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20 janv. 2020, 22:35
Balade Clopinante  PRIVÉE 
[ 2 AOÛT 2044 ]
Appartement « Rengan-Paya », Londres

Charlie, 14 ans.
3ème Année


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Charlie Paya, 32 ans.
Sorcière, Mère de Charlie




L’air est immobile. Encore une fois.
Il l’est depuis tant de jours que les beaux jours mouvementés paraissent cotonneux.
Nostalgie. Beaux jours, vieux jours mouvementés ; à l’inverse de ce coton filandreux. Comme si la simple volonté de s’en remémorer créait une lenteur dans l’esprit. Lenteur cotonneuse. Artificielle. Qui donnait envie de sombrer. De s’endormir sans penser. D’arrêter ces mécanismes psychiques qui perdaient de leur ténacité sous tant de coton. Cotonneux d’esprit. Sans brume. Juste du coton qui soupirait artificiellement sous l’écrasement du Passage.
De longues jambes — illusion d’infini — semblaient définir les contours de ce Passage. Des jambes tellement longues surplombées d’un regard si dur que le coton en changeait de couleur. Et ce changement n’était pas réel, lui aussi s’ironisait d’illusion ; le coton était rouge depuis le début, depuis toujours. Il dégoulinait sous l’écrasement, comme des centaines de pores en sueur de sang.
Rouge-sang sous l’écrasement du Passage, le coton soupirait avec lenteur face à cette femme qui se tenait si droite qu’elle semblait figée. Figée d’un mouvement Passager, en plein élan, donnant une autre illusion : une réflexion profonde de l’instant-d’après, celui qui était en train d’arriver, celui qu’elle décortiquait dans son esprit limpide, vif, concis.
Le coton suait du sang écarlate, un rouge d’illusion — encore une fois. Un rouge de sang réel, mais qui paraissait si faux quant à sa teinte claire, vive, éclatante. Un sang réel qui sonnait faux, discordant.
L’air était immobile dans sa lancée, mouvement stoppé, et le regard émeraude de la grande femme perlait d’un rouge furtif, fugace, face à la porte close de sa fille, Charlie.

Une soudaine respiration secoua l’air si fort que toutes les secondes ralenties par le coton semblèrent s’écraser en même temps contre le battant de la porte. Un fracas illusoire, une hallucination si palpable dans les sens de Miss Paya qu’elle en prenait une consistance réelle, très éloignée du coton tout aussi réel. Rien n’avait de sens dans ce mélange, et pourtant, une Direction se révélait.
Le puissant souffle de Charlie continuait son rampement étouffé derrière la porte, pendant que les doigts de sa mère se tortillaient en serpents fous, devant cette porte — immobile. La soudaineté de cette respiration donnait l’impression que Charlie avait atterri brusquement dans sa chambre en fracassant sa fenêtre — sans le moindre bruit.
Impossible.
D’illusion ?
L’instant s’étira à nouveau.
Le souffle était de plus en plus fort, il gonflait l’air et ses pores dilatés. Attention ! Il était de plus en plus proche ! Et il dégoulinait déjà sur la cire de la porte en grosses gouttes — illusoires de réel.
Si vraies !
Les serpents de phalanges se calmèrent brusquement. Miss Paya était à présent immobile, à l’inverse de l’air mouvementé, fou.

La porte de la chambre s’ouvra à la volée, laissant le souffle de Charlie s’échouer sans retenue contre le corps de sa mère.

Oh, expira la gryffonne presque imperceptiblement.

La lancée de son pas se coupa en plein élan pour atterrir durement sur son parquet. Les trois têtes de plus qu’avait sa mère en début d’année par rapport à elle s’étaient réduites à une seule, unique tête ; la différence de taille était encore flagrante, mais de moins en moins. La douleur corporelle de Charlie était inquiétante, et de plus en plus. Quelques mèches échappées de son élastique collaient à son visage luisant d’une sueur récente, encore dégoulinante. Habillée de cette fatigue, sa peau paraissait encore plus sombre ; et ses cernes étaient des déviations fuyant sa figure tirée. Le tee-shirt blanc qu’elle portait ruisselait d’une transpiration qui tendait à sécher.

Tu vas te doucher ? demanda Miss Paya de sa voix grave.

Ouais, siffla Charlie de sa voix aigüe, mais gutturale, trainante, étirée par fatigue.

Alors je t’attends, j’aimerais t’emmener quelque-part.

La respiration difficile de Charlie se calmait lentement, son regard pouvait ainsi mieux se concentrer sur les dires de sa mère. *Quelque-part…*. Son esprit fonctionnait rapidement en comparaison à son corps trainant ; pourtant, elle n’avait pas envie de trop réfléchir face à cette situation. *’dois encore préparer c’te… fais chier*. La Direction de l’air basculait en faveur de Miss Paya, les mouvements puisaient leur force en elle.

Où est Papa ? questionna Charlie, comme pour faire mine de défendre une position déjà perdue. Une illusion qu’elle lançait au visage de sa mère, une illusion entendue et comprise.

Il n’a pas à savoir.

Parfaitement comprise. Une alchimie récente, malsaine, repoussante.

D’accord.

Un mouvement d’air — à nouveau — dans une Direction qui s’éclairait : Charlie Paya se décalait en invitant sa fille à l’action, une invitation que Charlie accepta poliment ; l’embrasure de la porte était libérée du grand corps.
D’un mouvement toujours aussi poli, la gryffonne sorti de sa chambre pour se diriger vers la salle de bain, accompagnée du regard de sa mère planté sur son dos. Un regard qui ne quittait pas sa cible, un regard accroché qui était aussi doux qu’abusivement appuyé, débordant de fragrances protectrices. La grande tache de sueur sur le dos de Charlie formait une curieuse fractale : des alvéoles par centaines, telles des dizaines de poumons enchevêtrés — puis la porte de la salle de bain englouti la forme ruisselante.


