Inscription
Connexion

11 déc. 2019, 16:56
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
Edit du 28-06-21 :
Le RP qui suit a pour lieu objet central les études supérieures de Circéia au sein de l’ISDM. Mais il n’est pas canon, au sens où, ayant été construit avant la structuration des lieux par les autorités, il est par moments éloigné de ce qui existe dans « l’IRL poudlard.fr ». Alors… dystopie du monde de Rowling sans lien avec Poudlard.fr ? Uchronie ? Dans mon esprit, il était surtout l’occasion de mettre en scène un personnage. Je n’ai jamais cherché à créer les fondements de la structure apparue en Juin 2021 sur le site. Et si certains éléments ont été repris, ce qui me fait plaisir, il doit être lu comme un travail indépendant, une sorte de fan fic en décalage. Une fois encore, je remercie les autorités qui ont laissé ce projet être mené à son terme. Avoir pu construire un tel rp solo fut une chance.
Il m’a été proposé de transférer certains rps dans l’espace ISDM, j’ai demandé à insérer ces quelques mots en amont du texte afin que les yeux qui le parcourraient comprennent que c’est une sorte de libre interprétation, pensée à une époque ou le monde du supérieur était ici en friches. Ce qui explique les écarts avec ce qui est désormais le contexte officiel de l’ISDM.
Personne incarnant Circéia Alekhina.
Le rp qui suit est conçu comme racontant la vie « officielle » d’une étudiante de l’ISDM. C’est une continuité à deux facettes. Continuité de Poudlard, continuité de l’esprit « Les armoiries des Alekhin ».
C’est un rp solo mais il est parfaitement possible que des rps s’y inscrivent, par des liens vers lesquels on irait, et qui légitimeraient des ellipses qu’on y lira, a priori ou a posteriori.
Pour ne pas faire trop long, et pour ne pas que les mains de Circéia ne retombent dans un esprit « devoir », l’angle d’attaque sera de montrer le travail préparatoire au devoir, l’environnement du devoir… avec à chaque fois un contexte d’études. Autrement dit, on avancera dans ses études, son travail, ses efforts… mais du côté back stage. (je ne m’interdis pas d’inclure les devoirs eux-mêmes bien sûr ^^ )

************************************************************************************


Image
Student is reborn


Au premier temps de la valse…
Hibou reçu à l’ISDM le Samedi 11 Juin 2044, le soir des résultats aux ASPICs.

(Contraintes du contenu : présentation à la discrétion du candidat en 400 mots maximum, Moyenne obtenue sur l’ensemble du Cursus à Poudlard, notes aux ASPICs, attestation linguistique dans les deux autres langues que l’anglais)
Image
Image

Personne n’est sûr de lui quand le hibou s’envole pour une telle importance. Klinke faisait impression, unique héritage familial encore en état de fonctionnement. Je ne comptais pas qu’il fasse effet plus qu’il ne fallait mais je savais pouvoir compter sur lui. D’étranges choses se constataient ces derniers temps,  des hiboux arrivant en sale état, ou n’arrivant pas. Le ministère opérait des modifications rapides, disons-le tout net, des restrictions de liberté fort déplaisantes. Ce message ne comportait rien de suspect. Mais les faits, têtus, inquiétaient.

- ISDM, et prend soin de toi petit limier.

Je le regardai s’envoler tandis que les plus jeunes, tout contents d’en avoir fini avec les examens, se laissaient aller à des joies simples dans ce qu’il restait d’un Poudlard de plus en plus étriqué par ce que le monde sorcier  imposait.

************************************************************************************


Au deuxième temps de la valse…
Mercredi 15 Juin 2044.

Image

Cette fois, la douche avait quelque chose de magique. Une chaleur, un bonheur, une émotion indescriptible. Elle aurait aimé pouvoir la partager. Mais les temps ne s’y prêtaient pas. Ce hibou, reçu dans la grande salle, couronnait sept années d’efforts, de travail, de peine. Quand il prit feu, elle lança un petit feu d’artifice du haut de sa baguette pour faire diversion.  Un immense sourire apparaissait sur son visage. Les yeux tournés vers la table des professeurs, elle les regardait, une dernière fois. De vraies larmes, de gros sanglots qui la poussèrent à fermer les yeux, et laisser filer son émotion sans plus voir leurs visages. Le sel piquait mais ce n’était pas grave. L’élève assis à ses côtés eut droit à un intense baiser sur les lèvres. Aliosus Nerrah, dont les yeux étaient aussi bleus que l’haleine était fraîche en resta vissé sur son banc. Un baiser impossible à éviter tant elle lui tenait les joues, lui faisant monter la chaleur jusqu’aux oreilles.

- J’intègre l’ISDM Aliosus, l’ISDM tu comprends ?

Elle le prit dans ses bras en lui soufflant que c’était le plus beau jour de sa vie. Puis elle se leva, leur fit face, jusqu’à ce que tous la regardent. Fière, extrêmement heureuse de pouvoir montrer ce qu’elle était devenue grâce à eux, elle se tint debout, un long moment. Finis les pleurs et les mains tremblantes. Un grand soulagement. Tous n’étaient pas là mais les présents suffisaient à sa joie. Des blue bells auraient pu sortir de sa baguette, par milliers. Mais la magie n’était pas utile en cette heure. Dans le silence de son cœur, Circéia comprenait qu’elle était désormais de l’autre côté, que ce dernier baiser d’enfance avait scellé le passé.

************************************************************************************


Au troisième temps de la valse…
Durant l’été, Circéia reçut de nombreux hiboux. Voici le contenu des plus importants en lien avec la suite de ses études.
- Planning des cours, TD, conférences obligatoires de l’ISDM pour l’année 2044/2045.
- Bibliographies (intégrales en 12 parchemins)
- Adresses des appartements sorciers et moldus disponibles  à moins d’une heure de vol de l’institut, garantis pour la sécurité qu’ils confèrent.
- Liste complète du matériel  nécessaire
- Planning des travaux à suivre en parallèle des cours et examens ; programme 2044/2045.

Planning des travaux à suivre en parallèle des cours et examens ;

programme 2044/2045.


Sujet 1 : Introduction au Droit magique.
Sujet 2 : Sujet à déterminer avec l’enseignant de la matière « Structures juridiques magiques en Grande Bretagne ».
Sujet 3 : Sujet imposé, tiré au sort par l’étudiant lors du premier cours du module « Pour une esthétique de la justice magique au XXIème siècle ». Devoir écrit sur parchemin (205 centimètres) et oral de 10 minutes à prévoir suivi d’un questionnement.
Sujet 4 : Sujet imposé par l’enseignant de la matière « Structures juridiques magiques en Grande Bretagne ». Devoir écrit, traduit dans toutes les langues maîtrisées par l’étudiant. Devoir sur table, sept heures, plumes traductrices interdites.

STAGE 1= > Stage en milieu moldu non juridique (Grande-Bretagne exclusivement). Durée : deux semaines, possibilité de lissage sur les fins de semaine.

Sujet 5 : Sujet au choix de l’étudiant dans une liste de sujets proposés par l’enseignant du module « Structures juridiques magiques en Grande Bretagne ». (Parchemin, 2000 mots)
Sujet 6 : Sujet au choix de l’élève dans l’Unité de Valeur lourde« Histoire de la magie ». Parchemin structuré selon la règle française des 27 sous-parties obligatoirement.
Sujet 7 : Sujet au choix de l’étudiant dans l’Unité de Valeur lourde« Histoire de la magie ». Oral, 30 minutes, devant l’ensemble de l’amphithéâtre.
Sujet 8 : Sujet obligatoire pour tous les étudiants dans l’UV optionnelle : Approche théorique des magies. (1000 mots maximum, 1000 mots minimum)

STAGE 2 => Stage en milieu juridique moldu (Hors de Grande Bretagne). Durée, 3 à 5 semaines selon les disponibilités du maître de stage.

Sujet 9 : Sujet imposé, tiré au sort par l’étudiant lors du premier cours du module « Pour une esthétique de la justice magique au XXIème siècle ».
Sujet 10 : Sujet libre de l’UV légère « Passerelles vers d’autres univers supérieurs de la magie ». (Forme inconnue avant le premier cours)
Sujet 11 : Devoir écrit de la sous-matière « Techniques de la plaidoirie ».
Sujet 12 : Grand oral final (à la discrétion de l’élève, aucun effet magique toléré)

STAGE 3 => Stage en milieu juridique sorcier, à l’étranger préférablement. (6 semaines obligatoire, rémunérées à discrétion de la structure d’accueil).
Elle avait tant à faire. Mais elle retint une chose ; trouver au plus vite un stage. Ce fut sa première préoccupation. Ne reculant devant aucune audace, elle postula bientôt comme serveuse dans un bar moldu situé en face de la prestigieuse université de Cambridge. Elle serait la serveuse du « George’s » pour un certain nombre de week-ends.
Dernière modification par Circéia Alekhina le 28 juin 2021, 23:11, modifié 4 fois.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

18 déc. 2019, 18:13
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
Le sceptre et la baguette


Ce premier récit s’étale du lundi 5 au lundi 19 septembre 2044


J’étais au cœur de la ville et cette fois, je sentais réellement que ma vie avait changé. L’appartement choisi, loué à un sorcier à la retraite était minuscule mais on peut faire beaucoup dans un espace autorisé à la magie. J’avais dû m’y reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à faire tenir le canapé dans le verre à dent mais une fois le sort correctement effectué, je parvenais à vivre dans un espace facile à replier pour dégager l’unique meuble utile dans ce lieu, mon bureau. Devant moi, la plaquette de l’université…
…et en 1583, l’université d’Edimbourg est fondée par le Roi d’Ecosse Jacques VI. Sa section Droit est elle-même fondée en 1707. Elle devient la partie visible de l’institut supérieur de droit magique, qui a dû entrer en clandestinité, autrement dit devenir incartable, invisible aux yeux moldus, à partir du Code international du secret magique de 1689. Jusque-là, étudiants moldus et sorciers travaillaient de concert en bonne intelligence ce qui…
J’avais l’amour de ma nouvelle école avant même d’y mettre un pied. C’était bon signe.
… locaux de l’institut sont demeurés intégrés à l’université et progressivement, les professeurs-sorciers ont développé au sein même de l’université moldue d’Edimbourg  leur propre antenne qui a une particularité héritée de cette histoire ; comme les deux ministres anglais de la magie, les doyens des deux entités se côtoient parfois et ponctuellement conduisent des travaux dont le champ recouvre les deux mondes. La chose est rarissime mais elle existe, surtout parmi les étudiants sorciers qui ont systématiquement dans leur cursus un stage à effectuer dans le monde moldu, chose qui…
J’aimais l’idée de travailler avec des moldus, Monsieur Charleston aurait aimé apprendre que son élève la plus timide avait fini par franchir le styx, et pas qu’un peu. C’était d’ailleurs l'une de mes principales questions existentielles, en quoi les deux mondes juridiques différaient, si ce n’était la magie… Plus j’y réfléchissais, plus j’en venais à me dire que cela devait se ressembler. Et que pour étudier les finesses, il était indispensable de découvrir les deux mondes juridiques. Nos stages étaient non seulement bien pensés mais bel et bien hautement nécessaires. Je décidai de travailler cette question et il m’apparut que mon premier devoir tombait sous le sens. Etait-ce moi qui pensais comme il fallait ? Etait-ce eux qui savaient très exactement ce qu’il était impératif de construire en nous ? Ici, tout devenait fluide, la sensation de parfaite rhétorique suintait de tout le dépliant d’accueil.
… l’ISDM est la voie royale permettant d’intégrer le magenmagot. A l’inverse des universités moldues, le recrutement est presque exclusivement constitué de sorciers britanniques, même si nombreux sont les étudiants ayant deux nationalités magiques. La maitrise des langues étrangères, tout comme une solide connaissance de l’univers des créatures magiques, de la magie sous toutes ses formes (noire, blanche) est nécessaire pour…
La magie noire… ce serait au deuxième semestre, plutôt logique. Une fois mes yeux posés sur la dernière phrase, des lettres se formèrent à la base de celui-ci ;
« Le sceptre et la baguette ; introduction au droit magique ».

