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19 mars 2018, 02:31
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Darcy Crown


Des doigts tellement bleuis par la contraction que les larmes ne s'autorisaient plus à couler. Le silence d'un monde endormi, d'oiseaux muets et d'une solitude escortée. Le reflet d'un miroir ne s'autorisant pas, lui non plus ; par peur d'être découvert.
Le Rosée d'une Rose




Injecter. Toutes les couleurs s’injectaient d’une encre qui recouvrait ma peau, ne me laissant plus de place pour respirer, mes pores étouffaient, mais j’étais à l’extérieur de mon corps, et je l’observais se flétrir avec flegme ; comme si tout cela n’importait pas. Je me laissais atteindre par l'immobile, voile d’une accalmie frileuse, gelée. Tellement glacée que chaque injection supplémentaire était d’une lourdeur de plomb. Rien n’était raffiné, rien n’était délicat ; la fille-aux-cheveux-châtains était une brute. Elle imposait son état à mon cerveau, à mon corps et à ma sensibilité, sans me demander mon avis. Un avis inutile, puisque j’avais déjà accepté. Accepter d’être dans ce couloir, accepter d’être en face d’elle sans me confronter à ce Noir ; découvrir la Nuance de son Noir. Pourtant — avec mon bras levé ridiculement en l’air — l’impuissance qui saccageait mon corps trop éloigné était douloureuse. *Merlin…*. Je ressentais une douleur poussiéreuse, brute ; bien plus brutale que le regard de jade, ce n'était même pas comparable. Une douleur dansant en reflets sur cette armure trop brillante pour être emplie de poussière, une douleur qui n’avait pas de logique en cet instant de temps. Si ancienne, si horrible ; elle remontait dans ma gorge pour m’éclater dans le cerveau. Noir. Noire. Je connaissais cette douleur, elle était aussi Noire que les Soleils Obscurs. L’erreur, l’erreur.

J’étais ridicule avec mon bras en l’air, ridicule avec mes larmes, ridicule à serrer ma baguette comme si cette fille pouvait faire quoi que ce soit contre moi. J’étais simplement ridicule. Dans le reflet de cette armure, je cherchais ma fuite. Tout mon esprit me hurlait de m’en aller, je l’entendais enfin, et cette découverte était si brusque. Il hurlait si fort. *Nom d’un Sang-de-Bourbe ! Qu’est-ce q…*. Mes dents se frappèrent pour m’arracher des pans de douleur, mes tremblements m’explosèrent au cerveau comme la première fois.
J’étais ridicule. Je voulais m’en aller, si fort.
Dans la valse des reflets, une nouvelle nuance rayonna. Dans cette muqueuse grisâtre d’une armure trop brillante, cette nuance perturba tout le reste. Elle fracassa le Noir d’un coup tellement dévastateur que j’eus peur de perdre ma nuance inconnue ; fracassée par une autre nuance inconnue. *Par toutes l…*. Une explosion dévasta le monde.

Je savais déjà. C’était le Noir, c’était elle. Mon regard vrilla pour se jeter sur Aelle. La surprise ne s'empara pas de moi, je savais déjà. Je savais que sa réaction allait me surprendre, si bien que je ne l’étais finalement pas. Un tout autre sentiment naissait dans la fièvre qui m’envahissait : l’intérêt. Profond. Abyssal. Je le sentais, c’était troublant. Charlie était si prévisible dans son étrangeté, alors qu’Aelle était tout l’inverse : elle était imprévisible dans sa normalité, dans sa souffrance. Elle me faisait mal alors que Charlie me dépitait. La réverbération de ce rire me perça les tympans comme une vulgaire surface ; et mon regard ne cillait plus. C’était le moment de me confronter au Noir, pendant cet imprévisible si précieux.
Elle s’arrêtait déjà, pendant que je l’avalais. Ma main se serra plus fort autour de ma fiole, de peur qu’elle se jette dessus pour me l’arracher. *Me fais peur*. Je me fourvoyais, Aelle ne me faisait pas peur, elle me terrifiait. Être doté d’une imprévisibilité si grande était intimidant, mais je ne trouvais pas ça déplaisant. Alors que son corps se redressait dans une position déconcertante, je me rendis compte de ma concentration passionnelle ; je prenais tout cela trop à cœur, comme si ma vie en dépendait. Maintenant que je m'en rendais compte, c’était ridicule, mais il y a quelques secondes, ça ne l’était pas. La douleur poussiéreuse revint, compagne ancestrale de mes nuits éveillées.

Aelle avait une main sur le ventre et l’autre bras enroulé autour de l’épaule, c'était troublant ; pourtant, ce fut cette position qui me décida : je voulais comprendre sa douleur passionnante. Cette souffrance qui me paraissait peinte tellement profondément dans mon cerveau que j’en pleurais. Je voulais comprendre, et ne plus me laisser faire. Cette fois-ci, je ne m’écouterais pas. J’avais une envie irrémédiable de fuir, et seul Merlin savait à quel point ; mais je n’allais pas le faire. Je ne m’écouterais pas, cette fois-ci, je ne fuirais pas. La goulée d’air qui creusa mes poumons fut si brûlante que je crus m’embraser et mourir brûlée vive ; pourtant, je réussis à prendre une deuxième inspiration, puis une troisième, puis à planter mon regard dans le Sien. *Oh...*. La nuance se dilatait, pour moi.

Une dilatation moqueuse, presque dédaigneuse ; mais une brèche qui me ravit. C’était tout ce dont j’avais besoin, une faille pour moi, et surtout pour elle. Sa bouche s’ouvrit, cette bouche qui était tant la mienne que je me mis à articuler en miroir. Je m'appropriais ses mots. Des mots dénués de sens concret, sauf les derniers. Là était la faille, là se trouvait l’ouverture de son monde. Elle avait la notion de la valeur des potions, et elle jurait comme moi, cette fille-aux-cheveux-châtains était une sang-pur ; j’en étais sûre à présent. Mon cerveau bouillonnait, les corrélations se faisaient dans tous les sens et je me sentais tout d’un coup poussée par une sorte d’adrénaline. Ce qui allait suivre allait être important, je le savais ; je comprenais que trop bien ces instants qui coulaient sous ma peau.

Un jeu. Elle pensait que tout cela n'était qu'un jeu. Elle avait raison, depuis le début j’avais joué. Pourtant, mon jeu était truqué ; et elle n’en savait rien. Alors que moi, je m’en rendais compte lentement, horriblement.

Je la dardais de mon bleu, pendant que je gravais tout le changement qui se faisait dans sa Nuance. Un flux changeant, se libérant d’une emprise incontrôlée, le cyclone de l’armure se formant dans le bourbier de ses iris. Son regard avait totalement changé, il était bien plus fascinant, et même oppressant. Elle m’écrasait de sa nuance éveillée, comme se défendant face à un prédateur attendri. *Je n’suis pas un prédateur Aelle*. Son prénom était étrange, il me paraissait coupé, comme si c'était une métamorphose à moitié visualisée, à moitié complète. Et son nom de famille m'était inconnu. Je ne savais pas grand-chose sur cette fille finalement ; mais elle n’en restait pas moins fascinante. Son regard quitta le mien.

Je quittais à mon tour mon organisme, me projetant loin là-bas, à l’extérieur de mon enveloppe charnelle. Ma main s’était serrée encore plus fort sur ma fiole.
Presque trop crûment, j’observais la jeunesse de la fille-aux-cheveux-châtains. Si jeune, alors que dans sa Nuance, avec mon bleu chercheur, elle était si vieille. Quand nos regards se trouvaient, j’oubliais son âge pour me concentrer uniquement sur la valse qui s’animait en son sein ; valse hypnotisant ma vision, brouillant mes sens pour me camoufler ; me cacher derrière sa façon de faire.
Aelle la jeune. Appuyée contre la roche, elle était faible. *Tu avais l’air si forte*. Seule sa Nuance était puissante, le reste ne suivait pas ; elle était beaucoup trop jeune. Pourtant, son regard Nuancé était bien plus perçant que celui de Charlie.
Je l’observais, et de cet extérieur, elle était si fragile. Elle frémissait, et moi aussi. Dans mon cas, ce n’était pas inquiétant, je maitrisais approximativement. Dans son cas, les tremblements étaient convulsifs, presque bestiaux ; ils provenaient d’une distance si lointaine dans son cœur qu’ils avaient du mal à atteindre la surface de sa peau. Un sentiment de tristesse gonfla ma poitrine, comme pour me rappeler que j’étais présente, que je pouvais faire quelque chose ; j’avais décidé de ne pas fuir, je devais assumer à présent. Et j’aimais mon choix.

J’allais faire un pas vers elle quand son corps se tourna vers moi, son regard cramponné sur ma main ; la Nuance s’agitait, elle était en plein dilemme profond. Ma potion était sa solution, et la confiance qu’elle allait m’accorder son salut ; je ne comprenais donc pas la nature de son dilemme. Subitement, je tentais de me mettre à sa place : elle ne me connaissait absolument pas. *Par Merlin !*. Charlie et sa confiance à une inconnue, pas Charlie et le confort de son dortoir ; si jeune et soumise à un choix aussi ferme. Je la comprenais, elle ne pouvait pas me faire confiance, avec sa sensibilité morte, c’était impossible. Seule l'évocation de Charlie ravivait... quelque chose. Son corps se rapprochait.

*T’es désespérée…*

Oui, elle l’était horriblement. Alors finalement, la confiance devait être une préoccupation bien dérisoire pour elle ; les couleurs s'embrouillaient, j'étais perdue dans mes déductions. Son corps s’approcha encore, tandis que sa bouche s’ouvrit ; la mienne aussi, juste pour suivre le rythme de son corps. Elle parla, et son aura s'ouvrit un peu plus.

J'écoutais, j'articulais sans bruit. Et l'humidité se chargea de peine.

