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11 janv. 2020, 22:50
 Dover  Hôte de l'ombre  RPG++   Solo 
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20 DÉCEMBRE 2044
Dover, Angleterre



Arya et ses sœurs étaient rentrées chez elles la veille pour les vacances de Noël. Dans le Poudlard Express, la Gryffondor avait pris soin de ne pas passer le voyage dans le même compartiment qu'elles, craignant qu'elles ne se mettent à parler du bal d'Halloween. Elle leur avait à peine adressé un regard dans le taxi moldu. Quand elles furent enfin arrivées, à Dover, elle avait salué négligemment sa mère avant de monter dans sa chambre avec sa valise pour s'enfermer. Elle n'avait pas voulu rentrer. Elle avait voulu rester à Poudlard pendant les vacances, pour ne pas retourner dans cette maison où son père avait vécu. Pour ne pas que ses sœurs lui parlent de ce qu'il s'était passé au bal. Elle les avait soigneusement évitées pendant deux mois dans les couloirs de l'école, et à présent qu'elles se trouvaient sous le même toit, elle avait la sensation d'être prise au piège, comme si elles pouvaient lui sauter à la gorge et lui rappeler ses gestes idiots. Elle n'osait même pas aller dans le jardin pour grimper à un arbre et restait cloîtrée dans sa chambre. Elle n'avait pas dîné la veille, ni ce matin-là, mais n'avait pas faim. Personne n'avait essayé de la faire venir au repas.
Alison n'était pas à la maison, mais Arya ne parvenait pas à se dire si c'était une bonne chose ou non. Lindsey n'avait pas quitté sa mère depuis l'été, pour prendre soin d'elle. Jenny était arrivé le même jour qu'elles. Elles étaient déjà six, pourtant le foyer paraissait encore si vide.

Arya était appuyée à la fenêtre de sa chambre et observait l'hiver, exactement comme l'année passée. Mais à présent, elle n'attendait pas son père. Elle ne l'attendrait plus jamais.
Elle n'avait pas ouvert sa valise qui reposait dans un coin de la chambre, dans l'ombre. La pièce était sombre, elle n'avait pas allumé la lumière. Même s'il faisait jour, le ciel était d'un gris profond.

Un mouvement au-dehors attira l'attention de la fillette. Elle ne bougea cependant pas d'un pouce, même quand elle aperçut la chevelure blonde emmêlée d'Alison qui ouvrait le portail. Il y a encore quelques mois, elle aurait sauté de joie à cette vue et aurait dévalé les escaliers à une vitesse folle, au risque de se blesser. À cette pensée, sa gorge se noua. Elle aurait tant aimé retourner en arrière, un an auparavant, quand elle était encore si proche de son père et que sa vie avait du sens. À présent, elle avait la sensation que tout n'était plus qu'une tempête de brume où elle ne pouvait rien apercevoir.

De sa chambre, elle entendit Alison entrer, sa mère la saluer. Ses autres sœurs descendirent pour la revoir. Le son de sa voix lui apparut lointaine, étouffée. Son cœur se mit à battre plus vite. Alison savait déjà certainement pour le bal. Elle savait que Sandy envoyait des lettres régulières à sa mère, sa sœur n'allait pas tarder à tout apprendre si elle l'ignorait encore. Comment réagira-t-elle lorsqu'elle découvrira qu'elle n'a pas tenu sa promesse ?

Alison n'avait jamais été méchante avec elle. Mais Arya avait tellement peur de la décevoir, avait tellement retourné cette pensée dans sa tête, qu'elle s'était malgré elle imaginé les pires choses possibles.

Elle ne bougea pas plus lorsqu'elle entendit des pas monter les escaliers quatre à quatre. Ce ne pouvait être qu'elle. Seule Alison avait cette manie de grimper des marches aussi vite, avec ses longues jambes. Elle ne réagit pas non plus lorsqu'elle ouvrit la porte de sa chambre. La Gryffondor continuait de regarder par la fenêtre, le regard éteint, comme si elle n'était pas vraiment là.

Alison tourna la tête et vit sa valise encore fermée. Puis elle reporta son attention sur sa petite sœur qui n'avait l'air de n'être plus que le fantôme d'elle-même. Son instinct maternel la poussait à s'approcher d'elle pour la prendre dans ses bras, mais elle savait qu'Arya détestait les contacts physiques.

