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07 juin 2020, 22:24
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
28 Février 2044,
Édimbourg, Écosse
2ème année.


La lettre est encore serrée dans ton poing, petit morceau de papier froissé dont les lignes tracées à l’encre se sont délavées.
Tes phalanges ont pâli autour du parchemin et tes ongles se sont enfoncés dans tes paumes. Ta peau est hérissée de frissons, et la terreur te noue la gorge.

Il fait froid, ici en Ecosse. Une brise humide qui apporte des odeurs de printemps et de souvenirs. Tu connais ces endroits par cœur. Tu t’y repères sans difficulté, malgré cette longue année durant laquelle tu n’as pas quitté l’école.
Là, se dressant à droite, la maison d’une fille qui fût une jour amie avec Maë. Ici, à une quinzaine de mètres devant toi, la porte d’entrée de l’un des collègues de Papa, celui qui offrait des livres.

Tu tiens encore dans ta main gauche celle de l’adulte qui a accepté de t’accompagner. Elle est ta directrice de maison, et pourtant tu ne lui as parlé directement que rarement. Tu ne participes presque pas en cours, et tu n’as jamais considéré utile d’aller lui raconter ce qui te pèse sur le cœur.
Pour toi, jusqu’à ce que la lettre te parvienne, elle n’était qu’une Anonyme parmi les Anonymes, qu’une Autre avec un peu plus de pouvoir.
Et si elle a peut-être hésité lorsque tu l’as suppliée de t’aider, elle a finalement accepté. Elle t’a amenée ici, dans ta ville natale.

Le papier sur lequel a été écrite la lettre est un beau papier, de ceux que Maman conservait dans le tiroir secret de son bureau, à la maison. Du papier spécial. Du papier utilisé seulement pour les grandes occasions.
Il dépasse un peu, à l’extrémité de ton poing fermé. Tu ne l’as pas plié joliment, seulement serré le plus fort possible, jusqu’à ce que tes doigts bleuissent.


Ma chère Kyana,

A la lecture des mots de Papa, ton cœur t’a semblé peser des tonnes. Il était prêt à se décrocher, pour tomber, tomber, sans jamais s’arrêter. Pour aller choir six pieds sous terre.

J’espère que tout va bien pour toi.

Les mots tracés d’une main tremblante t’ont égarée. Tu as sans doute relu la même phrase quelque dizaine de fois, sans même en comprendre le sens. Tes yeux n’osaient pas s’aventurer plus loin, terrifiés à l’idée de ce qu’ils pourraient y trouver.

Je suppose que tu ne veux plus que ta sœur ou moi t’envoyions des lettres, mais celle-ci, promis, sera la dernière qui te parviendra.
Premièrement, saches que tu me manques. Vraiment, vraiment beaucoup.


Tes paupières sont tombées, se sont serrées pour empêcher les larmes de couler encore une fois. Tu t’es sentie tellement faible, là, debout au milieu de ton Dortoir désert, avec ce parchemin dans la main. Ton visage avait encore pâli, mais tu ne t’en souciais pas.

Et que même si nous n’avons pas communiqué depuis bien trop longtemps, je t’aime terriblement fort.

Tu as pris une profonde inspiration, t’apprêtant à lire le reste d’une traite. Pour éviter de penser, d’imaginer la suite, de laisser ton esprit se perdre en idées plus tragiques les unes que les autres.

Je ne sais pas exactement ce que Maë t’a révélé quant à ma maladie dans sa lettre, mais celle-ci se révèle plus grave que ce que l’on pensait. Bien plus grave.
Je perds énormément de forces chaque jour, et je m’affaiblis très vite. D’ici à peut-être deux semaines, ce sera la fin, définitive.
Je suis sincèrement désolé de t’annoncer cela, mais il me fallait t’écrire avant de ne plus en être capable.
Même si tu es en colère, même si tu m’en veux, moi, je suis fière de toi, tellement fier. Et je n’ai jamais cessé de l’être.
J’aimerais te revoir, mais je doute que ce soit possible. Tes professeurs ne t’autoriseront pas à venir ici, et je préfèrerais que tu restes en sécurité au Château. Ici, c’est dangereux, tu sais.
Je te le répète encore une fois, mais je t’aime, et ça ne changera jamais.


Porte-toi bien, fais attention à toi,
L. Lewis


Non, les larmes ne sont pas venues. Elles n’ont même pas effleuré ta conscience. Si quelques fois elles s’imposaient comme des évidences, elles ont préféré fuir la tourmente de tes émotions. Elles se sont dissimulées, et n’ont pas osé couler sur tes joues.
Pendant de longues minutes, instants qui t’ont fait perdre toute notion du temps, tu es restée immobile. Ton regard était perdu dans un Ailleurs inconnu, et tu ne pensais plus. Plus aucune logique, plus d’idées normales, plus rien pour te ramener à la raison.
Seulement un vide, un vide immense, qui a pris place dans ton cœur. Et un morceau de ta conscience, encore assez lucide pour hurler sa colère, sa douleur.

Tes jambes se sont dirigées seules. Tu as vaguement senti ton corps se mouvoir, descendre les escaliers menant au Dortoir. Tes pieds avançaient seuls, ta main droite se serrait compulsivement autour du morceau de parchemin qu’elle froissait et défroissait sans cesse.

Ta supplication résonne encore si fort dans ta tête. Ton visage défait qui s’est levé vers ta professeure, tes lèvres qui se sont articulées en une prière muette, tes yeux dans lesquelles scintillait une minuscule étincelle d’espoir, une lueur prête à s’éteindre.

Et à présent, elle est là. Près de toi, elle a accepté de t’accompagner. Elle a accepté que tu quittes l’Ecole, que tu fasses ce dernier voyage pour voir ton père trop faible pour te rendre visite.
Tu lui jettes un regard, baisses la tête.


