Shado sentait son esprit se relaxer à mesure que le petit félin prenait vie sous ses traits. Il était presque terminé et, bien qu'imparfait, il était ressemblant à ce que la jeune fille savait des margays.
Ces animaux étaient de très bon grimpeurs et la brune les adorait. Depuis qu'elle en avait vu au zoo, Shado n'avait de cesse de les représenter dans les arbres. A force de travail, ses margays devenaient plus réalistes et s'imposaient peu à peu comme ses compagnons de dessins.
Ils étaient comme un animal de compagnie. Réconfortants lors de moments douloureux, ils étaient des signaux de détresse envoyés à un être invisible. Quand Shado les dessinaient, ils allégeaient ses démons. Ils ne la débarrassaient pas de tout, évidemment, mais les félins l'aidaient à chasser les pensées obscures et malvenues.

Shado émergea de ses pensées, et releva la tête par simple réflexe. Elle se trouvait dans une salle vide qu'une Poufsouffle lui avait montré, le temps dehors ne lui permettant pas d'utiliser ses endroits habituels. Sa maison lui manquait. Là-bas, même quand il faisait froid, Shado se postait au rebord d'une fenêtre pour regarder la ville. La vue lui manquait, la vie aussi. Elle détestait ne pas avoir de nouvelles d'eux par peur qu'une lettre soit interceptée. Parfois, elle avait envie de rentrer chez elle. D'abandonner Poudlard, de renoncer à la magie. Puis, elle se rappelait qu'elle ne pourrait pas les protéger sans cette dernière.

Ce fut sur ces pensées que Shado retourna à son dessin, effaçant la tête trop gentille du margay, dessinant à la place une expression féroce.

Shado traça doucement l'esquisse de l'arbre sur lequel se tenait le margay avant de la repasser d'un trait fluide. Elle était concentrée pour faire ressortir la texture du bois et regrettait de ne pas avoir de musique dans les oreilles. Les mélodies en tout genre l'avaient toujours aidée à se relaxer, peut-être parce qu'elles lui rappelaient son frère.
Quand elle entendit une voix, Shado sursauta. La jeune fille était trop attentive à son coup de crayon pour entendre quoi que se soit. Elle fut également surprise que quelqu'un vienne lui parler. Le garçon était blond et semblait plus âgé qu'elle. La brune fut quelque peu surprise par sa remarque mais comprit rapidement qu'il était également un artiste. Elle répondit en rougissant légèrement.

- Oh, merci. Non, non tu ne me dérange pas, j'étais juste concentrée. Tu peux rester si tu veux, moi c'est Shado.

Elle désigna ensuite son dessin de la main, utilisant un peu d'humour pour commencer la conversation.

- Et lui c'est Léo. C'est un margay, un petit félin qui vit dans les arbres. Il m'accompagne un peu partout ces temps ci.

La fin de sa phrase fut ponctuée d'un petit sourire triste quand la brune se rendit compte de la véracité de ses propos. La plupart de ses dessins contenaient un margay en ce moment. Ce n'était pas vraiment un bon signe, puisqu'elle les dessinaient majoritairement pendant ses épisodes dépressifs. En ce moment, ces cauchemars se faisaient plus brutaux. L'absence de nouvelles de sa famille et le contexte politique faisaient angoisser la jeune fille. Aussi se plongeait elle dans les cours et, lors de son temps libre, dans les dessins.

Shado rougit encore un peu plus quand Alexei, car c'est comme ça que s’appellait le garçon, la complimenta une deuxième fois. La brune n'avait jamais montré ses dessins à un parfait inconnu avant et les seuls éloges qu'elle pouvait recevoir sur ces croquis venaient de sa famille. Hors, Alexei était plus objectif, ce qui renforçait les louanges de ce dernier. En plus de ça, il dessinait aussi, ce qui donna plus de poids à son commentaire.
Quand le blond remarqua sa peine, Shado se demanda si elle devait lui parler des problèmes qu'elle rencontrait. Alexei avait l'air gentil, mais la brune avait appris que cette façade cachait parfois un visage plus sombre. La jeune fille avait cependant conscience que son état allait en s'empirant et qu'elle ne pouvait pas continuer comme ça. Elle considéra le garçon pendant un moment et décida de lui parler d'une partie de ses problèmes. Au pire, il l'insulterait et partirait. Au mieux, il pourrait peut-être l'aider.

- Tu peux peut-être t'asseoir, ça va être long.

Shado prit le temps de rassembler ses pensées, examinant méticuleusement ce qu'elle lui dirait et ce qu'elle garderait pour elle.

- Je fais pas mal d'épisodes dépressifs en ce moment, enfin plus qu'avant. J'ai tendance à beaucoup dessiner pendant ces périodes, surtout des margays, comme Leo.

Elle fit une pause, pour laisser le temps à Alexei d'assimiler la chose. Après tout, ce n'était pas tous les jours qu’une fille de 12 ans vous avouait être dépressive. Shado elle-même avait rejeté ce terme quand les médecins moldus lui avaient dit. La dépression c'était quelque chose de gros. Un terme que les institutions te collaient sur la tête. Dépressive, c'était l'étiquette que la brune portait. Sans plus céder aux pensées sombres, Shado continua son récit.