J’avais raison. *Parce que tu n’sais rien*. C’était donc ça. Elle me confirmait son ignorance. La fille-qui-a-touché-Charlie n’avait aucune idée du lieu où pouvait se trouver la gryffone. Aucune. Son corps s’approcha encore jusqu’à être très proche du mien ; je reculais d’un pas, cette proximité soudaine ne me plaisait pas. L’envie de l’enlacer que j’avais eue s’était envolée. La Nuance valsant était étrange, je ne comprenais plus rien, alors, je décidais de m’arracher à son regard âgé et de scruter son corps trop jeune. *Rien…*. Charlie était un mystère pour elle. *Charlie… Tu lui as fait quoi ?*. Qu’est-ce qu’avait bien pu lui faire la fille au regard de jade pour qu’elle perde toute sensibilité ? Depuis que j’avais évoqué la possibilité de l’amener à elle, son regard s’était transformé, des émotions lourdes s’étaient mises à s’entrechoquer, des sentiments enfouis barbotaient à la surface. Sa sensibilité se réveillait grâce à Charlie ; c’était horrible à supporter. J'en concluais que c’était la gryffone qui avait commencé cette erreur commune. Erreur Noire. *Aelle ?*. Ma bouche ne s’était pas ouverte. Heureusement qu’elle avait refusé de s’ouvrir.
Dans mon observation de son ventre caché sous les couches de tissu, je tentais de réfléchir. Elle voulait une preuve. *Lui avouer qu’elle est mon amie d’enfance*. Mon visage grimaça, Aelle pourrait mal le prendre. Peut-être un membre de ma famille ? Ma sœur ? Aucune ressemblance. Ma demi-sœur ? Peut-être. Lui confier que j’ai été dans la même situation qu’elle et que je pouvais l’aider ? Ridicule. Mon regard divagua sur ses bras.
Je devais élargir ma pensée, que ça soit plus général : lui mentir ou lui dire la vérité ? *Merlin…*. Ma main se serra encore plus fort autour de la fiole, je baissais mon bras pour le mettre le long de mon corps. Je détestais le mensonge, Charlie m’énervait sur ce point-là ; elle avait passé tout l’été à me mentir, c’était insupportable. Et pourtant, mentir à Aelle pourrait m'aider à… *Rien*. Ça ne pourrait Rien ; Charlie lui avait assez menti, elle ne méritait pas ça. En me mordant la lèvre inférieure, je pris une décision ferme : je ne mentirais jamais à la fille-qui-a-touché-Charlie.
J’ouvris ma bouche, un son étouffé en sortit ; ma gorge était saturée. Pendant que deux plaies me déchiraient le visage, me glaçaient la peau, je ne voulais pas les essuyer, elles n’étaient pas importantes. Essayant de faire le moins de bruit possible, je m’éclaircis la gorge en gardant les lèvres serrées. Enfin, je réussis à articuler clairement :

Parce qu’en t’aidant, je m’aiderai bien plus.

Je n’avais aucune envie de croiser sa Nuance barbotante, alors je continuais à lorgner ses bras ballants, tristes résultats d’une vie fermée. Ses bras ressemblaient aux miens, très légèrement arqués, comme s’ils étaient perpétuellement bloqués dans une position d’écriture, une plume au bout de chaque main. C’était étrange pour une poufsouffle ; sa maison était le seul problème pour l’instant.
Je lui avais offert ma sincérité, ma pensée profonde. J’espérais qu’elle saurait l’accepter. J’espérais réussir à la mettre en confiance, je ne lui voulais aucun mal. Détachant mes yeux de son corps, je les posais sur ma baguette ; tenue fébrilement, comme si elle allait s’écrouler, abandonnant sa maîtresse sans aucune émotion. J’étais ridicule avec mon arme à la main. Expirant longuement, je glissais ma baguette dans le revers de ma robe tout en relevant la tête.
Le couloir était faiblement éclairé, et on était juste en face de la Salle Commune des jaunes. Avant que la fille-aux-cheveux-châtains n’ouvre la bouche, d’un mouvement rapide, je rangeais ma fiole dans ma robe. Obtenir sa confiance n’allait pas être facile dans son état, mais j’allais quand même essayer. Son regard s’était transformé face à mon Veritaserum. *Et Charlie ?*. La potion et la gryffone étaient la même chose, Aelle n’avait d’yeux que pour cette fiole ; ce n'était pas bon. Je devais recentrer son attention sur moi, au moins quelques secondes en cet instant de poussée sensible. Je devais m’introduire dans sa faille, la dilater de toute ma force pour comprendre. Et je me rendais compte que mon envie de la comprendre était aveuglante.

Quelqu’un pourrait nous voir ici. Je connais une salle juste à côté.

Ma voix était claire, aiguë, elle avait repris sa forme normale, alors que les filins séchaient outrageusement sur ma façade. Je n’osais toujours pas me confronter à son regard, quelque chose en moi me soufflait que j’avais le temps ; le temps d'une soirée. Les mains à nouveau libres de rien, moites de tout, j’ouvris ma bouche encore une fois : « Tu me suis ou… » demandais-je d’une voix douce en déplaçant légèrement mon bras tendu vers elle, mais tout en gardant une distance respectable. C’était à elle de s’avancer maintenant, si elle en avait envie. Ce n’était pas important, ce n’était que le début.
Sans la regarder, fixant mes yeux sur cette armure reflétante, je laissais mon bras en retrait et j’ouvris ma paume en signe d’accueil, en signe d’invitation à une confiance tactile ; exactement comme avec Charlie.
La seule chose qui changeait cette fois-ci, c’était l’absence d’hésitation.
Dernière modification par Charlie Rengan le 16 janv. 2020, 01:21, modifié 2 fois.

je suis Là ᚨ

22 mars 2018, 12:03
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
Je me transformais ; je n'étais plus de chair et de sang, mais d'immobilité, comme la Perche. Face à elle comme son reflet, sa torpeur commençait à me gagner. La gangrène avançait dans mon corps, réduisant ma vie en lambeaux immobiles. Mes bras ballants pesaient lourd au bout de mes épaules douloureuses, si lourd que j'avais la sensation de tanguer vers l'avant avec lenteur. Si le temps ne s'écoulait pas plus rapidement, j'allais me trouver entraîné par ma propre lourdeur et je finirais enseveli dans le sol de pierre, coincée au pied d'une Perche qui Jouait avec moi. Mais je ne bougeais pas. Je ne fis pas un geste, ni pour masser mes membres raidis, ni pour serrer ma baguette ou même pour tendre une main fébrile vers ce bras qui m'offrait mon savoir.

Le temps aurait pu s'effiler à longueur de vie. Il aurait pu, et je n'aurais rien fait pour l'en empêcher. Je me serais contenté de me laisser porter par sa langueur ; j'étais curieuse de voir où il m'aurait emmené. Je ne le saurais jamais, car la Perche avait perdu son état de statue. Soudainement, sans que rien ne se dessine sur son horrible visage mouillé, elle bougea. C'était comme avec la potion : déstabilisant. Le temps d'un clignement de paupière, elle s'était éloignée de moi et avec elle, son savoir. Un pas léger, presque invisible, qui pourtant, martela mon esprit d'un avertissement avilissant : elle allait fuir. La Statue pouvait se transformer rapidement, d'un instant à l'autre elle aurait disparu et je resterai, encore une fois, seule sans mon savoir. Seule sans ma Clé.

Mes épaules se raidirent avec plus d’acharnement encore. La grimace qui se dessina sur mon visage plein de sueur et de saleté ne trouva aucune résistance. Il se peint avec liberté, déformant mes traits et pervertissant mon cerveau embourbé de torpeur. La Perche était une belle connerie. Serait-il possible qu'elle aille de paire avec le Grand Con ? Que serait-elle alors ? La Grande Conne qui se dressait face à moi, tantôt jouant, tantôt fuyant pour mieux m'attraper. Et dans ses perles bleus, si bleus, je pouvais aisément deviner l'éclat d'amusement qui brillait avec acharnement. J'étais fière de pouvoir comprendre cela, j'étais fière de comprendre. Elle ne pouvait pas m'avoir, pas lorsque mon Regard se réveillait. J'étais plus futée qu'elle ne semblait apparemment l'être.

Je m'éloignai également d'un pas vers l'arrière ; je la surveillai dans son entièreté. Elle était peut-être plus grande que moi mais dans sa fuite, elle me paraissait ridiculement petite, insignifiante. Toujours grande et blonde, grande et impressionnante ; mais elle était si faible. Et moi, si forte dans mes tremblements. Je cachais mes mains dans les poches de mon pantalon, passant mes bras sous les pans ballants de mon haut. A l'abri des regards, mes doigts se replièrent sur mes paumes moites, glissèrent sur ma peau sans en érafler le moindre bout. Ma baguette, maintenant fermement emprisonnée dans la prison de mes doigts, grésillait contre le tissu rêche de ma poche ; cela encouragea mes tremblements à se réveiller avec plus d'ardeur et je du me concentrer sur mon souffle pour que ces derniers ne s'arrachent pas à la sécurité de mon intimité pour apparaître sur mes membres.

Une éternité sembla s'écouler avant que je ne parvienne à quitter l'immobilité que mon geste n'avait pas effacé. Lorsque je relevai mes yeux sur ses perles bleus, plongeant dans ce lagon avec avidité, je remarquai que mes épaules tremblaient envers et contre tout. Je ne parvenais ni à les calmer, ni à les décrisper. Une crampe douloureuse les fit tressauter ; la Perche venait d'ouvrir sa bouche inutile ! *Aller, parle, parle !*. Incapable de réagir, je ne pus que fouiller les yeux qui ne me regardaient pas, sentant gonfler dans mon cœur l'espoir que la Perche se contente de répondre à ma question pour qu'enfin je puisse avancer. Je voulais m'avancer pour me saisir d'elle, la jeter au sol pour me saisir de son savoir, je voulais l'avaler toute entière pour qu'elle existe en moi ; je n'étais que son jouet, si loin face à elle, qui attendait que son maître lui offre sa récompense. Vulgaire jouet aux mains d'une Perche.

« Parce qu'en t'aidant, je m'aiderai bien plus. »

Vulgaire jouet.

Ses mots langoureux dansèrent autour de ma tête. Ils passèrent devant mes yeux grands ouverts et vinrent s'échouer dans la sécurité cachée de mes paumes moites qui ne voulaient s'ouvrir. Ils me piquèrent la peau avec avidité, s'ancrant en moi avec une facilité déconcertante. J'aurai aimé garder ma clarté d'esprit, répondre avec la rapidité du serpent, me jeter sur ce qu'elle me lançait comme un hippogriffe affamé. J'aurai aimé être cette Aelle qui avait envie de Savoir, comme celle contre le mur, celle qui gérait ses tremblements et qui était si proche de la Perche. Celle qui Voyait, et non celle qui regardait. Mais je n'étais plus rien ; pourquoi n'étais-je plus rien ? Elle s'était éloignée de moi, m'avait-elle déjà ensorcelé ?