Quelques minutes passèrent — durant lesquelles Miss Paya garda les yeux plantés sur la petite tente rouge qui trônait au milieu de la chambre de sa fille. La douce musique de l’eau parvenait par vagues étouffées, comme étranglées par la pression de l’instant. L’esprit de Miss Paya semblait éprit d’une concentration profonde, l’éclat de ses yeux ne reflétait que le passage serein d’une épaisse lave de pensées.
La porte de la salle de bain s’ouvrit à la volée, dévoilant en son centre la grande Rouge et Or. Elle portait un tee-shirt blanc bien trop large — et parfaitement sec — ainsi qu’un court short, tout aussi blanc, qui exhibait une grande partie de ses jambes. Une paire de bottines noires habillait ses pieds. Ses cheveux étaient encore mouillés alors elle glissa son élastique bleu dans sa poche. *Quelque-part…*. Sa conscience bouclait sur ce mot précis, un mot qu’elle avait entendu des dizaines de fois cette année ; s’en était presque devenue une habitude, ainsi les traits de Charlie étaient tirés en une certaine indifférence. Elle fit quelques pas en direction de sa mère, des pas lourds.
L’air n’était plus immobile. Il était balloté de flux, d’émotions et de Magie. Et durant un instant — vif et claquant — l’air atteignit son apothéose en un son strident : un transplanage brutal.

Silence.

Charlie Paya et sa fille n’arboraient plus cet appartement de leurs présences.

Silence assourdissant.

L’air est immobile, à nouveau. Pas encore cotonneux.

Certes, pas encore — jusqu’au prochain instant.
Dernière modification par Charlie Rengan le 15 févr. 2021, 01:31, modifié 2 fois.

je suis Là ᚨ

22 févr. 2020, 19:41
Balade Clopinante  PRIVÉE 
Le 2 août 2044
Dans l'après-midi
Forêt d'Aslan, Cambridge
Dans la maison de Cassiopée


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L'air circule lentement, dans la maison. Il est alourdi par la chaleur.
Bien qu'entourée de nombreux arbres, le hameau de la Forêt d'Aslan – qui abrite les huit imposantes maisons recouvertes de végétaux des oncles et tantes d'Adaline – est baigné par la lourde lumière du Soleil, celle qui pénètre difficilement les murs de pierres des baraques mais qui s'est infiltrée par une fenêtre ouverte dans celle de Cassiopée.

D'ailleurs, la vieille femme flâne dans la maison. Elle descend les escaliers suivie de la petite fille aux cheveux de jais. Adaline descend les escaliers derrière Cassiopée, lentement, au rythme que lui dictent les pas de sa grand-mère. Les deux sorcières viennent de faire un tour dans toutes les chambres. Particulièrement dans celle d'Amanda – une fille de Cassiopée et tante d'Adaline, qui a quitté le hameau pour la France. En fait, en mai, lorsque s'est arrivé, Ça, Amanda et sa famille étaient en France. Son mari est français. Mais il n'a jamais rien appris à Adaline, et moins encore à Cassiopée. *J'l'aimais pas* avait souvent pensé la gamine, depuis qu'elle était rentrée. La vieille femme non plus, ne l'aimait pas. Mais elle avait sa fille en amour, évidemment. Les enfants d'Amanda, d'ailleurs, ne manqueront pas tous ; seul le cadet, Louis, était appréciable. Les deux jumelles qu'elle avait enfanté plus tôt – un an après Adaline – venaient probablement des Enfers.

Le premier pied posé au rez-de-chaussée, et Cassiopée se tourne vers Adaline.

« Adaline. Aujourd'hui, quelqu'un vient. »

La fillette s'est arrêtée dans l'escalier. Elle fixe le visage tout juste ridé de sa grand-mère. Pour une vieille dame, Cassiopée est convenablement conservée ; ses cheveux bien que blancs sont toujours épais, ses yeux bleus rayonnent toujours, sa Magie est toujours aussi impressionnante. Seules les rides au coin de ses lèvres et de ses yeux trahissent son âge.

« Pourquoi ? » demande-t-elle, titubant bientôt entre deux marches de l'escalier, recouvert d'une moquette rouge, trop vieille. Avant de demander qui, *pourquoi ?*

Depuis qu'Adaline est rentrée, à la fin de ce langoureux mois de Juin, elle a oscillé entre des journées avec Cassiopée, d'autres avec Jane, et a passé la plupart du temps avec Lune – qui joue probablement au fond d'un jardin, ou y sommeille. Celles où elle ne voyait pas Cassiopée étaient étranges. Peut-être à cause de cette distorsion dans la Puissance Magique qui s'émane toujours de Cassiopée et à laquelle Adaline est de plus en plus sensible. C'était comme si... D'autres Puissances apparaissaient, puis disparaissaient lorsque l'Energie Magique redevenait stable. Et puis, la semaine dernière, Adaline a observé la Lumière Verte de la Cheminée s'allumer dans le salon de Cassiopée. Mais elle ne lui a rien demandé. Qu'aurait-elle dit ?

« Tu verras, Adaline, tu verras, dit-elle, mystérieuse, un sourire amusé sur le visage. Elle se retourne bientôt. Nous allons attendre dehors. »

En ouvrant la porte, l'Energie Magique se tord. En ouvrant la porte, c'est autre chose encore que Cassiopée ouvre. Dans la poche de sa robe violette brodée de fleurs plus violettes encore, Cassiopée attrape sa baguette. Elle lève le sort qui empêche de transplaner ici. *Elles arriveront bientôt* pense la vieille femme. Cassiopée saute le pas la première en posant ses deux pieds à l'extérieur. Plantée au dessus des quelques marches du perron, couvert d'un toit végétalisé, Cassiopée fixe l'allée. De petits cailloux clairs, l'allée est éclairée d'un Soleil chaud. L'air était déjà lourd, à l'intérieur, mais la porte ainsi ouverte écrase toutes chances de recouvrer la fraîcheur des murs de pierre. L'air dilaté pénètre dans la maison, sans épargner Adaline qui s'apprête à la traverser. La fillette grogne, lorsque l'air chaud passe entre ses jambes nues. Elle porte un short noir et un t-shirt à rayures, qu'elle affirme trouver ridicule. Son front transpire, colle aux cheveux trop courts pour être intégré à la queue de cheval sur le haut de sa tête. Finalement, elle sort dehors. Plus encore, la chaleur l'inonde. Mais, surtout, l'Energie est décidément troublée.

L'atmosphère se fait lourde, plus le temps passe, dans le silence de l'aînée.

