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26 avr. 2018, 08:13
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
Elle n'était pas très loin. Assez pour qu'elle m'apparaisse presque comme une inconnue. Assez pour que j'en vienne à me demander pourquoi elle était réellement venu me voir.

Mais pas assez pour que je décide de m'en foutre ; elle savait pour Charlie. Alors je voulais savoir également.

J'étais crépitante et elle, elle était presque floue. Elle était encore coincée dans son foutu rôle de statut, à ne pas vouloir bouger, à ne pas vouloir vivre. Moi, je faisais tourner ma baguette entre mes doigts moites ; ainsi je me sentais plus vivante. J'étais en sécurité, je contrôlais cette mascarade qu'elle me Jouait. Ici, rien ne pouvait arriver. Rien ne pouvait se passer et cela en était presqu'ennuyant. Cela allait réellement le devenir si cette Perche toute plate ne se décidait pas à bouger, à être Celle-que-je-voulais-qu'elle-soit : la Connaissance. Le Savoir. Non pas une Perche qui ne savait rien, qui ne disait rien et qui se contentait de me regarder de son regard bleu tout flou. Non, Celle qui me donnait ce que je voulais : Charlie.

A cette pensée, mon cœur se remit à battre avec ardeur. Bam, bam, bam. Il me frappait la cage thoracique avec force, je le sentais même dans mon cou, juste au dessus de ma clavicule. Il m'harrassait de son rythme fou et je m'amusai à compter ses coups : un, deux, trois, quatre. Il allait vite, le palpitant, et plus je comptais, plus il allait. Plus il allait, plus je comptais.
Elle approcha. La Grande Perche. J'en étais à vingt. Vingt coups harassants. Et enfin, elle approcha.
Je clignai des yeux pour balayer le flou de son regard. Quand il redevint aussi clair qu'il pouvait l'être, je le quittai pour regarder ses mains. Elle avait de longs doigts fins et clairs ; ils étaient élégants. Ils savaient manier les potions, et la Magie. Ils savaient Manier et en les observant, je me demandais si ces doigts-là avaient déjà touchés ma Clé comme elle-même m'avait effleurée. Puis la blonde s'avança encore et mon regard fut arraché des deux élégantes ; ma pensée, comme si elle ne dépendait que de cela, m'échappa doucement pour s'effondrer dans les limbes de l'oublie. Je n'essayai même pas de le retenir, je n'avais d'intérêt que pour cette Perche qui détenait des secrets.

Elle avait fermée la porte derrière elle. Nous étions là, moi et elle. Et au milieu, Charlie. Charlie qui prenait toute la place. Je fermai les yeux une seconde avant de les rouvrir ; mes épaules ne me faisaient plus mal. Elles étaient si légères ! Si légères que j'avais l'impression qu'elles me tiraient vers le bas.  Non ! Qu'elles disparaissaient pour ne plus jamais me faire souffrir. J'affichai un sourire tremblant ; j'étais là où je devais être. Je suivis la fille du regard lorsqu'elle s'assit sur le fauteuil. J'avais eu peur qu'elle s'approche mais heureusement, elle décida de continuer son Jeu assise.

J'avalai une goulée d'air, le regard braqué sur le dos de la Joueuse. Je voulais qu'elle disparaisse entièrement dans la bouche de ce dernier ; qu'il l'avale. Mais son dos musclé suffisait à cacher son regard et je me sentis soudainement bien. Mon cœur s'apaisa lentement dans ma poitrine et ma main cessa sa course sur ma baguette. Je laissai retomber mon bras contre mon flanc. Comme elle ne pouvait plus me voir, mon corps se décrispa et je me laissai aller, allant même jusqu'à me retourner pour jeter un coup d'oeil par la fenêtre dont la fraîcheur m'avait refroidie le dos. Dehors, de l'herbe à n'en plus pouvoir, des arbres et le ciel. Rien de bien palpitant et rapidement, je ramenai mon attention sur la Perche qui se cachait sur son fauteuil terne.

