Attention, vous êtes suivi PV
Kristen Loewy avait toujours marché très vite, très droit à l’horizontale autant qu'à la verticale – c’est-à-dire qu’elle marchait en angle droit, son corps ne semblait pas affecté par la vitesse de sa démarche, et elle avait toujours la tête haute et le port presque exagérément planté. Elle ne faisait pas de détours, prenant toujours le chemin le plus court pour arriver à sa destination. Elle regardait droit devant elle et ne se souciait pas outre mesure de l’environnement qui existait entre son point de départ et son point d’arrivée - cela était aussi vrai physiquement que moralement. Elle avait une allure si déterminée et un pas si rapide que lorsqu’elle était allée à Paris, un jour, elle avait trouvé les parisiens désespérément lents. Lorsqu’elle avait accompagné Erza Nyakane dans la capitale française, car c’était là sa prochaine destination, ce constat était resté le même : les parisiens n’étaient pas vraiment des champions de course. Seulement, eux avaient la particularité d’être pressés et impolis, ce qui rendait très facilement observable leur manie de se déplacer assez vite.Quand Kristen marchait, c’était plutôt d’une façon pressée mais légère, un peu comme un fantôme flotterait à toute vitesse dans de longs couloirs. On regardait ailleurs un instant, et hop ! Elle avait tourné à droite ou à gauche, on ne savait pas, mais elle avait disparu sans un bruit. Elle portait des derbies volantes, des richelieus sans-bruit ou des mocassins agents secrets – tout aurait dû faire ce bruit terrifiant que font les femmes adultes quand elles marchent dans les couloirs, ce « tap-tap-tap » légèrement aigu et annonciateur de la fin du monde, mais Kristen, peut-être par magie, ne faisait ce bruit qu’à moitié, comme s’il était un peu timide.
Aujourd’hui, donc, elle se déplaçait ainsi dans les couloirs du château de Poudlard – faut-il donner une raison ? Elle en avait bien le droit, et de toute façon, la destination n’est pas le sujet de l’histoire de ce jour, ce qui compte, pour cette fois, c’est le chemin.
Nous étions au beau milieu de l’après-midi, en pleine semaine d’hiver – c’est-à-dire que le soleil commençait presque à se coucher. Elle croisa Peeves, flottant près du rebord d’une ouverture, une sorte de fenêtre sans vitre qui donnait sur une cour, quelques mètres plus bas. Peeves lançait des morceaux de craie sur les pauvres élèves en contrebas, s’esclaffant : « Il neige, bande d’imbéciles ! » et lorsque tous les élèves eurent déguerpi, il se roula de rire dans les airs.
« Merci, Peeves. Sans vous, ces élèves seraient restés dehors et auraient sans doute attrapé froid. »
Peeves se stoppa net. Il n’y avait pas grand monde pour le vouvoyer, lui, l’esprit frappeur. Il se retourna, constata la présence de la directrice, et se mit à réfléchir. Mince alors, il n’avait pas vu les choses sous cet angle...! En s’envolant vers la cour où étaient les élèves quelques minutes plus haut, il bredouilla :
« Je ne voulais pas être gentil ! »
Et il disparut. La directrice poursuivit son chemin, et au bout de trois couloirs traversés, s’arrêta. Elle avait la désagréable impression d’être suivie par une petite souris. Elle se retourna alors, observa le couloir derrière elle, et vit à une distance à la limite du raisonnable la petite souris en question. C’était une petite élève qui, il fallait l’avouer, ne lui disait trop rien. Elle devait être trop jeune pour avoir eu Kristen en tant que professeur. La directrice haussa un sourcil et dit :
« Mademoiselle… Peut-être puis-je vous aider ? »
Élancée comme une panthère dans la fumée
Le regard noir, le visage fier, le pas feutré