Non, j'étais seulement trop proche de moi-même, trop proche de cette foutue Maison. Je me tournai pour la voir. La gueule béante de la Maison déchirait le mur de toute sa grandeur, une entrée toute ronde comme l’œil du monde, qui me dardait de sa folie pour mieux me consumer. Et je tremblais encore plus fort sous son regard, comme s'il m’emmenait dans des contrées dont je ne pouvais m'échapper ; ouais, c'était cette foutue gueule qui m'écrasait de ses chaînes. Je m'éloignai d'elle à petits pas, la surveillant du coin de l’œil. Il fallait qu'elle reste loin de moi et moi, je devais être plus proche de la Perche. Je devais me souvenir de la potion et de son savoir. De sa potion et de son savoir.
Lorsque je me tournai, j'étais plus proche de la Perche que ce que je pensais. Je me tenais si proche d'elle que j'aurais pu la frôler rien qu'en tentant de sortir de mes poches mes mains humides. Je levai la tête, sentant mon cou faible la faire trembler, et je regardai ce visage de Statue qui ne pleurait plus ; mais j'aurai préféré qu'elle le fasse. Qu'elle déchaîne des flots ardents pour que je retrouve la Aelle qui voyait. Mais il n'y avait rien sur ce visage rêche. Il n'y avait rien également sur ce corps commun qui n'était qu'amas de chair ; rien, si ce n'est l'absence. L'absence de bras et de potion. Ma bouche s'ouvrit en grand et un gouffre d'air m'arracha la gorge. *La potion !*. Disparue.

Tu joues encore, Grande Conne !

Comme un hippogriffe affamé. J'ouvrai grand ma gueule et j'arrachai mes ailes de mes poches ; je sentais gronder dans mon corps l'urgence de trois long mois passés à roder sans manger. J'allais lui sauter à la gueule pour lui arracher son savoir. Le buste en avant, le souffle coupé par le ressentiment qui faisait bouillir mon corps, j'arrachais la torpeur sur mon visage pour la remplacer par une passion vibrante qui me donna soudainement l'envie de courir. Mon cœur battait à un rythme fou, c'était grisant. L'Autre était face à moi, toujours aussi droite, toujours aussi grande, toujours aussi blonde. L'Autre se tenait face à moi, sans potion et mes yeux qui ne voyaient plus remarquèrent le bout de la baguette qui disparaissait sous sa robe. Elle avait rangée sa seule arme : j'étais donc désormais le maître et elle le jouet.

Lentement, mes bras se replacèrent autour de mon corps. Mon visage parlait toujours de sa rage et ma main qui étranglait ma baguette magique me faisait me sentir puissante. Dans la langueur de cette confrontation, je pouvais entendre la voix de la Perche qui, encore, tournait autour de ma tête. Ces mots idiots qui venaient d'une fille idiote. C'est qui le jouet, maintenant ? allais-je lui asséner de toute ma puissance. Parce qu'elle était encore devant moi, comme une Statue pitoyable et que près de nous, l’œil du monde nous dardait de sa force et qu'il me faisait peur. Parce que cette scène était un putain de plaisir pour mon corps alors qu'elle n'avait rien de compréhensible : pourquoi prendrais-je plaisir à ce que je ne comprennais pas ? Et pourtant, mon corps frémissait sous ma rage et je sentais que je ne voulais pas partir, je ne voulais pas m'éloigner, car enfin les choses bougeaient. Elles étaient toutes là, ces choses : l'impatience, la colère, la douleur, l'envie de frapper, l'excitation. Elles étaient toutes là, entre moi et la Perche. Comme un filin qui à jamais, nous rapprocherait.

J'étais l’hippogriffe affamé, et par Merlin, la morsure de la faim me saisissait les entrailles. J'avais faim d'elle, faim de cette Grande Perche Statue et de ce qu'elle cachait sous sa robe. J'avais faim et lorsqu'elle ouvrit une nouvelle fois sa bouche, je me penchais en avant, oubliant instantanément qu'elle était le jouet. Je me plongeais dans le gouffre de sa bouche, le corps palpitant en attente de ses mots et de ce moment qui se jouait. Il y avait le couloir et les torches chaudes, il y avait l’œil du monde et la blondeur de la Perche. Il y avait mon corps qui tremblait et les bruits du château au loin. Il y avait moi et ce moment et j’eus alors la certitude que jamais un instant ne m'avait paru aussi excitant. Je sentais ma rage qui gonflait mon ventre, elle grandissait en moi et je la regardais avec plaisir car, peu importe ma colère ou ma peur, mes tremblements et ma sueur : j'étais ici et jamais je n'aurais souhaité être ailleurs, même pas près de ma clé. C'était soudain et vrai : j'étais là où il fallait, enfin.

Je fis mien ses mots. Je ne les compris pas plus que les autres, je ne les rattachais même pas à mes propres paroles qui me revenaient tout juste à l'esprit. Je les fis seulement mien et j'en profitais pour me prélasser dans mon dégoût de la Perche qui se mêlait à mon excitation.

Doucement, je levai la tête pour plonger mon regard dans le sien. Je ne savais pas qui était cette fille, mais j'allais rester avec elle car je devais être ici. Sa potion serait mienne, son savoir serait mien et je me nourrirai de cet instant avec l'infini de ma vie. De mon visage et mes mains, la moiteur s'était invité le long de mon dos et de mes cuisses, la chaleur m'irradiait.

« Tu me suis ou... », chanta sa voix à mon corps arqué vers elle.

Je souris.

J'aimais la sensation de mon corps brûlant. Je détestai la Perche mais j'aimais que mon corps se libère d'elle en lui criant qu'il aimait cet instant, envers et contre les infructueux essais de la Perche pour faire de lui son jouet.

Je souris parce que son bras qui se tendit vers moi accompagna le mouvement que fit mon corps vers l'avant. Je souris car je venais de comprendre que j'avais passé trois mois de langueur pleine de souffrance pour parvenir à cet instant ; et qu'il était bien plus agréable que ce que je pensais.

« J'm'en fous d'où ça s'passe, » soufflai-je d'une voix rendue rauque par la joie. Je me déplaçai vers la Perche, suivant son mouvement sans la toucher. Le couloir me paraissait emplit d'une lumière aveuglante. La baguette toujours serrée dans la main, je passais près de l’œil du monde sans même me sentir mal sous son regard implacable. Mes épaules n'avaient plus mal. Mû d'un soubresaut que l'instant jouissif m'offrait, je me retournai pour darder la Perche d'un regard noisette. Je souris encore. Je me sentais bien.

« Tu m'dis c'que tu sais, c'est tout. Et je veux ma preuve, puis tes trois gouttes. »

Je marchai à reculons quelques mètres avant de me stopper.
Je ne savais pas qui était cette fille, mais je savais qu'elle avait tout ce que je voulais. Tout simplement car l'instant me le disait. Elle me faisait frémir de sa connaissance. J'allais l'anéantir pour faire mien tout ce qui l'était déjà.

« Et ça, » rajoutai-je en alpaguant de mon regard l'endroit où la potion avait disparu. « J'm'en fous de l'endr... droit. »

Mon souffle m'échappait. L'instant était puissant et je me demandais si c'était pour cela que mon corps me paraissait soudainement si étranger. Comme si la palpitation de mon cœur et de mon ventre me transformait en une chose nouvelle. Capable. Ouais, enfin capable de réagir pour ma clé. Ce n'était pas la Perche, c'était seulement moi.

Jamais mon corps n'avait pulsé aussi violemment dans l'agréable.

27 mars 2018, 21:25
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Darcy Crown


Regarde-moi.
Joue à l'homme maintenant,
Comme tu aimes tant.
Et ouvre grands tes yeux,
Si tu les fermes, ça sera pour la dernière fois.

Épine de la Soie - Fin de 5ème Année






Je n’avais pas choisi, je ne doutais pas ; le naturel s’emparait de moi. Un naturel que j’avais déjà ressenti l’année dernière, mais avec une certaine réticence ; alors que dans ce couloir trop marron, je n’étais pas limitée. Les possibilités s’entrechoquaient dans tous les sens. Je ne voyais aucune raison de mettre une limite, la liberté me faisait don de son sucre, trop Blanc pour cette couleur trop Noire. Néanmoins, ce contraste des tons me plaisait, et un sourire ponctua mon Invitation. Elle souriait si facilement, Aelle. Alors que pour me faire sourire, moi, il fallait abattre des montagnes à main nue.
Je n’eus que ce sourire à ma disposition, que ce cadeau qui n’avait aucune valeur à mes yeux. Elle se détourna de ma main, elle se détourna de ma confiance, pourtant ma confiance était toujours aussi vive. Son comportement n’altérait pas mes émotions, bien au contraire. Dans le calme de ce couloir trop marron, elle ouvrit la bouche. Une fois. Deux fois. Et chaque fois que la fille-aux-cheveux-châtains mouvait ses lèvres, je la suivais silencieusement avec la mienne ; presque en cachette. Je ne voulais pas qu’elle voie ce miroir.

À peine eus-je le temps de rôder autour de son dos avec la cascade de ses cheveux rouillés qu’elle se retourna. Je ne devais pas contempler cette toile, piège de mon envie ; mon regard se détourna de sa tête pour dériver sur son corps, encore une fois. Sans même voir sa bouche, mes lèvres articulaient ses mots. *Quelle brute*. Paradoxalement, cette brutalité était apaisante, j’aimais la découvrir. À travers elle, la fille-aux-cheveux-sales prenait l'envol de mon intérêt. Je le voyais.
Et pour la première fois, je sentis ma présence plantée en elle. J'étais en train de changer à ses yeux. Aelle n’était plus dans ce demi, dans cette moitié de présence, moitié d’absence : elle était là, pleinement. Et cette réalité me giclait au visage, me plaisait dans ma cage. Cage inexistante, nous étions deux dans cette cage non présente. Deux.
Je chutais dans mon corps, me replantant dans mes sens avec force. Mes doigts se mouvèrent d'une nouvelle force et toutes les nuances se firent plus intenses. Dans mon tréfonds, je sentais la couleur Noire m’emplir ; couleur inconnue, elle aussi, pas présente, comme la cage, mais elle giclait cruellement. La magie d'Aelle s'agitait ; je comprenais de plus en plus, mon pied s’avança, mon corps gigantesque s’anima d’une renaissance.