Son silence m'agaçait. Qu'elle se secoue, par Merlin ! je n'étais pas ici pour lui tenir compagnie mais pour avoir des réponses. Je soupirai. Mon esprit s'abandonna à son propre flux et se tourna vers le garçon qui ressemblait à Zakary. J'espérai qu'il ait la tronche cramée.

« C'est mon amie, je connais beaucoup d'choses sur elle . »

Enfin. Je relevai la tête en vitesse, mon cou hurlant de mécontentement. Mon cœur était reparti dans un rythme fou que je ne voulais plus compter. Il battait vite, bien trop vite et bientôt, mon corps serein retrouva sa crispation. Mon dos s’arqua et ma poitrine naissante s'envola vers l'avant. L'instant suivant je baissai le regard sur ma baguette, le dos de la blonde rendu soudainement insupportable à mon regard. Ma bouche se tordit affreusement et j'eu la soudaine envie de me servir de ma baguette sur cette Perche-là, pour lui arracher ses mots. *Pourquoi j'suis en colère ?*. C'était idiot, je n'étais pas en colère, j'étais bouleversé de savoir que j'allais avoir des réponses, voilà tout. Voilà pourquoi mes phalanges étaient blanches à force de se cramponner à ma moitié de bois.

Je n'eu pas le temps de retrouver le cours de mes pensées ou même de penser à répondre. Elle recommença et cette fois-ci un ricanement m'échappa. Il s'envola et résonna longtemps à mes oreilles. Peur ? Qu'elle idiote. Ouais, une idiote de Serdaigle qui pensait tout savoir et avoir tous les droits.
Je levai la tête pour la regarder, elle était toujours de dos. C'était bizarre et cela me déplut. Je fixai mon regard sur sa caboche blonde. Elle n'avait rien de spécial, rien de transcendant. Rien d'intéressant pour qui ne s'intéressait pas à Charlie, donc pour toute personne autre que moi. Elle n'était rien du tout, cette blonde toute plate.

« Tu m'fais pas peur, » dis-je en gardant les mâchoires crispées. J'avais l'impression que ces mots ne suffisaient pas, qu'ils disaient le contraire de ce que je pensais. Je voulais qu'elle sache qu'elle ne pouvait rien me faire mais que moi j'étais capable de tout. Et que j'avais envie de Tout, mais cela je devais le garder pour moi, pour le Contrôle : « J'ai pas peur, tu peux rien m'faire. »

Je gardais ma baguette en main pour bien qu'elle comprenne ce que je lui disais. J'essayais de garder mes yeux braqués sur elle, pour qu'elle me voit ainsi lorsqu'elle se retournerait, mais ils ne faisaient que s'abaisser ou se tourner dans tous les sens. Ils regardaient tantôt le fauteuil tantôt la porte. Ils ne semblaient pas vouloir s'apaiser et cela m'agaçait. Cela m'agaçait autant que de voir son fichu dos.

Je m'écartai vivement de la fenêtre et en quelques pas rapides je fus près du second fauteuil à fixer la joue pale de cet être inutile. Cette grande fille qui disait des choses qu'elle ne savait pas.

Je voulais dire : comment tu es son amie ?

Mais ma bouche décida à ma place et ma voix en fut chamboulée. Je la haïssais lorsqu'elle était aussi vibrante que mon cœur :

« Qu'est-c'que tu connais ? » lui lançai-je avec brutalité.

Ma bouche était toujours aussi grimaçante et la peau de mon visage se tendait sous mes sourcils froncés. J'avais l'impression d'être froissée. Froissée à l'extérieur et à l'intérieur. 

11 sept. 2018, 18:03
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Darcy Crown


Je veux donc j’ai le droit !
Je n’veux pas finir seule comme toi.