Par une étude paramétrico-systémique, vous comparerez les deux droits, moldus et sorciers, et relierez vos conclusions au cursus suivi à l’ISDM. (10000 caractères d’écriture minimum)
Le piège est toujours dans les mots les plus grandiloquents. Je mis plusieurs jours à bien comprendre cette formule moldue surannée : paramétrico-systémique. Tous ces efforts pour en arriver à la conclusion qu’il était question d’un enfumage en règle. Ce qui m’amena à penser que les arrêtés juridiques devaient être truffés de ce genre de chausse-trape. Le meilleur fut encore de dénicher à la bibliothèque un dictionnaire des termes et notions fondamentaux  du droit. J’eus la suprême intuition de rechercher le dictionnaire permettant de juxtaposer, comparer, opposer les termes moldus et sorciers. Evidemment, le précis en question était sorti. Il en existait 25 exemplaires pourtant… tous dans les mains d'autres étudiants. J’en tirai la conclusion qu’il me fallait l’acheter dès que possible. Trois jours et trente gallions plus tard, j’avais le sésame, qui valait son poids (douze tomes, au prix du kilo de savoir, c’était encore acceptable) mais à ce rythme-là, il me faudrait vite un appartement plus grand (cumuler les sorts de réduction d’objets risquant au final de créer des conflits magiques infectant les objets concernés).

Trois jours pleins, ce fut le temps de gestation de ce premier devoir. 4236 mots, j’avais l’impression de n’avoir rien dit, explorant à peine les similitudes et les différences, repérant tant bien que mal les mots blancs. Plus j’avançais et plus que je me disais que les deux mondes étaient proches techniquement parlant et que la seule différence apparente résidait en l’objet des délits. La magie était toujours au cœur des procès sorciers. La maïeutique de la vérité se faisant dans le secret de ce que seuls les sorciers maîtrisent. En somme, nous avons la justice plus la magie.

Droit magique :
- Structures juridiques magiques (en Grande Bretagne, dans le reste du monde…)
- Techniques de la plaidoirie
- Ethique magique :
    - Pour une esthétique de la justice magique au XXIème siècle
    - Ethique magique, éthique moldue.

Histoire de la magie :
- Histoire de la magie
- Histoire du droit magique.

Langues étrangères (dans chaque langue choisie) :
- Pratiques de la langue (culture générale)
- Pratique de la langue appliquée au droit magique (étude théorique uniquement fondée sur l’écrit)

Options possibles :
- Approche théorique des magies (noire et blanche)
- Potions
- Droits des créatures magiques
- Passerelle vers d’autres univers supérieurs de la magie 

Telles étaient les matières que l’on nous enseignait. Il fallait que je bâtisse mon travail sur cette donnée. Pas de droit public, ni droit des affaires, encore moins de droit civil… toute cette conception moldue différait grandement des catégories sorcières, elles étaient bien plus techniques et procédurières que les nôtres. La jurisprudence, une vraie galaxie… mais j’aimais les défis et ce n’était assurément pas des complexités moldues qui allaient  m’arrêter.

Quand je reçus ma première note, j’étais un peu déçue, non pas d’avoir un résultat "habituel". Non… on me reprochait d’être verbeuse, de manquer de style juridique. « Apprenez à faire des phrases de 50 centimètres comme si elles n’en faisaient que 5 ». Celui-là, il n’avait pas le compliment facile. Mais j’avais été élevée à la dure. Certains professeurs à Poudlard ignorant le commentaire encourageant, j’avais été à bonne école. Et rétrospectivement, je les remerciais de ne m’avoir pas trop habitué aux éloges. J’exagérais à peine. Je n’avais que très rarement été, de mon point de vue, injustement corrigée mais je prenais conscience de la nécessité de la sueur pour encaisser l’effort. Avoir majoré le premier devoir ne signifiait qu’une chose, j’étais prête. Mais, outre les problèmes des gallions et du vocabulaire moldu, il me fallait comprendre cette affaire de synthèse à apprendre. Savoir dire beaucoup en moins de mots, sans jargonner ni endormir. Il allait falloir travailler le style.
Moi qui aimais les romans russes, aux phrases si nombreuses, j’allais devoir viser la poésie. Mais une poésie fade, construite autour de termes rarement jolis à prononcer. Quand nécessité fait loi…

Ces premiers jours furent aussi l’occasion de découvrir un peu mieux la ville. Être écossaise ne signifiait pas forcément que l’on avait arpenté Edimbourg jusqu’à la connaître comme sa poche. Ce n’était pas à proprement parler une ville sorcière et j’éprouvai le besoin de sentir les choses, observer les moldus, dont nombreux étaient jeunes, d’origine étrangère. Une ville universitaire où je pourrais m’épanouir, très certainement. Mais les rues n’étaient pas aussi accueillantes que les couloirs de Poudlard. Des hommes semblaient à l’affut des filles comme moi, nouvelles étudiantes tout juste sorties de leur vie d’enfant. Il n’était pas question, en tout cas pas encore, d’agression caractérisée mais je sentais sur moi leurs regards et c’était franchement désagréable. Edimbourg n’y était assurément pour rien, la vie devait se dérouler dans toutes les rues de la même manière. Je n’étais plus un individu quelconque. Et je n’étais pas non plus Circéia Alekhina. Marchant en toute innocence dans cette tenue propre, discrète, à l’évidence trop nette pour ne pas ressembler à une poupée sortie de son écrin, j’étais une proie. Ma baguette me permettant d’avancer rassurée, on n’était pas non plus dans une zone abandonnée par le droit. Au contraire. La ville était réputée comme très calme, peu dangereuse. C’était donc moi. Qui ressentais ce que j’étais vraiment pour la première fois. Le pouvoir d’attraction et le danger résultant. Il était certain qu’user de la magie contre un moldu m’enverrait au tribunal, l’instance même que je désirais servir un jour. Pourtant, le simple fait d’en avoir la possibilité représentait à mes yeux une sécurité. Le pantalon, ou toute autre tenue aux vertus semblables, constituant malgré tout la meilleure des défenses passives.

Même lorsque le monde se replie sur lui-même et devient égoïste, étriqué, assassin de nos libertés, nous poursuivons nos existences solitaires. La mienne était parfumée d’un vent de nouveautés dont je n’avais pas encore entamé la digestion.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

23 déc. 2019, 13:44
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
Face aux interfaces.

Deuxième moitié de Septembre 2044.



Mes livres… rien n’était plus important à mes yeux que ces recueils de connaissances. Et quand il fallut déterminer un sujet avec le professeur de droit, ma première intention était de prendre dans les manuels. Faire un travail de copiste en fait. Du moins fut-ce ainsi qu’il me rabroua.

- Ah non, mademoiselle ! Vous n’allez pas m’infliger un devoir de piètre qualité. Les exposés, c’est bon pour les enfants. Ici, on travaille l’esprit. Je veux un sujet qui vienne de vous. Ne revenez pas sans, je déteste perdre mon temps.

La chose était claire. Et ce professeur exigeant savait faire passer un message sans alternative. Il me fallait donc trouver, au sein de la matière « Structures juridiques magiques en Grande Bretagne », un sujet qui nous retiendrait les méninges, lui comme moi.  Car s’il était une chose dont je demeurais persuadée, c’est qu’on ne se donnait vraiment que sur des questions motivantes. L’actualité, brulante, me suggéra bientôt des pistes. Le 10 Downing Street venait d’être attaqué. Que le ministère moldu soit ainsi la cible des sorciers, pour logique qu’elle soit si l’on partait du principe que le ministère de la magie était désormais le camp du mal, ne me perturbait pas directement. Mais qu’en était-il de notre liberté de pensée, ici, à l’institut ? Quelle serait ma marge de manœuvre ? Pouvais-je encore écrire des analyses qui soient, au-delà des faits, une argumentation fondée sur ma vision des choses ? La paranoïa gagnait déjà du terrain, et certaines attitudes démontraient l’orientation des étudiants. Les uns, ostensiblement favorables à ce qui se passait au ministère, les autres, tout aussi agités, commençant à prendre leurs distances. Chacun se déterminait, notre seule chance commune étant que les amitiés n’avaient pas encore eu le temps de se faire. Rien ne pouvait donc être détruit, pour le moment. Mais l’actualité me rattrapait dans mes études, je devais trouver un sujet. J’aurais aimé un sujet avec du fond, une vraie question et pas juste une affaire technique. Je sentais déjà l’appel des grandes questions, les bases de toute société et leur évolution. Même si je n’allais pas échapper à des  poncifs, je me devais de m’exprimer pour ce que j’étais. Pas question de choisir un sujet superficiel. Mes ambitions étaient ailleurs.

Ayant indiqué très tôt mes envies de magenmagot, je passai ma première soirée à creuser la question. Et une évidence émergea très vite ; j’avais affaire à une institution âgée, non pas poussiéreuse mais qui pouvait être envisagée autrement. Que des mages de sang pur… pourquoi ? Il m’eut été facile de chercher à préserver ce monde dont j’étais moi-même membre. Mais je percevais cela comme une injustice. Ouvrir le magenmagot… Réformer le magenmagot… réformer la société sorcière. Je tenais mon angle d’attaque, prendre le magenmagot comme fondement d’une plus ample réflexion sur ce qu’étaient les pesanteurs, les inégalités de notre monde. Je pris un parchemin, écrivant les mots suivants dessus.

« Le magenmagot, une institution réformable ? »


Soufflant dessus par superstition plus qu’autre chose, je l’accrochai à la patte de mon hibou. Nikita n’aimait pas me voir prendre soin d’un autre animal que lui, il n’avait pas été habitué à cela. Mais je pus faire les choses sans problème, au prix d’un regard jaloux du félin délaissé…

- Monsieur d’Arby, dans son bureau.

Il était impératif qu’il ait au plus vite mon idée car je n’étais pas seule. Je comptais sur l’attractivité et peut-être un soupçon de souffre. Nikita miaula, exprimant ainsi une satisfaction, se retrouver seul avec moi. Parfois, je me demandais si j’avais bien fait de le garder. N’aurait-il pas été plus heureux en restant à Poudlard ? Ses oreilles mobiles me narguaient, comme autant de signes que je n’avais pas son agilité. Et s’il était une chose que nous partagions, c’était bien ce sentiment de possession, cette rancune quand rien ne se passait comme nous le voulions. Mon chat était une excroissance de moi, je le comprenais et  sa jalousie m’attendrissait. Vivre dans un si petit espace était une torture, quand tout Poudlard lui avait appartenu durant quelques années. Enfermé dans une cage bien trop petite pour lui, son unique bonheur était de pouvoir accéder aux toits du pâté de maisons. De petits immeubles dont les derniers étages avaient été transformés en studios pour étudiants ; « à la mode parisienne » prétendait le dépliant. Au bout de quelques semaines, je trouvais déjà cette mode discutable. Et si je gagnais quelques gallions comme serveuse à Cambridge, je saurais vite comment les investir. Entre temps, je patientais, et lui avec moi. Nikita avait besoin de jouer par moments. Et cela, j’avais un peu de mal à le faire, ayant toujours laissé mes compagnes de chambre le triturer, je ne connaissais pas le code d’entrée de ce territoire. Mal à l’aise, je préférais le laisser gambader sur les toits même si c’était au risque de le retrouver en pizza au pied de l’immeuble un de ces jours. Un chat ayant sept vies…
A peine avais-je réintégré ma chaise que Klinke revenait avec ce qui constituait à l’évidence une réponse.