Cette aînée qui se tient là, droite. Elle fixe la forêt qui ferme l'allée, la même qui démarre du perron de sa maison. Le chemin termine nul part, là où la dernière maison est plantée : l'herbe pousse à partir de là, mêlée à quelques-uns des mêmes cailloux qui recouvrent l'allée.
L'aînée sait. Elle sait ce qui vient. Elle sait ce qu'Adaline ne sait pas. Son sourire laisse place au Songe, visible sur son visage. Depuis les vacances de Pacques, Cassiopée se forge une réputation. Dans ce pourquoi elle est douée. Dans ce pourquoi Adaline ne sait rien.

Tout cela s'interrompt quand deux silhouettes apparaissent. Transplanent.

La fillette aux cheveux jais – ses billes sombres jouaient avec les marches en pierre et leur asymétrie – sursaute. Ses yeux filent sur les deux silhouettes, au bout de l'allée. L'air tordu dans un sifflement étonnant se détend progressivement. Elle guette la réaction de sa grand-mère. *C'est qui, ça ?*

Celle-ci a quitté les Songes. Elle fixe fermement, et à la fois affectueusement, les deux silhouettes qui semblent s'approcher.
Elle ouvre bientôt les bras, pour indiquer la porte toujours outrageusement ouverte.

Magic Always Has a Price
6ème année

25 mars 2020, 23:11
Balade Clopinante  PRIVÉE 
oOo

Hameau, Forêt d'Aslan, Cambridge-Est



Un point précis, infinitésimal, se comprime. Deux molécules qui se frottent si fort qu’elles libèrent de l’énergie de leur étreinte. Une chaleur dans la canicule de cette journée, un surplus flagrant. Dérangeant.
Ce petit point réfractait les arbres environnants, ceux-ci y dansaient en torsades ; brisées en mille morceaux. Minuscule point de pression, compressant quelques molécules environnantes, qui en attaquait d’autres ; puis d’autres. Et l’épidémie se répandait à une vitesse effrayante.
Le point devenait une tache, et la tache, une flaque réfractive. L’air était brûlant.
La friction de la Magie s’éveillait.

Shlak.

Et toute l’énergie se libéra brusquement, faisant apparaître deux corps ; dont un titubant. Cette arrivée soudaine perturba la sérénité de l’allée, quelques cailloux furent éjectés sous l’impulsion magique. Pourtant, la quiétude revenait déjà, le naturel recouvrait l’anormal.

Redresse-toi.

Charlie était parfaitement debout, mais son buste penchait vers le sol. « ’dieu… » Son estomac pulsait dans sa gorge, alors que sa bouche respirait dans son ventre ; ce transplanage ne s’était pas aussi bien passé que les précédents.
La main de Miss Paya saisit le tee-shirt de sa fille pour la forcer à se redresser. Celle-ci grimaça en retour, lui jetant un regard perçant juste avant de se rendre compte de ce qui se déroulait face à elle.
Un petit hameau de quelques maisons ; déséquilibré. *C’cassé*. En pleine campagne.
La nausée de Charlie était en train de se dissiper. Elle cracha bruyamment par terre, pour éjecter l’impression qu’elle avait de marcher sur la tête.

Charlie…

La Rouge et Or sentit à nouveau la présence des doigts dans son dos, fermes, en même temps que l’environnement chantant. « C’est bon, ça va ». Il y avait beaucoup de vert autour, alors elle tendit l’oreille. La forêt était paisible, à l’exception de quelques sons d’animaux discrets, fantomatiques. Quelques frottements entre les feuilles, fantasmagoriques.

Ne me fais pas honte, regarde devant toi.

L’esprit encore renversé, Charlie observa plus attentivement l’allée précaire qui s’étendait face à elle. La disharmonie des quatre maisons sur la droite face aux trois maisons sur la gauche la frappa encore une fois. Il y a avait bien trop de végétation partout, ce n’était pas un environnement naturel pour la gryffonne — paradoxalement. Elle restait indifférente face à tout ce vert. Aucun… *Là*. En face, en pleine face, deux personnes. *Là, 'partie arrachée des huit*.



Une femme et une fille, debout comme deux poteaux qui encadraient cet endroit. La main de Maman me poussait, alors je lançais mes jambes sans détourner mes yeux de ce point d’accroche, là, point d’équilibre de mes pas. Cette femme-là.
Elle était bizarre. Mais on marchait quand même vers elle. Avec les sons de la forêt qui nous entouraient, faibles ; ils chuchotaient ?

*’dieu…*. Je ne me sentais pas très bien, ma gorge était sèche. C’était à cause du sport, mais il y avait autre chose. *Foutu transplanage*. Il y avait cette… Autre.



Le regard de Charlie ne quittait pas une seule seconde le visage en demi-teinte de la femme postée sur le perron. Une Magie expansive — naturelle — se dégageait de son aura. L’environnement semblait s’être adapté à la présence de cette force de la nature. La végétation était florissante, mais elle prenait des chemins sinueux, forcés. La flore donnait l’illusion d’évoluer tout autour de cette femme, point d’origine de ce cadre.
Tout ce tableau éveillait la sensibilité de la Rouge et Or, tandis que sa mère ne montrait aucun signe de curiosité. Tout était normal. Classique. Légèrement rustique ; quelque-peu charmant. Miss Paya se sentait parfaitement bien au milieu d’une telle flore. Le calme langoureux de la nature se mariait somptueusement avec son regard clair, y reflétant des éclats de bien-être.
Ce qui semblait être l’inverse pour Charlie. Trop de vert, pas assez d’agitation, une odeur inconnue. Étrange… Cet endroit était étrange.

Mère et fille avançaient à travers l’allée, sans un mot, les deux regards fixés sur la femme-à-la-Magie-Galbée. Un silence d’humains, pour laisser la seule expression de la nature ; seul le léger clopinement de Charlie crissait sinistrement contre les cailloux.

Madame Miller, salua Miss Paya d’un air poli, en direction de l’intéressée.

Elle s’arrêta ; Charlie en fit de même, presque instantanément.

Madame, enchaîna sa fille en baissant très légèrement sa tête — à l’image de son père. Une grimace très furtive traversa le visage de sa mère.

Jeune fille, continua Miss Paya en direction de l’enfant qui accompagnait Madame Miller ; son ton était poli, très anglais, distingué. À la limite du charmeur.