Sans le reflet d’un regard, sans laisser transparaître le gouffre de ma gorge ; je dépassais Aelle en un pas décidé. Je n’effleurais pas le sol, c’était à lui de m’effleurer en cette soirée, j’allais bien trop vite pour qu’il s’en rende compte. Mon corps volait sur terre. La fraicheur de cette soirée me déchira le visage de deux plaies séchées, béantes dans leur flot ; j’aimais sentir cette sensation cassante dans mon bien-être. Aelle avait accepté. Je volais. Pourquoi l’avais-je tant dénigrée au premier regard ?
Je m’arrêtais au niveau d’une porte, une simple porte dans l’immense galerie des portes. Ici, c’était ma salle officieuse et celle de deux autres ; j’espérais ne trouver personne. D’un mouvement rapide, ma main s’écrasa sur la poignée pour la tourner ; j'engouffrais ma tête à l’intérieur de la salle. Personne. *Oh merci Merlin*. Un soulagement traça son chemin dans mes membres et je l’accueillais avec joie, frémissant sous son battement. D’un autre mouvement tout aussi rapide, je sortis ma baguette pour lancer deux sortilèges informulés de Révélation. Deux sofas apparurent, un de couleur noir profond, l’autre de couleur marron clair ; et pour la première fois, je remis en cause ces couleurs trop ternes. *Dommage*. C’était trop tard à présent.

Je remontais mes lunettes. Ma baguette retrouva sa place et je me retournais pour faire face à la fille-aux-cheveux-châtains. Mon corps était planté à côté de l’embrasure pour l’inviter à entrer. Comme je ressentais à nouveau pleinement, je sentais les trains de mon visage durcis. La fille-aux-cheveux-châtains était là, Ses émotions étaient si fortes ; elle me fascinait.
J’en étais certaine à présent, Charlie était bien plus terne.
Dernière modification par Charlie Rengan le 16 janv. 2020, 01:21, modifié 2 fois.

je suis Là ᚨ

02 avr. 2018, 12:04
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
J'eus peur de me mettre en marche ; mes jambes étaient tremblantes, qui sait quand elles me lâcheraient ? Ce n'était que deux membres sans vie sur lesquels je tenais avec maladresse. Je sentais bien qu'ils ne m'appartenaient plus. Ils m'étaient aussi étrangers que l'était le reste de mon corps palpitant. J'aimais pourtant ressentir ce réceptacle qui ne m'appartenait plus, et je me redressai, le dos bien droit, pour que chaque parcelle de mon être ressente ce qui était en train de se dérouler.

Comme toutes choses étrangères, je ne contrôlais plus rien. Ni mon sourire qui ne voulait plus me quitter, ni ma colère qui avait été reléguée tout au fond de mon être, ni même ce buste qui suivit le mouvement de la Perche lorsqu'elle passa devant moi. Ce simple mouvement me rapprocha d'elle plus que je ne l'aurai souhaité et je pus sentir sa chaleur devant moi. Comme si elle laissait une trace dans son sillage pour que je puisse la suivre ; elle fila sans m'attendre. Un instant, rien qu'un instant, mon corps revint à moi. Il se stoppa brutalement, me faisant tanguer vers l'avant et éjectant le souffle de mes poumons.

Au loin, j'aperçus cette grande Perche-qui-jouait-pour-moi. La porte devant laquelle elle s'était arrêté était d'une telle banalité que je me demandai si je voulais vraiment faire cela. Voulais-je réellement poursuivre sa trace, me mettre en danger face à cette Autre qui pouvait me tuer ?
Je me remis en marche, forçant sur mes jambes étrangères pour les forcer à avancer. Jamais je n'aurai souhaité être ailleurs. Mon cœur aussi se perdait à battre aussi rapidement ; c'était le plus raisonnable, lui savait que bientôt, il allait être libéré de Toute contrainte.

Coincée dans le dos de la Perche, je laissai mon regard se perdre sur la cascade de sa blondeur. Elle était fade, cette couleur, sans reflet ni aucune brillance. Ce n'étaient que des cheveux qui tombaient sans aucun sens, sans aucune sensibilité ; elle était aussi banale que cette porte. Et pourtant, là, juste Là ; mon regard vrilla ses poches. La potion. Et Là, dans tout ce corps banal, le Savoir de ma Clé.

Le soudain claquement me fit sursauter ; je reculai d'un pas, m'éloignant de ce Savoir qui se tenait si près de mon corps. Mes yeux plongèrent sur sa main, qui appuyait, puis sur sa tête, qui s'engouffra dans l'espace de la porte entrouverte. Mon corps se tendit dans le même temps pour suivre la grande Perche ; j'avais soudainement peur qu'elle s'enferme dans ce lieu pour me fuir, m'empêcher d'entrer à sa suite. Mais elle se contenta de lever sa baguette et un instant plus tard, l'ombre de deux fauteuils se dégagea de l'interstice entre la fille et la porte. Bouche bée, j'observais. Elle faisait de la magie informulée. Elle ! Elle qui à présent, m'invitait à entrer avec son corps fade, en plein milieu de cette entrée fade.

Je lui grimaçai un sourire, le cœur battant de la magie qu'elle était capable de produire. J'aurai aimé lui arracher ce savoir, mais mon être entier était monopolisé par ce qui était en train de se passer.
Je m'engouffrai dans la salle, frôlant la Perche. Mon épaule frotta contre le haut de son ventre et un dégoût puissant me secoua le corps. Je m'éjectai vers l'avant, m'éloignant rapidement de sa présence.

Les deux fauteuils étaient là, aussi ternes que l'était la salle. Je m'approchai, posant une main sur l'accoudoir, caressant le tissu rugueux du meuble. Ils étaient bien trop proches ; comme si l'on devait se frôler pour faire ce qu'on allait faire ! Je m'éloignai donc vers les fenêtres, soulagée de ne plus me sentir sali par la chaleur de la Perche.
Quand je me retournai, je posai un regard avide sur elle.

« Alors ? » dis-je d'une voix rauque. « C'est quoi ta preuve, hein ? »

Dans ma main, ma baguette magique. Je la tournai entre mes doigts, la fis passer de la main droite à la main gauche ; puis de la gauche à la droite. Je pouvais sentir l'air crépiter étrangement. Je savais que c'était la magie ; la sienne, la mienne, peut-être même bien celle du château. Grandir dans une maison et une famille pleine de magie m'avait rendu sensible à mon environnement et je dus me retenir de fermer les yeux pour me laisser aller dans ce crépitement que je ne pouvais qu'aimer. J'apaisai ma respiration, calmant les frissons qui secouaient mon corps.

« Alors ? » répétai-je, impatiente d'entendre à nouveau sa voix m'offrir mille secrets.

Désormais, je n'avais plus peur de rien. J'étais là où j'avais toujours voulu être.

03 avr. 2018, 03:13
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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ALORS POURQUOI TU PARLES ?!
TU PARLES SANS SAVOIR ! TU PARLES SANS COMPRENDRE !
TU PARLES SANS PARLER ET ÇA FAIT MAL !
ÇA FAIT MAL ALORS FERME TA GRANDE GUEULE !

Linceul Cadavérique - Fin de 5ème Année





Pas terne comme ces sofas de piètre qualité. Charlie l’était comme tout ce qu’elle était : subtile. Sa ternissure était subtile, et n’était pas liée à son apparence, mais plutôt à son comportement si peu impliqué. La gryfonne était ancré dans sa propre réalité, et seule celle-ci l’intéressait. Elle m’avait irritée cet été par son manque d’attention envers moi. *Merlin…*. C’était même plus profond : elle m’avait blessée. J’avais fait des efforts pour tenter de la comprendre, pour tenter de m’intéresser à elle alors qu’elle n’en avait fait aucun envers moi. Charlie était terne par son manque de présence, alors qu’elle était à mes côtés pendant presque deux mois. Je savais que c’était de ma faute, c’était bien moi qui n’étais pas allée la voir l’année dernière ; pourtant, je ne pouvais m’empêcher de lui en vouloir malgré son âge, malgré qu’elle soit encore une enfant.

Le contact de son corps contre le mien m’écrasa encore plus contre l’embrasure. *Ça m’apprendra*. La fille-aux-cheveux-châtains vola en avant, apparemment gênée.
Écrasée contre le bois trop ferme, j’observais sa réaction semblable à la mienne. Nous n’aimions pas les contacts physiques, toutes deux. Un constat qui me ravit. Les élèves de l’école aimaient bien trop partager des accolades intempestives, des tapes frénétiques ou encore d’autres rapprochements inutiles que je trouvais révulsant au plus haut point.

Continuant à observer Aelle, je surpris un sentiment indésirable dans mon être ; sans pitié, je le balayais facilement, m’enfonçant encore plus dans le bois trop ferme, les mains en arrière, écrasées. La jeune fille-qui-ne-faisait-pas-son-âge toucha les sofas puis, comme s’ils lui appartenaient légitimement après ce touché, elle se désintéressa d’eux pour s’éloigner encore plus de moi. *Confuse n’est-ce pas ?*. Elle acceptait tout ce que je lui demandais tant que cela concernait Charlie ; pourtant, depuis tout à l’heure, je me demandais si elle allait se désintéresser de moi comme avec ces sofas lorsque je lui aurais tout dit à propos de la fille au regard de jade.
J’allais pouvoir lui poser la question, bientôt. La chevelure rouillée s’envola, elle se détournait de moi pour laisser tout au Noir ; mon regard s’envola aussi vite, s’accrochant fermement aux sofas. Comme s’ils allaient ensemble — le Noir et Sa bouche — sa voix s’éleva. Une voix trop vieille, trop poussiéreuse, presque grave ; apaisante. Une voix que j’aimais bien. Ma bouche s’articula, et je pus comprendre sa détermination. J’espérais seulement qu’elle n’était pas de la même nature que Charlie : une détermination uniquement égoïste.
Encore une fois, elle emplit l’air de sa présence. Sa voix était ensorcelée, elle créait des résonances magiques perceptibles. Du coin de l’œil, je la vis triturer sa baguette. *D'une façon ou d'une autre* Ou alors était-ce sa magie brute qui emplissait l’environnement.