« Arya... » murmura-t-elle dans un souffle.

Elle finit par se décider à s'accroupir près d'elle, et enfin, Arya bougea. Ses yeux se tournèrent vers sa grande sœur qui poussa un soupir de soulagement imperceptible. La voir bouger, fut-ce aussi peu, la rassurait. Quand elle était entrée dans la chambre, la gryfonne semblait avoir été statufiée depuis l'été.

Le visage d'Alison était tout aussi rassurant pour la fillette. Ses cheveux blonds, presque blancs, étaient, comme d'habitude, réunis en une sorte de chignon emmêlé, comme si elle avait tenté de se coiffer, puis avait abandonné devant l'ampleur de la tâche. Elle ne semblait pas en colère, mais la position de ses sourcils lui fit penser qu'elle avait pitié. Et Arya détestait faire pitié. Elle se leva, et Alison l'imita. La Gryffondor se sentit toute petite. Quarante bons centimètres la séparaient de sa sœur. Mais était-elle encore cette petite fille qui venait pleurer auprès d'elle lorsque sa sœur s'en prenait à elle ?

Elle remarqua son regard, presque trop rapide pour être aperçu, vers sa chevelure. Arya en fut satisfaite. Elle n'était pas encore habituée à sa coupe de garçon, et elle se délecta de cette surprise.

« Est-ce que tu m'en veux ? »

Les mots étaient sortis tous seuls, contre sa volonté. Cette phrase qu'elle s'était répété des centaines de fois pendant soixante jours, cette question qui la hantait depuis le bal.

Une dizaine d'émotions passèrent sur le visage de sa sœur en une seconde. Elle finit par s'accroupir à nouveau pour que leurs yeux soient à la même hauteur et chuchota, le regard brillant :

« Bien sûr que nous, voyons ! »

Ignorant ses précédentes réticences, elle prit Arya dans ses bras et éclata en sanglot. La fillette savait qu'elle la considérait bien plus qu'une simple sœur. Elle était comme une mère, c'était elle qui s'était toujours occupé d'elle, sa mère biologique étant bien trop affairée pour cela. Elle savait quels sentiments les liaient. Elle savait qu'Alison avait dû être morte de peur pour elle, plus que chaque personne au monde. Mais pour le moment, cela n'importait peu à Arya.

Car pour la première fois, c'était Alison qui pleurait. Pas elle.

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046

25 janv. 2020, 10:53
 Dover  Hôte de l'ombre  RPG++   Solo 
22 DÉCEMBRE 2044


Solide sur ses genoux. Rapide comme le vent. Souple comme un chat. L'arme n'est qu'extension du bras.

Derrière la grille de son casque, la respiration saccadée d'Arya résonnait. Elle plia le genou, tendit son bras et son fleuret vint s'entrechoquer avec celui de son adversaire. Elle n'arrêta pas son offensive pour autant et attaqua de nouveau. Lorsqu'enfin, la pointe de son arme parvint à percer les défenses ennemies, elle se permit de souffler et recula. Son adversaire applaudit avant se retirer son casque. Le visage couvert de sueur de son maître d'arme apparut.

« Quand je t'ai vu partir à l'École Internationale Marymount, je savais bien que tu reviendrais pendant tes vacances pour ne pas perdre la main en escrime. Mais jamais je n'aurai pensé que tu garderais un tel niveau. Je te félicite, Arya. Tu es une élève des plus surprenantes. »

Touchée par le compliment, la fillette s'empara aussi du dessous de son casque pour le retirer. La transpiration collait ses cheveux sur son front et elle était encore essoufflée.