Charlie ne suivit pas son deuxième salut, puisque son regard ne quitta pas la Dame-à-la-Magie-galbée ; elle était bien trop alpaguée par son observation.
Un demi-sourire apparut sur le visage de sa mère, ayant l’espoir de camoufler le manquement de sa fille.
Dernière modification par Charlie Rengan le 06 mai 2020, 01:23, modifié 1 fois.

je suis Là ᚨ

29 mars 2020, 16:23
Balade Clopinante  PRIVÉE 
Au fur et à mesure que les deux silhouettes avancent, l’attention d’Adaline se fait plus aiguisée. Bien que leur seule façon d’arriver soit – pour elle – un signe qu’elles sont dignes de sa plus attentive attention. Ses yeux agrandis guettent. Et le sourire de sa grand-mère ne fait que s’intensifier. D’un mouvement, la Magie qui recouvre le lieu habituellement reprend sa place. *J’crois qu’j’ai jamais vu ça* a pensé la fillette dans un élan candide de l’émerveillement d’un enfant.

Dans le paysage offert à voir, les silhouettes se détachent avec grâce. Elles contrastent de leurs habits de ville avec le vert dont elles sont assénées de toutes parts. Les lierres ont recouverts les maisons d’un manteau vert foncé sinueux, les arbres les plus grands autour du hameau ne laissent qu’un tour de Lumière dans leur canopée ; comme un puits. Et les bruits qu’offrent la Nature couvrent pour le moment les mots prononcés par les silhouettes que le Temps précise. Dans ces doux murmures s’étalent les vies environnantes, celles des oiseaux des hautes cimes, des insectes des parterres forestiers et des mammifères qui accueillent le hameau au sein de leur habitat.

Une volée d’oiseau traverse le ciel dégagé et intensément bleu que les branches les plus hautes laissent entrevoir. Il n’y a sûrement pas de temps plus Beau. La chaleur écrasante largement compensée par la Majesté de l’endroit.

La distorsion subie plus tôt semble guérie et l’air flottant n’est que Paix et sérénité. Comme le serait celui d’un endroit de religion.

Peut-être que bientôt, tant les silhouettes se font proche, le Silence éclectique se brisera pour laisser venir quelques consonances plus humaines.

Et enfin, Cassiopée – que la Nature semble vouloir conserver tant ses traits restent vifs – peut apprécier de voir ses Clientes.

Les deux femmes – bien que l’une d’elles ne soit qu’une fille – se ressemblent fort. La couleur de leur yeux, comme quatre émeraudes éclairées du soleil paisible qui plane au-dessus du lieu, est hypnotisante. On ne peut pas en dire autant des deux autres qui leur font face. La vieille Cassiopée a des iris céruléens qui donnent à ses yeux l’air profondément clairs. Et la fillette à son côté est affublée de deux abysses marrons, profondes mais pas si belles.

*C’est elles* pense Cassiopée en se parant d’un affable sourire. Bien plus prononcé et attrayant.

« Madame Miller, » la salue l'adulte.

Cassiopée accueille d'un signe de tête respectueux et tout en retenue cette attention, comme si elle n'attend que celui de la fille qui se tient près d'elle pour le lui rendre avec des mots. Comment pourrait-elle imaginer qu'elle serait saluée par la fille au regard émeraude ? Peut-être parce que celui-ci est sur elle depuis que c'est possible – il y a quelques mètres. *Quel Beau regard* pense l'âgée.

« Madame, » ajoute alors l'enfant.

Le sourire de Cassiopée ne faiblit pas devant l'insoumission que montre la fille de Miss Paya, elle l'a deviné dans ses yeux et la manière qu'ils ont de la regarder. Cela plaît à la vieille femme qui n'aurait pu en attendre moins.

« Jeune fille. »

C'est au tour d'Adaline de pencher la tête, poliment. Elle qui se tient là, à côté de la femme qui a des airs de prêtresse, est impressionnée par l'ombre que projettent les carrures des personnes qui lui font face – chacune à leur manière elles projettent sur la fillette aux cheveux de jais une aura nouvelle et intrigante. Bien différente de celle de Cassiopée en surface, mais la Magie se fait sentir chez l'une comme l'autre.
Belle et étendue.

« Miss Paya, commence Cassiopée du grain de voix qui la caractérise : résonnant mais mélodieux. Et ce doit être votre fille, bonjour. »

L'aînée ne se fend pas en courbettes et en flatteries. Sa Nature est bien assez bonne et accueillante pour cela. Pour l'avoir testée en société, elle sait qu'elle suffit à contenter nombreux ego. Reste à savoir si il en va de même pour celui de Miss Paya : son visage bien que crispé ne traduit aucune gêne apparente.

D'un signe de la main, elle invite les nouvelles venues à entrer. Même si l'air qui se dégage de l'intérieur de la maison est chaud, il n'en reste pas moins serein et le décor vieilli mais somme toute joli qu'il est possible de voir invite lui aussi à se nicher en son sein. Les escaliers qui se tiennent en face de la porte s'étendent et montent dans la continuité d'un tapis de mouette rouge aux motifs anciens. Les murs sont hauts et clairs et le sol qu'on peut voir partir de gauche et de droite de l'escalier est un parquet usé, foncé, mais pas dénué de son charme.

« Voudriez-vous boire quelque chose avant que je vous invite à monter ? »

Cassiopée et Adaline à son côté entrent derrière les invitées. Mais déjà une nouvelle escale se fait lorsque toutes quatre s'arrêtent pour décider. Adaline n'est que peu surprise de la courtoisie de sa grand-mère ; elle lui a souvent vu cette politesse et l'apprécie même beaucoup. Mais ce sont les mots de l'aînée qui l'intriguent plus que tout – mais peut-être pas plus que les deux nouvelles auras. *Monter où ? Y'a rien là haut !* s'indigne l'esprit trompé de la fillette.

Mais Cassiopée n'en démord pas et, sans un regard à sa petite-fille, attend patiemment que la décision soit prise pour agir.
Dernière modification par Adaline Macbeth le 12 mai 2020, 16:55, modifié 1 fois.

Magic Always Has a Price
6ème année

06 mai 2020, 06:02
Balade Clopinante  PRIVÉE 
Des pensées qui crient haut et fort. *Vieille*. Pendant que d’autres grignotent les profondeurs en silence. *Belle*. Un dilemme qui tord l’esprit.
Un dilemme qui ne vient pas seul, il est agrémenté d’une alcôve granulée, encore plus haute que la plus élevée des pensées, encore plus profonde que la plus sombre des idées. À l’abri de la conscience, là où aucune lumière de l’esprit ne peut s’engouffrer, seul le ressenti du cœur — lointain écho distillé par les remparts de l’âme — s’entend à l’agonie. « Elle lui ressemble ». Meurt-elle ? « ElleElle lui ressemble ». Non, c’est bien pire que cela. « Elle a la même soif ». L’air se distend. Bien trop lentement.