Mademoiselle Alekhina,

je perçois en vous l’audace slave et le courage britannique. J’accepte votre sujet et suis impatient d’en découvrir le contenu. Il serait malveillant de vous donner des conseils que les autres étudiants ne recevront pas, laissez-moi vous suggérer une chose ; utilisez les sorts de l’école concernant le caractère privé des écrits, j’ai une bonne mémoire pour mon âge…

                                                                Terrence Wright D’Arby

Quelle providence d’avoir appris à faire ce genre de choses durant ma scolarité. Neptuna m’avait servi d’entrainement en fait. Nous avions appris à reproduire leur méthode de suppression immédiate des hiboux, fondé non sur un fluide mais sur un sortilège. Prémonitoire précaution par les temps qui prévalaient. Une conviction sortait du néant, ce professeur pensait comme moi. Ils n’étaient pas nombreux les gens me témoignant de l’intérêt, à défaut d’affection je m’en serais contentée quotidiennement mais ce que j’étais m’isolait par nature puisque réussir dans les études constitue pour beaucoup le déshonneur suprême. Je serais l’excellence mais sans le prix du compromis. Mon sieur le professeur appelait à l’audace, j’allais lui en servir. Prenant un parchemin, je couchai dessus les grandes idées me traversant l’esprit.
- le sang n’est pas la seule noblesse
- réformer signifie quoi ?
- fond, forme, différencier philosophie/justice
- mode d’entrée au magenmagot par élection ? concours ? tirage au sort ?
- de l’audace mais de la raison
- une démonstration ouverte mais modérée dans le ton. Précision des arguments
- cibler l’organe et pas la nature de ses décisions
- rechercher  l’origine des fondements de la structure du magenmagot.
- Intégrer des créatures magiques ?
- Ouverture à l’international ?
- Limiter les délires
-...
La rédaction commença le lendemain. Dans l’immense bibliothèque du complexe universitaire, où moldus et sorciers étaient mélangés naturellement, sans que les premiers n’aient conscience de la mixité ambiante, je pus progresser très vite grâce à deux ouvrages, l’un décrivant les évolutions passées du magenmagot, jusqu’à l’arrivée d’Albus Dumbledore comme président du magenmagot. L’autre était plus technique, rassemblant en une somme impressionnante tous les procès ayant donné lieu à controverse. Dans ce deuxième pavé, j’avais en tête de transformer en statistiques les grands types d’erreurs constatables, non pas aux yeux du quidam mais sous l’angle purement juridique. Et plus j’avançai dans cette élaboration prétentieuse, plus je prenais conscience de la variabilité des décisions. Un sentiment de malaise me traversa. Nauséeuse durant de longues minutes, je n’aperçus d’abord pas ce grand jeune homme qui me dévisageait depuis son siège, à quelques mètres de moi. Egarée dans les sphères du passé, je n’utilisais plus vraiment mes yeux. Que scrutait-il exactement ? Je n’aurais su le dire. Et peut-être avait-il la même réflexion en cours qui était la mienne. Deux chercheurs en herbe en train de découvrir que le monde n’est pas aussi binaire qu’on nous l’a enseigné. Les...subtilités des décisions pouvaient-elles d’ailleurs s’accommoder de la distorsion temporelle que je mettais en œuvre ? Une chose était  certaine, ce garçon avait les yeux aussi bleus que les miens étaient noirs. Une fois leur pureté saisie par ma rétine, j’eus le sentiment de tomber d’une tour, sans ma baguette, prête à m’écraser au sol. Bien sûr, mon habituelle retenue ne laissa sans doute filer qu’un léger soubresaut mais je vis dans ce bleu la satisfaction de l’effet recherché, obtenu. La beauté est une chose très perturbante, il faut être solide pour pouvoir y résister. Il me rappela Monsieur Saunders, en moins âgé. Plus arrogant aussi ? A moins qu’il ne soit question que de la possibilité… Je me replongeai dans mes écrits, le divertissement n’était pas l’objet de ma présence en ces murs, une carcasse de joueur de quidditch aux yeux d’ange n’allait pas m’éloigner de mes objectifs. Redéfinir mes critères, assouplir les termes afin de rendre la classification opérationnelle, autrement dit porteuse de sens. J’aimais cet effort, seule, dans le silence des livres et leurs odeurs parcheminées. A la fin de la journée, mon plan tenait la route et je savais qu’il apprécierait ce travail. J’étais heureuse.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

29 déc. 2019, 11:47
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
Quand les vents d’automne créent des congères de feuilles mortes.

Durant la semaine du bal d’Halloween 2044.



Le retour vers mon chez moi fut une épreuve. Non pas du fait de la pluie, si froide pour un mois d’octobre même finissant...Poudlard ne nous avait pas habitué à ce genre d’exercice ; devoir parler devant tous mes camarades, et alors que les premières éloges faisaient de moi l’ennemie publique de tous ceux ayant pour but de majorer l’année, j’avais d’un coup compris que je serais face à une pression  incroyable. Et je serais celle qui ouvrirait le bal. Contrairement à Monsieur d’Arby, que j’avais tout de suite perçu comme un professeur aux méthodes fines, le sorcier que nous suivions pour le cours d’épistémologie prospective, pompeusement nommé « Pour une esthétique de la justice magique au XXIème siècle », me glaçait le sang. Non content d’être froid dans sa manière de présenter les choses, il se faisait un devoir de nous mettre en défaut à la moindre occasion. Heureusement pour moi, d’autres avaient fait les trolls durant ses deux premiers cours et ils se faisaient tellement humilier depuis que plus personne n’aurait en tête de le contredire. Monsieur Walsh donnait l’impression d’être un tyran et si je n’allais pas tomber dans le panneau de le juger trop tôt, il n’en demeurait pas moins que je serais l’éclaireuse. Il n’en fallait pas plus pour me mettre la pression. Bien sûr, je n’avais rien montré de tout cela quand il m’avait désignée. Et le sujet en soi n’était pas le plus compliqué. Logiquement, on démarre par de l’abordable. Si je me faisais étriller, ce serait un moment difficile sur le plan relationnel mais je misais peu en termes de résultats. On ne descend jamais le premier à passer. Je risquais plutôt de ne pas décrocher la lune, on donne très rarement un O dès le premier travail. Mais je m’en fichais. Seule ma réussite face aux autres représentait un enjeu crucial. Je ne voulais pas les écraser, leur faire peur ou pire encore. Non, gagner leur respect, montrer qui j’étais dans ma façon d’aborder les problèmes, les enjeux. En plus de cela, les hommes commençaient vraiment à devenir un problème. L’étudiant de la bibliothèque à la tête de héros du quidditch n’était pas le seul à avoir jeté son dévolu sur moi. Un requin de la faculté des sciences me suivait d’une manière un peu collante. Le sablier à scrupules se vidait de jour en jour  et bientôt, ce moldu risquait fort de goûter de ma baguette tant il était obstiné et déplaisant. J’aurais tellement aimé être à Poudlard pour le bal. Mon coeur était là bas mais lui ne le saurait pas. Seule, entourée de prédateurs, je trouvais que les rues d’Edimbourg et les couloirs de Poudlard se ressemblaient. Et puis… on reconnaît un sorcier quand on en croise un. Et tous avions le même air préoccupé. Le ministère, et désormais les manteaux noirs… Le monde avait changé, juste au moment où je le découvrais. Confortable eut été la vie si j’avais eu encore une année dans mon château écossais. Mais tel n’était plus mon cas. Mon goût pour la liberté s’en trouvait renforcé. Quand on sent qu’une chose précieuse à nos yeux est sur le point de nous quitter, on en perçoit plus encore la valeur.
Durant ces premiers jours d’angoisse collective réelle, je choisis de me réfugier dans des lieux moldus, dont un pub toujours rempli de gens ouverts. Essentiellement des étudiants étrangers en fait.
Parler Russe en étonne toujours plus d’un. Et les Britanniques adorent entendre le Français. En quelques soirées, je devins une attraction. D’autant que je n’étais pas si souvent présente. Entre les devoirs et mes jours de travail au George’s, je construisais une forme de rareté rendant mes apparitions… prophétiques. Le pire étant que j’en avais une conscience assez floue. La principale intéressée est toujours la dernière au courant de ce qui la concerne !

- Nikita ?

Une fois rentrée chez moi, je donnai à manger au chat, lui ne s’inquiétait de rien et devait sans doute avoir en tête comment attraper cet oiseau qui le narguait depuis une semaine… on ne traverse pas les rues depuis les toits aussi facilement que d’en bas.

« Morale juridique et morale magique ».


Voilà donc quel était le fil à broder. Une comparaison, et pas seulement de deux mondes. Car la morale juridique existait aussi chez les sorciers. Et la question tournait d’abord autour de la morale. Je devrais décider d’un plan, les arguments apparaissaient secondaires dans un premier temps, l’argumentation primait, l’évidence me sautait aux yeux mais bon sang de l'ordre !!!. Ce cours n’était pas uniquement une façon de nous faire découvrir l’actualité de nos études, il fallait que nous déterminions cette actualité. Etudiante-chercheure… oui, je comprenais. L’écrit n’était ici qu’un point de passage vers la présentation orale. Au final, il était bien moins périlleux que ce moment où tout pouvait basculer. Dès que j’aurais fini mon temps de parole, le professeur me conduirait là où lui voudrait aller. Et je serais obligée de répondre selon ses choix. Je devais donc à la fois construire une démonstration solide et me tenir prête à extrapoler dans toutes les directions. C’était une plante poussant dans les trois dimensions, avec des branches multiples. Et la réponse immédiate représentait souvent la seule alternative crédible. Même si les silences ont du bon parfois, dix minutes n’étaient pas une durée autorisant la méditation. Les pensées se bousculaient, il me fallait davantage de discipline pour travailler rigoureusement ; d’abord le devoir. On verrait ensuite. Durant la soirée, je notai sur un bout de parchemin les choses à faire au plus tôt le lendemain à la bibliothèque :

- Vérifier si Mr Walsh a produit une littérature sur la morale.
- Lire les sujets sur lesquels il a écrits.
- Vérifier quel fut le sujet de son travail de fin d’études.

Aux échecs, dans la mesure du possible, connaître son adversaire est une règle de base. Jamais je ne pourrais tout maîtriser mais au plus je couvrais de points d’incertitudes, au plus je me prémunissais de surprises désagréables.
Je travaillai jusque tard dans la nuit. Mais, alors que je commençais à ne plus être efficace, je ne sentais toujours pas l’appel du sommeil. Prendre l’air à Edimbourg, vers trois heures du matin est une chose encore vivable au mois d’Octobre aussi m’habillais-je pour, peut-être, rendre possible la survenance du sommeil.
Jamais je n’aurais osé le faire si je n’avais pas été sorcière. Une fille de ma taille, jeune et frêle, dans des rues plus ou moins éclairées eut constitué une proie trop facile. Mais je le pouvais. Un vol en balai aurait été assurément plus rafraîchissant... cependant je ne voulais pas tenter le diable. Et puis… je n’avais pas besoin de voler pour penser à lui. Comment serait-il habillé ? Danserait-il ? Et avec qui ? D’une certaine manière, sortir pour penser à quelque chose de pénible pouvait ressembler à de la mortification. Mais je trouvais cela plus reposant que de devoir poursuivre un travail pour lequel les idées ne me venaient plus naturellement à cette heure de la nuit. Je savais par expérience de la salle sur demande que lorsque je n’avançais plus correctement, il fallait soit dormir soit marcher. J’avais choisi la marche ce qui permettait à mon petit nid d’être aéré en mon absence.
En me rapprochant de la partie basse de la ville, je tombais sur un vieux Monsieur, emmitouflé dans des journaux, allongé dans le recoin d’une porte de grande taille, sans doute l’endroit de la rue le moins venteux. Il dormait et frissonnait dans le même mouvement. Etait-ce donc possible que de trouver une telle misère dans une ville si riche ? Les cours que j’avais commencés avec les petits me le démontraient pourtant mais pas d‘une manière aussi criante. L’âge y était pour beaucoup, le moment de la journée aussi. La misère… où est donc la morale dans tout cela ? A quoi bon apprendre la magie si l’on ne peut pas s’en servir au quotidien pour améliorer la vie des autres ? Il n’existait pas seulement les agissements des mages ayant mis la main sur le ministère, une autre pandémie nous touchait tous, sorciers comme moldus ; l’indifférence. Mais que pouvais-je faire ? Seule on n’est rien, tout juste bonne à lancer des sorts à droite à gauche, dans le vide. Si je devais agir, cela passait forcément par intégrer le groupe de ceux qui prennent leur destin en main. Je le savais déjà, depuis longtemps je le sentais en moi mais il avait fallu voir le vrai monde pour que je puisse enfin mettre un sentiment du réel sur les grandes idées que je tentais vainement de faire vivre à travers moi. La morale n’est rien si l’on se contente de la brandir pour les autres. Seul mon geste compte. Et sans lui, pas de magie possible.



Animaux et vieillards
sans la honte
cristallisée en moi.

Devenir ce que je peux.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

06 janv. 2020, 16:57
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
Quand l’extérieur entre à l’intérieur.