Sangle Maternelle - Début de 5ème Année




Merlin, quelle grande fresque qu'est ce duel ! Et mon cerveau prenait conscience de mon aveuglement, comme avec Louna. J’avais mis du temps pour me rendre compte que cette fille était porteuse de nuances profondément renversantes ; tout comme j’avais mis du temps pour m’apercevoir réellement de la nature de cette Aelle, depuis ce duel. *Bristyle*. La fresque se déroulait dans ma sensibilité, et j’observais le mélange des teintes, le déplacement des deux duellistes. La fille-aux-cheveux-cuivrés devait définitivement être une sang-pur ; je l’espérais de tout mon cœur. Ses mouvements de bras étaient colorés étrangement ; ternes. Trop de temps s’était écoulé pour cette fresque, elle avait perdu de sa splendeur. Néanmoins, j’arrivais à percevoir quelques nuances d’Aelle combattant avec une certaine rage. *Desserre tes dents, Bristyle, ce n’est pas comme ça qu’il faut se battre*. C’était sa rage qui était porteuse des teintes les plus vives, elles crépitaient avec autant de pudeur que de dévergondage. Dans ce duel coloré, mes gravures n’avaient pas retenu l’issue du combat, mais j’étais certaine que la Poufsouffle avait perdu. La rage n’avait pas sa place dans un duel, la rage pouvait être utilisée à d’autres fins bien plus efficaces. Comme par exemple me la faire gicler tout de suite dans le visage.

La fresque se dilua en me projetant face à un mur. La pièce que j’utilisais pour mes réunions. Les deux cratères de glace sur mon visage. L’accoudoir du sofa noir engourdissant mes petites fesses. Cette fresque-ci était bien trop réelle, le rire d’Aelle était bien trop saturé.

Elle trouvait cela drôle. *Idiote*. Ce n’était qu’une enfant, voilà pourquoi. *Par Dumbledore !*. Je l’oubliais trop souvent ; Aelle était une enfant. Malgré mon chaos concernant les relations entre êtres, je pouvais comprendre qu’un enfant n’avait aucune notion du danger, c’était normal. Elle n’avait aucune idée de notre différence de niveau ; pourtant, dans un certain sens, elle avait raison : j’étais de dos, désarmée et sans possibilité de transplaner. Je ne pouvais donc rien faire. À ce stade-là, même Gellert Grindelwald aurait pu se faire battre par cette enfant, s’il avait été à ma place.
Quelques mots de l’enfant me parvinrent, des mots qui confirmaient mes incertitudes. Elle pensait ne pas avoir peur de moi. *C’est mieux ainsi*. Je ne voulais pas lui faire peur, c’était bien la dernière chose que je voulais provoquer en elle. D’autres mots éclatèrent pour renforcer la couleur des premiers, même s’ils n’en avaient pas besoin. *Tu parles un peu trop*. Elle ne faisait que confirmer son cerveau d’enfant, et je n’aimais pas ressentir cela. Depuis l’instant où je m’étais mise à parler de Charlie, la fille-aux-cheveux-châtains se comportait d’une façon bien trop enfantine. Pourtant, je ressentais une certaine joie d'avoir éveillé en elle des ressentis et des émotions. Ses couleurs avaient changé, elles devenaient moins chaotiques ; Aelle était bien moins Noire. Cela devait arriver, comment ne m’en étais-je pas doutée ? Je venais juste de lui confier la vérité concernant ma relation avec celle-qui-l’a-touchée. C’était norm… *Merlin !*. Une prise de conscience me fit grimacer, et je sentis le craquement de la glace sur mon visage. Il fallait que j’arrête de considérer comme vraie la théorie qui consistait à dire que c'était Charlie qui avait fait du mal à Aelle. À l’origine, j’étais venue pour comprendre et défendre Charlie. J’étais venue pour détruire cette Aelle ; à l'origine.

Ses petits pas résonnaient mollement contre les murs, elle s’approchait de moi. Enfin. Je ne voulais en aucun cas qu’elle me touche, mais la savoir proche était plus pratique et agréable. *Agréable... Réfléchis Darcy, tu dois comprendre*. En comprenant Aelle, je sentais que j’allais pouvoir comprendre Charlie. Peut-être n’avais-je plus envie de détruire. J’avais déjà trop usé de cette démolition avec Zachary. « Qu'est-c'que tu connais ? ». Mon cerveau s’emballa. *Que tu es une gamine qui parait trop grande ; que le changement de Charlie est de ta faute ; que tu te préoccupes trop de Charlie pour être entièrement responsable ; que tu me ressembles ; que ta couleur n’est pas opposée à Charlie, mais qu'elle est son inverse*. Une fraction de seconde. Ma tête se baissa, je connaissais bien trop de choses ; malheureusement. Bien trop qui ne me servait à rien, il me manquait l’essentiel, l’origine, la signature de la fresque. D’où venait-elle ? Pourquoi ?