Miss Paya.

Charlie cligne des yeux, mais elle reste dans son hypnose contrôlée. Elle pourrait arracher son regard de la femme-à-la-Magie-Galbée si son sens des priorités ne l’en empêchait pas. *Elle s’tient en…*. Son dos se redresse, pendant que les mots s’enlisent. Une épaisse pâte de lettres emmêlées qui se mélangent tellement que leur existence individuelle n’est plus. *D’ja vu ça*. Quelques déserteurs, dans cette mélasse. « Et ce doit être votre fille, bonjour ». Des notes mélodiques qui se confrontent à un silence en guise d’écrin. Rapidement, ces notes prennent toute la place dans le petit coffret, le silence étant présent de son vide.
La nature chante sa mélodie, elle aussi ; mais Charlie persévère dans son silence. Son regard n’est pas plongé dans celui de l’impressionnante femme, mais il crisse sur son corps à la recherche de cette étrangeté. *Où ?*. Cette dissonance qu’elle ressent au plus profond de ses pensées engluées.
Dans la salve de notes mélodieuses apportées par la voix de cette femme-spéciale, Charlie n’y a décelé que cette fausse note.
Une seule, de trop.



Les couinements de la nature me font chier. *Bordel !*. Ils sont tous contre moi, je le sens. Ils piaillent pour me déconcentrer. Parce qu’ici, toute la nature l’écoute, celle-là. *Regard transparent*. Cette Autre bizarre. Tout est trop enroulé autour de son corps comme les filins d’une araignée. Je ne vois pas réellement une femme, je vois juste un prolongement de cette nature trop verte. *’fait partie d’elle*.
Et je n’aime pas ça.

La main de ma mère se serre dans mon dos. *Rien à foutre*. En rentrant à la maison, à part m’engueuler comme si j’avais trois ans, et se mettre à chialer si je lui réponds, elle ne va rien me faire. *’juste pas qu’elle l’dise à Papa*. Mais en ce moment, ce n’est pas de lui que j’ai peur *Peur ?*, alors que la femme, là, aux airs de vieille-qui-ne-vieilli-pas, est… Elle est vraiment…
*J’sais pas*. Sa main me devance, elle nous invite à rentrer dans sa grosse maison. Je reste perdue. Il n’y a aucune réponse dans les harmonies possibles. La systémique est bloquée dans mon esprit comme dans une prison. *Mais bordel !*. Rien ne fonctionne ! Il y a que la grosse main de ma mère qui est claire dans ma tête, qui me pousse comme un policier.

Voudriez-vous boire quelque chose avant que je vous invite à monter ?

*À monter ?*. Je ne veux rien boire de ce qui peut venir d’elle. Même si je n’arrive pas à trouver ce qui ne va pas, je sais exactement ce que je ne veux pas d’elle.
Sa façon de regarder, sa manière de bouger, son intonation pleine de savoir, ça me rappelle un truc que je n’arrive pas à voir, à ressentir, et encore moins à comprendre. *’dieu, mais qu’est-c’qu’on fout là ?*.



J’accepterais volontiers un thé, affirme Miss Paya, le regard accroché à celui-de-cristal, pendant que — à l’inverse — les yeux de sa fille virevoltent en tous sens. La concentration extrême portée à la femme âgée s’est dispersée en faveur de cette demeure.
*Comme elle*. Tous les meubles, tous les objets, tous les tapis. *C’est…*. Totalement mates, très peu de scintillance. *Elle absorbe tout !*. La lumière plonge sans se faire refléter par cet intérieur, elle reste prisonnière entre ces murs. *C’est ça*. La Rouge et Or pense détenir une partie de ce qu’elle recherche.
Pourtant, la douleur actuelle de son esprit ne vaut pas cette maigre découverte. Un effort considérable donné pour cette trouvaille bien légère.

Oh, ai-je failli omettre ma demande ?! s’exclame Miss Paya d’un ton surfait tellement bien entrainé qu’il en devient naturel, Madame Miller, puis-je vous consulter seule à seule ?

*Quoi ?!*. Le cou de Charlie craque bruyamment dans le silence ; son émeraude s’assombrit, se remplit, se sali d’insultes. *Qu’est-c’tu racontes ?*. Une colère pointe, transperçant l’opercule de son calme.
Pourtant, sa bouche garde le silence ; tant que la situation n’est pas catastrophique. La main de sa mère lui caresse le dos avec une douceur sincère, quelque-peu maladroite. À travers ce geste, des mots silencieux, qui arrivent tant bien que mal dans l’esprit de Charlie ; une douceur qui tente de calmer le caractère houleux de la Rouge et Or.

Si je peux me permettre, je suis certaine que Charlie pourra s’entendre avec votre… l’émeraude se tourne vers la jeune fille qui se tient là, votre ?

Puis ses yeux retrouvent ceux-de-cristal, dans l’attente d’une réponse. Un sourire radieux illumine le visage de Miss Paya, contrastant affreusement avec la grimace de sa fille ; qui décide d’enfin tourner son attention pour la première fois vers la fille concernée.
Ses deux grandes billes d’émeraude cherchent le regard opaque, recouvert de fumée.

je suis Là ᚨ

13 mai 2020, 12:42
Balade Clopinante  PRIVÉE 
Le silence ne s'installe pas longtemps : même s'il ne peut jamais vraiment prendre place tant la vie fourmille autour de la maison de Cassiopée. Celle-ci qui plante ses yeux dans ceux de l'adulte aux yeux d'émeraude. Un regard tellement profond auquel elle se heurte : une impression de froide chaleur comme on plonge dans un bain de flammes ou de glaçons. *Revigorant* pense l'aînée dans les quelques secondes qui la sépare de la réponse de Miss Paya et de sa remise en marche.

« J’accepterais volontiers un thé. »

Le verdict tombe, et – alors que ça ne lui ressemble pas – Cassiopée se prépare à s'exécuter comme si c'était là la dernière de ses demandes. Jusqu'alors plantée devant ses deux invitées, Cassiopée s'apprête déjà à quitter l'entrée, aussi chaleureuse soit-elle, pour pénétrer dans la cuisine que l'on distingue, dans la pièce à gauche de l'escalier. Son premier pied a déjà décollé.