« Me… merci de… d’avoir dit oui. »


Honteuse de te sentir si vulnérable, tu commences à avancer, te dirigeant vers la sortie de la ruelle sombre. Tes yeux sont fixés sur les pavés irréguliers, polis par les pas, mais ta voix est claire lorsque tu déclares sans attendre de réponse :

« C’est par là. »

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ent‘r‘êvée

13 juin 2020, 14:49
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
Comment aurait-elle pu dire non ? Si jamais l’un de ses parents venait à mourir, il lui faudrait absolument se rendre à son chevet, peu importe le danger. Lorsque Kyana Lewis était venue la voir, Amy avait accepté en quelques secondes de l’accompagner. Elles allaient se rendre dans la partie moldue d’Edimbourg et avaient donc dû se préparer afin d’y aller incognito. Des vêtements moldus, pas de baguette pour la jeune sorcière, celle d’Amy était bien planquée dans ses propres vêtements. La professeure n’avait pas prévenu Kristen Loewy, car elle se doutait bien de la réponse si la rousse lui demandait l’autorisation d’accompagner une élève dans un lieu moldu fortement peuplé. Alors une nouvelle fois, elle avait fait quelque chose dans son dos.

Les deux sorcières avaient transplané dans une ruelle très sombre et complètement déserte. Elles en sortirent rapidement et se dirigèrent à pas rapides vers la maison des Lewis, Kyana indiquant du doigt la direction qu’elles devaient prendre. Dommage qu’elles se rendent à Edimbourg dans ces conditions, car la ville était magnifique et Amy s’y serait bien rendue pour la visiter de nouveau. Les deux sorcières arrivèrent devant la maison, et avant de toquer, la professeure prit la parole tout en relâchant la main de Kyana.

« Je viendrai vous chercher demain à la même heure avant que quelqu’un à Poudlard ne remarque votre absence. En attendant, je serai chez moi à Aberdeen, voici mon adresse sur ce morceau de parchemin s’il y avait le moindre problème. Il se détruira si quelqu’un d’autre que vous pose les yeux dessus, donc rangez-le bien et sortez-le uniquement si c’est nécessaire. Vous êtes prête ? »

Amy pressa sa main sur l’épaule de la Serdaigle, puis toqua à la porte. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit et la rousse reprit rapidement la parole.

« Bonjour. Je vous amène Kyana suite à la lettre qu’elle a reçu de votre part. Je viendrai la chercher demain à la même heure, il faudra donc qu’elle soit prête à partir car nous ne pourrons pas nous éterniser, j’en suis désolée. Bon courage Miss ».

pilier, fossile, vieux mur, Amy Holloway

23 juin 2020, 00:42
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
Les battements de ton cœur te paraissent plus irréguliers chaque seconde, alors que ton esprit se fait peu à peu à l’idée que tu vas revoir ta famille. Plus d’un an que tu n’as pas eu Maë face à toi. Plus d’un an que le sourire de Papa n’est qu’un souvenir. Plus d’un an que tu n’as pas parcouru les pièces de cette petite maison égarée dans les petites ruelles d’Édimbourg. Plus d’un an que tu n’as pas dormi dans ce lit coincé dans l’angle de la pièce, que tu n’as pas contemplé le petit portrait de Maman encadré sur le bois ciré de ton bureau.
Tes pas se font plus mesurés, et tu sens sur ton échine courir de désagréables frissons. Maë sait-elle que tu rentres ? Papa lui a-t-il parlé de ta lettre ? Y aura-t-il quelqu’un d’autre, un inconnu, au chevet de ton père, quelqu’un qui aura pris ta place ?
Ton cœur palpite sourdement. Tu trembles à l’idée de devoir frapper à la porte. Tu trembles à l’idée de laisser derrière toi la professeure qui t’accompagne et qui est ton dernier point d’accroche au monde des sorciers dans cet univers où la Magie est haïe. Tu trembles à l’idée de devoir soutenir le regard de ta sœur et de voir ton père allongé, pâle, frissonnant. Tu trembles à l’idée de voir la photo de Maman affichée sur la table de chevet près de la tête de lit, à l’idée qu’un jour, il aura lui aussi son portrait posé derrière une vitre. A l’idée qu’un jour, il ne sera peut-être plus là et que Maë et toi devrez survivre seules. A l’idée que son Départ, que le moment où il vous quittera se rapproche sans cesse, et que la Mort est prête à le quitter.

Désormais tu avances sans même regarder autour de toi, tes pieds se dirigeant seuls sur ces pavés mille fois parcourus. Tes yeux sont fixés au loin, égarés vers cet Ailleurs que tu aimes parcourir seule, et tu as presque oublié la présence d’Amy Holloway qui avance près de toi. Tes vêtements moldus particulièrement désagréables, presque trop petits pour toi, frottent sur ta peau et flottent doucement sur ta taille frêle. Tu t’empêches de penser à Maman. A la rancœur de Maë. A la fierté de Papa, que tu ne comprends même pas.


« Vous êtes prête ? »


Non ! voudrait hurler ton cœur.
Jamais, implore ton esprit.
J’peux pas. J’peux plus, souffle ton âme.
Tu hoches la tête.