« Merci à vous. De bien vouloir continuer à m'entraîner. »

Le petit homme hocha la tête et chacun alla prendre sa bouteille d'eau pour se désaltérer. Arya remarqua le drôle de regard que lui lança en coin le maître d'arme. Elle savait qu'elle l'avait surprise en venant au gymnase ce jour-là, tout d'abord par sa coupe de cheveux, qu'il n'avait pas encore découverte. Il avait failli ne pas la reconnaître, puis il avait opiné d'un air satisfait, comme s'il était fier qu'elle se soit enfin affirmée.
Ensuite, elle savait que dès leur premier combat, il avait évalué son niveau d'une manière bien supérieure à ce à quoi il s'attendait. Elle n'était pas censée avoir pratiqué l'escrime depuis 5 mois, pourtant elle avait gardé l'ensemble de ses aptitudes intactes, pour ne pas dire qu'elle s'était améliorée. La fillette ne lui avait pas révélé qu'en réalité, elle s'était entraîné comme jamais dans le parc de Poudlard, pendant ces heures de repos où elle n'avait qu'une envie, s'évader.
Et enfin, elle avait insisté pour qu'ils continuent l'entraînement même une fois les deux heures initiales écoulées. Voilà déjà quatre heures qu'ils croisaient le fer et elle ne semblait toujours pas rassasiée. Elle s’imprégnait de chacune des remarques de son professeur, les gravait dans son esprit pour pouvoir s'y concentrer lorsqu'elle serait seule avec sa branche dans le parc de Poudlard.

« Dis-moi Arya... »

Le ton soudainement différent adopté par le maître d'arme interpella la Gryffondor. Elle leva les yeux l'écouta attentivement.

« Je me demandais si, aux prochaines vacances, tu accepterais de participer à une compétition. »

Arya se figea. Elle n'avait jamais fait de compétition, pour une bonne raison. Son professeur savait très bien qu'elle détestait cet aspect du sport et il avait formulé sa requête sur un ton prudent, surveillant sa réaction. S'apercevant qu'elle s'apprêtait à décliner son offre, il l'interrompit :

« Attends ce que j'ai à te dire avant de refuser. Je sais que tu n'aimes pas ça, mais c'est une compétition interclubs. Mes autres élèves n'ont aucune chance, ils ne souhaitant pas vraiment participer non plus. Mais je suis obligé de présenter quelques élèves, et je pense sincèrement que tu devrais y aller. S'il te plaît. Tu ne serais pas obligée de parler, je ne te demande que de faire ce que tu sais faire le mieux. Te battre. »

Elle se mordit les lèvres, mal à l'aise. Elle comprenait l'enjeu que cette compétition représentait pour son professeur, et se demandait si cela valait qu'elle entre en contact avec d'autres personnes de son âge. C'était contre ses principes. Elle faisait tout pour ne jamais avoir à le faire, pourquoi se jetterait-elle ainsi dans la gueule du loup ? Le regard de son maître d'arme lui pesait, elle ne se voyait pas lui dire non. Peut-être pourrait-elle s'y rendre, seulement le temps de quelques combats... Elle pourrait garder son casque tout du long, ne pas adresser la parole à quiconque...

« Je... J'y réfléchirai. Je ne sais pas trop, c'est...

Je sais. Mais ça ne te serait que bénéfique de te confronter à d'autres adversaires. Tu connais mon style de combat et mes mouvements favoris, je ne suis pas suffisant pour que tu t'améliores. Vois ça comme une excellente manière de t'exercer. »

Il savait qu'elle était sur le point de céder. Il lui adressa un dernier regard suppliant, et la Gryffondor poussa un long soupir.

« Ok, ok... Je verrai si je peux.

Génial. Je t'inscris sur la liste des 12-13 ans alors !

Mais je ne vous promets rien, compris ? »

Il hocha la tête, mais savait déjà qu'il avait gagné. La fillette se demanda si elle devait en parler à sa mère. Si elle lui disait que c'était un simple entraînement, elle la laisserait y aller. De toute façon, elle ne faisait plus très attention à elle depuis le décès de son père. Elle improviserait bien en temps voulu.

Elle posa sa bouteille dans un coin du gymnase et récupéra son arme. Elle replaça son casque devant son visage en même temps que son maître d'arme, et tous deux se postèrent face à face. Une inspiration, et le combat avait déjà repris.

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046

26 janv. 2020, 11:36
 Dover  Hôte de l'ombre  RPG++   Solo 
23 DÉCEMBRE 2044


Chute. Choc. Douleur. Reproche. Peur. Coups. Murmures. Éclair blanc.

Chute. Choc. Douleur. Reproche. Peur. Coups. Murmures. Éclair blanc.

Chute. Choc. Douleur. Reproche. Peur. Coups. Murmures. Éclair blanc.

Éclair blanc.