6 Novembre 2044


« Droit du patrimoine : où est la justice ? »


Devant moi, sur le bureau que j’allais utiliser sept heures durant se trouvait un petit parchemin avec ce sujet. J’avais non pas un mais trois devoirs à rédiger puisque le devoir racine devait ensuite être traduit en Français et en Russe. Une tâche apparemment faisable mais il fallait s’organiser, gérer son temps afin de ne pas rendre un travail inachevé. Sept heures… compter au moins une heure par traduction. Et sans avoir de problème sur tel ou tel mot, subtilité… ne fut-ce que patrimoine, cela avait-il le même sens dans les trois langues ? Derrière cette idée se cachait assurément de petits pièges. Les sociétés ont-elles toutes la même culture patrimoniale ? Compter... trois heures pour la traduction. Et ne rien inventer. Si l’on ne sait rien d’une question, mieux vaut ne rien en dire, ou tout au plus émettre des hypothèses permettant d’attester qu’on a repéré le problème sans avoir en l’état la réponse.

Quatre heures pour le devoir en anglais… mais je ne concevais pas les traductions comme de simples exercices servant à prouver ma maîtrise en traduction. La matière demeurait ancrée dans mon pays ; « Structures juridiques magiques en Grande Bretagne ». Rien pourtant ne m’interdisait des digressions allant dans des directions comparatives. Il suffisait de deux ou trois allusions, à des moments précis de la démonstration, pour que les copies traduites prennent leur sens le plus entier. Je décidai de terminer par la traduction en Russe, plus aisée pour moi. J’estimais pouvoir gagner presque une heure s’il le fallait vraiment. Je me limiterais à des mots simples, même en Anglais… restreindre le nombre de termes techniques nécessitant une traduction spécifique.

C’en était plié des moyens techniques. Pour ce qui était du sujet, je le trouvais à la fois clair et dangereux. Le propos ouvrait la voie à une remise en question de l’ordre établi, si l’on excluait de s’en tenir à un simple exposé des structures en place sur le sujet. N’imaginant pas le moins du monde un parchemin de niveau troisième année à Poudlard, je savais devoir oser des propos réformistes. Peut-être même était-il question de tester nos capacités à critiquer ouvertement un système devenu bancal, une société déséquilibrée dès la naissance. Voilà pourquoi la traduction était attachée à ce sujet, je compris que les professeurs attendaient de nous une étude en partie ouverte sur ce qui se faisait ailleurs, non pour aller puiser dans le chaudron voisin de meilleurs structures… mais j’y trouverais, si j’avais les bons outils rhétoriques, le moyen de nourrir un débat devant exister dans les arcanes du pouvoir judiciaire sorcier. Je n’avais donc pas une copie à rendre sur un sujet élémentaire mais bel et bien une opinion argumentée sur une question fondamentale. Je me sentais associée de facto à l’évolution de notre monde. Et devais me positionner comme telle. Par Merlin, la démonstration m’apparaissait tout d’un coup, dans sa limpidité. Et mon propre cas permettait une entrée dans le sujet parfaitement illustrative.

Mon sang de sorcière était pur, totalement. Mais pas aux yeux de la loi sorcière britannique. La famille Alekhin était sorcière depuis toujours et si les registres russes n’en attestaient pas, la faute en revenait aux fonctionnaires, incapables depuis toujours de structurer correctement les services administratifs d’un pays vaste comme le monde. La magie ne semblant en l’occurrence ne pas être utilisée à son maximum… Quant aux GUNNRAY, un obscur aïeul avait trouvé le moyen d’être impliqué dans une révolte quelconque dont je ne savais rien. Ce qui avait souillé une très ancienne lignée, entraînant par contre-coup le retrait de notre nom de la liste des familles de sang pur. Ainsi, j’étais de sang pur mais par non conformité administrative, je ne l’étais pas. On pouvait considérer cela comme un héritage patrimonial jouant en ma défaveur. Et s’il n’était en fait pas question de cela dans le devoir, je pouvais néanmoins partir de là pour entamer la réflexion. Je tenais le plus précieux, une idée de départ originale, qui ferait entrer le lecteur dans le sujet de manière claire tout en restant indirecte.
Avant de commencer ma rédaction au brouillon, je pris une dernière précaution, sortir de quoi manger sans avoir à fouiller en pleine écriture. Consciencieusement, j’étalai sur le bord de mon bureau trois paquets de gâteaux au gingembre, un sac de fruits secs et de l’eau. M’arrêter au milieu d’une phrase était d’expérience une chose formidablement destructrice, il fallait reprendre mes habitudes des ASPICs.

De l’ordre, d’abord rédiger l’introduction au brouillon, puis un tableau avec la structure du plan d’ensemble. Et la conclusion, toujours au brouillon. Plus d’une heure s’était écoulée… déjà… Parmi nous, certains commençaient à peine  et une élève canadienne venait de faire exploser sa plume. Le surveillant lui demanda de quitter la salle. Ce qu’elle refusa de faire. Dans l’instant, des cordes l’enlacèrent et une sorte de bâillon lui interdit de parler plus avant. La scène était difficile à ignorer. Deux autres membres de l’institut intervinrent, l’un d’entre eux enfermant sa plume dans une petit boîte noire. Un tergeo plus tard, le bureau était à nouveau propre mais l’élève avait été exfiltrée et nous savions tous qu’il était question de tricherie avérée, ce qui était aussi stupide qu’inutile. Mais il faut parfois faire l’expérience douloureuse de la loi pour avancer dans l’existence. Mes idées n’avaient pas vraiment été interrompues par l’incident. De toutes les manières, cette camarade ne s’était jusque-là distinguée que par ses débordements en tous genres, ce n’était qu’un épisode de plus et il était de plus en plus manifeste qu’elle serait tôt out tard renvoyée. Si d’ici là elle ne renonçait pas d’elle-même...

Une fois le brouillon établi, je relus mon travail pour détecter quels mots seraient potentiellement complexes à traduire le moment venu. Aucun ne m’apparaissait en première instance et c’était tant mieux. Poudlard m’avait amené entre autres choses une certaine tranquillité dans mon effort, je ne paniquais pas durant un écrit. Seule avec ma concentration, j’avançais pas à pas comme une machine moldue. C’était un grand confort mais je savais  par expérience que tout peut arriver à un moment, que le moindre grain de sable peut enrayer ces engins en apparence infaillibles. Au bout d’une heure et demie, j’attaquai la rédaction « au propre ». Et ce ne fut dès lors que plaisir de l’effort. Je développai entre autres l’idée que dans certains pays, la notion de transmission du patrimoine est différente de celle de la Grande Bretagne. En France, le patrimoine est une chose essentielle qui explique les déséquilibres entre les individus. On peut posséder un bien immobilier pour des centaines d’années quand le bien anglais doit être régulièrement racheté pour demeurer dans la famille. Ces différences expliquent les écarts de richesse qui jamais ne sont gommés dans ce pays prétendument si démocratique. Dans ma rédaction, je devais mentionner ces différences de droit, sans trop entrer dans les détails du Freehold et du Leasehold afin d’éviter de rentrer dans une récitation purement technique, sans réel intérêt idéologique. D’un côté de la Manche, on signait un contrat quand de l’autre il s’agissait d’un acte de vente. Notre système était bien plus juste, rapide mais si la question était posée, c’est qu’elle comportait aussi sa part d’arbitraire. Et c’était à moi de la débusquer. Je poursuivis sans grande difficulté mon analyse et ce fut le cas russe qui me sembla le plus difficile à intégrer dans la démonstration. Je devais parvenir à l’instiller discrètement, au titre que déjà j’avais débordé un peu sur le cas français. Mais  dire à un britannique que les français sont moins pertinents est un plaisir que l’on glisse sur le borderline, quitte à empiéter sur le coeur du raisonnement, le fair play…. l’attitude que les français doivent avoir quand ils perdent face aux anglais… joli résumé.

Trop en faire sur d’autres cas serait démontrer qu’on était faible sur le coeur du sujet. Se faire les dents sur les français était envisageable mais je ne devais pas dépasser l‘allusion quant aux russes. L’immensité du pays, son peu d’organisation et sa tendance à la corruption suffisait à établir que les choses étaient décidément moins injustes en Grande-Bretagne.

La suite ne fut que délice. Même les traductions ne furent pas difficiles en fin de compte. J’avais en moi et les idées et les moyens. Quelques semaines plus tard, je fus convoquée dans le bureau de Monsieur d’Arby. J’étais loin de me douter de ce qu’il me dirait. Après les amabilités d’usage, il attaqua sévèrement.

- Mon petit, vos propos sont par trop révolutionnaires. Si vous voulez réussir dans vos entreprises, vous allez devoir apprendre à mettre du jus de citrouille dans votre whisky pur feu…

Il se pencha sur le côté, comme pour faire appel à ses ultimes ressources de pédagogue.

- Avez-vous seulement idée de ce qu’il se passe au dehors ? Je ne pourrai pas systématiquement vous protéger. Les idées nobles ne sont pas suffisantes pour réussir. Alors arrêter vos co…

Lui aussi s’interrompit, et soit il s’agissait de rester poli, soit il était question de simple jeu de scène. En tout cas, l’étape suivante aurait été une avoinée en règle. Le message était passé, je devrais faire acte de prudence car avoir ce professeur parmi mes alliés ne semblait pas, à ses yeux du moins, suffisant pour faire de vieux os à l’ISDM. Ce devoir avait révélé certaines parties de moi que je méconnaissais. Et mis à jour une vérité elle aussi ignorée, le monde sorcier était désormais en guerre larvée et le renseignement constituait une arme qu’il ne fallait pas nourrir déraisonnablement.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

14 janv. 2020, 20:37
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
Stage n° 1 : Rabotez la mousse.




La commande.

Vendredi 30 Septembre 2044



- Serveuse ? Sérieux ??

Amendola, une copine brésilienne un peu fantasque n’en croyait pas ses oreilles quand je lui répondis. Puisqu’elle voulait savoir ce que serait mon premier stage. Lorsque j’avais cherché, mon idée fut très vite de trouver une activité proche d’une grande université moldue, plus prestigieuse encore que notre institut. Seules les mastodontes répondaient à mon souhait ; Oxford et Cambridge. La suite fut une simple affaire d’opportunité. J’avais arpenté les rues et ce pub, vraiment proche du coeur du complexe universitaire, était le lieu idéal. En outre, je considérais que ce genre de job d’étudiante me permettrait de gagner en assurance. Sur ce plan, j’allais être servie…

- Tu te rends compte que tous les hommes vont te harceler ? C’est risqué Cici !?!

Je détestais qu’on m’appelle ainsi mais je n’allais pas le dire à la seule personne de toute la promo avec laquelle j’entretenais de bons rapports. Plusieurs raisons me poussaient à avoir osé ce challenge ; une activité moldue, sans l’aide de la magie comme dans les lieux semblables dirigés par des sorciers. Cela allait me permettre de comprendre réellement ce qu’un moldu vivait au quotidien, prendre la mesure de ses limitations, éprouver ce que je croyais être… la frustration de ne pas être sorcière. Mon espoir principal restant la possibilité de croiser des étudiants moldus brillants, estimer leur niveau et par là même me jauger. Je commençais à comprendre l’effet que mon corps produisait sur le monde. Et même si j’avais un peu de mal à en conceptualiser les raisons, je l’acceptais. Il ne serait pas question d’en jouer, et si je ne pourrais pas empêcher autrui de plaquer sur moi ses délires, je comptais sur mon sang froid, ma froideur dans certaines situations… et la magie en dernier recours…Chacun fait de son mieux avec sa baguette.

- Au Brésil, ce genre d’activités est très mal vu pour une jeune fille de bonne famille.

Justement… j’éprouvais un certain plaisir à l’idée de mettre les doigts dans la confiture. Dans la vie, il ne faut jamais rechigner à se salir les mains, sinon... on n’apprend rien. Côtoyer des petits issus des classes les plus pauvres d’Edimourg avait renforcé ma conviction que c’était la voie à suivre. Je n’avais ni descendance à assurer ni héritage à préserver. A moi la liberté de choisir ma vie et ce luxe, il eut été sage de m’en rendre compte, constituait ma plus grande richesse.

- Amendola, j’ai été enfermée dans un couvent pendant sept longues années, je ne sais pas toi mais moi, je veux profiter de la vie.

Elle eut un mouvement de recul, comme si je venais de proférer une insulte à nos écoles respectives. Peut-être n’étais-je pas encore assez douée pour ce qui était de la provocation… Pourtant, je ressentais vraiment les choses ainsi, et malgré tout ce que le monde sorcier vivait depuis quelques mois, je ne retenais de la vie présente que cette sensation d’immense liberté de pouvoir enfin faire ce que je voulais de mon existence.