La porte est là, face à toi. Elle se dresse entre ton père et ta culpabilité. Dernier rempart avant le choc et la douleur incommensurables qui se déverseront sur ta raison. Tu la contemples sans bouger, figée, hésitante. Les mots brûlent ta gorge. Tu n’as pas pu parler pendant des semaines, presque pas pu lancer de sorts, pas tenu de vraie conversation, murée dans un mutisme incontrôlable. Tu te contentais de marcher, de manger, d’obéir, et de parler de tes maux à la Lune lorsque venait la nuit.
Là, alors que tu n’as pas pu faire fonctionner tes cordes vocales depuis si longtemps devant un professeur, tu voudrais la supplier de rentrer au Château. L’implorer de ne pas taper son poing contre le battant de bois, de ne pas poser sa main sur ton épaule, de partir et d’oublier cette visite.
Pourtant Elle s’ouvre.
Elle s’ouvre sur cette si jolie maison, un peu sombre, encombrée par les livres disposés un peu partout. Elle s’ouvre sur un passé que tu t’étais efforcée de dissimuler, de laisser derrière toi, et brise tes dernières défenses.


« Bon courage Miss. »


Tes yeux, pour ne pas avoir à fixer sur le visage encadré de longues mèches rousses mal démêlées qui s’affiche dans l’entrebâillement, vont se poser dans ceux de ta directrice de maison. Les larmes scintillent mais ne coulent pas. Ton cœur leur interdit, t’exhorte à être forte et à garder la tête haute.
Une supplique muette – la verra-t-elle ? – brille un instant dans le bleu glace, et tu te détournes vers Maë Lewis, qui a habité tes cauchemars depuis à présent plus d’un an et demi.
La plus profonde stupéfaction s’affiche dans son expression, traduite par sa bouche entrouverte, ses yeux écarquillés et ses sourcils relevés, et elle reste muette un instant, te fixant à travers le voile de ses cils clairs.
Elle n’accorde à la professeure qu’une œillade haineuse, dans laquelle tu pourrais apercevoir une lueur effrayée, puis revient te fixer. Un sifflement s’échappe de sa bouche, et elle cligne des yeux lentement, comme incertaine de ce qui se trouve devant elle.


« Toi… »

Son murmure est une menace.
Son murmure est une prière.
Son murmure est un espoir fou.
Son murmure respire la colère vainement contenue.
Et tu ne peux pas soutenir son regard.
Tu trembles devant ce vert d’eau tellement expressif, devant la courbure de ces lèvres que tu connais par cœur, devant la hauteur de ces pommettes que tu avais presque oublié, devant la fossette creusée au coin de sa bouche. Tu trembles devant l’être qui fut un jour ta meilleure amie, ta sœur jumelle, qui te ressemble alors que vos différences creusent un gouffre entre vos deux esprits. Deux façons de voir le monde, deux façons d’être terriblement opposées, une haine viscérale qui serre ses entrailles et une culpabilité qui suinte de chacune des failles de ton cœur.

Le temps s’étire, le temps s’allonge, et aucun son ne sort de vos bouches. Elle finit par reculer, accepter l’idée que tu te trouves face à elle et laisse les courants d’air ouvrir la porte de la maison en grand. Toujours silencieuse, les mains un peu tremblantes, elle s’écarte et semble t’inviter à entrer. La gorge nouée, les yeux te piquant davantage chaque seconde, tu avances doucement, te retournant une dernière fois vers Miss Holloway qui se tient dans l’encadrement. Un
merci parait prêt à franchir la barrière de tes lèvres. Le prononces-tu ? Tu ne sais plus.

Les semelles de tes rangers font un bruit mat sur le parquet de la pièce principale. Rythmant tes pensées.
Tu serres dans ta main, faisant blanchir tes phalanges, le petit bout de parchemin où est notée l’adresse de ta professeure, sans même le dérouler.
L’odeur de fumée mêlée à celle, plus ténue, d’une forêt après la pluie, assaille ton odorat, et une larme – la seule ! voudrais-tu hurler pour te promettre d’être forte – roule sur ta joue. Ton passé essaie de te submerger, mais tu le repousses.

*Papa a b’soin d’moi.*

Maë est arrêtée au milieu de l’escalier, et t’observe, attendant sans doute que tu la suives. Toujours aucun mot, mais tu sais que si l’une de vous se risquait à parler, elle briserait cet accord tacite, cette promesse mutuelle, cet armistice. Tu sais que tu ne dois rien lui dire, parce qu’elle déversera toute cette haine accumulée depuis dix-huit mois, qu’elle te crachera cet abandon que tu lui as fait subir. Elle te brisera encore une fois et tu ne pourras plus te relever.
A ton tour, tu montes doucement les marches de bois. La troisième craque, et une seconde larme tombe. La porte de la chambre de Papa est entrebâillée, un rai de lumière filtre et une fraîcheur étrange court sur tes joues. La fenêtre est ouverte, le vent siffle. Et toi tu franchis la porte comme une automate, sans un regard pour ta sœur arrêtée sur le palier. Tes semelles frappant toujours contre le sol, tu abats le plat de ta main et pousses le battant qui s’écarte en grinçant.

*J’ai peur.*

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ent‘r‘êvée

11 juil. 2020, 20:12
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
Mes plus sincères excuses pour le retard de réponse !

La main d'Amy part en une fraction de seconde dans sa poche lorsqu'elle entend le "Toi" accusateur proféré par celle qui semble être la sœur de Kyana. Le ton utilisé ne laissait aucun doute sur le dégoût qui habitait la demoiselle à l'idée que sa sœur revienne pour quelques instants chez elle. Au moindre mouvement suspect, la professeure de Défense contre les Forces du Mal immobiliserait la sœur. Au diable le secret magique déjà rompu. Si son élève était en danger dans sa propre famille, il lui faudrait intervenir.
Cependant, la demoiselle finit par s'écarter de l'encadrement de la porte, laissant un espace pour que la Serdaigle puisse passer. Amy attend le dernier moment pour partir. Un souffle sort de la bouche de Kyana qu'Amy considère comme étant un "merci" quasi inaudible. Elle sourit légèrement, un sourire compatissant, avant que la porte ne claque.