Éclair blanc.


Allongée sous les couvertures de son lit, Arya s'agita, encore endormie.

Éclair blanc.


Sa main s'agrippa à la première chose qui lui passa sous la main. Elle tint son matelas comme pour éviter de se noyer.

Éclair blanc.

Éclair blanc.

Éclair blanc.


Un cri s'éleva dans la chambre. Arya se redressa brusquement sur son lit, la respiration saccadée, les membres tremblants.

Elle n'entendit pas les pas précipités dans le couloir. Son cœur cognait trop fort, son sang pulsait contre sa tempe.

« Arya ! Arya, qu'est-ce qui se passe ? Parle-moi ! »

Des mains se cramponnèrent à ses bras, mais ses yeux mirent du temps à s'habituer à l'obscurité ambiante. L'éclair blanc refusait de se dissiper, persistant. Finalement, le visage d'Alison apparut devant elle. Les traits tirés par l'inquiétude, les cheveux dans tous les sens, elle attendait. Elle attendait qu'elle parle. Elle attendait une réponse.

Ce visage aurait été rassurant avant. Avant. Mais avant quoi, au juste ? Il s'était passé tant de chose depuis l'été. Et pourquoi ce visage n'avait plus cette capacité incroyable de la calmer ?

Elle connaissait la réponse. Mais se l'avouer était bien plus compliqué. Son esprit avait créé une autre version d'Alison, une version qui la réprimandait et qui lui rappelait la promesse qu'elle n'avait pas tenu. C'était tout à fait puéril. Cette version n'existait que dans sa tête. Devant elle, à cet instant, c'était la vraie Alison, sa véritable sœur, et elle ne lui voulait aucun mal.

Et pourtant. Pourtant elle était incapable de lui parler. La jeune femme la fixait d'un regard de plus en plus inquiet, guettant la moindre syllabe qui pourrait sortir de la bouche de sa petite sœur. Mais cette bouche restait obstinément close.

« Arya ? Tu es malade ? Dis quelque chose ! »

La Gryffondor fronça les sourcils. Tenta de formuler un son, un mot. En vain. Ses lèvres restaient indéniablement collées, ses cordes vocales semblaient en feu pour qu'elle ne puisse plus les utiliser. Le regard de sa sœur n'arrangeait rien.

Alison attendait un signe de sa sœur, un signe qui lui indiquerait que tout va bien. Mais sa petite sœur semblait en proie à un combat intérieur. Elle ne la lâcha pas, pour lui montrer qu'elle était là, qu'elle n'était pas seule.

Mais ce contact ne faisait que renforcer le trouble d'Arya qui finit par fondre en larmes. Alison en fut tellement surprise qu'elle la lâcha, l'observa craquer sans savoir comment réagir. Elle avait toujours réussi à réconforter Arya quand elle n'allait pas bien jusque-là. Elle avait toujours réussi à être la mère qu'elle n'avait pas pu avoir. Elle avait toujours réussi à faire en sorte à ce qu'elle se sente en sécurité avec elle. Pourtant, à cet instant, elle eut la sensation désagréable de se retrouver face à une autre Arya.

C'est alors que Lindsey, réveillée par le cri et les pleurs d'Arya, fit irruption dans la chambre en se frottant les yeux. Alison se retourna en l'entendant, pendant qu'Arya couvrait son visage de ses mains. L'aînée de la famille observa le tableau qui s'offrait à elle avec incompréhension, à moitié éveillée.

« Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ici ? demanda-t-elle à Alison.

Je crois qu'Arya a fait un cauchemar. Mais tout va bien Lin', tu peux aller te recoucher, je maîtrise la situation.

Tu maîtrises la situation ? Tu en es sûre ? Ça n'en a pas l'air. »

Arya sanglotait toujours, et Alison se mordit les lèvres.

« Lindsey, retourne te coucher. S'il te plaît. »

L'aînée savait qu'Alison était la seule qui savait calmer la benjamine, elle quitta donc la pièce après quelques secondes d'hésitation.

Alison attendit patiemment que les pleurs d'Arya s'arrêtent. Cette dernière fuyait le regard de sa sœur et s'obstinait à fixer ses draps. Bien qu'elle en fût blessée, Alison ne montra rien et lui chuchota des paroles réconfortantes en la prenant par les épaules pour la recoucher. Elle replaça la couverture correctement sur le frêle corps de sa petite sœur et la borda jusqu'à ce qu'elle s'endorme à nouveau.