- Crois-tu vraiment qu’on puisse vivre dans l’angoisse permanente de se faire agresser ? C’est bien à cela que le stage est destiné non ? Nous faire découvrir le monde !?! Eh bien moi, je préfère le découvrir comme ça.

J’aurais bien ajouté que cela me permettrait peut-être de faire des rencontres mais j’étais très loin  de penser à la chose et puis je me refusais à davantage la secouer. l’éducation d’Amendola avait été encore plus stricte que la mienne. Avoir eu l’opportunité de venir poursuivre son cursus en Ecosse était encore plus audacieux dans son histoire que n’allait l’être mon apparition dans ce pub. Elle n’avait pas encore trouvé son stage mais avec des parents diplomates, elle n’aurait aucune difficulté.

-… Tu toucheras de l’argent ?

- Oui, je n’ai pas à expliquer au propriétaire la raison de mon emploi. Il ne sait pas que c’est un stage de l’ISDM, par définition. Je serai payée en monnaie moldue mais bon… je ne le fais pas pour un argent dont je ne saurais que faire. Je veux rencontrer des gens. N’est-ce pas pour cela que tu es venue en Ecosse toi aussi ?

Pour la première fois, nous étions elle et moi en léger désaccord, imperceptiblement les choses pouvaient s’envenimer entre Amendola et moi. Ce que je ne voulais sous aucun prétexte.


****************************************************



Premier service

Samedi 1er Octobre, 4 heures du matin.



Dans mon lit. Enfin. Je n’en pouvais plus et devoir en plus revenir en volant… Cambridge-Edimbourg, c’est un trajet très long, même avec les techniques que mon professeur de vol avait transmises à son élève la plus désireuse d’apprendre de lui… En plus, ce soir-là, un petit vent du nord avait rendu le trajet plus difficile, surtout par le fait que je n’avais pas prévu de tenue « d’hiver ». Mal préparée, une leçon parmi d’autres.
J’avais dû apprendre sur le tas les manières de verser la bière dans le verre, pour, en fonction du breuvage désiré, obtenir une mousse épaisse ou absente, moyenne ou juste « naturelle ». Tout dépendait en fait du type de bière. Et ce n’était pas une question de couleur mais bien de qualité du contenu. Ajoutée à la propreté du contenant et sur ce point, les choses s’avéraient impitoyables ; un verre sale provoque une surproduction de mousse, qu’on se le dise. Le plus dur était bien là, le bon verre pour la bonne bière. Et quand le verre manque, il faut vite en trouver un semblable, ou laver un spécimen ad-hoc qui demande juste à être réutilisé… En fait, je m’étais fait tout un drame des clients ; comment seraient-ils ? Allaient-ils être sympathiques ? Y-aurait-il des sorciers parmi eux ? Et... c’était très mélangé, même des familles étaient présentes, les enfants buvant la plupart du temps des boissons sucrées américaines ou une espèce de bière à base de pomme. Brady, la serveuse de la zone Nord du pub m’avait vraiment épaulée et de cette première soirée je la retenais elle. Une fille vraiment extraordinaire. J’étais surprise de sa manière naturelle de rentrer dans le vif du sujet sans aucune barrière ?

- Ah ouais ? Tu fais des études de droit ? J’aurais bien aimé mais ils n’ont pas voulu de moi à la faculté, j’étais trop… directe pour eux. Fais attention aux gens qui disent te vouloir du bien, en général, c’est les pires.

Le reste de sa description me laissait à penser qu’elle avait subi ce que l’on appelait un tâcle par derrière en football. Car j’avais aussi appris pas mal de choses sur ce sport, le Pub retransmettait un match du championnat moldu, les canons d’Arsenal contre les diables rouges de Manchester je crois.  Et un joueur avait été renvoyé pour avoir attaqué un adversaire par derrière. S’ils avaient su ce qui se passe durant un match de quidditch…
Le  football provoquait à l’évidence une hystérie assez proche du quidditch mais les lieux, découpés, permettaient à un client normal de savourer sa bière presque au calme. Et c’était cette partie du pub qu’on m’avait assignée, au titre que j’étais la plus inexpérimentée. J’y perdais en pourboires mais pour un premier soir, cela avait constitué ma coupe du monde de quidditch à moi ; 320 litres servis,  une recette que je préférais ne pas estimer. Et de l’argent moldu que je mettrais quelque part, peut-être même dans une banque moldue, pour pousser l’expérience à son terme. Mais peut-être serais-je morte avant. Je ne sentais plus mes pieds. Et mes mains, même après un nettoyage sorcier, sentaient la bière. Tout mon corps dégageait une odeur de sueur. C’était un travail… physique, dur… mais une consolation existait, plutôt… un intérêt ; les gens. Etait-ce la nouveauté ? Etait-ce l’exaltation ? Ou juste le lieu, fait de personnes ouvertes ? En tout cas j’avais rencontré beaucoup de chaleur humaine, de gentillesse. Pour une première fois, je dus avouer que je restai bluffée par tant de douceur de vivre. Sur ce plan-là, j’étais bien tombée. Même Boss, tout le monde parlait de lui sans utiliser l’article nécessaire, avait un côté maternel. Je dis bien maternel, il nous choyait. Sans entrer dans notre sphère intime en plus. Un Monsieur.

- Tu devrais sourire un peu quand même…

Sa seule récrimination. Et je dois admettre qu’il avait raison. Mais servir, checker les tables, lancer le lave-vaisselle, aller changer les fûts dans la réserve, nettoyer, encaisser, sans rien renverser et en souriant… J’apprendrais, considérant que la requête avait quelque chose de normal. Et que cela ne me ferait pas de mal mais il fallait me laisser le temps d’intégrer le reste. Je voulais qu’il soit fier de moi, j’avais dans mon coeur de lui rendre la confiance placée en moi. La reconnaissance du ventre en quelque sorte. Mais enfin… j’allais devoir envisager quelque chose pour mes jambes, arpenter comme cela le pub dans tous les sens durant presque huit heures me les laminait et je n’eus pas trop du dimanche pour me reposer. Rentrée à 5 heures du matin, je me réveillai dans l’après-midi. Mes révisions pour l’oral du lendemain en prirent un coup mais j’avais eu besoin de cela. Le prix à payer… j’aurais dû faire comme les autres étudiants, regrouper les jours de stage au lieu de les étaler, j’allais y laisser toutes les fins de semaine mais il était trop tard pour revenir en arrière. Et puis, je prendrais le pli, avais-je une alternative ? Ma première soirée s’était bien passée, j’avais aimé mon travail, c’était là le plus important. Une étude fine des moldus attendrait que je sois sortie de l’état de grâce.


*********************************************



A bon compte.

Lundi 19 décembre 2044



- Donc vous affirmez que les moldus font des bières plus subtiles que les breuvages sorciers ?

- Non, ce que je dis est que leur production est d’une grande variété et que j’en ai retenu des enseignements quant à la complexité de leur monde.

Prise en étau, je me débattais depuis bientôt dix minutes avec deux examinateurs qui avaient clairement en tête de me faire faire un faux pas. Ils feignaient de s’offusquer de ma vision neutre des moldus et cherchaient par tous les moyens à démontrer que je préférais le monde non sorcier. Je trouvais le piège grossier et leurs questions presque grotesques mais il fallait garder son calme et poursuivre mon  oral comme si de rien n’était. Les cours avec Monsieur d’Arby m’avaient habitué à son style fonceur mais pour ce qui était de Madame Brodheart, que j’avais croisée de nombreuses fois les premiers jours de Septembre, elle m’apparaissait sous un jour nouveau. Loin de la personne douce et compréhensive, elle était la meneuse, qui passait en revue le moindre de mes propos pour en chercher les circonvolutions possiblement polémiques. Nous étions dans une forme d’impasse, moi, incapable de présenter les choses comme je l’aurais voulu, eux enracinés dans une forme d’interrogatoire qui n’avait plus rien d’un entretien normal. Comme s’ils s’étaient donnés pour but de me casser. Mener un oral devant du public pouvait alors s’avérer être une arme car les professeurs n’avaient aucun intérêt à se faire détester de leurs étudiants. Et je sentais bien, à sentir les réactions dans mon dos, que personne n’était dupe de leurs pantomimes. 
Je dus réexpliquer de nombreuses fois les différentes natures de bières, ma classification improvisée des moldus selon leur origine sociale croisée avec leur consommation et préférence… une digression qui devait occuper en tout quatre lignes dans un rapport de stage de plus de cinq cent centimètres… Je tins bon mais je vivais là ma première expérience d’injustice et c’était une sensation abominable. Je n’étais pas venue pour m’amuser ni pour rire des habitudes moldues comme l’avaient fait tant d’autres étudiants. Ecouter leurs soutenance avait  d’ailleurs été très instructif, surtout la présentation de Paola sur la vie des éboueurs. Une idée extravagante mais géniale car vraiment éloignée de nos principes de vie. Paola Caliari, une sorcière italienne qui avait fait ses études à beauxbâtons, une fille canon au point d’en faire perdre son anglais à tous les hommes de la salle. L’imaginer parmi les ordures avait dû provoquer en eux je ne savais quel syndrome mais ils avaient applaudi à tout rompre à la fin de son travail. Nous ne risquions rien sur le plan scolaire, le premier stage étant optionnel, il était présenté comme une « formalité structurante pour qui s’en donnait la peine »…
Quand je terminai, Monsieur d’Arby vint me serrer la main en me faisant un léger clin d’oeil.

- Bien joué mon p’tit.

Le genre de condescendance que j’exécrais. Et des mots qui ne m’indiquaient rien de la valeur réelle de ma production. L’impression d’avoir été une bière dont on aurait raboté la mousse pourtant inexistante.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

27 janv. 2020, 18:17
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
Les mauvaises résolutions.


9 Janvier 2045




Sagement assise sur l’une des chaises que Monsieur d’Arby laissait traîner devant son bureau, j’attendais mon tour. Sachant que lui ne me refuserait rien, et même si le matin même il avait été odieux durant mon oral de soutenance,  je comptais lui mettre un contrat bien acide entre les mains ; mon souhait relevait de la plus pure logique, travailler sur la corruption, un sujet pouvant aussi bien être perçu comme constructif par les tenants de l’ordre nouveau que les défenseurs du passé. Je devais ne surtout pas indiquer vers quel camp portaient mes préférences mais ne pas refuser de traiter une vraie question me semblait d’un courage opportun. S’il le fallait, j’avais toujours une deuxième patrie mais en termes de corruption, je préférais encore ce qui se passait dans les îles britanniques car en Russie, la corruption était aussi fréquente que les sapins dans la taïga… Les affaires de dopage ayant émaillé les compétitions sportives tout au long des premières années du siècle n’était que la partie anecdotique d’une vaste entreprise généralisée en fait, qui d’après ce que je savais allait jusqu’à toucher les sorciers. Le sujet que je projetais pouvait donc avoir des ramifications à l’international mais je savais que le coeur de mon propos,  comme toujours avec monsieur d’Arby, demeurait notre pays. Du moins sa partie sorcière…

Une première étudiante était sortie de son bureau en pleurs, lessivée. Je me demandais bien pourquoi, ce n’était pas son genre d’être docile mais il ne poussait pas les gens à bout, enfin pas jusque-là. Qu’avait-il pu se dire entre eux qui entraîna ce flot soudain ? Je ne m’inquiétais pas outre mesure car les nouvelles de notre monde mettaient tout le monde à cran et plus les semaines passaient, plus la chose devenait inquiétante. Il m’apparaissait possible qu’une nervosité ait pu se transformer en pleurs. Je crois que je préférais voir les choses sous cet angle, sans doute pour éviter de m’inquiéter outre mesure. Et puis… peut-être avait-elle seulement été déçue de ne pouvoir faire le sujet qu’elle aurait voulu.

- Carter, entrez je vous prie, votre idée sera peut-être moins stupide que ce que je viens d’entendre…

Monsieur d’Arby n’avait pas pour habitude de se laisser aller à balancer de telles sentences. Qu’avait-il en tête ? Lorsque, à peine cinq minutes plus tard, il sortit du bureau, James Olliver Carter donnait l’impression d’une grande contrariété. J’étais la suivante et en entrant, je dois admettre que je n’en menais pas large.

- Asseyez-vous Alekhina. Avec vous au moins, on est sûr d’entendre des choses qui se tiennent.

Je pris place dans l’un des trois sièges faisant face à son bureau. De petits fauteuils en velours rouge qui n’étaient plus depuis longtemps reluisants mais dont j’avais déjà pu apprécier le confort. Le tout serait de pouvoir y rester plus de cinq minutes…

- Alors dites-moi jeune fille, vous avez quoi en tête ?