"Sympa, l'ambiance"

La main de la professeure sort de sa poche alors qu'elle fait le chemin inverse pour retourner au point de transplanage par lequel elles étaient arrivées. Direction chez elle. Ou du moins le chez-elle dans lequel elle ne venait plus qu'épisodiquement. Une fois par mois peut-être, sauf en ce moment où elle n'y était pas retournée depuis les vacances de Noël. Ses pensées étaient désormais fixées sur un seul objectif : aller se poser dans sa maison.

La professeure de Défense contre les Forces du Mal retrouva rapidement la ruelle par laquelle elles étaient arrivées, puis transplana directement sur son perron. Après les sorts d'usage, elle put enfin entrer chez elle. Le hoquet habituel qui lui venait lorsqu'elle entrait dans sa maison était une nouvelle fois revenu quand son regard se posa directement sur les nombreuses affaires de Scott posées dans l'entrée. Peut-être qu'il viendrait les chercher un jour ?

pilier, fossile, vieux mur, Amy Holloway

12 juil. 2020, 18:13
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
Papa est là. Papa est là, avec son teint couleur de plâtre, qui te saute au visage comme une accusation. Papa est là, si chétif dans son lit, les os de ses pommettes formant un entrelac des plus effrayants. Papa est là et te contemple de son regard cerné et si sombre *depuis quand ses yeux sont aussi vides ?*. Papa est là et pendant un instant, il ne bouge pas. Il ne dit rien, il n’esquisse pas un seul geste. Papa est devenue statue pendant ton absence, s’est cristallisé et se prépare à être déposé sur un piédestal ; se prépare à être contemplé par des yeux d’Autres pour l’éternité.

Tu te prends à prier pour qu’il reste immobile. Qu’il n’ouvre pas la bouche, que ne sorte pas cette voix brisée que tu redoutes tant. Qu’il ne retire pas sa main de sous la couverture, cette main décharnée et si pâle, aux os saillants, pour la tendre vers toi, qu’il reste statue vide de sens jusqu’à ton départ.

Egoïstes et effrayées, tes pensées battent les parois de ton esprit, te soufflant au passage leurs ordres décousus, leurs mots qui ne parviennent pas à avoir le moindre sens dans ton cerveau amorphe. Plus rien d’autre ne compte que cette masse immobile, que cette enveloppe de chair que tu fixes d’un œil où perce l’incompréhension. Ta gorge se serre et tu déglutis difficilement, sans parvenir à accepter une réalité bien trop dure pour toi.
Ton cœur bat par secousses, par à-coups, et le sang bat à tes tempes. Les souvenirs qui imprégnaient ta peau ressurgissent, t’assaillent de mille visions, tes pensées tournoient à un rythme éperdu.
Tes yeux de glace ne cillent pas, égarés dans l’océan de ténèbres qui habite ceux de ton père.
*Papa, ils t’ont fait quoi ?*

Tu sens un froid polaire envahir ton corps, courir dans tes veines, glisser entre tes omoplates, geler la terreur qui pulse dans ta tête. Un pas en avant, puis un autre, et tu vas t’appuyer au sommier, les traces humides colorant la peau de tes joues de nuances d’argent. Tu clignes des yeux, sans émettre un seul son, serrant les paupières le plus fort possible pour faire taire ton âme qui se brise, t’infligeant une douleur sans nom.

Combien de temps la pièce reste figée ainsi, sans un bruit, sans un mot ? Une éternité durant laquelle tu te sens sombrer un peu plus.


« Kyana ? »


Un son vient détruire l’infinie solitude qui étreint tout ton corps, et tu redresses la tête, les yeux débordant de larmes. Papa laisse planer sur ses lèvres plus blanches que jamais un léger sourire, un faible sourire, puis souffle d’une voix qui t’arrache un tremblement :

« Alors tu es venue… »


Un murmure, un son empli de douleur. Tu captes l’éclat des yeux verts de Maë qui se tient toujours dans l’encadrement de la porte, qui esquisse un moue emplie de haine. C’est d’ta faute, tu le sais ça ? C’est à cause de toi que Papa a choppé ce foutu truc, à cause de toi qu’il va crever. Dégage. T’as rien à faire ici, d’accord ? C’est plus chez toi.

Un frémissement joue à la naissance de ta nuque ; une nouvelle larme coule, se brisant sur le col de la veste que tu n’as pas quittée.


« Je… Oui Papa, j’suis v’nue. Je… Je t’aime, moi aussi. Vraiment très fort. »


Maë sourit. Un sourire qui te glace encore plus que toute la douleur qui danse partout dans ton corps. Un sourire plus violent encore que les mots les plus aiguisés, un sourire identique à celui de tes souvenirs et pourtant débordant de colère. Une traduction de ce sentiment d’impuissance la rongeant de plus en plus profondément, un sourire terriblement désespéré.

Son père va mourir et elle n’a pas vu sa sœur depuis plus d’un an, chuchote ton cœur. Elle se sent seule, tu vois ? Elle a mal et personne comprend, puisqu’elle ne peut pas parler des pouvoirs qui ont brisé sa famille en morceaux. Elle voudrait vraiment te faire à nouveau confiance, et pourtant elle se l’interdit, parce que tu l’as trahie.

La voix de Papa retentit à nouveau dans la fraîcheur de la chambre, coupant court à toutes les excuses que tu voudrais leur hurler.


« Maë ? Tu… tu voudrais bien don…ner à ta sœur l’étui noir ? Tu sais, qui est posé dans l’…angle ? »


Tes sourcils se froncent tandis qu’elle s’avance. Elle se penche, et sans même te regarder, te pose dans les mains la boite recouverte d’un doux tissu. Ta bouche s’entrouvre et ton cerveau tente vainement de comprendre.

