeait tout le temps. Il y avait toujours de nouvelles facettes de nous-même à étudier avec elle, elle changeait un homme au plus profond de son corps. La danse avait remplacé ses cellules par des bombes à retardement qui le ferait exploser s'il n'augmentait pas le temps du chrono en dansant. Un jour les bombes exploseraient, il perdrait son âme d'avoir trop dansé et il mourait. Naturellement, avec grâce et beauté, tout comme il avait vécu. Un jour tout exploserait et il mourait sur scène de la même façon qu'il y était né : en dansant.

La musique depuis bien longtemps éteinte ne l'empêchait pas de tourner encore et encore alors que son reflet dans le long miroir qui occupait le pan de mur d'en face ne lui montrait qu'un jeune homme souriant. Certes un peu féminin, mais qui paraissait heureux comme jamais un homme ne l'avait été. Il s'arrêta quand il remarqua ce détail. Le grand sourire sur son visage n'était là que lorsqu'il dansait, en dehors du studio c'était un homme rêveur et discret qui faisait face au monde. Un homme solitaire aussi, et un peu coincé. Il y avait un monde entre l'homme qu'il voyait dans la vitre et celui qui sortirait du bâtiment. Il n'était pas certain d'en préférer un des deux, mais il était certain qu'en demandant aux autres, il était certain de ne recevoir que des votes pour son reflet. Étaient-ce les mêmes personnes ou deux foncièrement différentes ? Il secoua la tête en passant une main dans ses boucles décoiffées. Inutile de se creuser la tête sur ça, ça n'avait aucun sens de toute façon. Il n'y avait qu'un seul homme et il s’appelait Théophile Aldermaston. Les deux facettes étaient à prendre ensemble ou à abandonner, c'était aussi simple que cela. Son sourire retomba quand il enleva ses chaussons avant d'entrer dans le vestiaires pour se changer et récupérer son casque. 

Depuis qu'il avait déménagé, il était obligé de prendre sa moto pour arriver jusqu'au studio puisqu'il ne voulait pas en changer. Au fil du temps, il avait reprit une petite routine, c'était réconfortant de ne pas être abandonné dans un cercle où il n'avait pas de repaires. Peut-être que la routine effrayait certains mais c'était une vraie bouée de secours pour lui. Une chose en moins à penser pour son esprit déjà bien encombré. Il renifla en enfilant son blouson et ses gants avant d’aplatir sauvagement ses cheveux en mettant son casque. Il était prudent, parce qu'on lui avait apprit à l'être : il avait été élevé comme ça et n'était pas assez stupide pour vouloir remettre en cause l'éducation de ses parents. Il n'avait plus dix neuf ans, il savait maintenant que la seule chose que voulaient ses parents était le garder en sécurité et le plus heureux possible. Hors de question, donc, de prendre la route sans casque et sans en être capable. Il ne buvait de toute façon pas, alors il pouvait rouler sans danger. Il avait toujours trouvé hilarant la façon dont les gens faisaient les gros yeux quand il se plaçait sur sa moto en balançant sa jambe par dessus. La plupart pensaient que les danseurs étaient féminins et coincés au siècle dernier. Un motard n'était pas la représentation que l'on se faisait d'un danseur classique.

Le véhicule démarra avec un ronronnement sourd et il apprécia les rafales de vent qui se fracassaient contre lui. Il n'y avait pas meilleure sensation dans un véhicule que de sentir la vitesse dans tout ses os, comme si le moindre coup de vent en trop pouvait vous briser.

Il ne pensait pas cette expression aussi littérale.
Un coup de frein, des pneus qui crient. 

Il enregistra la douleur avant de la vivre.