Éclair blanc.

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046

08 févr. 2020, 15:14
 Dover  Hôte de l'ombre  RPG++   Solo 
24 DÉCEMBRE 2044 AU SOIR


Pas de sapin cette année-là. Le salon était aussi triste qu'habituellement, sombre et vieux. Au mur, on pouvait voir des photos de toutes les filles de la famille Nightshade au cours de leurs vies : Lindsey lorsqu'elle avait 11 ans, sur le quai de la voix 9 ¾, Jenny et Alison portant leurs écharpes de Serdaigles avec fierté main dans la main, Sandy à 5 ans en train de lire son premier livre, Madison qui s'exerçait aux potions... Leurs petites têtes blondes s'agitaient sur le mur, reproduisant les mêmes gestes depuis des années. Seule la benjamine était bien moins présente que les autres parmi les cadres. On pouvait apercevoir, dans une photo épinglée plus petite que les autres, Alison portant Arya alors que cette dernière n'était qu'un nourrisson. Une autre montrait la petite fille riant aux éclats, accrochée à un arbre. Là s'arrêtaient les clichés sur elle, alors que ses sœurs avaient bien droit au double.

Une légère odeur de pudding flottait dans l'air, seul indice sur Noël. La maman Nightshade, toujours dans un état fantomatique depuis la mort de son mari, reposait sur le fauteuil du salon, près de la cheminée, et regardait les flammes lécher la bûche. Lindsey, l'aînée, qui avait préparé le repas, aidée par Jenny et Alison, tentait désespérément de diffuser un peu de bonne humeur. Malgré le manque de décoration, Jenny avait tenté de ramener la magie de Noël dans la maison en installant un fond sonore de chansons traditionnelles. Le repas était déjà terminé, pourtant Sandy était encore à table, un livre entre les mains. Madison, sur le canapé aux côtés de sa mère, observait aussi les flammes d'un regard vide.

L'absence du père de famille était palpable. Aucune photo de lui dans le salon, mais tout le monde avait son visage en tête. Arya, elle, avait, de surcroît, sa voix dans sa tête. Assise à même le sol, le plus loin possible de la cheminée, les jambes repliées autour de ses bras, elle se balançait légèrement d'avant en arrière.

Sans les trois aînées de la famille, le tableau aurait paru complètement immobile. Chacune était plongée dans ses pensées, loin, très loin d'ici.

« Te souviens-tu du cadeau que je t'ai offert l'année dernière ? Te souviens-tu de ce pendentif aux couleurs de Serdaigle que tu as lancé par la fenêtre ? »

Alors que l’inconditionnel Jingle Bells se jouait dans le salon, Lindsey frappa dans ses mains et annonça que l'heure des cadeaux était arrivée. Cette nouvelle n'eut pas l'air d'enchanter grand monde. Habituellement, c'était leur père qui offrait. Cependant, cela eut l'air de réveiller leur mère, qui se leva de son fauteuil avec lassitude.

« Allez les filles, venez. »

Elle devait certainement penser qu'il était de son devoir de remplacer leur père pour cette fois. Sandy referma son livre sur la table et se rapprocha de Madison.

Alison, elle, chercha un moment Arya du regard, avant de se rendre compte que c'était elle, l'ombre dans un coin du salon. Elle s'accroupit à sa hauteur et lui lança un regard empli de douceur en lui posant une main sur la sienne.

« Arya ? Viens, j'ai quelque chose pour toi. »

La Gryffondor renifla et se releva avec peine. Elle ne voulait pas se fondre dans cette famille déjà brisée. Elle voulait retourner dans sa chambre et pleurer de tout son soûl.

« Au fait, l'argent que je t'ai donné cet été pour ton balai, ça t'a plu ? » demanda Alison d'une voix douce.

Arya hocha la tête sans dire un mot. Elle ne lui avait pas parlé depuis l'épisode du cauchemar. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir essayé. Seule dans sa chambre, elle parvenait sans soucis à utiliser sa voix. Pourtant, dès qu'elle était en présence de quelqu'un, et que ce quelqu'un attendait qu'elle lui adresse la parole, rien ne venait et ses lèvres restaient obstinément closes.