Il ne m’aidait pas avec son ton paternaliste car me nommer ainsi me semblait relever de l’école primaire. Mais c’était toujours mieux que d’être traitée de gourde devant tout l’amphi ce qu’il avait servi à une condisciple qui, reconnaissons-le, ne l’avait pas volé. Tant qu’il limitait ses petits surnoms à des choses insignifiantes, après tout pourquoi pas… je lui tendis un petit parchemin roulé :

« Magie et corruption. Le droit magique échappe-t-il aux critiques ? ».


-Mmmmmmm…

Ses doigts roulaient sur eux-mêmes, le vieux professeur paraissait en plein questionnement.

- Alekhina, je vous aime bien. On se connaît peu mais je sais reconnaître la valeur de mes étudiants. Votre audace, je vous l’ai dit déjà, est une chose rare parce qu’elle n’est jamais factice.

Il sortit sa baguette et lança deux sorts informulés.

- Circéia… je peux vous appeler par votre prénom n’est-ce pas ?

Il n’attendit pas ma réponse…

- Bien, Circéia, le monde de 2045 est un monde en guerre. Et dans une telle situation, nul ne peut jamais prédire qui en sortira vainqueur. Alors voilà ce que nous allons faire. Je veux que vous me fassiez deux devoirs, l’un dont… nous dirons qu’il sera présentable au ministère et l’autre que vous me lirez puis ferez disparaître. Il va de soi que ce que je viens de dire ne sortira pas de cette pièce. Ne prenez pas ombrage de mes remarques en public, je suis tenu à des… comportements ministériellement acceptables. Votre travail de ce matin était excellent et je suis assez d’accord avec vous sur la qualité des bières moldues. Mais je n’ai plus confiance en Brodheart. Donc...vous viendrez personnellement me remettre vos travaux, débrouillez-vous pour que les deux versions soient proches sur le squelette de votre analyse mais ne mettez que des propos… lisses, intelligents mais lisses. Vous me comprenez ?

Il était à la fois exaltant et inquiétant de l’entendre. Je comprenais d’un coup ce qui s’était passé le matin même mais surtout, je me sentais d’un coup très proche de lui. Peut-être les avait-il chassés car leurs sujets étaient trop éloignés des nouvelles idées officielles. C’était après tout assez logique. S’il avait eu des tenants du nouveau pouvoir, il les aurait laissés faire, n’étant pas du genre à se dévoiler. En fait je n’en savais rien, il était tout à fait possible qu’avec eux, il ait adopté une toute autre tactique fondée sur la simulation… Ce monde s’avérait décidément complètement paranoïaque et je ne savais plus du tout que penser vraiment. Une chose tenait la route ; Terrence Wright d’Arby avait de la suite dans les idées et son coup avait été préparé de longue date. Ou alors était-il un ancien auror toujours prêt à reprendre du service…

- Je ferai comme vous me conseillez, je vous le promets.

Il prenait un risque car rien ne lui garantissait que je ferai ainsi. Peut-être comptait-il sur mon âme russe, je n’avais de ce fait qu’une parole. Mais c’était moi qui tenais à cette ligne de conduite. Et pas la Russie. Je voulais coûte que coûte ne travailler que sur des questions m’intéressant. Et s’il le fallait, j’acceptais d’entrer dans une certaine forme de résistance. Ce n’était pas très légal, le choix s’imposait de lui-même pourtant ; entre passion et raison, je prenais le plus brillant à mes yeux. Et puis, même s’il prétendait ne pas aimer mon style, moi j’aimais le sien. Et par tous les Merlins de la terre, je venais de prendre ma première décision adulte irrévocable, lui faire confiance.

- Alekhina, j’ai bien connu votre grand-père. Gunnray était un sacré sorcier. Vous avez le même goût du travail bien fait. Prenez garde, tous les enseignants ne sont pas aussi vieux jeu que moi.

Il me dévisagea non plus comme un professeur mais tel un parent éloigné que l’on croise à un mariage, qui vous déshabille à la recherche d’ancêtres que lui seul connaît encore.

- ...L’espièglerie est une vertu à Poudlard mais ici il n’est plus question d’insolence, le bon terme est l’illégalité, vous comprenez ? Je dois vous mettre en garde…

Il se pencha vers moi, et aurait sans doute saisi ma main pour renforcer l’effet si j’avais été à proximité. Mais son bureau, très large, ne le lui permit pas…

- Vous avez des tendances risque tout mon p’tit. C’est dangereux par les temps qui courent. Très dangereux. Je vous conseille la prudence Circéia. C’est d’ailleurs un très bon exercice car le jour où vous serez p…. enfin bref… je dois vous apprendre la modération… j’ai peine à m’entendre dire cela mais c’est pourtant vrai. Dans quel monde vit-on…

Dans ses yeux se lisait une forme de tristesse de ne pouvoir en être vraiment. Une guerre d’un nouveau temps, qui n’était plus le sien. Je représentais une forme de jeunesse envolée, et dans tout cela la corruption n’avait pas encore trouvé sa juste place. Nous savions, lui comme moi, le sens de la démonstration à conduire. Je le comprenais enfin. Et aurais bien voulu savoir de quelle maison il était. Un drôle de personnage ce monsieur d’Arby. Parfois, il jouait les zèbres devant nous tous mais quand nous étions en petit groupe, ce n’était plus le même homme. Bien plus profond, proche d’une forme de méditation, nous étions transportés dans un autre univers, pur, totalement immaculé. Et justement, la chose tranchait avec le sujet. Et lui le savait, comme si j’avais pris à dessein un domaine nous permettant à terme de nous rejoindre au milieu du gué.

- Je serai sage.

D’une certaine manière, je venais de plier face au principe de réalité. Mon envie irrésistible de marquer mon territoire était brimée mais il avait raison. J’exercerais mon libre arbitre dans la clandestinité, celle qu’il me destinait comme celle que je choisissais en l’instant. Je devais être bien plus raisonnable que Neptuna et Ivanovna. Trop impétueuses pour pouvoir rester sur le terrain, elles avaient fui, chacune à sa manière. Et moi, pour la première fois, je percevais l’intérêt de demeurer au centre de l’univers. Ce qui nous corrompt n’est pas issu de l’extérieur mais bien de l’intérieur de nous ; la corruption démarre quand nous interrompons nos rêves à l’entrée du temple. C’est la rouille qui provoque nos déchéances, la rouille et rien d’autre.
Dernière modification par Circéia Alekhina le 04 janv. 2021, 13:24, modifié 1 fois.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

07 févr. 2020, 09:54
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
Conversions


25 Janvier 2045



Je suis russe. Je suis écossaise. Et me demander de choisir est une question aussi tordue que menaçante. La dualité est en moi et forcer le trait ne servirait à rien. Quand j’ai suggéré ce sujet, c'était pour moi une de manière de joindre les deux bouts, souder diraient les moldus. C’est Boss qui m’a appris ce mot ; « on est une équipe soudée », passe-t-il son temps à répéter. J’ai préféré demander à Brady le sens de ces mots. Pas la fusion, juste le collage très puissant à base de métal fondu. Je suis double, sans éprouver un quelconque besoin de caractériser davantage ma réalité.  Et de toute façon cela n’a jamais intéressé personne. Je crois bien que je suis restreinte à leurs yeux aux seuls devoirs que je rends. Camarades comme professeurs ne me perçoivent qu’au travers de cela. Je le leur rends bien d’ailleurs car je fais tout pour me tenir à l’écart. Peut-être aurait-il fallu que je me fasse remarquer comme ceux qui passent leur temps à chercher la retenue pour attirer l’attention. Mon sang  est Serpentard, ma généalogie est Serpentard mais tous autant qu’ils sont ne m’ont jamais vraiment considéré comme telle. Pas assez roublarde, trop sérieuse. Et ni anglaise, ni pure. Une paria en fait, que la magie et l’insolente réussite protégeaient, sans plus. J’ai retenu la leçon de Monsieur d’Arby. Il me faut adapter ce que je suis aux nouvelles destinées de notre monde. C’est maintenant, je crois, que je vais exprimer mes potentialités de fille des cachots. Oui, exactement. S’il le faut, je serai la pire des engeances pour parvenir à mes fins. Tout en velours. C’est la force russe, savoir s’imposer tel un mammouth dans un costume qui est tellement trop grand pour soi.

C’est étrange d’ailleurs que jamais ou presque je ne fus l’objet d’un intérêt de leur part. Même les professeurs. Mais ici, j’ai pu très vite montrer qui j’étais. Laisser le choix des sujets est une démarche vraiment pertinente. Helena Mc Quarry, notre professeure d’Histoire de la Magie, nous a donnés la possibilité de travailler des questions d’actualité. «  Le passé est inutile si l’on ne le connecte pas au présent ; si vous trouvez le moyen de le démontrer, alors vous pouvez proposer des questions prospectives », avait-elle dit. Je ne me suis pas faite prier.
Je voulais un sujet me permettant de souder ; le passé et le présent, l’ici et l’ailleurs. Je crois en fait que je cherchais à souder les deux parties de moi.

- Circéia Sergueïeva Alekhina, veuillez descendre vers moi s’il vous plaît.

Devant tout l’institut, les cours d’Histoire de la magie étant les seuls cours transcendant les années, je l’entendis prononcer mon nom. Et comme je n’avais jamais assisté à ce qu’il fallait bien appeler une dissection, j’étais abasourdie, un peu inquiète aussi mais loin de m’attendre à ce qui allait se dire et se passer.

- Chers amis, vous avez devant vous l’exemple même de l’individu à la recherche de ses origines. Et qui sans s’en rendre compte les renie toutes avec une constance redoutablement efficace….

La professeure quitta son immense bureau pour se rapprocher de moi tout en prenant bien soin de me laisser debout, au vu et au su de tous.

- Après lecture de votre devoir, j’ai mené une petite enquête sur vous. Sachez, messieurs dames, que le sujet était : « Droit international magique et nouveaux équilibres planétaires ». Un parfait exemple de ce que des générations de sorciers tentent de mettre en place  entre les différents ministères sorciers existants. Le type de sujets qui nous conduisent  régulièrement vers une œcuménisme politique, on peut même parler de désir syncrétique. c’est tout à votre honneur d’ailleurs ma chère et vous avez du style. Votre description des révoltes des sorciers russes sous le tsar Pierre le Grand m’ont laissées une savoureuse impression de raspoutitsa dans la bouche. Pour autant que la chose puisse avoir une saveur bien sûr…

Le show étant rôdé, les spectateurs plus âgés sachant comment et quand réagir, nous eûmes droit à des rires à peine forcés. Mais s’ils attendaient de moi que je montre la moindre liquéfaction devant eux, ils allaient tous être déçus. Si l’humiliation constituait l’objet de cette mascarade, je savais grâce à Père comment me comporter en public. Je demeurais inerte, impassible.

- Alors évidemment, votre âme russe perce dans ce travail, vous avez l’envolée lyrique facile Mademoiselle Alekhina. Mais dites-moi, pourquoi refusez-vous de vous laisser appeler par votre vrai nom russe ? Croyez-vous qu’il soit bien constructif de voyager avec deux patronymes possibles ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit n’est-ce pas ?

Elle se tourna alors vers les étudiants, partant dans un long monologue.