On ne peut pas soigner ce qui est déjà mort.
Last Christmas, I gave you my heart
But the very next day you gave it away

29 nov. 2019, 10:58
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Ⅷ | Laissez-moi seul 

    ▹ Un mois qu'on l'avait ramené plié comme une feuille de papier qu'on aurait aimé jeter. Un mois depuis que tout était terminé, depuis qu'il avait perdu sa vie. Il l'avait regardé s'envoler comme des centaines de morceaux de papiers brûlés. Ce brûlant là n'avait rien de bon, il avait juste l'impression de se consumer sans pouvoir rien faire. Un mois qu'il tombait sans pouvoir s’accrocher, comme s'il avait été enfoncé dans un tuyau où les prises se désintégraient quand il essayait de les agripper. Un espoir éphémère qui ne laissait derrière lui que la désolation de ne pas pouvoir atteindre la sortie. Tout était terminé à partir du moment où il avait comprit qu'il boitait. Tout son petit palais de prince s'était explosé sous les bombes du destin. Il avait été bien clément avec lui jusqu'ici, il venait réclamer son dû. La chance ne durait qu'un temps et lui avait déjà consumé toute la sienne. Un seul petit mois et il avait l'impression que cela durait depuis une éternité. 

Il leva les yeux sur son reflet. Où était passé l'homme souriant qui virevoltait sur une musique douce ? Il n'y avait plus aucune trace de lui, il avait été écrasé, réduit en poussière. Et il ne reviendrait jamais parce qu'il ne pourrait plus danser comme avant, même plus du tout. Il serra les dents. Ce n'était pas juste. Il n'avait pas mérité ça. Il n'avait jamais bu de sa vie, réalisa-t-il en observant la bouteille ouverte qu'il avait dans les mains. Il n'avait jamais réalisé à quel point ça faisait du bien de ne simplement plus réfléchir aussi bien qu'à la normale, de laisser le liquide ambré lui chuchoter d'une douce voix à l'oreille ce qu'il devait faire. Il n'avait jamais bu. Pourquoi avait-il fallut que ça lui tombe dessus ? Il avait encore toute une vie à faire et maintenant elle flambait. Elle avait été réduit à néant sur cette route. A cause d'un pauvre ivrogne incapable de choisir entre conduire et boire. Non, l'homme de son reflet n'était plus le même qu'il y a quatre semaines. Ses joues creusées et ses yeux cernés ne ressemblaient pas à l'homme qu'il avait été. Il avait rangé ses costumes pour les troquer contre des vêtements de sport sales depuis longtemps. A quand remontait sa dernière douche ? Il ne supportait pas de se mettre nu. Il y avait les cicatrices qui rappelaient que tout était réel et pas seulement un mauvais rêves. Il était mort là bas. 

Il claudiqua devant des cartons pleins à craquer de ses anciennes affaires de danse. Il ne les utiliserait plus jamais, il ne voulait plus les voir. C'était terminé, ça ne reviendrait jamais. Il ne servait à rien de se faire du mal en se remémorant un passé qui de toute façon était bien mieux que toutes les perspectives d'avenir qu'il avait maintenant. Si son père n'avait pas été si mal de le voir comme ça, Théophile était certain qui lui aurait jeter le regard qui voulait dire "Je te l'avais bien dis que ça ne durerait pas toute la vie". Il plissa des yeux quand il entendit toquer à la porte et, quelques longues secondes après, il était devant et l'ouvrait sur un homme dont il n'arrivait pas à saisir ni l'âge, ni le visage. En conclusion, il ne le connaissait sûrement pas. Il observa avec étonnement les fleurs qu'il portait et comprit tout de suite qu'il n'apprécierait pas du tout cette visite.

-Ecoutez, monsieur.... commença-t-il mal à l'aise.
-Dégagez. 
-Mais ! s'exclama-t-il en s'avançant légèrement.
-Laissez moi seul, dégagez, partez d'ici ! hurla-t-il en poussa violemment l'autre qui, tétanisé, se mit à courir dans l'autre sens. 