« C’est le violon de ta… Maman. Elle aurait vou… voulu que tu l’aies, et tu es… celle qui saurait… le mieux t’en occuper. »


Ta culpabilité cède place à l’étonnement le plus profond, et tu serres contre ton torse l’objet ; le plus précieux souvenir qu’il te reste de ta mère. Une inspiration hachée, une seconde, puis tu t’avances lentement vers la tête du lit. Le son de tes pas est étouffé par l’épais tapis et ne retentit dans tes oreilles que le sifflement du vent au-dehors. Maë ne dit rien, mais son souffle est bruyant, sa tension palpable. Tu déposes un baiser léger sur le front glacé de Papa, souffles un Merci ridicule.

« Je… j’suis désolée. Tellement désolée. »


Tu recules, jettes un regard à Maë qui te fixe d’un air incrédule, quittes la pièce sans autre parole. La troisième marche de l’escalier craque à nouveau, comme un adieu grinçant, et tu te précipites vers la porte. Tes jambes s’immobilisent soudainement, et ta main cesse de presser la poignée de métal. L’étui toujours pressé contre ton cœur, tu entrouvres le poing pour contempler le parchemin sur lequel s’étale la graphie soignée de ta professeure. Tu te tournes, t’empares d’un ruban négligemment posé sur la table, saisis un stylo.

La porte émet un sifflement lorsque tu l’ouvres, et tu te retrouves une nouvelle fois dans la rue, tes cheveux agités par le vent voltigeant autour de ton visage.
Tu marches quelques mètres, avant d’aller t’asseoir sur les marches du perron d’une autre maison. Te servant du dessus de la boîte de l’instrument posé sur tes genoux comme support, au dos du parchemin tu inscris quelques mots maladroitement tracés. « Est-ce que vous pourriez venir me chercher, s’il vous plaît ? Je vous attends devant ma maison. »
Tu déposes l’étui sur les marches, te remets debout et avances encore un peu. Enroulant le parchemin, le ruban serré dans ton autre main, tu cherches un quelconque oiseau qui pourrait porter ta missive.
Ton choix se porte sur une créature de taille moyenne à qui tu montres le papier. Etrangement, il ne fuit pas, et tu parviens à attacher la lettre à sa patte.


« A Amy Holloway, Aberdeen. »


Ta voix est douce et tu caresses la tête de l’oiseau du bout du doigt. Une tristesse incommensurable recouvre ton cœur, quelques larmes continuent de couler et pourtant tu es heureuse d’être là. Papa risque de mourir, les sentiments de Maë à ton égard n’ont pas changé mais tu te sens bien, dans ce microcosme qui a abrité toute ton enfance. Un sourire étire tes lèvres encore agitées des tressautements des sanglots, et tu retournes t’asseoir sur les marches de pierre.

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20 juil. 2020, 15:44
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
Amy aurait pu s'effondrer, là maintenant tout de suite. Revoir toutes les affaires de Scott qu'elle avait entassé dans l'entrée dans l'espoir qu'il revienne chez elle un jour pour les récupérer lui fendait le coeur. Quand la situation entre moldus et sorciers serait calmée, il pourrait venir récupérer ses affaires, elle en était certaine. La rousse se demandait ce qu'il faisait en ce moment. Si cela se trouvait, il l'avait même dénoncée à son boss ? Peu probable venant de lui.

La professeure de Défense contre les Forces du Mal commença l'activité qui la faisait revenir ici à peu près une fois par mois : le ménage. Le problème avec le fait d'habiter à quelques pas de la mer était que le sable et la poussière étaient présents dans la maison en grande quantité. A coups de Recurvite, elle nettoya en premier lieu la cuisine, puis s'attaqua au salon et à ses meubles. Lorsqu'elle eut enfin fini la première partie de sa maison, elle releva la tête pour voir un oiseau qui tapait au carreau, oiseau qui tenait une petite lettre. Quelqu'un l'avait-il vue rentrer chez elle, ou la direction avait-elle capté que leur professeure de DCFM s'était enfuie du château avec une Serdaigle ? La dernière option n'était clairement pas la bonne, l'oiseau n'était pas un hibou.

Amy ouvrit la fenêtre, caressa la tête de l'oiseau et récupéra le parchemin. L'oiseau partit sans demander son reste alors que la rousse lisait les quelques mots écrits sur le rouleau. Le "Je vous attends devant ma maison" ne signifiait rien de bon, tant pis pour le reste du ménage. En quelques minutes, la professeure de Défense contre les Forces du Mal relança les sortilèges de protection pour que sa maison soit impossible d'accès puis transplana dans la petite ruelle d'Edimbourg.

Ses pas se faisaient rapides alors qu'elle retournait vers la maison de la famille Lewis. Elle mit moitié moins de temps qu'au premier aller-retour et c'est quasiment essouflée qu'elle arriva sur le perron pour y trouver la petite Kyana.