Je ne… soufflais-je avant de couper ma respiration.

*Réfléchis. Réfléchis !*. Je me taisais ; pour l’instant, il n’y avait rien à répondre. Deux secondes passèrent, j’avalais une profonde goulée d’air. Ces mots m’avaient échappé, comme si une autre partie de moi les avaient prononcés. Je n’arrivais même pas à me rappeler de l’entièreté de la phrase originelle. Mon cerveau était si lent lorsque je devais trouver les mots face à une personne ; et je méprisais mon intelligence d’être si disproportionnée. Ici, tous mes Optimals me paraissaient bien fades et sans le moindre éclat. C’était une bien étrange sensation que de se sentir faible face à une enfant ; cela me donnait l'impression d'avoir son âge.
Je n’osais pas me tourner vers elle, croiser son regard ne me plaisait pas. Même si je pouvais y lire les nuances, je savais d’avance que cela me perturberait bien plus qu’autre chose ; ses teintes n’étaient que trop mystérieuses pour l’instant. Sa voix me donnait bien plus d’information, et cette même voix commençait à perdre de son contrôle ; je l’entendais distinctement.

À présent, j’avais l’impression de pouvoir lui demander ce que je voulais. *Tu te trompes, je peux te faire des chos…*. La lettre raturée d’Aelle gicla dans ma sensibilité. *Choses…*. Son écriture formant les lettres du prénom de Charlie. *Ces choses. Vous avez fait quoi ?*. D’un mouvement de volonté, je recouvrais cette pensée de Noir pour qu’elle disparaisse. Je n’en avais pas besoin pour l’instant, elle était simplement nocive. *Je peux même te faire faire des choses, Bristyle*.
Ma main glissa délicatement dans ma robe pour en saisir la précieuse fiole. Une potion minutieuse qui prenait un peu de temps ; mais qui était loin d’être complexe. Je ne comprenais pas pourquoi tant de sorciers la trouvaient si laborieuse, tout comme je ne comprenais pas pourquoi tant d’élèves avaient des notes en dessous d’Optimal.

En restant dans ma position, dos à la fille-aux-cheveux-de-cuivre, j’extirpais la fiole de Veritaserum en la tenant entre mon index et mon pouce. J’exhibais sa présence tout en ouvrant ma bouche : « Je te fais assez confiance pour ne pas tenir ma baguette, alors… ». Mon intonation était neutre et mes émotions – cet intérieur – était toujours autant scindé de mon extérieur, je contrôlais.

Approche ta bouche, déclarais-je en baissant d'un ton ; ce n'était pas un murmure, mais cela s'y rapprochait.

Elle devait me faire confiance, je ne voulais aucunement lui faire de mal.

Je me persuadais de cette idée.
Dernière modification par Charlie Rengan le 16 janv. 2020, 01:18, modifié 1 fois.

je suis Là ᚨ

23 déc. 2018, 12:31
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
Mon corps me faisait mal. Sans compter mon coeur qui s’affairait à me faire chavirer, le moindre pore de ma peau me tiraillait ; comme si une main invisible se prenait au plaisir de me planter des aiguilles brûlantes dans l’épiderme. Et plus je regardais la grande Perche, plus leurs pointes étaient flamboyantes. Et plus elles m’incendiaient, plus j’imaginai dans mon crâne douloureux des idées qui ne me plaisaient guère. Je voulais lui hurler de me parler, par Merlin. Je n’en pouvais plus d’attendre, de regarder sans ne rien faire, de penser sans ne rien Savoir. Sa joue pâle était le réceptacle de cette lassitude, mais je ne pouvais rien faire d’autre que lui jeter mon regard à la figure. Petit Jouet bouillonnant dans son corps qui, malgré ses poings serrés, ne pouvait faire autrement que d’attendre que son Joueur le fasse bouger.