Il ferma la porte avec une violence inouïe. L'autre courait, avec deux jambes parfaitement droites et des hanches en parfait état. Tout était de sa faute et il n'avait rien, il s'en était sortit sans rien, avec agilité. Un tricheur, une enflure de première classe. Il avait détruit sa vie et il pouvait marcher, danser même s'il l'avait voulu ! Ce n'était pas juste, rien de cela ne l'était ! Il observa avec dégoût la bouteille toujours nichée dans sa main. Ce liquide avait détruit sa vie. Il grogna et senti avec satisfaction la bouteille exploser alors qu'il la fracassait contre le mur, sur un de ses cadres en verre. L'explosion des deux surfaces propulsa un mélange d'alcool et de bouts de verres infâme et il se recula en tremblant, les yeux grands ouverts devant le spectacle misérable qui se jouait devant ses yeux. Quand était-il devenu si violent, si incontrôlable ? Ses mains étaient coupées par le verre et il laissa échapper un sanglot. 

Ce n'était pas viril et encore moins une réaction qu'un adulte aurait dû avoir, de pleurer comme un gamin. Ce n'était pas lui, il n'avait jamais été comme ça, mais ça faisait si mal qu'il avait l'impression que son cœur se faisait tabasser à coups de pierres bouillantes. Ça faisait mal et la désagréable impression d'avoir raté sa vie ne voulait pas partir, comme une maladie, elle s'accrochait à sa peau et le faisait se sentir si lourd. Il avait tout raté, tout détruit. Il n'était qu'une loque incapable de se relever après une chute. 

Il tourna des talons sans prendre le temps de nettoyer derrière lui et retourna s'enfermer dans sa chambre, comme lorsqu'il avait douze ans et que les gens l'insultaient pour la passion qu'il voulait exercer. Elle était partie cette passion, mais la douleur était la même. Ne pas trouver sa place, ne plus savoir comment réagir ni comment penser. Il se laissa glisser contre la porte en bois et plaça sa tête dans ses genoux repliés vers lui. Il se sentait abandonné et vulnérable, comme si la moindre parole pouvait le blesser aussi fort qu'à l'époque. Mais il n'avait plus douze ans et il s'en voulait de ressentir la même chose. C'était un homme adulte et il pleurait. 

On ne peut pas soigner ce qui est déjà mort.
Last Christmas, I gave you my heart
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29 nov. 2019, 19:57
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Ⅸ | Reprendre là où on s'arrête 

    ▹ Sa mère toqua à la porte pour lui signifier qu'elle était arrivée mais il ne sortit pas de son lit. Elle fit glisser sous la porte un morceau de journal où trônait la présentation d'une école. Elle expliqua à son fils qu'il était possible de reprendre ses études à n'importe quel âge, que l'on ai arrêté ou jamais commencé, comme c'était le cas pour lui. Il était doué, il avait tellement de portes à ouvrir, de chemins à parcourir. Ce n'était pas terminé et elle n'allait pas laisser son fils se laisser mourir plus longtemps. Deux ans c'était déjà beaucoup trop long. Il ne pouvait pas finir sa vie si rapidement. A son âge, elle avait eu tellement de rêves. Son fils n'en avait eu qu'un seul, elle devait seulement lui apprendre à en trouver un autre. Elle était certaine qu'il pourrait faire quelque chose de bien. Même s'il était certain que non, elle savait qu'il avait encore une longue et belle vie à vivre. Ce n'était que le début, il ne lui fallait que retarder la fin au lieu de l'attirer à lui. Elle posa sa joue sur la porte et murmura :

-Tu devrais sortir, Théophile. Cela fait longtemps.

Il se retourna dans son lit pour se mettre dos à la porte, silencieux. Elle comprendrait bien vite que cela voulait dire non. Il renifla alors qu'elle continuait :

-Il y a pleins de choses à faire dehors. Tu devrais ressortir au moins pour le soleil, mon ange. 
-Dégage. croassa-t-il. 