"Tout va bien ? Faut-il que j'aille intervenir auprès de la petite demoiselle et son regard mauvais de tout à l'heure ? Je peux lui faire passer l'envie d'être désagréable, vous savez"

pilier, fossile, vieux mur, Amy Holloway

06 août 2020, 01:05
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
Les yeux perdus dans le vague, tu songes. Tes mains convulsivement serrées sur la boîte noire, ton esprit égaré dans les méandres de ton passé, tu voudrais t’emparer d’une plume, d’une feuille de parchemin pour déverser tout ce que tes lèvres ne sauraient exprimer. Non, pas écrire tes larmes et le chagrin qui, sourde pulsation, bat au plus profond de ton cœur, pas décrire ton univers qui semble s’effondrer.
Seulement rédiger Maë. Rédiger Maë et ses sourires naïfs, rédiger Maë et les notes de sa flûte, rédiger Maë et son innocence. Seulement rédiger Papa. Papa et ses encouragements, Papa et son éternelle fierté. Les écrire, maintenant, pour ne pas que le souvenir de leur passé s’estompe, pour ne pas conserver d’eux que cette image brisée et ces regards éteints.
Une certitude s’est imposée à toi avec force, il y a quelques jours, alors que tu relisais, encore et encore, la lettre de Papa,
*J’les reverrai jamais. Jamais, jamais*. Et cette certitude t’a décidé à coucher sur le papier tout ce qui te restait d’eux, tout ce que ton âme de gamine pouvait encore se rappeler. Ta sœur jumelle, sa joie de vivre et la douceur de vos instants passés ensemble. Ton père, sa main posée légèrement sur ton épaule, le jour de l’enterrement de Maman.
Tu voudrais écrire tout, les bonheurs, la douleur, l’abandon, la solitude, ton enfance, pour ne jamais l’oublier. Pour que ça ne s’évapore pas, pour que ça ne rejoigne pas ce néant où sont déjà tombés une multitude de souvenirs.

Tu voudrais écrire ton passé, pour l’offrir à Petite Ombre. Pour qu’elle comprenne la profondeur de ta douleur mais qu’elle soit aussi témoin de l’infinité de sourires, de rires qui ont fait de ton existence ce qu’elle est aujourd’hui. Pour qu’elle garde elle aussi la mémoire de ta famille, pour qu’elle sache qui vous étiez avant que la magie ne vienne détruire votre paisible univers.

Faute de plume et de papier, tu te contentes de dissimuler tes mots soigneusement, de les garder de côté dans un coin de ton cœur, pour pouvoir les faire glisser un peu plus tard, et tu passes la main sur le couvercle de l’étui sombre. Hésitante, tu le soulèves avec douceur, sens les souvenirs affluer.
De nouveaux souvenirs, à écrire également. De nouveaux souvenirs qui avaient presque disparu de ton esprit, de nouveaux souvenirs qui remontent si loin en arrière que tu pensais que jamais ils ne pourraient revenir, de violents souvenirs d’un hiver, baignés d’une multitude de lueurs et enrobés d’une belle couleur d’ambre.
Tornade en forme de soupir, sourire qui serre ton cœur, tu revois le beau visage de maman, debout dans le salon à la maison. Ébranlant encore une fois tes fondements, tu entends résonner ses notes de velours dans la chaleur de l’âtre crépitant, tu vois glisser son archet à la bonne odeur de forêt, et tu te prends, un instant, à fredonner les sons qui te reviennent peu à peu.

Le violon est beau. Outre le charme qui le rend inestimable à tes yeux, outre l’infinité d’idées qu’il t’apporte, outre ton envie de le saisir pour laisser courir la baguette et ses crins sur les cordes, il possède quelque chose qui emplit ton cœur d’un mélange de mélancolie et de bonheur indicible, qui serre ta gorge et fait trembler tes mains. Maman a tenu cet instrument, il y a tant d’années. Maman l’a tenu entre ses mains, elle a laissé ses doigts appuyés nonchalamment sur les fils et ses lèvres s’étirer à mesure que la musique grandissait. Maman a composé juste pour Maë et toi, et a fait murmurer pour vous ces sons si gracieux avant que vous vous endormiez.
Et Papa a pris soin de le garder aussi beau qu’il y a huit ans. Il l’a lustré, il l’a accordé, il l’a rendu plus impressionnant encore que lorsque tu l’as vu pour la première fois.

De longues minutes, tu caresses son bois brillant. Sans réellement parvenir à formuler une seule pensée cohérente, tu te contentes de l’admirer, un peu craintive de l’abîmer ou même de le salir, tes doigts effleurant la douceur des cordes. Tu ne sens même pas le froid de la marche de pierre sur laquelle tu es assise, ou la brise qui joue avec ta peau ; plus rien d’autre que l’instrument ne compte, et tu te laisses hypnotiser par les reflets qui se laissent apercevoir de temps à autre.
Finalement, clignant des yeux pour refouler les souvenirs de Maman et l’infinie reconnaissance envers Papa, tu refermes délicatement le couvercle, dissimulant son bois étincelant à l’avidité de ton regard de glace.

Le craquement qui retentit dans la ruelle ne te surprend presque pas ; tu relèves la tête lorsque la professeure arrive à ta hauteur. Son souffle est court, mais tu n’y prêtes presque pas attention ; l’étincelle d’inquiétude qui scintille dans ses yeux te perturbe, en revanche.


« Je peux lui faire passer l'envie d'être désagréable, vous savez. »


Les mots mettent un temps à parvenir à ton cerveau, et lorsque tu comprends enfin leur sens, tu esquisses une moue de surprise. Le regard fixé dans le sien, tu fronces les sourcils, un peu gênée par la lumière du soleil qui brille derrière sa tête.
J'veux pas savoir, souffle ton cœur. J'veux pas que Maë subisse quoi que ce soit à cause de moi.


« Je… C’est ma sœur. »


*Pourquoi elle voudrait lui faire du mal ?*
La méfiance s’empare de ton cœur, le serre dans un étau, et tu contemples son visage. Que pourrait-elle bien oser faire à Maë pour qu’elle cesse de s’inquiéter pour Papa ? Pourquoi souhaiterait-elle la blesser, lui jeter un sort douloureux ?
*Elle veut vraiment que Maë ait pour toujours envie de m’assassiner ?*

« Et y’a pas b’soin. Elle est juste inquiète, c’est pas grave. »


Tu déposes l’étui près de toi, te remets sur tes pieds puis saisis à nouveau le violon. Dans ta main est encore serrée l’adresse de la professeure. Tu te tournes un court instant vers la porte de la maison, jettes un œil à l’étage sans parvenir à apercevoir Papa ou Maë, puis tends ta main à Amy Holloway.