Alors qu'Adaline, qui se tient à côté de son illustre – si j'ose dire – grand-mère ne peut s'empêcher de laisser ses yeux analyser le visage de Miss Paya ; celui-ci n'est pas tourné vers elle, ses yeux verts scrutent Cassiopée et lui laissent le champ libre pour observer tous ses traits à sa guise. C'est une étrange impression que se saisit de la gamine, sans qu'elle ne réussisse à y poser un mot, ses pensées deviennent des images parce qu'elles ne peuvent pas le formuler. Une austérité maîtrisée et quelque part chaleureuse ; ce n'est rien qui devrait s'accorder mais l'air qui flotte sur et autour de Miss Paya est parfaitement gracieux. Comme c'est déroutant. Et si Cassiopée ne détaille pas tant la femme qui lui fait face c'est par politesse et retenue ; mais elle est capable de le sentir alors qu'Adaline doit l'observer intensément pour le saisir.

« Oh, ai-je failli omettre ma demande ?! »

Dans l'éclat d'un étonnement qui n'est pas le sien. Peut-être n'est-il pas du tout. Mais ça, Cassiopée s'en moque bien. Sa tête qui avait déjà tourné ailleurs revient sur Miss Paya et alors, elle reprend position. Ses mains se nouent prêt de son ventre, comme on protège un trésor ou comme on récite une prière.

« Madame Miller, puis-je vous consulter seule à seule ? »

La tête de Cassiopée penche un peu alors que c'est carrément le cœur d'Adaline qui s'arrête au moment où elle entend la demande. Déjà, la gamine qui se tient toujours aussi droite, tourne la tête comme seul couac à la courbure rectiligne de son corps et la pose sur sa grand-mère, un peu plus haut. Dans son regard se lit aisément la surprise – aussi brouillon qu'on reconnaît une maison dessinée par un enfant – vulgairement tracé.
Alors, Cassiopée, cette femme à la constance immuable, pose sa main sur l'épaule de la fillette aux cheveux de jais sans pourtant lui accorder un œil rassurant ni le moindre contact visuel. Ce contact est quelque peu moite, le dos d'Adaline comme la main de son aînée subissent la chaleur écrasante.

« Si je peux me permettre, je suis certaine que Charlie pourra s’entendre avec votre… votre ? »

Et alors Adaline, toute gamine qu'elle est, se félicite d'avoir mis un terme à une observation déplacée – bien qu'elle ne le soit pas tant qu'elle reste secrète –parce que l'attention fonce sur elle dans une bourrasque de vent imaginaire mais qui fouette pourtant son visage. *Mince* elle pense, comme un enfant accrochée à la robe de sa mère ; elle dissimule sa grimace parce qu'elle n'a pas envie d'être cet enfant.

« Adaline, répond Cassiopée, en retirant sa main de l'épaule de la concernée. Elle se tourne vers elle. Veux-tu bien tenir compagnie à Charlie ? Installez-vous dans le salon. »

Adaline hoche la tête.

Le visage de l'aînée est paré d'un sourire sincère, le genre de sourire qui naît régulièrement sur son visage et qui ne fait que fleurir encore et encore, sans jamais faner. Quelle étrangeté. La main qui a quitté l'épaule frêle de la gamine vient piocher dans la poche sa robe ; elle extirpe sa baguette – jusqu'ici poliment rangée – pour l'agiter gracieusement ; des mouvements maîtrisés et tout à fait sereins et quelques chuchotis inaudibles. Bientôt, on peut compter dix secondes sur ses doigts, une tasse bien plus grosse que celle que l'on voit habituellement, d'un pourpre matte, sort de la cuisine. Dirigée par un Accio ou un Wingardium Leviosa habile de Cassiopée, la tasse atterrit comme de par son propre chef jusque dans les main de Miss Paya.

« Miss Paya, voici votre thé. Si vous voulez bien me suivre, » sans courbettes mais avec la même politesse affable.

Cassiopée, de sa vieille vigueur, se retourne et emprunte l'escalier qui lui fait face. *Ouf* elle pense. Et si cela lui coûterait beaucoup de l'avouer, il lui faut y mettre les efforts pour monter les marches à une vitesse acceptable ; l'adulte sur ses talons est bien plus en forme. Les pas de l'âgée sont assez lourds mais heureusement étouffés dans la moquette rouge qui couvre les marches.

Bientôt, les deux femmes atteignent le haut de l'escalier. Il casse un couloir, sur lequel on tombe dès le premier pied posé à l'étage. Il n'est pas tellement large, mais assez pour y croiser quelqu'un d'autre. Il n'est pas tellement long, mais assez pour abriter 7 portes. Sur la gauche, une porte ferme le couloir à quelques pas. Sur la droite, le couloir s'étend en trois autres portes sur chacune de ses faces. La moquette rouge qui couvre l'escalier continue sa route sinueuse et marque chacune des entrées en passant sous les portes. La lumière est faible, blafarde. Le couloir est terminé à droite par une fenêtre assez étrange : le verre est opaque et le Soleil pourtant bien haut y passe très peu.

La baguette dans la main de Cassiopée s'agite à nouveau lorsque d'un autre mouvement elle pointe le plafond. Le couloir jusqu'ici bien morne adopte un tout autre visage : Mystique. Une trappe se déroule par la Magie de sa maîtresse, on croirait voir des volutes de fumer s'échapper de la pièce qu'elle renferme. C'est là que la vieille femme se retourne et qu'elle rencontre à nouveau les émeraudes dont est affublée sa Cliente.

« Je vous invite à monter. Ainsi, nous aurons tout le luxe de nous entretenir convenablement. »

___________________________________________


Alors que les pas de Cassiopée et Charlie Paya finissent seulement de résonner : Adaline se rend compte qu'elle est définitivement seule. En face d'elle se tient la fille de Miss Paya. *Charlie* pense-t-elle, en osant finalement un œil vers l'autre gamine aux yeux foutrement verts – jusqu'à ce qu'elle soit sûre que les deux femmes aient atteint l'étage, Adaline gardait sa tête tournée vers l'escalier.