Derrière la porte, sa mère baissa les yeux et s'éloigna en direction de la cuisine pour remplir le frigo des boites qu'elle avait apporté. Certes son fils avait vingt-cinq ans et pouvait très bien se faire à manger tout seul, mais il n'avait déjà pas la force de sortir de son lit la plupart du temps. Elle ne voulait pas qu'il se laisse mourir de faim. Il était déjà devenu maigre comme un clou. Elle secoua la tête et observa avec joie son ex-mari s'engager dans l'allée. Elle alla lui ouvrir avec hâte.

-Il ne sort toujours pas. il lui fit un signe de la tête en lui souriant avant de partir vers la chambre de son fils pour ouvrir la porte, ne prenant pas en compte les indications de son fils qui lui disait de faire demi tour.
-Tu n'es plus un enfant Théophile, s'en est fini de jouer la victime ! Il arracha les couverture pour tirer son fils à sa hauteur. J'ai accepté beaucoup de tes écarts mais ça suffit ! Arrête de te laisser pourrir et prend ton futur en main sinon tu ne feras rien de ta vie ! Je t'avais dis de prévoir un plan B et tu ne m'as pas écouté, tu n'en as fais qu'à ta tête et il est temps d'assumer les conséquences de tes actes. 

Théophile peinait à regarder son père dans les yeux. Il n'avait jamais été aussi terrifié de sa vie, son père lui faisait peur. Il n'était plus un gamin et pourtant il se sentait comme quand il faisait des conneries étant gosse. Il n'en avait pas fait souvent mais avait toujours su se faire recevoir au soir par son père. C'était pour cela ,qu'enfant, il avait eu très peu d'écart et avait essayé au maximum de rester sur le droit chemin. Son père qui avait agrippé le col de sa veste de sport la secoua assez violemment pour terroriser un peu plus son fils.

-Tu dois te ressaisir Théophile, parce que je refuse de voir mon fils dans cet état encore pendant dix ans. Regarde toi ! dit-il en poussant son fils devant le miroir de sa chambre. Tu es maigre comme un clou, je ne sais pas depuis quand tu ne t'es pas lavé et tu ressemble à un mort. Est-ce que c'est ça que tu désire pour ta vie ? Tu peux encore marcher, réfléchir, alors arrête de te la jouer dramatique. Tu n'es pas infirme, alors bouge toi. 

Il alla chercher le journal déposé par son ex-femme et le colla avec violence sur la poitrine de son fils qui, hébété, le saisit en babillant. Son père tourna des talons et claqua la porte en sortant. Sa mère secoua la tête négativement avant de tourner des talons également. Il prit une respiration tremblante avant de s'asseoir sur son lit, ses jambes ne le supportant plus. L'adrénaline faisait battre son cœur beaucoup trop rapidement, si fort qu'il en avait mal. Le plus douloureux était que son père avait totalement raison. La vie ne s'était arrêté que parce qu'il avait choisit de ne pas la continuer mais, dehors, il avait encore un avenir. Depuis le temps, les gens auraient sûrement arrêté de le regarder comme une bête étrange, certains ne se souviendraient même plus de lui. Il devait juste arrêter d'y penser lui même pour ne plus devenir paranoïaque à chaque fois que les gens le regardaient. Peut-être même pourrait-il un jour passer à travers tout ça et aller mieux. Il posa les yeux sur le journal. Etudier avait été amusant, moins que danser mais cela avait toujours été quelque chose qu'il savait faire. 

Il secoua la tête. Hors de question de ne faire ça que parce qu'il s'était prit une gueulante par son père. Il n'était plus un gamin, il était majeur et il pouvait très bien reprendre sa vie sans avoir besoin de personne et encore moins de ses parents.

On ne peut pas soigner ce qui est déjà mort.
Last Christmas, I gave you my heart
But the very next day you gave it away