« J’les reverrai peut-être pas, vous savez ? Mon Papa il va peut-être mourir et… »


A ces mots, ton cœur bat un peu plus fort. Impossible ! C’est pas l’heure, voudrait hurler ton âme. Il est trop jeune, il a pas le droit de nous abandonner.

« Et je crois que rester au Château ça me fera me sentir mieux. Je pourrais plus vivre ici, j’crois, c’est trop dur. Je sais pas comment elle fera ma sœur, mais je veux pas le savoir. Elle est plus dans ma vie, maintenant, hein ? »


Tes phrases sont plus longues que tout ce que tu as pu prononcer depuis de longues semaines. Un besoin de s'épancher, de livrer à quelqu'un l'intégralité de ta pensée.
Un peu perdue dans tes pensées, tu inclines la tête.
*J’vais peut-être retrouver Petite Ombre, ce soir. Ce sera une belle Nuit, j’suis sûre.*
Avec l’envie un peu malsaine de partir au plus vite, de tourner la page, de tout faire pour oublier ta Famille, qui t’a entourée depuis ta naissance, tu soupires. Soulagement, peur de l’inconnu et sentiment d’intense liberté se mêlent dans les tremblements qui font frémir ta respiration. La tristesse a fait son temps, et désormais elle paraît avoir disparu. Sans doute reviendra-t-elle, mais pour l'heure elle a laissé ton esprit en paix.

Toutes mes excuses pour ce temps de réponse.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

22 août 2020, 16:13
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
Non pas qu'Amy était méchante envers les gens qu'elle ne connaissait pas, mais le peu de l'attitude qu'elle avait vu de la part de la demoiselle qui avait ouvert la porte lui donnait envie de venger Kyana. Lorsque cette dernière répondit qu'il s'agissait de sa sœur, Amy se contenta d'un "Ah". Drôlement sympa la sœur. Peut-être jalouse que sa sœur soit une sorcière et pas elle ? Les paroles suivantes ne convainquirent pas réellement la professeure de Défense contre les Forces du Mal, mais elle ne répondit rien et préféra continuer à écouter ce que la jeune Serdaigle avait à lui dire. Il lui semblait qu'elle avait besoin de se confier alors Amy attendit.

Son père allait mourir et évidemment la professeure de Défense contre les Forces du Mal le savait. Elle l'écouta finir sa tirade avant de prendre sa main tendue et de répondre.

"Vous avez pu voir votre père avant de mourir. Je sais que ce ne sera pas un souvenir très facile à vivre de l'avoir vu dans un état proche de la mort, mais vous ne pourrez pas vous en vouloir de ne pas avoir pris le temps de le voir dans ses derniers instants. Vous avez vos amis à Poudlard et ils vous aideront à leur manière à faire votre deuil. Vous pouvez également en parler aux adultes autour de vous si vous en ressentez le besoin".

Elle fait une pause avant de reprendre.

"Pour votre soeur, elle sera sans doute confiée à un membre de votre famille. Au vu de l'attitude qu'elle a envers vous, je pense que ce sera le cadet de vos soucis. N'oubliez pas par contre que vous la reverrez tous les étés. Avec un peu de chance, vous n'aurez pas à trop communiquer".

Amy jeta un coup d'oeil à la porte. Ladite soeur écoutait-elle la conversation des deux sorcières ? Il ne lui semblait rien entendre à l'intérieur de la maison.

"Vous voulez qu'on rentre au château ? Il me faudra dissimuler votre instrument de musique avant de partir, par contre".

pilier, fossile, vieux mur, Amy Holloway

28 août 2020, 11:20
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
La colère que tu vois bouillonner dans les yeux de ta professeure te perturbe. Pourquoi tient-elle autant à te venger de Maë ? Pourquoi désire-t-elle à briser un peu plus votre famille, alors que ta jumelle est la seule personne encore bien vivante dans ton univers ?
Certes, elle est odieuse et a détruit tes espoirs, il y a quelques semaines. Elle a mis en morceaux ta confiance et t’a emplie de haine. Elle a détruit les amitiés que tu avais mis tant de temps à tisser, aussi. Mais elle reste ta sœur. Elle reste ta jumelle, celle qui a su te ressembler davantage que n’importe qui et posséder un caractère totalement différent du tien. Elle a grandi avec toi et a construit votre enfance. Elle t’a offert tous ces instants bien trop courts, que l’on voudrait prolonger pour l’éternité, ces sourires et ces éclats de rire incroyablement doux.

Elle était là, quand tu pleurais à cause des mots acérés des Autres, à l’école. Elle te prenait dans ses bras et te serrait fort, elle faisait étinceler tes yeux et séchait tes larmes. Avec elle, avant que la Magie ne vienne détruire votre monde et ne tue Papa, l’univers était beau. Il était parfois sombre et terne mais Maë savait ramener les couleurs qui le rendaient si lumineux, pour quelques instants.

Non, Maë n’y est pour rien. Maë n’a rien demandé, elle n’a fait que subir les évènements et le cours du temps. Et même si tu affirmes ne plus rien avoir à faire avec elle, dans un coin de ton cœur tu continues de l’aimer et de désirer son bonheur. Dans un coin de ton cœur, tu te rappelles de ces dettes que tu as envers elle et que tu ne pourras plus jamais rembourser. Dans un coin de ton cœur, tu sais que tu ne saurais oublier ta sœur et ce qu’elle a été, ce qu’elle est encore. Et tu t’en veux pour ce qu’elle a dû vivre, pour son monde qui s’est déchiré à cause de toi, sans que tu n’interviennes.