- Je suis une sang-mélée et ma famille habite à Edimbourg. Du coup, j'ai toujours peur que mes parents et mon frère se fassent attaquer. C'est pire parce qu'ils peuvent être touchés par les moldus et les sorciers. Je suis constamment terrorisée qu'il leur soit arrivé quelque chose. En plus, mes pères ont décidé qu'il serait trop dangereux d'échanger, même par courrier moldu au cas ou quelqu'un lirait le leur. Je suis dans le flou là, ils pourraient mourir à tout moment et je...je le saurais m..même pas.

Elle s’arrêta pour reprendre son souffle alors que ses yeux brillaient de larmes contenues. Shado avait déjà envisagé ce scénario, mais le dire à haute voix rendait la chose bien plus réelle. La brune ne pleurerait pas, elle n'en avait pas le droit. Elle s'était promis de ne plus pleurer avant qu'il ne se passe vraiment quelque chose. Elle reprit son discours d’une voix douce.

- C’est juste que je comprend pas. Pourquoi les gens n’acceptent pas simplement les autres ? C’est pas si compliqué pourtant. Et puis, les sorciers se prétendent meilleurs que les moldus mais tout le monde est au même niveau. Ursula Parkinson est de mon avis pas mieux qu’un dictateur moldu. Je sais pas ce que tu en penses mais j’en ai marre. J’ai pas envie de me battre pour vivre, je le ferais si je le devais mais j’ai pas envie.

Alexei était gentil. C'est ce que Shado voyait chez lui. Il était rassurant aussi, bien que pas vraiment plus avancé qu'elle par rapport aux événements. Parler de tout ça faisait du bien à la brune. Elle n'avait pas besoin ou même envie qu'on lui donne des réponses très claire à ses questions car elle aimait réfléchir par elle-même. Cependant, exprimer ses pensées l'avait toujours aidée, peut être parce qu'elle le faisait depuis toujours. Jayden et elle parlaient de tout. De choses importantes aux questions bêtes de la vie de tout les jours en passant par les questions existentielles.
Chacun apportait son point de vue. Il arrivait que les deux enfants débattent des heures de sujets sans intérêt, juste parce qu'ils aimaient ça.
Shado formulait donc ses pensées, réfléchissant en même temps.

- Je comprends que c'est mieux qu'ils fassent attention, mais ça fait mal, tu sais. J'ai vraiment pas l'habitude de m'éloigner autant et j'ai un peu l'impression qu'ils pensent pas à moi autant que je penses à eux. C'est sûrement faux, mais je peux pas m'en empêcher.
Et puis, tu sais, pour les problèmes du moment, je me sens impuissante en fait. Je sais que j'ai que 12 ans mais c'est dur de rester sur le côté. Nan, en fait, ce qui est dur, c'est de savoir que des gens se battent pour notre liberté à tous, et qu'on peux pas les aider.

Se rendant compte qu'elle ne parlait que d'elle depuis le début, Shado secoua la tête.

- Oh, désolé à propos de ça, j'aime bien réfléchir à haute voix. T'as pas l'air d'aller très bien non plus, tu veux en parler ? Si tu veux pas c'est pas grave hein. On peut toujours parler d'autre chose, comme le dessin ou les cours.

Alexei mentait, enfin au moins partiellement. Il montrait tous les signes, les yeux fuyants et le petit sourire qui se voulait rassurant. D'après le livre de psychologie de son frère, tirer sur ses manches était aussi un signe de stress. Et puis, ne pas arriver à dormir pendant quelques jours ne faisait pas cet effet à quelqu'un.
Le simple fait qu'il ai menti suffit presque à pousser la brune a ne plus lui adresser la parole. Puis, elle se rappela qu'il ne la connaissait pas. Il pensait surement qu'elle aurait été insistante si il lui avait simplement dit qu'il ne voulait pas en parler. Shado préférait la vérité à toute forme de mensonge. Quand elle ne voulait pas parler de quelque chose, elle le disait et elle s'attendait à ce que les autres le fassent aussi. Mais tout le monde n'était pas comme ça. Certains se cachait dans le mensonge, comme ci ça allait améliorer les choses. Ridicule. Mentir n'était jamais une solution.
La discussion sur le dessin ramena la brune a la réalité. Manifestement, le blond aimait autant parler de dessin qu'elle. Elle se ferait une joie de partager une de ses passions.

- Et bien, mon père est tatoueur donc je l'ai toujours observé dessiner. Du coup, j'ai voulu l'imiter et à 5 ans, je me suis retrouvée dans un cours de dessin. Bon évidemment, à cet âge, on faisait rien de grandiose, on jouait surtout avec la peinture en fait.

Les yeux de Shado étaient plongés dans le vide, la brune se remémorant un passé paisible.

- Bref, depuis j'ai arrêté les cours, mais pas le dessin. Pour le matériel, j'aime beaucoup les pastels, gras ou secs, quoique j'ai une petite préférence pour les secs. Sinon je fais du crayon de papier, que j'encre après. Ah et un peu d'aquarelle aussi. Et toi, un technique que tu préfère ?

désolé pour le délai