S'en suit un langoureux instant. Intensément étrange. La gamine aux cheveux de jais plonge ses deux billes brunes, affreusement banales mais terriblement mordantes, dans celles de Charlie. Un frisson court tout le long de la colonne vertébrale qui la soutient comme si, d'un seul coup d’œil, celle-ci pouvait tomber en morceau. Des morceaux d'osselets qui se briseraient en tombant sur le sol. Et son cœur qui bat à peine.

« Hm. Suis-moi... »

Les mots maladroits s'échappent de la bouche d'Adaline, en dérogeant un peu à son contrôle. Il faut dire que sa consistance n'est plus la même ; ainsi arrachée au confort d'un cocon familial.

Elle adresse à peine un signe de tête à l'impressionnante – parce qu'elle est plus grande qu'elle d'une tête au moins – fille et se dépêche de montrer le chemin. Elle prend à droite, à côté de l'escalier.

Depuis là où toutes quatre étaient postées pour se séparer ; on pouvait voir que le parquet vieilli s'étendait sur la droite et ouvrait à une pièce bien lumineuse. Et en effet, c'est ce que l'on découvre en y entrant. Adaline ouvre farouchement la marche en se faufilant dans la pièce. Lorsque l'on y entre, on fait face à un mur blanc couvert de tableaux ; certains sont vides, certains sont inanimés et d'autres s'agitent faiblement. Sur la droite, la pièce est ouverte en baies vitrées qui forment deux murs ; à côté de celui plein de tableaux et celui du fond. À son centre, disposée sur un tapis carré grisâtre : une table rectangulaire d'une quinzaine de places.
De l'autre côté, sur la gauche, le mur de tableaux se termine dans le coin et laisse la place à une fenêtre qui prend tout un pan de mur : quadrillée de blanc. En face du mur de tableaux, se dresse une haute et large cheminée. Assez grande pour pouvoir y entrer debout. Autour d'elle et d'un tapis beige à poils longs s'organise un salon. Deux grands sofas marrons et deux fauteuils aux motifs royaux, l'un est bleu roi et l'autre est violet.

Adaline, qui espère qu'on la suive, s'arrête prêt de la cheminée. Elle jette un œil hasardeux à cette compagne qu'on lui impose, en passant finalement une main sur son front transpirant ; quelle chaleur. *Charlie* se répète-t-elle.
Les fenêtres ici sont fermées mais on peut entendre le paiement des oiseaux.

Magic Always Has a Price
6ème année

16 févr. 2021, 04:40
Balade Clopinante  PRIVÉE 
*Mais !*. Dans le clair-obscur de ce hall d’entrée, et les caresses maladroites de ma mère, des petites prunelles noires brillent dans la chaleur. *’dieu…*. Elle est exactement comme la vielle-qui-ne-vieillit-pas : habitée d’un éclat dérangeant. *c’quoi c’te maison bizarre…*.
Sans pouvoir retirer mon regard du brillant, j’avais l’impression qu’une tronche pouvait jaillir du parquet, les traits aussi harmonieux que tous ceux qui vivaient ici, et me murmurer de sa voix fluette, flippante, sifflante : Respire l’odeur du gazon, Charlie. Elle est belle, pas vrai ? Pas vrai qu’elle est belle mon odeur ? Avec un sourire brillant de petites dents, jolies, prêtes à mordre. *C’est ça*. J’ai l’impression qu’ici, on peut me lire pour mieux me mordre.
Jusqu’au sang. *Tss…*.

Je souffle brusquement du nez.
L’odeur qui persistait dans l’air était piquante, un joyeux bordel de bois, de plantes et de trucs que je ne connais et qui ne vont pas ensemble. *Haa…*. Je cligne des yeux à cause de mon nez qui pique, pendant qu’un souffle de mélancolie miséreux me bouffe le crâne. *Mais…*. Je ne reconnais rien ici. Je suis une étrangère à tout. Et ça me fait grincer des dents. Si ça continue, moi aussi je vais me mettre à grogner, à mordre.
Bordel ! Mais où est passé le souffle froid du goudron mouillé ? Valet ! Qu’on m’amène une grosse part d’asphalte grillé ! *’fait chaud*. Ha, bordel, mais où sont passés tous ces Autres et leurs gueules banales, sans intérêt ? Où sont passés tous ces cris de mon quartier qui sont preuve du bon déroulement de la réalité ? « Hhaaa… ». Je suis piégée ici, dans un monde étranger, alors bon Dieu ! Venez me chercher !

*’chier *.

Je prends une grande inspiration de cet air trop *dégueulasse* pur. Cet air qui me donne la gênante impression de respirer de l’eau. Et cette traitresse d’eau suinte à travers ma peau.
Bordel, je dégouline de sueur.

Adaline.

La brillance est toujours là, complice d’un plan que je ne comprends pas. Je me tiens prête, mon corps est détendu dans l’accalmie ; je peux me transformer et attaquer au moindre signe. Ma concentration sur la brillance est totale. « Veux-tu bien tenir compagnie à Charlie ? ». Elle ne me regarde pas, comme pour cacher ses intentions. *J’te vois*. Elle ne peut pas me mentir. « Installez-vous dans le salon ».
Ouais, c’est ça, une salle différente pour m’embrouiller encore plus. En plein milieu de ma concentration, un trou se forme doucement, grignotant sa place sans gêne. Je fronce les sourcils.
J’avais oublié que j’étais fatiguée, le sport m’avait achevée. *’dormir*. Rien n’allait dans cette maison, pas même moi.
Mon énergie était si basse, j’avais *’chaud* oublié.

Instinctivement, je jette ma concentration sur un mouvement. *Son arme !*. L’Autre-vieille est en trai—
Une grosse tasse arrive. *C’est…*. Flottant tranquillement sur son coussin invisible de magie. *C’est tout ?*. Une inspiration traverse durement mon corps, contrarié.
Je détestais être fatiguée, j’avais l’impression que tous les détails inutiles me sautaient à la gueule, et que l’essentiel était en train de couler entre mes doigts, pour se cramponner à mes mains, puis finir par grimper sur mes bras et m’étouffer avant même de m’en rendre compte. Et je m’évanouirais d’un coup ; morte.

Miss Paya, voici votre thé. Si vous voulez bien me suivre.

La grande main dans mon dos se serre d’un coup. Mon regard suit cet appel silencieux jusqu’aux yeux de ma mère. *’vraiment ?*. Je lui bouffe toute sa gueule avec mes prunelles. *’vas vraiment m’laisser plantée, là ?*. Ses doigts courent le long de ma peau pour finir dans mes cheveux. Ouais, j’en suis sûre, je le comprends dans sa manière *bizarre* de me fixer. Elle va me laisser ici, au milieu de ce musée de chaleur.