- J’ai été stupéfiée par la qualité et la finesse d’analyse de votre camarade. Je dis bien camarade car en Russie, ce mot a un sens plus fort que par chez nous. Vous n’avez jamais été dans une mine, à partager le regard des autres, humer leur sueur, vous laver le soir venu tous ensemble. C’est une épreuve de vie, la forge. Elle décrit avec une grande rigueur ce qu’il faudrait. On sent le vécu, du moins la maturation du propos gardé longtemps en soi avant qu’il ne soit finalement posé sur parchemin. C’est intéressant… très intéressant… Intéressant mais dangereux. Car si l’on imagine une civilisation sorcière uniforme ainsi que la suggère notre amie, les spécificités s’éclipsent. Et plus de Gryffondors, ni de Poufsouffles, plus de ministre anglais de la magie, plus rien de ce qui fait nos institutions. Prôner, au nom de changement d’échelle, une disparition de ce que nous sommes est une forme d’hérésie, plus encore que le chaos, un retour à l’âge de pierre. D’autant que… vous existez vous même de deux manières si j’ai bien compris, Circéia Alekhina en Angleterre et les russes incorporent la référence à votre père. Une imprécision pour le moins paradoxale dans votre démonstration ne trouvez-vous ? Circéia Sergueïeva Alekhina, apprenez que l’histoire ne se départit jamais de l’historien qui la rédige. Et c’est bien là le seul problème dans votre brillante plaidoirie, vous omettez, manifestement volontairement, de vous inclure dans le propos. Or l’Histoire n’est pas désincarnée, elle est nous. Vous aspirez dans votre vingt-deuxième sous partie à une disparition des nuances juridiques. C’est pourtant bien celles-là qui nous permettent ce matin de démontrer que vous cherchez à exister de deux manières différentes, qui peuvent se comprendre et que je vous laisse gérer car il est question de votre vie et j’interdis quiconque ici de faire sortir le moindre mot de ce que nous sommes en train d’échanger…

Elle lança d’un geste un sortilège qui nous enveloppa tous d’on ne savait trop quoi. Mais le ton était assez clair pour que personne n’ait envie de la contrarier, aujourd’hui et tous les jours suivants.

… mais vous  agissez à l’inverse. Du moins l’avez-vous fait par le passé. Comprenons-nous bien. Dans la matière qui nous occupe, il ne peut y avoir d’écart entre le propos et les actes. Ce n’est ni la science, ni la justice. Je vous encourage donc tous à méditer ces digressions qui n’en sont pas. Les menaces, internes comme extérieures à notre pays, sont suffisamment problématiques pour que nous ne prêtions pas le flanc.

Elle retourna s’asseoir mais comme je n’avais rien entendu, je pensai qu’il fallait que je reste là où elle m’avait placée, en situation d’accusée en fait. La différence était très claire pour moi entre son propos, après tout recevable mais qui n’était que son opinion. Et le biais qu’elle employait pour le mettre en œuvre. Révéler ainsi des choses de mon passé était choquant, humiliant, obscène. Je ne l’oublierais jamais. Jamais. Dès cet instant Héléna Mc Quarry fut placée en tête de liste de mes ennemis jurés. D’une manière ou d’une autre, un jour, elle paierait le prix de ce qu’elle venait de m’infliger. Statufiée, je ne savais pas qu’elle considérait cette cérémonie comme la plus belle des récompenses lors d’une correction de travail. Elle agita sa baguette, fit apparaître les sujets choisis par chacun, nous indiqua que les résultats étaient déjà accessibles et que toutes les corrections ainsi que ses commentaires étaient disponibles pour l’ensemble des élèves. Mon travail allait avoir droit à une diffusion dans les autres instituts magiques de par le monde ; une pratique qu’elle présenta comme courante, qui me gênait un peu mais qu’y pouvais-je ? Elle adressa à l’ensemble un signe de la main libérant d’un coup la masse présente dans l’amphithéâtre. Seule, je devais rester ainsi qu’elle me l’avait signifié. Je ne comptais rien dire de spécial et quand elle me demanda ce que j’en avais pensé, je ne répondis pas. Ne pas mentir, pas encore. Elle n’aurait pas droit à mon premier écart de vie. J’estimais que tout cela n’en valait pas la peine, redoutant tout au plus l’opprobre de mes condisciples dès ma sortie de l’amphi.

- Vous ne le savez pas mais je viens de vous rendre service mademoiselle Alekhina.

Et le pire fut qu’elle avait raison.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

25 févr. 2020, 08:45
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
La vengeance


2 février 2045


Elle avait parfaitement préparé son coup pour que je sois en position intenable. En ayant ruiné ma réputation lors du dernier cours en amphi complet, elle savait que je serais à nouveau sur le devant de la scène deux semaines plus tard. Madame Mc Quarry avait tout fait pour que mon premier oral de rang soit entouré d’une pression aussi injuste que déstabilisante.
J’allais donc devoir présenter l’une des grandes figures de l’histoire de la magie devant  les autres premières années, durant trente minutes, avec aux fesses une casserole professorale. La traîtresse. Il est parfois bon d’avoir de l’expérience et finalement, s’être retrouvée couverte de bière un soir de fête du club de Rugby du coin m’avait bien servi. Boss leur avait fait payer cher leur mauvaise tenue. Et moi, outre l'odeur tenace de bière, j’avais trouvé un peu humiliant, intrigant aussi, de voir tous ces regards sur un corps dont les vêtements avaient subitement collé à la peau. Rouge de honte, un peu brutalisée par leurs cris de joie et leurs tapotements soit disant amicaux, il m’en aurait fallu plus cependant pour vraiment devoir hurler. Mais j’avais eu peur... une déchéance... Devant tous ces gens dont un certain nombre me connaissaient à présent, se retrouver ainsi, comme presque nue, avait été violent. Aussi me dis-je que cela ne pourrait être pire, il suffisait d’imaginer une chute semblable, le temps d’un oral. Et hop, c’était fini avant même de commencer. J’avais eu raison d’accepter de faire quelques samedis à Cambridge quand Boss avait une absente. Tant que je gardais mon coin, la zone Est, les conditions me convenaient. Madame Mc Quarry représentait un danger de type zone Nord mais comme de toute manière je devais y passer, chercher à déserter aurait été vain. Gwendoline la fantasque avait été mon choix. Il n’en restait plus beaucoup puisque les premiers à choisir étaient les moins bien classés… Trente minutes pour faire sa biographie. Mais je ne comptais pas étaler le seul travail d’un rat de bibliothèque. Choisissant de déborder juste ce qu’il fallait du sujet, je présenterais une analyse des relations entre moldus et sorciers à travers les âges et, à partir de l’exemple de cette sorcière au demeurant un peu espiègle, je mettrais en œuvre une réflexion sur les différences, les rejets inutiles et donc une ouverture sur le rapprochement à mon sens envisageable. J’allais leur montrer ce qu’était l’objectivité, avec une pointe d’humour car côtoyer les moldus m’avait appris des choses. Dans un pub, on ne tient pas bien longtemps si l’on ne sait pas répondre du tac au tac aux petites comme aux grandes provocations.

Je vis la chose comme ma première plaidoirie, à ceci près qu’une métaphore se glissait dans l’affaire, j’étais l’objet de l’accusation et tout le reste ne serait que spectacle. Il n’était pas non plus question de régler des comptes de manière frontale. C’eut été contre-productif et je n’aurais pas le dernier mot. Il faut s’en tenir aux combats que l’on peut gagner. Et faire en sorte de remporter ceux-là. J’avais les blancs, je devais mener le jeu. Plus tard je ne me souviendrais même pas de mon discours. Ni des effets magiques que j’avais employés pour donner une dimension fantasque au personnage. Il fallait leur montrer ce qu’elle était vraiment, après tout, brûler en souriant n’est pas donné à tout le monde. La révéler ainsi sans pour autant se moquer des moldus.  Voilà ma ligne éditoriale, ou plutôt la trame de ma démonstration, ma ligne de défense.

J’avais choisi de m’habiller à la russe pour cet oral, puisque c’est ce qu’elle me reprochait, autant lui montrer ce qu’une femme russe a dans le corps. Plus noble que jamais, droite et dure, je les dominais tous par mon regard noir, tellement glaçant. J’avais en tête de me venger, on ne se moque pas de moi impunément. Ce n’était que le premier jour de ma rébellion.

D’abord je leur mis entre les mains un tableau d’un peintre français la montrant telle que je l’imaginais, ou plutôt telle que les moldus l’imaginaient :

Image


Puis très vite, je leur montrai telle qu’elle était, vierge de son rire, inquiétante, réelle. Je voyais bien dans leurs yeux l’incrédulité, le nécessaire renoncement à l’image puérile qui était la leur, celle de la carte de chocogrenouille.

Image


Les effets obtenus par magie sont toujours impressionnants, surtout quand ils vont à l’encontre de ce que l’on connaît. Les étudiants, tout d’un coup, apercevaient une sorcière bravache, mystérieuse, pour tout dire dangereuse. Elle aurait tenu tête d’une autre manière à tous ces moldus si elle l’avait voulu. Mais elle préférait rire avec eux, un peu à leurs dépens… mais au final sa comédie n’avait rien de méchant. Juste une amusette.
Tenir dans ces conditions fut plaisant. Ils avaient été surpris par ma présentation aussi sobre quant au vocabulaire qu’audacieuse par certains aspects. Et Madame Mc Quarry, que je commençais à méticuleusement détester, pourrait bien dire ce qu’elle voulait en débriefant mon travail, je n’avais pas besoin d’elle.

Mieux, si j’avais dû confesser où étaient mes préoccupations à la fin de l’oral, j’aurais sans hésiter le moins du monde évoqué les petits de Galvanius qui m’attendaient de l’autre côté de l’avenue pour leur leçon de grammaire. Sept enfants d’origine sud-africaine que leurs parents avaient dû abandonner. Et qui avaient atterri à Edimbourg dans le cadre d’un échange de bons procédés entre l’Afrique et l’Europe. Je ne m’étais pas intéressée aux raisons les ayant amenés ici, la politique moldue ne m’intéressait pas. Tout ce que je voyais, c’était leurs besoins d’apprendre, leur envie d’avoir les moyens de s’intégrer. Nous étions trois à animer cet atelier, Galvanius, Amendola et moi. Lui ne faisant pas partie des premières années avait pu se libérer pour ouvrir le local avant leur arrivée mais nous devions, Amendola et moi ne pas traîner une fois le cours de Madame Mc Quarry terminé. Il craquerait vite s’il restait seul avec eux. Galvanius était très doué en football moldu mais question grammaire, c’était une horreur. Je plaignais déjà la personne qui lui serait adjointe comme secrétaire. Le moment venu, elle serait surchargée de travail, à moins qu’elle n’ait des plumes à double autocorrection et vitesse infernale !

J’en eus terminé finalement de manière rafraîchissante. Quelques applaudissements fusèrent. Et la professeure de conclure qu’elle n’avait rien à ajouter. Préférant ne pas me poser de question faisant naître l’angoisse, je rangeai mes affaires et la regardai passer devant moi.

- Merci Madame.

- Ne me remerciez pas Alekhina, vous savez très bien que c’est du bon travail, gardez vos sourires pour d’Arby.

J’avais seulement voulu être polie. L’inimitié qu’elle laissait poindre constituait une information le jour venu mais qu’elle daigne m’adresser autre chose que des réprimandes représentait pour moi un progrès.

- Circéia, vite, Galvanius nous attend !

J’aimais Amendola, nous étions très différentes et personne n’aurait parié sur notre amitié. Je l’avais rencontrée le premier jour où j’étais venue aider. Galvanius m’avait dit qu’une fille du sud serait là. Une fille « bizarre » mais à l’époque, je ne savais pas qu’il jalousait sa joie de vivre. Galvanius Aropolo, un ancien Poufsouffle, était toujours tiré à quatre épingles et il ne jurait que par le travail, l’honneur. S’il n’avait pas été insensible aux charmes des filles, j’aurais pu imaginer penser à lui. Mais non.. Et puis, cela avait un avantage, lui au moins ne ferait aucune tentative douteuse. Amendola trouvait cela exotique mais ce mot dans sa bouche revenait souvent alors je ne savais pas très exactement ce qu’elle voulait dire par là. Moi… il faisait bien ce qu’il voulait de sa vie. Ce genre de sujets m’indifférait mais que quelqu’un s’essaye à dire du mal de lui devant moi !

- Tu l’as bien enfoncée la vieille !

- Je n’ai rien fait que mon travail, Amendola. De toutes façons, je devais réussir ce premier oral long. Sinon à quoi bon espérer un jour tenir lors d’un procès. Mais je suis contente de mes illustrations.

- Ah oui… elles ont vraiment marqué des points. Tu as trouvé ça où ?

- A la bibliothèque, un peintre moldu français.