Alison l'emmena jusqu'au canapé, où ses sœurs s'échangeaient déjà des cadeaux. Arya aperçut Sandy déchirer le papier recouvrant un livre. Leur mère les observait, un sourire triste sur les lèvres. Alison s'accroupit de nouveau à la hauteur de la Gryffondor, même si cette dernière était debout cette fois. Elle lui sourit et lui tendit un cadeau rectangulaire. En posant ses yeux dessus, Arya crut que c'était un livre, mais en s'en emparant, elle se rendit compte que ce n'était pas assez souple pour en être un. Elle jeta un regard incertain à Alison, qui l'encouragea à l'ouvrir.

Elle déchira le papier rouge. Soudain, ce fut comme si elle était revenue un an auparavant, lorsqu'elle ouvrait que le cadeau de son père. Puis l'année d'avant, où son père lui avait offert un livre sur les différents fabricants de balais. Et encore auparavant, lorsqu'elle avait reçu Le Quidditch à travers les âges. Elle ne revint au moment présent que lorsqu'Alison prononça son nom. La gorge nouée, la fillette finit de déballer son cadeau.

Son cœur rata un battement en le voyant. Elle le fixa un long moment, les mains tremblantes. Dans un cadre noir, une photo s'agitait sous ses yeux. Elle se reconnut, souriante, ses tresses disgracieuses encadrant son visage. Cette photo datait, elle n'y avait pas les cheveux courts. Près de l'ancienne Arya, Logan Nightshade, son père, déposait un baiser sur son front. Elle ne se souvenait même pas du jour où ce cliché avait été pris.

Reducio
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Elle regarda sa sœur, au bord des larmes. Elle s'aperçut que toute la famille regardait aussi le cadre qu'elle tenait. Un sourire triste était collé sur le visage d'Alison.

« N'oublie jamais. Il t'aimait. »

À cet instant, Madison se leva brutalement et sortit en courant du salon, rejoignant sa chambre à l'étage. Arya était trop subjuguée par la photo pour y faire très attention. Cependant, Alison, en fidèle grande sœur, se leva à son tour et la suivit dans les escaliers.

Peu à peu, toute la famille quitta le salon pour aller se coucher. Les débris de papier cadeau jonchaient le sol comme les cadavres d'une guerre sanglante. Il ne restait plus que la jeune Arya. Elle s'était assise sur le canapé et ne parvenait pas à détacher ses yeux de la photo, de son père qui l'embrassait à l'infini.

Depuis que son père avait disparu, elle persistait à croire qu'elle s'en fichait, qu'elle le détestait de toute manière. Qu'il n'était déjà plus rien pour elle avant même que la vie ne le quitte. Mais cette photo l'avait ramené à l'époque où elle et son père avait cette relation impérissable, où elle l'aimait de tout son cœur. Cela avait été ainsi durant onze longues années. Cela ne pouvait pas être fondé sur de pauvres illusions de gamine.

La fillette passa la nuit à se poser mille questions sans fermer l’œil à un seul instant.

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046

08 févr. 2020, 23:29
 Dover  Hôte de l'ombre  RPG++   Solo 
26 DÉCEMBRE 2044


Chute. Choc. Douleur. Reproche. Peur. Coups. Murmures. Éclair blanc.

Le cauchemar qu'Arya avait eu cette nuit-là n'était pas aussi violent que d'habitude. Elle s'était réveillée en sursaut, certes, mais n'avait pas émis un son. Elle avait observé l'obscurité pendant un moment, puis, n'y tenant plus, elle était sortie de son lit. Ses pieds nus avaient survolé le parquet qui craquait habituellement. Elle avait rejoint la salle de bain sans faire de bruit, tel un fantôme dans la nuit.

Il faisait sombre, et son reflet dans le miroir n'était qu'une ombre effrayante. Le cœur frappant encore contre sa poitrine, elle ouvrit le lavabo et se jeta de l'eau sur le visage. Elle étouffa un bâillement avant de se sécher la figure avec une serviette blanche.

« Arya ? »

La Gryffondor sursauta en faisant un bond. Elle se retourna en aperçut une forme sombre dans les ténèbres. Son cœur repartit.