Une dernière fois, elle caresse — mal — mes cheveux, puis se détourne pour se casser. « Tss… ».
J’accorde un dernier coup d’œil aux deux femmes qui montent l’escalier avant de me fixer — de me régler totalement — sur cette *petite* fille. Le trou de fatigue au cœur de ma concentration était en train de s’élargir à une bonne vitesse, mais je n’y faisais pas attention. Cette brillance cachée, je ne la quittais pas des yeux, même si elle ne me regardait pas.
C’est d’elle que je devais faire attention. Cette fille, cette odeur, cette maison, cette petite dent trop pointue.


╔═══ *.·:·.☽✧ ✦ ✧☾.·:·.* ═══╗


Affublée d’un accessoire qui lui allait à merveille, la tasse de thé anglaise — bien que celle-ci soit singulière — Charlie Paya suivait Cassiopée Miller sans prendre en considération l’environnement ; il faut dire que pour attirer son regard sur une quelconque forme d’architecture, celle-ci devait être d’un luxe sans égal.
L’esprit de Miss Paya était plutôt concentré sur les mots qu’elle allait employer. Elle tenait très à cœur cette entrevue de longue date, ainsi, elle ne voulait en gâcher aucune essence. Contrairement à sa fille, une profonde angoisse pouvait s’emparer très rapidement de son cœur ; en particulier lorsque cela concernait des affaires qui lui tenaient à cœur.
Une multitude de mots ruminaient dans son esprit vif, sensible, plein de défenses. Elle ne portait aucune attention à ses pas mécaniques, son corps se taisait pour laisser l’entière dominance à son esprit.

Sur la moquette, ses pas se faisaient feutrés malgré les escarpins noirs qu’elle portait. Elle n’avait pas jugé utile de les retirer tant que le moment de les porter serait inopportun. Pas feutrés, certes, quoique légèrement sourds sous le notable poids qu’elle pesait. C’était une femme fine, mais démesurément grande.
Soudain, son regard-Ailleurs se replanta dans la réalité. Les quelques marches qui se déroulaient magiquement face à ses yeux lui arrachèrent un fin sourire, comme si c’était la moindre des choses de rejoindre les hauteurs pour le secret pour cette entrevue. « Je vous invite à monter ». L’émeraude glisse jusqu’au cobalt. « Ainsi, nous aurons tout le luxe de nous entretenir convenablement ».

Merci bien, répond-t-elle d’un sourire habitué. D’un mouvement élégant, elle pose sa tasse pourprée sur une des marches, puis s’affaire à retirer ses escarpins en deux mouvements précis.
Une fois ceux-ci bien posés et alignés sur la vive moquette, Charlie Paya entreprend de monter les marches — non sans récupérer sa tasse. Son cœur se soulève à mesure qu’elle gravit les hauteurs.
C’est le moment, il faut se diriger vers le secret.


╚═══ *.·:·.☽✧ ✦ ✧☾.·:·.* ═══╝


Enfin, elle tourne sa brillance vers moi.
Je vois ses yeux, ses prunelles découvertes à l’éclat *bizarre*. Mais quelque chose a changé dans l’air ; pas sa foutue chaleur qui me faisait suer, c’est juste…
L’absence de l’Autre-vieille ?
Toute la maison s’était soudainement arrêtée de respirer, le souffle l’avait suivie tout en haut des escaliers pour battre en harmonie avec elle. Je ne détourne pas mes yeux du noir brillant, mais je me rends compte que l’air est un peu mieux respirable. *Elle a volé le souffle d’la maison*. Bordel, enfin, je respire un peu mieux. Tout comme je peux mieux regarder cette fille *’pas si p’tite*. Jolie, j’ai même l’impression.
Même si je déteste cet endroit et son air.

Hm.

*Oh*. Je ne montre rien, mais sa voix m’étonne. Elle est tout aussi bizarre que tout le reste.
Je pensais qu’elle allait avoir une intonation dure, une pointe affirmée, des dents bien limées. « Suis-moi... ». Mais ce que j’entendais était tout l’inverse de ce que je pensais. *Tss…*.
Je quitte la bizarre brillance pour l’obscurité d’en-haut-les-escaliers. *Pourquoi c’est si noir ?*. J’ai envie de crier à ma mère de se grouiller, il y a des trucs mauvais qui grouillent entre ces murs.
Je ne freine pas le dégueulis d’un profond soupir à travers mes lèvres. *’fait chier*.

À l’orée de ma vision, la fille se barre. Alors je me mets directement à la suivre.
Rester toute seule dans ce hall de merde était la dernière chose à faire.

En quelques pas, on arrive dans une salle *Oh…* qui me frappe de souvenirs. *On dirait…*. La pièce du directeur de la Guildhall, ou les pièces de pratique du Royal College, ou encore le salon de Jam à Lambeth.
J’ai autant envie de partir en courant que de rester ici toute la journée. Tout ce qui m’entoure m’a l’air tellement familier ; l’énorme cheminée, les canapés aux ornements royaux, la table beaucoup trop grande, les larges vitres de lumière, les couleurs aussi différentes que parfaitement mélangées. Il ne manquait que le piano à queue.

J’avance sans vraiment m’en rendre compte, détaillant toute la pièce avec une nostalgie qui me serre la poitrine.
Je sens qu’il fait encore plus chaud qu’avant, j’étouffe presque dans cet air immobile. *Pas grave*. Ou peut-être que c’est grave, mais je n’ai pas envie d’y penser. La fatigue et la nostalgie s’allient pour m’aspirer l’énergie. *’assoir un peu*. Mon dos me fait toujours mal, et je boite encore un peu quand je vais vers le magnifique canapé bleu. *’c’te bleu ‘vraiment beau*. Je m’assoie dessus en poussant un soupir de soulagement. *Enfin*.

Il fait une chaleur terrible.
Mon dos s’écrase contre le dossier, je fixe mon regard sur la fille là-bas. Il ne faut pas que je la quitte trop longtemps des yeux, il faut que je fasse attention à elle. *’dormir*. Fatiguée. *Jolie*. Dans le silence.

Au coin de ma vision, mes cuisses luisent de sueur.

je suis Là ᚨ