Moi, debout à la porte, Aelle, debout aux fenêtres ; nous étions espacées au maximum. La proximité des sofas contrastait avec nous. Les sofas étaient inertes et si proches, alors que nous étions vivantes et si éloignées. D’un mouvement lent, je refermais la porte derrière moi. Nous n’étions plus que deux, et ici, nous pouvions l’être longtemps. Réajustant mes lunettes, je m’avançais d’un pas lent jusqu’au sofa noir profond et je m’assis sur l’accoudoir, dos à la fille-aux-cheveux-châtains.

C’est mon amie, je connais beaucoup d’choses sur elle.

Ne jamais lui mentir, même si elle était jeune et que les jeunes devaient rester dans une certaine illusion. Pas de mensonge, pas comme Charlie. C’était mon comportement le plus naturel qui m’animait en sa présence.
Observant la nuance de la porte, plutôt claire et jolie, j’ajoutais une interrogation : « Pourquoi cette baguette ? Je te fais peur ? ».

Je ramenais la conversation sur moi. Je savais que son unique désir était de savoir où se trouvait Charlie, mais mon propre désir était de la connaître un peu plus. Le reste était secondaire.
Et une fresque dans laquelle Aelle se battait en duel gicla dans mes yeux.
Dernière modification par Charlie Rengan le 16 janv. 2020, 01:22, modifié 2 fois.

je suis Là ᚨ

26 avr. 2018, 08:13
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
Elle n'était pas très loin. Assez pour qu'elle m'apparaisse presque comme une inconnue. Assez pour que j'en vienne à me demander pourquoi elle était réellement venu me voir.

Mais pas assez pour que je décide de m'en foutre ; elle savait pour Charlie. Alors je voulais savoir également.

J'étais crépitante et elle, elle était presque floue. Elle était encore coincée dans son foutu rôle de statut, à ne pas vouloir bouger, à ne pas vouloir vivre. Moi, je faisais tourner ma baguette entre mes doigts moites ; ainsi je me sentais plus vivante. J'étais en sécurité, je contrôlais cette mascarade qu'elle me Jouait. Ici, rien ne pouvait arriver. Rien ne pouvait se passer et cela en était presqu'ennuyant. Cela allait réellement le devenir si cette Perche toute plate ne se décidait pas à bouger, à être Celle-que-je-voulais-qu'elle-soit : la Connaissance. Le Savoir. Non pas une Perche qui ne savait rien, qui ne disait rien et qui se contentait de me regarder de son regard bleu tout flou. Non, Celle qui me donnait ce que je voulais : Charlie.

A cette pensée, mon cœur se remit à battre avec ardeur. Bam, bam, bam. Il me frappait la cage thoracique avec force, je le sentais même dans mon cou, juste au dessus de ma clavicule. Il m'harrassait de son rythme fou et je m'amusai à compter ses coups : un, deux, trois, quatre. Il allait vite, le palpitant, et plus je comptais, plus il allait. Plus il allait, plus je comptais.
Elle approcha. La Grande Perche. J'en étais à vingt. Vingt coups harassants. Et enfin, elle approcha.
Je clignai des yeux pour balayer le flou de son regard. Quand il redevint aussi clair qu'il pouvait l'être, je le quittai pour regarder ses mains. Elle avait de longs doigts fins et clairs ; ils étaient élégants. Ils savaient manier les potions, et la Magie. Ils savaient Manier et en les observant, je me demandais si ces doigts-là avaient déjà touchés ma Clé comme elle-même m'avait effleurée. Puis la blonde s'avança encore et mon regard fut arraché des deux élégantes ; ma pensée, comme si elle ne dépendait que de cela, m'échappa doucement pour s'effondrer dans les limbes de l'oublie. Je n'essayai même pas de le retenir, je n'avais d'intérêt que pour cette Perche qui détenait des secrets.

Elle avait fermée la porte derrière elle. Nous étions là, moi et elle. Et au milieu, Charlie. Charlie qui prenait toute la place. Je fermai les yeux une seconde avant de les rouvrir ; mes épaules ne me faisaient plus mal. Elles étaient si légères ! Si légères que j'avais l'impression qu'elles me tiraient vers le bas.  Non ! Qu'elles disparaissaient pour ne plus jamais me faire souffrir. J'affichai un sourire tremblant ; j'étais là où je devais être. Je suivis la fille du regard lorsqu'elle s'assit sur le fauteuil. J'avais eu peur qu'elle s'approche mais heureusement, elle décida de continuer son Jeu assise.

J'avalai une goulée d'air, le regard braqué sur le dos de la Joueuse. Je voulais qu'elle disparaisse entièrement dans la bouche de ce dernier ; qu'il l'avale. Mais son dos musclé suffisait à cacher son regard et je me sentis soudainement bien. Mon cœur s'apaisa lentement dans ma poitrine et ma main cessa sa course sur ma baguette. Je laissai retomber mon bras contre mon flanc. Comme elle ne pouvait plus me voir, mon corps se décrispa et je me laissai aller, allant même jusqu'à me retourner pour jeter un coup d'oeil par la fenêtre dont la fraîcheur m'avait refroidie le dos. Dehors, de l'herbe à n'en plus pouvoir, des arbres et le ciel. Rien de bien palpitant et rapidement, je ramenai mon attention sur la Perche qui se cachait sur son fauteuil terne.

Son silence m'agaçait. Qu'elle se secoue, par Merlin ! je n'étais pas ici pour lui tenir compagnie mais pour avoir des réponses. Je soupirai. Mon esprit s'abandonna à son propre flux et se tourna vers le garçon qui ressemblait à Zakary. J'espérai qu'il ait la tronche cramée.

« C'est mon amie, je connais beaucoup d'choses sur elle . »

Enfin. Je relevai la tête en vitesse, mon cou hurlant de mécontentement. Mon cœur était reparti dans un rythme fou que je ne voulais plus compter. Il battait vite, bien trop vite et bientôt, mon corps serein retrouva sa crispation. Mon dos s’arqua et ma poitrine naissante s'envola vers l'avant. L'instant suivant je baissai le regard sur ma baguette, le dos de la blonde rendu soudainement insupportable à mon regard. Ma bouche se tordit affreusement et j'eu la soudaine envie de me servir de ma baguette sur cette Perche-là, pour lui arracher ses mots. *Pourquoi j'suis en colère ?*. C'était idiot, je n'étais pas en colère, j'étais bouleversé de savoir que j'allais avoir des réponses, voilà tout. Voilà pourquoi mes phalanges étaient blanches à force de se cramponner à ma moitié de bois.

Je n'eu pas le temps de retrouver le cours de mes pensées ou même de penser à répondre. Elle recommença et cette fois-ci un ricanement m'échappa. Il s'envola et résonna longtemps à mes oreilles. Peur ? Qu'elle idiote. Ouais, une idiote de Serdaigle qui pensait tout savoir et avoir tous les droits.
Je levai la tête pour la regarder, elle était toujours de dos. C'était bizarre et cela me déplut. Je fixai mon regard sur sa caboche blonde. Elle n'avait rien de spécial, rien de transcendant. Rien d'intéressant pour qui ne s'intéressait pas à Charlie, donc pour toute personne autre que moi. Elle n'était rien du tout, cette blonde toute plate.

« Tu m'fais pas peur, » dis-je en gardant les mâchoires crispées. J'avais l'impression que ces mots ne suffisaient pas, qu'ils disaient le contraire de ce que je pensais. Je voulais qu'elle sache qu'elle ne pouvait rien me faire mais que moi j'étais capable de tout. Et que j'avais envie de Tout, mais cela je devais le garder pour moi, pour le Contrôle : « J'ai pas peur, tu peux rien m'faire. »

Je gardais ma baguette en main pour bien qu'elle comprenne ce que je lui disais. J'essayais de garder mes yeux braqués sur elle, pour qu'elle me voit ainsi lorsqu'elle se retournerait, mais ils ne faisaient que s'abaisser ou se tourner dans tous les sens. Ils regardaient tantôt le fauteuil tantôt la porte. Ils ne semblaient pas vouloir s'apaiser et cela m'agaçait. Cela m'agaçait autant que de voir son fichu dos.

Je m'écartai vivement de la fenêtre et en quelques pas rapides je fus près du second fauteuil à fixer la joue pale de cet être inutile. Cette grande fille qui disait des choses qu'elle ne savait pas.

Je voulais dire : comment tu es son amie ?

Mais ma bouche décida à ma place et ma voix en fut chamboulée. Je la haïssais lorsqu'elle était aussi vibrante que mon cœur :

« Qu'est-c'que tu connais ? » lui lançai-je avec brutalité.

Ma bouche était toujours aussi grimaçante et la peau de mon visage se tendait sous mes sourcils froncés. J'avais l'impression d'être froissée. Froissée à l'extérieur et à l'intérieur. 

11 sept. 2018, 18:03
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Je veux donc j’ai le droit !
Je n’veux pas finir seule comme toi.

Sangle Maternelle - Début de 5ème Année




Merlin, quelle grande fresque qu'est ce duel ! Et mon cerveau prenait conscience de mon aveuglement, comme avec Louna. J’avais mis du temps pour me rendre compte que cette fille était porteuse de nuances profondément renversantes ; tout comme j’avais mis du temps pour m’apercevoir réellement de la nature de cette Aelle, depuis ce duel. *Bristyle*. La fresque se déroulait dans ma sensibilité, et j’observais le mélange des teintes, le déplacement des deux duellistes. La fille-aux-cheveux-cuivrés devait définitivement être une sang-pur ; je l’espérais de tout mon cœur. Ses mouvements de bras étaient colorés étrangement ; ternes. Trop de temps s’était écoulé pour cette fresque, elle avait perdu de sa splendeur. Néanmoins, j’arrivais à percevoir quelques nuances d’Aelle combattant avec une certaine rage. *Desserre tes dents, Bristyle, ce n’est pas comme ça qu’il faut se battre*. C’était sa rage qui était porteuse des teintes les plus vives, elles crépitaient avec autant de pudeur que de dévergondage. Dans ce duel coloré, mes gravures n’avaient pas retenu l’issue du combat, mais j’étais certaine que la Poufsouffle avait perdu. La rage n’avait pas sa place dans un duel, la rage pouvait être utilisée à d’autres fins bien plus efficaces. Comme par exemple me la faire gicler tout de suite dans le visage.