Cela me donnait envie de vomir. Elle. Elle me donnait envie dégueuler ; tout ce qui se mélangeait dans mon crâne me donnait envie d’ouvrir la bouche pour éjecter mon dégoût.
Oui, elle me faisait mal, cette fille pleine de blondeur. D’une douleur jamais encore ressentie, dans un membre que je ne pensais même pas avoir en moi.
Je voulais crier et supplier, dégueuler et pleurer, embrasser et frapper. Merlin, j’en avais perdu jusqu’à la capacité de respirer et, durant un temps qui sembla dura mille temps, je sentis la moindre parcelle d’air qui s’engouffrait dans ma bouche et qui descendait jusqu’à mes poumons. Pendant un instant, je crus que je serais incapable de mener cet air à destination ; je n’étais même plus capable de respirer. Mes poumons se comprimèrent, mes épaules hurlèrent et ma respiration batailla avec mon corps : c’était un combat illégal et inégal entre deux instances qui n’avaient aucun compte à se rendre. L'échauffourée fut pitoyable et l’air m’écrasa la trachée pour se répandre dans mes poumons rassurés.
Ah, qu’il était douloureux de respirer un air que l’on voulait tordre.

Elle bougea. *Là !*. Elle baissa la tête. Mon coeur fit une embardée.
Je me rendis compte que j’étais penchée en avant ; non pas courbée par l’intérêt, mais inclinée face à la colère. Elle régnait sur moi et m’imposait sa force, m’obligeait à me pencher pour jeter en avant tout ce qui sortirait de moi ; magie, vomi, mot ; que sais-je. Je sentis la caresse de cette rage me caresser le bas du dos et remonter le long de ma nuque. Une caresse qui me fut agréable et qui fit trembler mes poings. Oh, je tremblai sans contrôle dans mon corps avalé ; je tremblai comme une enfant face à une adulte. Et l’adulte était une Perche qui me tenait bien serré dans sa main, qui pouvait m’écraser au moindre de ses souhaits.
*Donne moi ce que je veux*.
Je ne comprenais pas ce que je voulais, mais j’avais l’intime conviction qu’Elle le savait ; celle dont les mains pouvaient Créer se devait de savoir, n’est-ce pas ? Oh oui, le visage que j’observais ne pouvait que savoir. Cela se voyait dans la façon dont brillaient l’éclat de sa joue et la couleur terne de ses cheveux. C’était une Autre qui Savait où aller.
Je la détestai soudainement si fort que je chancellai sur mes jambes. La haine me prit le corps et le ballota ; je la haïssais ! En une fraction de seconde, je me vis sauter sur elle pour arracher sa peau de mes dents. L’envie me fit frémir, puis trembler, et finit par disparaître. Non, je devais savoir.
Je restai pantelante sous l’afflux de mes propres émotions. Et irrémédiablement faible.
Par Merlin, qu’elle parle ! Qu’elle parle, ou je ne serais plus maîtresse de mes Actes !

Comme si elle m’entendait, le son pitoyable de sa voix porta jusqu’à moi :

« Je ne… »

Et s’effondra dans les affres de l’inexistence.
QUOI ? lui aurai-je hurlé si je n’étais pas alpaguée par ce que je savais qu’elle savait.
Mes yeux tremblaient des mots qu’elle ne me disait pas. Ils palpitaient dans leur socle, ces foutus yeux.
Oh, doux Merlin. Elle me rendait folle. Je fermai les yeux pour m’exhorter au calme ; je ne parvins qu’à accélérer le battement de mon coeur, quand, sous mes paupières, se dessina une Charlie dont je peinai à reconnaître les traits. Mon coeur se tordit dans ma poitrine, le désespoir vrilla mes veines ; Charlie. J’ouvris les yeux pour mater la Perche qui était ce que j’avais de plus proche de Charlie. Son profil, ses épaules, les pointes de ses mèches ; j’avalai tout cela de mon regard pour ravaler la peine qui mon rongea le coeur. Mais elle ne disparut pas et s’installa dans mon corps une vague douloureuse qui me donna envie de crier. Elle fit son nid dans mon coeur qu’elle frappa de trois coups distincts : CH. AR. LIE.
Ma gorge se noua si rapidement que je dus baisser la tête pour que mon trouble reste invisible à la Perche. Mon souffle s’était coincé quelque part dans bouche.