Sa sœur alluma la lumière, et Arya se cacha les yeux, aveuglée.

« Qu'est-ce que tu fais là à cette heure-ci ? 
»

La fillette ignorait quelle heure il était. Elle savait seulement que le soleil n'était pas encore levé. Elle ne savait que dire.

Madison s'approcha d'elle, les sourcils froncés. Arya avait rarement eut l'occasion de la voir ainsi. En pyjama, les cheveux dans tous les sens, des cernes énormes sous les yeux. Elle ne les avait jamais remarqué. Peut-être qu'elle se maquillait ? Ou bien elle n'avait jamais vraiment fait attention. Toujours étant qu'elle avait la sensation de se retrouver face à une autre Madison. Elle ne lui avait pas adressé la parole depuis la mort de leur père.

Madison, la sœur qui avant, l'aurait rabroué d'odieux commentaires, haussa les épaules devant son silence et fit un pas vers le lavabo pour s'asperger à son tour le visage. Elle resta un instant la tête baissée, appuyée contre l'évier. Cette image rendit Arya confuse. Madison était une fille forte, la voir ainsi était inconcevable. La Gryffondor se rendit enfin compte que sa sœur ne l'avait pas embêté depuis longtemps. Depuis quand était-ce ainsi ? Aurait-elle été assez aveugle pour ne rien voir ?

« Alors ? insista-t-elle. Qu'est-ce qui t'arrive, à toi ? La préférée ? La sauvage ? « 

Arya se figea à ces mots. Elle fixa sa sœur, incapable de bouger devant son ton empli de haine. Madison n'avait jamais été très gentille avec elle, mais jamais elle n'avait perçu une telle colère contre elle. Elle chercha en vain ce qu'elle avait pu faire pour trouver ses foudres. Elle se rappela alors le soir du réveillon, lorsqu'après avoir reçu la photo d'elle et son père, Madison s'était enfuie dans sa chambre, ou encore toutes les fois où elle l'avait entendu, le soir, pleurer avant de s'endormir. Et tout cela avait commencé au décès de leur père... Comment avait-elle pu passer à côté ? Elle était tellement renfermée sur elle-même, tellement égoïste qu'elle ne s'était pas inquiété un seul instant de l'état de ses sœurs, et encore moins de celui de Madison. *

« T'as perdu ta langue ? »

Son ton était toujours aussi tranchant que la lame d'une épée. Arya voulait répondre quelque chose, mais, comme avec Alison, ses lèvres ne se dénouèrent pas.

Madison lui jeta un coup d’œil, soupira, et Arya perçut quelque chose se briser en elle. Son visage se fit plus doux, fatigué, toute trace de colère gommée. La fillette était subjuguée par ce brusque changement.

« Ne me regarde pas comme ça, s'il te plaît. »

Devant son éternel silence, Madison se détacha enfin du lavabo et s'approcha d'elle. Arya recula, et son dos rencontra le mur glacé à travers son pyjama. À son plus grand étonnement, sa sœur la prit par la main et l'entraîna hors de la salle de bain. La Gryffondor se laissa guider, interdite.

La Serdaigle l'emmena jusqu'à sa chambre et referma la porte. Arya resta muette devant ce geste incroyable. D'aussi loin qu'elle se souvenait, elle n'était jamais entrée dans la chambre de sa sœur. Elle l'avait simplement vue à travers la porte entrebâillée, mais n'avait jamais dépassé le seuil de la porte.

C'était une chambre semblable à la sienne en termes de meubles, mais avec bien plus de décoration. Sur tout un pan du mur, au-dessus de son bureau, on pouvait voir de multiples photos en rapport avec Serdaigle. L'équipe des Ailes d'Airain au grand complet, une photo de ses dortoirs, un poster avec le blason de la maison... On aurait presque pu croire à un autel. Au plafond, Arya vit des petites étoiles phosphorescentes qui brillaient dans le noir, représentant des constellations qu'elle avait déjà vu dans un manuel d'Astronomie. Sur un autre pan de mur, près de son lit étaient épinglées des photos de ses amis de Poudlard. Il y avait aussi une grande bibliothèque remplie pour la plupart des étagères de livres sur les potions.