La fresque se dilua en me projetant face à un mur. La pièce que j’utilisais pour mes réunions. Les deux cratères de glace sur mon visage. L’accoudoir du sofa noir engourdissant mes petites fesses. Cette fresque-ci était bien trop réelle, le rire d’Aelle était bien trop saturé.

Elle trouvait cela drôle. *Idiote*. Ce n’était qu’une enfant, voilà pourquoi. *Par Dumbledore !*. Je l’oubliais trop souvent ; Aelle était une enfant. Malgré mon chaos concernant les relations entre êtres, je pouvais comprendre qu’un enfant n’avait aucune notion du danger, c’était normal. Elle n’avait aucune idée de notre différence de niveau ; pourtant, dans un certain sens, elle avait raison : j’étais de dos, désarmée et sans possibilité de transplaner. Je ne pouvais donc rien faire. À ce stade-là, même Gellert Grindelwald aurait pu se faire battre par cette enfant, s’il avait été à ma place.
Quelques mots de l’enfant me parvinrent, des mots qui confirmaient mes incertitudes. Elle pensait ne pas avoir peur de moi. *C’est mieux ainsi*. Je ne voulais pas lui faire peur, c’était bien la dernière chose que je voulais provoquer en elle. D’autres mots éclatèrent pour renforcer la couleur des premiers, même s’ils n’en avaient pas besoin. *Tu parles un peu trop*. Elle ne faisait que confirmer son cerveau d’enfant, et je n’aimais pas ressentir cela. Depuis l’instant où je m’étais mise à parler de Charlie, la fille-aux-cheveux-châtains se comportait d’une façon bien trop enfantine. Pourtant, je ressentais une certaine joie d'avoir éveillé en elle des ressentis et des émotions. Ses couleurs avaient changé, elles devenaient moins chaotiques ; Aelle était bien moins Noire. Cela devait arriver, comment ne m’en étais-je pas doutée ? Je venais juste de lui confier la vérité concernant ma relation avec celle-qui-l’a-touchée. C’était norm… *Merlin !*. Une prise de conscience me fit grimacer, et je sentis le craquement de la glace sur mon visage. Il fallait que j’arrête de considérer comme vraie la théorie qui consistait à dire que c'était Charlie qui avait fait du mal à Aelle. À l’origine, j’étais venue pour comprendre et défendre Charlie. J’étais venue pour détruire cette Aelle ; à l'origine.

Ses petits pas résonnaient mollement contre les murs, elle s’approchait de moi. Enfin. Je ne voulais en aucun cas qu’elle me touche, mais la savoir proche était plus pratique et agréable. *Agréable... Réfléchis Darcy, tu dois comprendre*. En comprenant Aelle, je sentais que j’allais pouvoir comprendre Charlie. Peut-être n’avais-je plus envie de détruire. J’avais déjà trop usé de cette démolition avec Zachary. « Qu'est-c'que tu connais ? ». Mon cerveau s’emballa. *Que tu es une gamine qui parait trop grande ; que le changement de Charlie est de ta faute ; que tu te préoccupes trop de Charlie pour être entièrement responsable ; que tu me ressembles ; que ta couleur n’est pas opposée à Charlie, mais qu'elle est son inverse*. Une fraction de seconde. Ma tête se baissa, je connaissais bien trop de choses ; malheureusement. Bien trop qui ne me servait à rien, il me manquait l’essentiel, l’origine, la signature de la fresque. D’où venait-elle ? Pourquoi ?

Je ne… soufflais-je avant de couper ma respiration.

*Réfléchis. Réfléchis !*. Je me taisais ; pour l’instant, il n’y avait rien à répondre. Deux secondes passèrent, j’avalais une profonde goulée d’air. Ces mots m’avaient échappé, comme si une autre partie de moi les avaient prononcés. Je n’arrivais même pas à me rappeler de l’entièreté de la phrase originelle. Mon cerveau était si lent lorsque je devais trouver les mots face à une personne ; et je méprisais mon intelligence d’être si disproportionnée. Ici, tous mes Optimals me paraissaient bien fades et sans le moindre éclat. C’était une bien étrange sensation que de se sentir faible face à une enfant ; cela me donnait l'impression d'avoir son âge.
Je n’osais pas me tourner vers elle, croiser son regard ne me plaisait pas. Même si je pouvais y lire les nuances, je savais d’avance que cela me perturberait bien plus qu’autre chose ; ses teintes n’étaient que trop mystérieuses pour l’instant. Sa voix me donnait bien plus d’information, et cette même voix commençait à perdre de son contrôle ; je l’entendais distinctement.

À présent, j’avais l’impression de pouvoir lui demander ce que je voulais. *Tu te trompes, je peux te faire des chos…*. La lettre raturée d’Aelle gicla dans ma sensibilité. *Choses…*. Son écriture formant les lettres du prénom de Charlie. *Ces choses. Vous avez fait quoi ?*. D’un mouvement de volonté, je recouvrais cette pensée de Noir pour qu’elle disparaisse. Je n’en avais pas besoin pour l’instant, elle était simplement nocive. *Je peux même te faire faire des choses, Bristyle*.
Ma main glissa délicatement dans ma robe pour en saisir la précieuse fiole. Une potion minutieuse qui prenait un peu de temps ; mais qui était loin d’être complexe. Je ne comprenais pas pourquoi tant de sorciers la trouvaient si laborieuse, tout comme je ne comprenais pas pourquoi tant d’élèves avaient des notes en dessous d’Optimal.

En restant dans ma position, dos à la fille-aux-cheveux-de-cuivre, j’extirpais la fiole de Veritaserum en la tenant entre mon index et mon pouce. J’exhibais sa présence tout en ouvrant ma bouche : « Je te fais assez confiance pour ne pas tenir ma baguette, alors… ». Mon intonation était neutre et mes émotions – cet intérieur – était toujours autant scindé de mon extérieur, je contrôlais.

Approche ta bouche, déclarais-je en baissant d'un ton ; ce n'était pas un murmure, mais cela s'y rapprochait.

Elle devait me faire confiance, je ne voulais aucunement lui faire de mal.

Je me persuadais de cette idée.
Dernière modification par Charlie Rengan le 16 janv. 2020, 01:18, modifié 1 fois.

je suis Là ᚨ

23 déc. 2018, 12:31
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
Mon corps me faisait mal. Sans compter mon coeur qui s’affairait à me faire chavirer, le moindre pore de ma peau me tiraillait ; comme si une main invisible se prenait au plaisir de me planter des aiguilles brûlantes dans l’épiderme. Et plus je regardais la grande Perche, plus leurs pointes étaient flamboyantes. Et plus elles m’incendiaient, plus j’imaginai dans mon crâne douloureux des idées qui ne me plaisaient guère. Je voulais lui hurler de me parler, par Merlin. Je n’en pouvais plus d’attendre, de regarder sans ne rien faire, de penser sans ne rien Savoir. Sa joue pâle était le réceptacle de cette lassitude, mais je ne pouvais rien faire d’autre que lui jeter mon regard à la figure. Petit Jouet bouillonnant dans son corps qui, malgré ses poings serrés, ne pouvait faire autrement que d’attendre que son Joueur le fasse bouger.

Cela me donnait envie de vomir. Elle. Elle me donnait envie dégueuler ; tout ce qui se mélangeait dans mon crâne me donnait envie d’ouvrir la bouche pour éjecter mon dégoût.
Oui, elle me faisait mal, cette fille pleine de blondeur. D’une douleur jamais encore ressentie, dans un membre que je ne pensais même pas avoir en moi.
Je voulais crier et supplier, dégueuler et pleurer, embrasser et frapper. Merlin, j’en avais perdu jusqu’à la capacité de respirer et, durant un temps qui sembla dura mille temps, je sentis la moindre parcelle d’air qui s’engouffrait dans ma bouche et qui descendait jusqu’à mes poumons. Pendant un instant, je crus que je serais incapable de mener cet air à destination ; je n’étais même plus capable de respirer. Mes poumons se comprimèrent, mes épaules hurlèrent et ma respiration batailla avec mon corps : c’était un combat illégal et inégal entre deux instances qui n’avaient aucun compte à se rendre. L'échauffourée fut pitoyable et l’air m’écrasa la trachée pour se répandre dans mes poumons rassurés.
Ah, qu’il était douloureux de respirer un air que l’on voulait tordre.

Elle bougea. *Là !*. Elle baissa la tête. Mon coeur fit une embardée.
Je me rendis compte que j’étais penchée en avant ; non pas courbée par l’intérêt, mais inclinée face à la colère. Elle régnait sur moi et m’imposait sa force, m’obligeait à me pencher pour jeter en avant tout ce qui sortirait de moi ; magie, vomi, mot ; que sais-je. Je sentis la caresse de cette rage me caresser le bas du dos et remonter le long de ma nuque. Une caresse qui me fut agréable et qui fit trembler mes poings. Oh, je tremblai sans contrôle dans mon corps avalé ; je tremblai comme une enfant face à une adulte. Et l’adulte était une Perche qui me tenait bien serré dans sa main, qui pouvait m’écraser au moindre de ses souhaits.
*Donne moi ce que je veux*.
Je ne comprenais pas ce que je voulais, mais j’avais l’intime conviction qu’Elle le savait ; celle dont les mains pouvaient Créer se devait de savoir, n’est-ce pas ? Oh oui, le visage que j’observais ne pouvait que savoir. Cela se voyait dans la façon dont brillaient l’éclat de sa joue et la couleur terne de ses cheveux. C’était une Autre qui Savait où aller.
Je la détestai soudainement si fort que je chancellai sur mes jambes. La haine me prit le corps et le ballota ; je la haïssais ! En une fraction de seconde, je me vis sauter sur elle pour arracher sa peau de mes dents. L’envie me fit frémir, puis trembler, et finit par disparaître. Non, je devais savoir.
Je restai pantelante sous l’afflux de mes propres émotions. Et irrémédiablement faible.
Par Merlin, qu’elle parle ! Qu’elle parle, ou je ne serais plus maîtresse de mes Actes !