Nous venions de traverser lorsque je vis Galvanius voler en arrière comme si une force l’avait expulsé de notre local. Et de suite les cris des petits. Je courus vers lui, entendant distinctement des bruits de transplanage. Le sortilège Doloris, lancé de manière à ce que personne ne le voit. Ils avaient, je le compris plus tard, mis les enfants dans la deuxième pièce du local. De la pure intimidation, venue d’on ne savait où. Le cycle de la vengeance, de la bêtise, de l’intimidation. Qui pouvaient-ils bien être si ce n’était des sorciers opposés à toute forme d’entraide entre humains. Quel mal faisions-nous à apprendre la lecture et l’écriture à des petits ? Qu’ils soient moldus ou pas ne changeait rien à nos yeux.
Et quand le doyen nous conseilla la discrétion, les premières dissensions apparurent entre nous. Fallait-il leur céder ? Se cacher ? Ou au contraire relever le menton, quitte à le présenter pour une autre frappe ?
Qui avait fait cela, je m’en moquais. Pourtant, l’essentiel tenait en la réponse.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

01 mars 2020, 18:56
 ISDM  Dossier IKB-2044-38-CSA-3-12-1  solo 
De Charybde en Scylla


28 février 2045


Furieuse, déçue, écoeurée… J’avais attendu tout le premier semestre pour enfin aborder la magie noire. Tous les fantasmes m’avaient traversés l’esprit et il était pourtant vaste. J’avais imaginé bien des choses, le souvenir des cours pratiques de Madame Holloway, que j’avais maudite si souvent, et qui pourtant avait laissé une marque profonde en moi. Nous allions tous l’étudier. Non pas pour devenir des mages noirs.  C’eut été à tous points de vue stupide. Et avant même le premier cours, je me doutais bien que nous ferions les choses de manière à en comprendre l’approche, les tenants et aboutissants mais sans jamais avoir le moindre risque de tomber à la renverse. Et j’avais trop vu ce que donnaient les sorciers quand ils y gouttaient. Même si les effets ne m’avaient presque jamais atteinte directement, j’en savais assez pour ne pas être tentée. Mais une partie de moi désirait en savoir plus, le goût du danger, sa compréhension, étrange fascination pour le mal. L’affronter, s’y confronter, pour mieux en comprendre les mécanismes et parvenir à rendre une décision judiciaire plus sage. Oui, je voulais avoir senti le mal dans ma baguette pour en comprendre l’essence. Une sorte de test buccal visant à dénouer les arcanes hermétiques de ce qu’elle est.

Ma vision du lien entre magie noire et magie blanche demeurait très théorique. On allait parler du sombre, en toute logique, par contraste, nous étudierions la magie blanche. Mais sans la moindre seconde penser au fait que la pureté totale est nocive. Je n’avais pas réfléchi à la bizarrerie que pouvait constituer un cours en amphithéâtre pour une matière forcément construite autour de la pratique. Simplement parce que la pratique, nous n’en ferions pas. Pas pour le moment.
La démonstration de Madame Akinari fut limpide, une démonstration magnifiquement huilée nous conduisant à avaler notre déception, unanime. «  Vous devez d’abord admettre que votre présence à l’ISDM se justifie par votre soif de justice ». Certes, nous le savions tous. Se l’entendre redire avait quelque chose d’agaçant. Si nous avions voulu étudier la seule magie noire, d’autres voix s’offraient à nous. A commencer par la plus rapide de toutes, faite d’une clandestinité de moins en moins… clandestine.

-… Vous devez intégrer l’idée que le lien entre le sorcier et la magie est constitué d’une multitude de fils infimes, tressés entre eux, noués, plus solides que toutes les cordes. Et dans le champ d’étude qui est le nôtre, vous serez amenés à constater que bien souvent, dans ce duo, le sorcier n’est plus maître de lui. La suffisance de Voldemor a pu laisser croire qu’il dominait ses émotions, son état. C’est un grand regret que de n’avoir pas pu le conduire devant des juges. Non pas pour savoir l’entièreté de ses crimes. Cela, nous le savons tous, et vous l’avez sans doute un peu trop étudié. Un peu trop et un peu trop tôt. Non… ce qu’il aurait fallu réellement creuser, c’est l’emprise qu’a pu avoir la magie noire sur lui. Comme sur Grindelwald. Et même Dumbledore au cours de sa jeunesse. Toucher du doigt le mal, c’est en être imprégné pour longtemps. Alors, partant de là chers étudiants, il va vous falloir désapprendre, revenir à l’origine. La puissance de la magie est unique à la source. Comme l’oxygène primal, elle est une. C’est ensuite le duo qu’elle constitue avec le sorcier qui permet de dire qu’elle est noire ou blanche. C’est ma théorie. Et jusqu’à plus avancé, je dispense ce cours depuis trente deux ans, faites le calcul. Vous, là…

elle pointa du doigt un étudiant français dont tout le monde parlait comme mon seul adversaire.

- .. oui vous, Lambauris-san, allez… vous trouverez mon année de naissance ici… quarante cinq moins trente deux… j’ai passé plus de temps à présenter ma vision des choses que vous n’en avez passé à user la planète. Je pense avoir une certaine… comment dites-vous déjà ? Autorité ?

Elle commanda à sa baguette de faire apparaître un vaste écran où les images reconstituées de quelques grands mages noirs et des hauts faits qu’ils avaient commis défilaient en un mélange proche du fantastique.

- Commencez par intégrer une première réalité ; ce qu’une époque condamne, une autre peut le louer. Nous avons vite fait de classer comme définitives des idées qui ne sont que le produit d’une époque. CE QUI EST FAIT PEUT ÊTRE DEFAIT. Si vous n’avez pas encore entendu ce précepte, il serait temps de vous mettre au travail jeunes gens. Toutes les lois ne sont que le produit de notre volonté. Et il en va de même de la morale. Les sorciers incluent et excluent les autres créatures magiques au gré de leur bon vouloir. Et ce n’est qu’un exemple. Alors me direz-vous, il ne faut pas s’en faire puisque de toutes manières nos décisions ne seront pas rendues ne fonction des faits mais de notre vision des faits à un instant t. C’est là que vous vous fourvoierez. La magie noire est toujours la même, immuable, ancienne, cachée. C’est à chaque mage noir de faire l’effort de la débusquer. Voilà pourquoi nous devons étudier les choses. Non pas pour blâmer les criminels a priori mais bien pour comprendre leur part de responsabilité dans ce qu’ils ont fait, et uniquement celle-ci. Voyez, je parle plutôt bien pour une étrangère.

Hatsune Akinari, un pilier de l’institut, formée à l’école japonaise de Magie. Plus petite que moi, c’était dire si elle était poussière. On aurait dit un chaton ; mais les félins sont tous dangereux. Derrière son ton péremptoire se cachait un esprit d’une grande vivacité. Et la pointe de la lance était pour le moins aiguisée. La liste de ses exploits contre la magie noire ne me disait rien, sauf à croire qu’elle avait sauvé la moitié de l’Asie. Nous avons tous nos illustres mauvais mages. On lui prêtait, et je n’allais surtout pas le dénier, nombre d’arrestations et autres écorchages de gens abominables. Etrange assurément, étrangère un peu moins. L’Ecosse est un pays qui vous tanne le cuir, vous êtes modifié en profondeur dès le premier hiver, bien plus spécifique qu’en Sibérie. Le froid humide est plus corrosif que le froid sec. Mais il n’avait eu aucun effet sur son enveloppe. Je lui donnais soixante ans. Au moins. En toute logique en tout cas. Mais elle en faisait d’aspect quarante tout au plus. Jamais de ma vie je n’avais été confrontée à une telle acuité. Dans un corps si petit. Ma mâchoire se détachait à mesure qu’elle avançait dans sa démonstration. C’est ce jour-là que je compris pour mon Yajirushi. Et j’avais devant moi mon modèle. Tranchante, déterminée, implacable. Féminine. Ses cheveux, coiffés avec la précision du diable dans un style dont j’apprendrais bientôt qu’il se nommait Taregami, étaient posés sur ses épaules, longuement et régulièrement étalés dans un balai impeccablement symétrique. Un vrai rideau. A son âge, comment faisait-elle pour n’avoir aucun d’entre eux qui soit blanc ?

- … allons, vous, réveillez-vous au lieu de rêver. Répondez-moi !

J’avais bien entendu sa question mais le temps était limité pour donner une réponse solide. Elle choisissait le terrain, en toute connaissance de notre incapacité à la satisfaire.

- Eh bien… je dirais que… le procès a de multiples desseins. Dans les cas ultimes, il permet à la société magique de se questionner sur elle-même, se réinterroger en permanence. Mais ce n’est qu’un des attributs de la cérémonie. Les victimes doivent aussi entendre le déroulement des faits, leurs origines lointaines comme immédiates, les éléments de preuve… tout ce qui conduit au jugement. Alors, en vous écoutant Madame, je serais tentée d’ajouter qu’il sert aussi à l’accusé. Pour qu’il puisse se situer dans le champ des responsabilités. Etablir la vérité, dans sa complexité.

La petite dame s’était d’abord approchée de moi, comme pour sonder mes yeux. Quatre boules noires, deux paires face à face. Et je dus admettre que les siens étaient très intimidants. Puis elle avait eu un sourire intérieur, j’en étais certaine. Se tournant pour rejoindre son bureau, je pus admirer l’arrière de sa coiffure, les deux versants d’un buisson se rejoignant à la base du cou dans une sorte de fourreau de tissus, du même ton que sa robe. Et trois impressionnantes épingles tenant le tout. Quels sorts permettaient donc cela ? Jamais je ne serais aussi habile. Et pourtant j’en avais eu des leçons de coiffage. 

- Admettons. Toutefois je ne vois à aucun moment dans votre raisonnement l’intervention de la dichotomie magie noire/magie blanche. N’oublions jamais que tout cela s’inscrit dans un contexte. Nous allons cette année procéder à une étude de quatre procès au cours desquels la vérité a été recherchée quant à l’influence de la magie noire. Vous verrez qu’à chaque fois, le sorcier a été comme perverti par une force supérieure à lui. La magie est manipulation. Le traître mot… ne devrait-on pas plutôt parler d’inflexion ? d’intoxication ? Ne vous êtes-vous jamais demandés comment il se fait que les mages noirs subissent toujours des dégénérescences ? La magie est un échange, le pouvoir contre l’énergie, la pureté contre la flétrissure. La question est toujours la même et elle sera votre obsession : d’où la corruption vient-elle vraiment ? Comprenez-moi bien, le bien et le mal ne sont qu’un tout, c’est à nous de démêler les fils. A peu près avec la même motivation que celles que les jeunes filles ici présentes mettent à comprendre ma chevelure.

Elle était, en plus du reste, legilimens… A moins que… elle ne maîtrisât ses effets au point de savoir à l’avance ce que nous allions penser d’elle au premier de ses cours. La possibilité existait mais je préférais penser au pire.

Plus tard, je m’approchai pour prendre le sujet dont j’héritais. Alors qu’elle me tournait le dos, je pus  contempler certaines zones de sa coiffure. Une partie d’entre eux retombait, noués régulièrement par un fil phosphorescent. On aurait dit… un bâton régulier, le KEN. Je mis en haute priorité l’étude sérieuses des coiffures traditionnelles du Japon et une fois face à elle, je me gardai bien de penser à quoi que ce fût d’autre que les études.

- Tenez Alekhina-sama. Faites en bon usage.

- Merci madame. Pour ce cours comme pour le reste.

Il est des mots que l’on dit pouvant avoir un sens autre que celui qu’on leur destine. Mais elle savait que je ne la flattais pas. J’avais adoré, plus rien ne serait comme avant désormais. Derrière elle, je voyais le Yajirushi et tandis que je rangeais le parchemin dans ma poche, elle me dit.

- Vous ne lisez pas l’intitulé ?

- … Certains passages de l’existence se vivent dans l’intimité de notre coeur, Madame.

Par tous les sorciers de la terre, du ciel et du passé, d’où avais-je tiré cette grandiloquence ? M’entendre dire ces mots relevait tout simplement de la magie noire. Et il fallait avouer que c’était très précisément ce que je ressentais. Elle me dévisagea sans rien dire.

- Suivant !

Avais-je été trop loin ? Amendola me fit remarquer plusieurs fois que je n’étais pas dans mon assiette. Pouvait-elle seulement se rendre compte de l’état de bouleversement qui était le mien ? Je la quittai très vite, passant par la bibliothèque pour dévaliser le rayon « Culture nippone ». Puis je rentrai, Nikita n’était pas là. Je pus m’asseoir sur mon lit, repensant à tout ce qu’elle avait dit. Père était-il pur ? Avaient-ils été simplement corrompus ? Malgré eux ? Les avais-je jugés hâtivement ? Et ses cheveux…
Sur le parchemin, le sujet était celui-là :

Magie noire, magie blanche, étude théorique des deux facettes d’une seule magie ; leurs rapports avec la justice.


Image
Le rêve de l'âge d'or.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...