Madison avait allumé la lumière en arrivant. Elle se laissa tomber sur son lit en soupirant de nouveau. Arya l'observa, tétanisée. Dans quelle situation incongrue s'était-elle encore fourrée ?

« Tu es quelqu'un d'étrange Arya. »

La Gryffondor ne réagit pas. Elle le savait déjà. Elle voulait simplement savoir pourquoi Madison, qui l'avait détesté toute sa vie, l'avait amené dans sa chambre de son plein gré. Un sort de confusion, peut-être ? Avait-elle avalé une potion expérimentale ?

« Moi aussi je le suis. »

Cette fois, Arya pencha la tête sur le côté, ne comprenant pas bien où elle voulait en venir. Madison lui fit signe de s'asseoir à côté d'elle, et, après quelques secondes d'hésitation, la benjamine obtempéra. Une telle proximité avec Madison la gênait, elle ne savait pas quoi faire. Quoi dire.

Cette dernière l'observait aussi, la détaillait de haut en bas.

« Tu ressembles à papa. »

Quatre mots. Quatre simples mots. Pourtant ces mots eurent l'effet d'une tempête dans l'esprit d'Arya. Elle n'avait jamais vraiment fait attention, mais Madison dit vrai. Elle était celle qui avait hérité le plus des traits de leur père. Madison et ses sœurs étaient le portrait craché de leur mère, avec leurs cheveux blonds et leurs traits délicats.

Mais ce qui frappa le plus Arya, ce fut la tristesse qui avait brisé la voix de sa sœur.

« Il me manque à moi aussi » articula Arya.

Les premiers mots qu'elle prononçait depuis deux jours. Ils étaient sortis tout seuls, sans qu'elle ai besoin de se forcer à quoi que ce soit.

Madison continua de la regarder avec tristesse. Ses yeux brillaient de larmes qui refusaient de couler. Arya eut un élan d'empathie pour elle et faillis avoir envie de la prendre dans ses bras.

« J'ai toujours voulu être sa préférée, commença-t-elle. Je voulais toujours te surpasser. Qu'il soit fier de moi. Mais les seules fois où il revenait à la maison, il n'avait d'yeux que pour toi, l'enfant prodige. J'avais beau faire de mon mieux pour n'obtenir que des O à Poudlard, je n'étais qu'un intello de plus dans la famille. Toi, tu te démarquais en tout. Moi j'étais comme toutes les autres. »

Arya retint son souffle, ne voulant l'interrompre. Madison lui offrait sur un plateau d'argent les réponses à toutes les questions qu'elle s'était posé des millions de fois. Madison était juste jalouse ?

« J'avais chaque fois l'horrible sensation d'échouer. Cette impression me clouait au sol, me pousser à te haïr encore et encore, et à toujours essayer de faire mieux. »

Arya se souvint de ce que lui avait dit Alison l'année passée. Que Madison était atychiphobe, la peur de l'échec. Une peur anormale, irrationnelle et persistante. *

« Quand papa est... parti, mon point de référence a disparu avec lui. Jamais plus je n'aurai l’occasion de lui montrer de quoi j'étais capable. De lui montrer que je l'aimais... »

Cette fois-ci, Madison éclata en sanglot pour de bon.

« Il est mort en pensant que je n'étais qu'une fille horrible et exécrable... »

Arya était stupéfaite. Pourquoi Madison lui disait toutes ces choses-là ? Pourquoi maintenant ?

« Tu fais des cauchemars toi aussi ? »

Arya voulait savoir, elle voulait en être sûre.

Madison hocha la tête alors que ses pleurs se calmaient.

« On est dans le même bateau depuis le début, en fait, et on ne s'en était jamais rendu compte. »

Elle éclata d'un rire triste, ironique et à la fois effrayant. Arya tenta un sourire, mais ça devait plus ressembler à une grimace qu'autre chose.

« Je suis désolée... » murmura la fillette, les mots sortant du plus profond d'elle-même.

« Moi aussi je suis désolée Arya. »

La grande sœur posa sa tête sur l'épaule de sa petite sœur, comme si les rôles s'étaient inversés.
RPG terminé

Vous dites que c'est si beau la vie. Je veux savoir comment je m'y prendrai pour vivre.
~ Antigone, Anouilh
3èmeannée 2045/2046