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27 juin 2020, 18:08
La mer entre nous  OS 
Le ciel a perdu ses couleurs, le soleil a tourné au gris
Au moins, il se sent comme moi, comme chaque fois que vous êtes loin
Je rampe dans un coin, à regarder les minutes passer...
Chacune me rapproche du temps où je reviendrai
Je ne peux pas supporter la distance, je ne peux pas supporter les kilomètres
Je ne peux pas supporter le temps, jusqu'à ce que je vois vos sourires à côté de moi
Je n'ai pas honte, qu'avec chaque souffle que je prend j'appelle vos noms
The Distance, Oliver James

Entre Rosscarbery et Londres, 30 juillet 2042


J'avais eu un peu plus d'un mois pour digérer la nouvelle. D'abord, ce fut l'indigestion, puis la nausée, quand j'ai réalisé que cette vie ne serait bientôt plus ma vie.
Des nouveaux visages, un nouveau pays, des nouveaux pouvoirs. Un nouveau monde. Un monde que je ne connaissais pas et qui me terrifiait. Il me terrifie toujours d'ailleurs, mais au bout d'un mois, j'ai appris a vivre avec cette peur. Elle est devenue une bonne amie, elle m'accompagne, met mon corps en mouvement et habite mon esprit.
Elle est ce qu'il y a de plus proche de mois désormais, elle et la tristesse. La colère aussi a trouvé le chemin de mon cœur.
Je pensais pas qu'il était possible d'être autant en colère mais que rien n'arrive a sortir. A part les larmes. Elles, elles sortent sans aucun problème, je me demande même si elles vont finir par se tarir à un moment donné. Et laissé mon visage sec et rêche comme les champs de blé séchés par le soleil.
Il y a deux jours, que j'ai posé mes pieds pour la dernière fois dans ce champs de blé. Les épis flottant dans le vent semblaient me faire des signes pour me dire adieu.
J'ai posé pour la dernière fois mes doigts sur les touches nacrée et froides du piano dans la véranda. Puis mes doigts ont parcouru le mur de pierres chauffées par le soleil.
Et finalement, se sont mes bras qui ont étreint des corps, tremblants, autant que le mien. Et mes joues, qui ont rencontré d'autres joues, humides.
Depuis, mes joues sont restées humides. Les larmes qui coulent dessus viennent gonfler la mer d'Irlande que nous traversons avec papa. J'ai du mal à le regarder. Lui et ses yeux de la même couleur que l'eau. J'ai du mal à l'écouter, lui et ses mensonges. Alors, je ne regarde pas, je n'écoute pas et je ne parle pas. Les seuls sons qui traduisent la vie sont le bruit du moteur du bateau et des deux membres d'équipage qui nous accompagne dans cet aller sans retour. Papa à loué un magnifique bateau blanc. Il est très beau et pourtant, il me fait penser à un monstre. Alors, je préfère ne pas le voir.
Je me suis postée à la proue du bateau. Il n'y a que les grosses cordes beiges accrochées de chaque côté qui m'empêche de plonger pour rejoindre la côte Irlandaise à la nage. Et puis, papa me surveille, je sens son regard posé sur moi. Constamment. Il s'inquiète et il cherche un moyen de rompre ce silence qui est devenu trop bruyant depuis ce déjeuner sous la pergolas.
Moi, mon regard est porté au loin, sur l'horizon, que je ne distingue plus entre le bleu du ciel et celui scintillant de l'eau sous le soleil.
C'est plat. Tout est plat. Comme le tracé de mon cœur anesthésié. Puis, d'un coup un rythme revient, irrégulier comme les contours de la côte anglaise qui se dessine loin, presque comme une illusion. Un rêve, ou dans mon cas, un cauchemar.
La traversée à duré une longue journée. Mais là, j'aimerais juste qu'elle dure encore, qu'elle ne se finisse pas. Je ne suis pas prête à quitter la mer d'Irlande. Son nom est le dernier morceau qui me rattache à ma vie. Celle d'avant.
Mais malgré mon pouvoir de sorcière, je ne peux rien contre le temps qui passe et ce sentiment que la terre que je repousse, veut m'aspirer.
Alors, impuissante, je me rapproche de la côte et mes doigts se serrent autour des cordes. Mes jointures sont blanches et mes yeux sont rouges.

Le bateau vient embrasser le quai du port et s'y lie avec des cordages. J'ai l'impression que ce sont mes mains que l'on entrave de cordages, lourds et serrés.
Je pose mes pieds sur le sol, dur, et pourtant, j'ai la sensation de m'y enfoncer, de ne pas avoir d'équilibre. J'avance comme un automate, mon corps répond à une volonté qui n'est pas la mienne, comme si une grande main me poussait dans le dos.
Près du port, papa me désigne une grosse voiture bleue nuit.
Je m'assoie à l'avant et je sens le vide me gagner à mesure que le coffre se remplit de ma vie.
Papa s'installe au volant en me souriant. Un sourire que je ne lui rend pas. Le trajet dure trois heures. Trois heures, et je passerai de l'autre côté du miroir. Trois heures de silence, de paysages qui défilent comme les images d'un livre dont les pages tourneraient trop vite pour que l'on puisse y attraper un détail. Trois heures avant de dire adieu à celle que j'étais. Trois heures avant Londres.

Londres, son ciel gris et pollué. Ses immeubles et ses rues étriquées. Le noir du bitume a remplacé le doré du blé. La houle des passants à remplacé la houle de la mer. La brique grise de Leur maison a remplacé la pierre beige de Ma maison.
Gaby, l'irlandaise, la dévoreuse de livres et de tarte aux pomme a été remplacée par Gabriella, l'anglaise, la sorcière.
Entre elles, il n'y a que la mer.

☆ 3ème année RP ☆
Ma Fiche
L'Ombre s'attache à un être, avant que les ténèbres ne la fassent disparaître...