Comme si elle m’entendait, le son pitoyable de sa voix porta jusqu’à moi :

« Je ne… »

Et s’effondra dans les affres de l’inexistence.
QUOI ? lui aurai-je hurlé si je n’étais pas alpaguée par ce que je savais qu’elle savait.
Mes yeux tremblaient des mots qu’elle ne me disait pas. Ils palpitaient dans leur socle, ces foutus yeux.
Oh, doux Merlin. Elle me rendait folle. Je fermai les yeux pour m’exhorter au calme ; je ne parvins qu’à accélérer le battement de mon coeur, quand, sous mes paupières, se dessina une Charlie dont je peinai à reconnaître les traits. Mon coeur se tordit dans ma poitrine, le désespoir vrilla mes veines ; Charlie. J’ouvris les yeux pour mater la Perche qui était ce que j’avais de plus proche de Charlie. Son profil, ses épaules, les pointes de ses mèches ; j’avalai tout cela de mon regard pour ravaler la peine qui mon rongea le coeur. Mais elle ne disparut pas et s’installa dans mon corps une vague douloureuse qui me donna envie de crier. Elle fit son nid dans mon coeur qu’elle frappa de trois coups distincts : CH. AR. LIE.
Ma gorge se noua si rapidement que je dus baisser la tête pour que mon trouble reste invisible à la Perche. Mon souffle s’était coincé quelque part dans bouche.

Elle reprit la parole, me surprenant, mais pas assez forte pour me faire sursauter hors de ma peine : « Je te fais assez confiance pour ne pas tenir ma baguette, alors… ». Sa voix acheva de me faire mal et j’agrippai le dossier du fauteuil pour ne pas m’effondrer.
Le coeur au bord des lèvres, ce coeur gonflé par la peine, je levai mes yeux pour les jeter sur elle. Je cessai de respirer en avisant la potion qu’elle brandissait devant moi. Mes yeux s’écarquillèrent et un petit bruit s’expulsa d’entre mes lèvres. La potion ! Non, la Clé. Je me redressai, presqu’inconsciemment, le regard braqué sur ma dose de délivrance. Elle allait le faire. J’en perdis mon coeur. Elle allait réellement le faire. Je dessinai sa mâchoire de mes yeux ; elle, Grande Perche, extension-de-Charlie, allait tout me dire sur
Incapable de dérouler ma pensée, je décrochai ma main du fauteuil au moment moment même où sa voix retrouva son lit ; « Approche ta bouche, » murmura-t-elle plus comme une requête qu’un réel ordre. J’en avais de toute façon rien à faire. Rien du tout. Palpitante, Exaltée, je m’approchai, contournant le fauteuil, matant la fiole pour ne pas mater la fille. Quand j’arrivai face à l’assise, je trouvai néanmoins le courage de me plonger dans le lagon de ses yeux qui ne me voyaient pas. Je déglutis difficilement, je tentai de secouer mon cerveau qui ne savait plus penser. A quoi bon ? J’étais incapable de formuler la moindre pensée concrète. C’était simple ; suivre son corps.
S’assoir. Je le fis.
Regarder l’Autre. J’obéis.
Crisper sa main sur l’accoudoir. Mes doigts s’enfoncèrent.
Ignorer la Chose qui me criait que je perdrais tout contrôle. Facile.
Respirer. Difficile.
Penser. Impossible.

« Fais-le, » dégueula ma voix.

Ma voix grave, rocailleuse, presque indistincte ; fouilli de mots. Ce ne fut pas mes cordes vocales qui s’exprimèrent, mais mes poumons-sans-souffle, crevés par la peur.
Oh, par Merlin, ne pense pas à ça.
Je ne devais même pas me ressentir si je voulais continuer.
Je me plongeai dans l’Autre, dans ce qu’elle était et dans la fiole qu’elle tenait ; je repoussai, par une force que je ne m’étais jamais imaginé, ce que je Sentai à l’intérieur de moi.
Je levai la main gauche ; son tremblement était pitoyable à voir. Peut-être m’en fis-je la réflexion, mais je ne fis rien pour atténuer ses à-coups.
J’avançai mes doigts jusqu’à la fiole.

Inconsciemment, ma bouche s’ouvrit ; entre mes deux lèvres humides, ma langue pointa, en attente de ce qui me permettra de savoir où se trouvait Charlie.

26 oct. 2019, 05:16
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Darcy Crown
Serdaigle, 17 ans




Mal.

Dans le cas où Aelle aurait vraiment fait du mal à Charlie, aurais-je envie de la venger ? Et aurais-je envie de le faire en cet instant ? *Venger*. Inconcevable. *Je ne dois pas*. Jamais.
Je rassemblais ma force mentale pour me contrôler, et j’allais m’efforcer à maintenir cette emprise. Si une vengeance devait avoir lieu, ce n’était certainement pas moi qui devais la commettre. Bristyle était trop faible pour survivre à une potentielle perte de contrôle de ma part. J’appréciais énormément Charlie, mais pas au point de la défendre moi-même en son absence.
Je me contrôlais.
Mes gravures étaient silencieuses, mon cerveau n’avait pas besoin de filtrer leurs contenus. Cet instant était étrange. Trop de silence jonchait mon corps.
Un violent frisson me secoua la nuque, m’obligeant à cligner des yeux. *Vide de nuance*. La fiole de Veritaserum pendait dans l’étau de mes phalanges, l’échafaud de mon index et de mon pouce tremblant. *Merlin !*. Mes doigts étaient serrés tellement fort que la potion frissonnait. *Nom d’un Sang-de-Bourbe !*. Je relâchais aussitôt l’emprise sans faire tomber la fiole. *Concentre-toi*.
Le verre que j’utilisais pour toutes mes fioles de potion était d’une qualité supérieure, j’en remerciais mon cerveau précautionneux ; dans le cas contraire, cette potion se serait brisée depuis bien longtemps.
Un pas.
*Tu bouges*.
Deux pas.
*Viens*.

Aelle s’étendait dans ma direction, elle n’avait pas tardé. *Voyons voir ce que tu vas faire*. J’étais même certaine que mes mots et ses pas s’étaient enchevêtrés en une liane colorée par la compréhension mutuelle, un sillage spécial bordé d’une multitude d’obstacles. Son corps apparut à la lisière de mon regard. *T’as des pas gigantesques*. La surveillance de ma fiole était plus importante que de croiser ses yeux, en l’instant. Je ne fis pas le moindre mouvement, mes cuisses commençaient à être piquées de l’intérieur par un essaim de plaintes, mes fesses faisaient suffoquer l’irrigation de mon sang ; cette sensation ne me rebutait pas, alors je ne bougeais toujours pas. Mon corps, immobile, la sensation s’accentua. Immobile, comme Bristyle. *Elle réfléchit*.
Son corps se débloqua en accord avec ma pensée, et mes doigts se crispèrent un peu plus. *Gracieuse ?*. Je ne savais pas pourquoi je trouvais ses mouvements dotés d’une certaine grâce. Ils suivaient une règle commune, une harmonie flagrante, ils étaient tous liés les uns aux autres. Le tissu du fauteuil gonfla légèrement sous mes fesses, grâce au poids de la fille-aux-cheveux-cuivrés ; elle s’était assise. *Tu suis un invisible que je voudrais voir*. Elle savait ce qu’elle faisait, ses actes résultaient d’une cohérence que je devais percer.

Fais-le.

Sa voix courra le long de ma peau, traversant les landes de toutes mes toiles, esquivant mes protections de teinte les plus profondes, bondissant de peinture en peinture, de souvenir en souvenir, jusqu’à atteindre le battement de mon cœur de plein fouet. *Merlin !*.
Sa voix était un abandon qu’elle m’offrait de toute son âme. « Ha… » j’entendis mon propre soupir d’une étrange douceur. *Pourquoi ?*. Je ne comprenais rien.
Avec la plus grande précaution du monde, ma tête pivota pour apercevoir le corps de l’enfant-qui-m’atteignait. *Pourquoi ?*. Son comportement ne suivait pas la logique du hibou destiné à Charlie, cela n’avait aucun sens, rien n’était lié, mis à part le lien qui pendait entre les deux. Le reste n’était que mensonges. Aelle était prête à tout, pour Charlie. *Mais pourquoi ?!*. Je n’avais aucune idée de la raison, il n’y avait que de la déraison dans cette pièce.
Et toujours avec cette même déraison, des larmes se mirent à couler de mes yeux. Les tremblements de cette fille m’atteignaient, sa petite main laiteuse se tendait sans pouvoir se projeter. Elle était confinée à un cadre, son propre cadre de tableau que j’avais moi-même créé autour d’elle, sans la moindre parcelle de cœur. Jamais je n’aurais imaginé Aelle ainsi. *Merlin*. Je me sentais misérable de lui infliger tant de peine ; pour rien. *Arrête*. Sa main cinglait mes pensées, s’en était trop !

Je me relevais brusquement, la respiration torturée dans mon spectre intérieur. *Je dois partir*. Mon regard était cramponné sur le corps de Charlie. *AELLE*. Aelle, oui ! Mais l’alternative de fuite était bien pire que le mirage que j’avais créé. Je remontais mes lunettes, tentant de cacher mon souffle chaotique. *Je ne peux plus m’enfuir*. Il fallait que j’aille jusqu’au bout du subterfuge, je devais l’éloigner de Charlie. J’allais bien finir par lui faire comprendre qu’elle devait se détacher d’elle pour son propre bien. *J’dois l’faire par Merlin !*. Une seconde.
Une inspiration plus profonde que les autres illumina mes pensées, raccordant les couleurs de mon cerveau. Je ne comprenais pas le pourquoi de ces deux filles, mais je saisissais très bien le comment et ses conséquences : ensemble dans une profonde perdre de sensibilité. Les couleurs étaient tellement vives dans mon esprit que mes pensées en devenaient toutes limpides. *Lui faire boire pour lui poser toutes les questions nécessaires*. Entre mes doigts, la potion de Veritaserum était écrasée. *Trouver ce pourquoi !*. J’allais la faire parler, cette Bristyle. Même si cela devait lui faire du mal, c’était pour son bien.

Je fis un pas vers elle, qui se déposa juste à côté de son propre pied. Mon cerveau s’était calmé, je savais ce que je devais faire à présent. *Sans la brusquer*. Avec lenteur, je me courbai le dos jusqu’à pouvoir être à bonne distance de son visage. Mon regard se hissa vers sa petite bouche, exhibant une langue affreusement vive, d’un rouge sang. *Vite*. Je devais obligatoirement tenir son menton de ma main libre, déposer du Veritaserum autre part que dans sa bouche serait un gâchis affreux. Je respirais de plus en plus lentement, pour préparer mon corps à ne pas trembler pendant le processus. « Aelle… » soufflais-je en dirigeant ma main vers son visage. Je n’oubliais pas l’élégance, même dans un moment aussi tendu. Son menton m’était inaccessible, même si ma grande main pouvait étouffer tous les traits de son visage.