Tu jettes un œil à la professeure, examines son visage sans ciller. Subsiste toujours cette petite interrogation, cet étonnement qui te taraude. Pourquoi a-t-elle accepté de venir avec toi ? Qu’a-t-elle à y gagner, pourquoi est-elle si gentille avec toi, la gamine pleine de ténèbres et orpheline ? A-t-elle vu une lueur d’espoir, quelque chose qui pourrait t’aider à sortir de cette nuit morne dans laquelle tu vis chaque jour ? Pense-t-elle que tu peux vivre à nouveau ? Et qu’un jour, le souvenir du visage de Papa ne hantera plus tes cauchemars et ne te réveillera plus en sursaut au milieu de la nuit ?
Soudainement, tu te sens suffoquer. Une bouffée d’espoir te submerge, et tu souris à Holloway. La moitié des mots qu’elle a prononcés n’a plus aucun sens, mais ce n’est pas grave. Elle est là, elle parle et prononce ces phrases rassurantes de sa voix douce, elle te redonne envie de vivre. Elle te donne envie de saisir ton violon, de ne plus pleurer que par bonheur, de ne plus être faible et de te sentir enfin entière.
Tous les mots de Bristyle, tous les regards peinés de Lili, ne sauraient t’empêcher de t’élever contre les oppressantes douleurs qui t’étouffaient depuis tant de temps. Tu baisses le regard vers ta main, celle qui tient l’étui, contemple tes phalanges à la peau déchiquetée. Tes doigts sont abîmés, ta chair encore à vif et prête à saigner à nouveau.
*Ces plaies sont comme mon cœur, en fait : ‘sont en train de cicatriser. Et bientôt, y’aura plus rien qu’un souvenir là où y’avait du sang et de la douleur.*
Ce coup mis dans le mur t’a semblé attiser les braises de ta colère, t’a donné envie de mettre en pièce l’Autre qui se trouvait là, mais il a aussi évacué les peines que tu portais sur tes frêles épaules. Il a détruit le chagrin qui étreignait ton cœur pour laisser place à un ardent souhait de t’ouvrir au monde et de découvrir les cieux.
Ses mots sur ton violon te font tiquer.
*Elle raconte quoi ? J’le laisse pas là.* Tu fronces les sourcils, quittes tes phalanges défoncées pour relever la tête vers elle.

« J’peux pas l’laisser là, c’était le violon d’ma maman. »


Tu remontes l’étui contre ta poitrine, le serres encore plus contre toi, comme pour puiser de la force dans les souvenirs qu’il t’apporte.

« Ma sœur… Elle a pas b’soin de votre colère. Elle veut juste un monde normal et c’est à cause de moi qu’elle l’a pas. C’est d’la faute de la Magie, elle y est pour rien. »


Tu hoches la tête, laisses un sourire sincère éclairer tes lèvres jusqu'alors pâlies par la peur.

« Oui, j’veux bien qu’on rentre, maintenant. S’il vous plaît. »


Tu lui tends ta main, lèves un instant les yeux vers la fenêtre de l’étage. Un éclat cuivré fait scintiller tes yeux, au coin de la vitre. La dernière image que tu aurais de Maë était belle.
Tes lèvres s’articulent silencieusement, tandis que tes pensées murmurent :


« Au revoir, Papa. Je t’aime. »

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ent‘r‘êvée

10 oct. 2020, 14:27
 Édimbourg  Dernier Voyage  Privé 
Mes plus sincères excuses pour ce retard...

La jeune Serdaigle n'avait pas vraiment compris la phrase d'Amy. Elle lui répliqua qu'elle ne comptait pas laisser le violon ici, mais la professeure de Défense contre les Forces du Mal voulait simplement le réduire à une taille suffisante pour le mettre dans sa poche, histoire de pouvoir le transporter sans être "grillées". La rousse rectifierait le tir dès lors que Kyana aurait terminé de parler.

Evidemment, elle défendait sa soeur. La directrice de Serdaigle ne dit rien car elle ne connaissait pas toute la situation. Elle n'avait que des apriori sur ladite soeur, qu'elle n'avait vue que quelques secondes et dans un état d'esprit différents d'autres jours dits "normaux". Une fois que la Serdaigle eut exprimé le désir de rentrer, Amy put reprendre la parole.

"J'ai juste besoin de récupérer le violon pour le réduire. Je vous le rendrai dès que nous serons dans la salle commune".

La professeure récupéra le violon dans sa main gauche et lui lança un Reducio. Elle plaça le violon dans sa poche, accompagné de sa baguette, puis prit la main de la petite Kyana. En silence, elles firent le trajet inverse jusque vers la ruelle, comme une maman en promenade avec sa fille. Le transplanage se passa aussi bien qu'à l'aller, et toujours en silence, elle rentrèrent au château, Amy ayant lâché la main de la demoiselle avant que ces dernières n'arrivent à la frontière du dôme protecteur.

Dans la salle commune, la professeure de Défense contre les Forces du Mal invita Kyana à passer la petite porte menant au bureau de la directrice de Serdaigle, qui était la plupart du temps fermé et inoccupé. Elle l'invita à s'asseoir sur l'un des fauteuils avant de reprendre le violon et de lui rendre sa taille normale ; le violon était posé sur le bureau, entre elles deux.

"Voilà pour le violon. Si on vous demande comment vous l'avez eu, dites que le colis était en attente à Pré-Au-Lard et que je l'ai récupéré pour vous. Personne ne doit être au courant du fait que je vous ai accompagnée en dehors de Poudlard, il vous faudra donc être rusée si jamais vous devez parler de cet... événement à vos camarades".

pilier, fossile, vieux mur, Amy Holloway