Je dois te…

*Mauvaise formulation*. Je recommençais dans le cyclone qui s’abattait dans mon cerveau, exaltant la conscience de cet instant. « Nous détestons toutes deux êtres touchées » expliquais-je rapidement sans reprendre ma respiration. Dans mon champ de vision, ma main gauche était ouverte, pleine de force, prête à tenailler son visage. « Alors… » repris-je après une inspiration furtive.
Mon autre main, celle contenant ma potion en retrait, était loin de portée de la fille-aux-cheveux-cuivrés pour éviter tout incident.

Je te demande l’autorisation, puis-je te toucher ?

Mon propre visage était proche du sien, trente centimètres, certainement. La courbe de ses lèvres était étonnement fine. *Je dois le faire*. Pourtant, une fresque titanesque m’attirait, sombre, m’agrippait les paupières pour en faire rouler mes orbites de force, un peu plus haut. *Pas maintenant !*. Elle m’arrachait trop fort, l’éclat de ses nuances était trop précieux pour être voilé. Tout au fond de ses yeux. *Merlin*. Plus haut.
Mon regard se projeta sur sa fresque de Noir.
Dernière modification par Charlie Rengan le 16 janv. 2020, 01:18, modifié 2 fois.

je suis Là ᚨ

14 déc. 2019, 13:44
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
Une envie farfouillait l’intérieur de mon corps. Comme un rongeur, elle plantait ses petites dents dans mon coeur et tentait d’imposer sa Loi : ferme les yeux, me disait-elle. Ferme-les pour ne pas la voir s’approcher. Car si tu la regarde, si tu tombes dans son regard tu refuseras de la laisser s’approcher. Tu prendras peur, tu le sais. Tu trembleras de colère à l’idée que cette Grande puisse agir sur toi. Car une fois la potion avalée, je n’aurais plus aucun contrôle, plus aucun désir si ce n’était celui de répondre avec une exactitude dérangeante à la moindre question de la fille. Elle pourra savoir tout ce que je ressentais pour Charlie, elle pourra connaître la trahison de celle-ci, ma solitude, ma douleur ; et si elle s’en servait contre moi ? Et si elle me faisait du mal ?
Mais un autre monstre, tout aussi violent celui-ci, ravageait l’autre face de mon coeur ; celui-ci se foutait de tout le reste. Celui-ci ne pensait qu’à une seule chose : Savoir, Apprendre Charlie. Car la Clé, celle que je cherchais depuis tant de mois, se trouvait sous mes yeux. Je n’aurais jamais pensé qu’elle ait la forme de cette fille, une amie de Charlie. Non, je pensais qu’elle Serait Charlie, tout simplement.

Je ne fermai pas les yeux. Malgré le monstre dans mon corps, j’en étais incapable. Il y avait ses yeux couleur de ciel en face de moi et le reflet du soleil sur le verre de la fiole, et j’étais incapable de me résigner à fermer les yeux. Je voulais laisser les choses se faire, tout simplement.
Dans ma tête, je suppliais : je t’en prie, presse-toi. Ne me fais pas patienter plus longtemps. Mais ce n’était pas la patience qui la rendait lente, cette Grande Perche. Non, c’était autre autre chose.
*Qu’est-ce que…*
Le regard d’eau… L’éclat du ciel… Sous mes yeux, celui-ci se troubla. De clair, il devint brouillon. De brouillon, il se noya. Ma respiration se coupa en comprenant. J’en perdis jusqu’au contrôle que j’avais sur ma bouche : celle-ci, alors grande ouverte en offrande, se referma et le claquement de mes mâchoires sembla résonner dans mon crâne.
*Pourquoi tu…*
Après ma bouche, je perdis mon coeur. Celui-ci se mit à battre si rapidement qu’il emporta mes pensées dans sa course folle. Il n’y avait qu’une idée délirante qui parvenait à sortir du courant pour me jeter à la conscience : elle pleurait ! Elle, cette Grande, cette foutue blonde, pleurait avec autant de Liberté que Charlie, il y a si longtemps. L’image s’incrusta au fond de mes rétines ; non pas celle de la Grande, mais celle de Charlie dans ce sombre couloir du sous-sol : elle avait alors pleuré si soudainement, sans aucune barrière, comme si c’était la chose la plus simple au monde. Nom de Merlin, je détestais ce souvenir, je le détestais !

Elle se leva et je baissai la main pour la poser sur ma cuisse.
Je regardais la fille sans la voir ; au travers elle se dessinait l’image de Charlie. Après tout, cette fille n’avait jamais été autre chose que Charlie, non ? Elle avait seulement une apparence différente, mais elle Était Charlie au même point que ce souvenir qui me torturait l’était.

Enfin, je parvins à cligner des yeux. Cela me rassura : je ne pleurais pas. Même si mon coeur hurlait, même si ma main tremblait, je ne pleurais pas. Mais mon visage était tordu en une grimace douloureuse et dégueulasse. Une horrible grimace dont je ne parvins pas à me débarrasser. De toute façon, je n’en n'avais que peu faire de celle-ci. Là, devant moi, la Grande Perche me regardait comme si elle me découvrait. Que voyait-elle ? Une enfant ? Charlie ? Pouvait-elle croire que j’étais le reflet de Charlie tout comme elle-même l’était ? *Nan*.
Clignant des yeux une nouvelle fois, mon esprit pris conscience que les larmes s’étaient taries sur le visage de la fille. Mon coeur ne s’en calma pas pour autant ; les yeux qu’elle posait sur moi était désormais bien plus effrayants, brillants comme jamais. J’avais honte de l’avouer, mais elle me fit peur. Tout à coup, je fus si effrayée que lorsqu’elle s’avança vers moi je me reculai pour m’enfoncer dans le fauteuil.

Derrière mon coeur secoué, quelque chose se manifesta. Ma colère, peut-être. Nom de Merlin, a quoi pouvait-elle bien jouer ? Je n’avais pas de temps à perdre ! Je voulais avaler cette potion avant d’en perdre l’envie, répondre à ses questions et enfin savoir où se trouvait Charlie. Elle m’avait dit qu’elle me le dirait ! Merlin, alors pourquoi jouait-elle ainsi ? Comme tout à l’heure, je me sentais prise en étau par son regard, par sa hauteur, par sa force intérieure. Comme si, entre ses mains, je pouvais me liquéfier jusqu’à en mourir.
Elle parla. Je me liquéfiai. Mon nom dans sa bouche était terrible. Et malgré tous mes efforts, je ne pus empêcher un frisson de crainte dévaler mon dos. Je me redressai pourtant, bien décidée à ne rien montrer. Je fronçai même les sourcils pour évincer ma grimace et avoir l’air déterminée. Mais j’avais seulement l’impression d’être une gamine face à une adulte.

« Nous détestons toutes deux être touchées. »

*Hein ?*
Elle disait n’importe quoi. Elle était folle. Complètement fumée, débile, atteinte, *intelligente*.
Et sa main, si proche.
Je levai les yeux vers elle, puis vers son regard tout là-haut. Celui-ci ne me lâchait pas. La fille était si proche de moi. Elle entravait le devant du fauteuil. Impossible de me lever sans la toucher, impossible de me pencher sur le côté sans lui donner le pouvoir sur moi. *J’suis coincée !*. Mon coeur n’en battit que plus rapidement, le fou.

« Alors… ». *Oh, tais-toi*, suppliai-je intérieurement. J’étais effrayée, désormais, par le monstre de fille se trouvant devant moi. Une personne pouvant passer des larmes à une telle détermination n’était pas une personne que je voulais côtoyer. Non, surtout pas elle. Surtout pas elle.
*NE DIS RIEN !
Contente toi de m’donner ta putain d’potion !*


« Je te demande l’autorisation, puis-je te toucher ? »

*Mais, mais... *
Mais rien.
J’ouvris de grands yeux, sincèrement surprise. D’un coup d’oeil, j’englobai sa position : sa main vierge tendue vers mon visage, la fiole qu’elle tenait loin de moi, sa proximité. C’était donc cela qu’elle voulait ? Me toucher pour me faire avaler sa potion ? *Putain de…*. Mon coeur en sursauta d’indignation : hors de question ! Accepter son foutu marché était déjà bien trop éprouvant et elle voulait que je la laisse s’approcher ? Elle était complètement malade, complètement conn…

« Hors d’question ! » braillai-je en m’enfonçant plus encore dans mon fauteuil. J’essayai de retenir les sursauts de mon coeur, en vain. Mes yeux ne pouvaient se détourner de la main qui se tendait vers moi. Et ma colère flamboyante tenta de reprendre le dessus sur la Peur. « J’t’ai dit que j’la prendrais ta potion ! Alors t’approche pas ! T’APPROCHE PAS ! » Le cri m’échappa sans que je ne l’y autorise. Aussitôt, j’ouvris la bouche. Que voulais-je dire ? Aucune idée. Ne pars pas. Dis-moi où elle est, je t’en supplie. Mais rien ne pouvait désormais plus sortir de ma bouche, je le sentais. Mes lèvres se scellèrent et seule la potion pourrait les faire s’ouvrir de nouveau.

Quelques secondes passèrent. Mon coeur n’apaisa pas sa course, non. Mon corps tremblait, tiraillé par des forces contraires. D’un côté, la crainte d’avoir dépassé les bornes : et si elle s’en allait ? De l’autre, la colère qui me forçait à garder ma position défensive au cas où… Au cas où elle continuerait d’approcher. Tout au bout de mon bras, ma main s’agitait autour de ma baguette. Après l’avoir serré à m’en péter les phalanges, je la faisais tourner entre mes doigts. J’avais un sortilège en tête. Incendio. Si elle s’approchait, ses cheveux crameraient et elle avec. Je pourrais attraper la potion *pour quoi faire ?* et m’enfuir et… Et jamais je ne saurais où se trouvait Charlie. Nom de Merlin !

« Passe… Passe moi la potion, balbutié-je, c’est tout. »

Cavale.