Elle reprit la parole, me surprenant, mais pas assez forte pour me faire sursauter hors de ma peine : « Je te fais assez confiance pour ne pas tenir ma baguette, alors… ». Sa voix acheva de me faire mal et j’agrippai le dossier du fauteuil pour ne pas m’effondrer.
Le coeur au bord des lèvres, ce coeur gonflé par la peine, je levai mes yeux pour les jeter sur elle. Je cessai de respirer en avisant la potion qu’elle brandissait devant moi. Mes yeux s’écarquillèrent et un petit bruit s’expulsa d’entre mes lèvres. La potion ! Non, la Clé. Je me redressai, presqu’inconsciemment, le regard braqué sur ma dose de délivrance. Elle allait le faire. J’en perdis mon coeur. Elle allait réellement le faire. Je dessinai sa mâchoire de mes yeux ; elle, Grande Perche, extension-de-Charlie, allait tout me dire sur
Incapable de dérouler ma pensée, je décrochai ma main du fauteuil au moment moment même où sa voix retrouva son lit ; « Approche ta bouche, » murmura-t-elle plus comme une requête qu’un réel ordre. J’en avais de toute façon rien à faire. Rien du tout. Palpitante, Exaltée, je m’approchai, contournant le fauteuil, matant la fiole pour ne pas mater la fille. Quand j’arrivai face à l’assise, je trouvai néanmoins le courage de me plonger dans le lagon de ses yeux qui ne me voyaient pas. Je déglutis difficilement, je tentai de secouer mon cerveau qui ne savait plus penser. A quoi bon ? J’étais incapable de formuler la moindre pensée concrète. C’était simple ; suivre son corps.
S’assoir. Je le fis.
Regarder l’Autre. J’obéis.
Crisper sa main sur l’accoudoir. Mes doigts s’enfoncèrent.
Ignorer la Chose qui me criait que je perdrais tout contrôle. Facile.
Respirer. Difficile.
Penser. Impossible.

« Fais-le, » dégueula ma voix.

Ma voix grave, rocailleuse, presque indistincte ; fouilli de mots. Ce ne fut pas mes cordes vocales qui s’exprimèrent, mais mes poumons-sans-souffle, crevés par la peur.
Oh, par Merlin, ne pense pas à ça.
Je ne devais même pas me ressentir si je voulais continuer.
Je me plongeai dans l’Autre, dans ce qu’elle était et dans la fiole qu’elle tenait ; je repoussai, par une force que je ne m’étais jamais imaginé, ce que je Sentai à l’intérieur de moi.
Je levai la main gauche ; son tremblement était pitoyable à voir. Peut-être m’en fis-je la réflexion, mais je ne fis rien pour atténuer ses à-coups.
J’avançai mes doigts jusqu’à la fiole.

Inconsciemment, ma bouche s’ouvrit ; entre mes deux lèvres humides, ma langue pointa, en attente de ce qui me permettra de savoir où se trouvait Charlie.

26 oct. 2019, 05:16
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Darcy Crown
Serdaigle, 17 ans




Mal.

Dans le cas où Aelle aurait vraiment fait du mal à Charlie, aurais-je envie de la venger ? Et aurais-je envie de le faire en cet instant ? *Venger*. Inconcevable. *Je ne dois pas*. Jamais.
Je rassemblais ma force mentale pour me contrôler, et j’allais m’efforcer à maintenir cette emprise. Si une vengeance devait avoir lieu, ce n’était certainement pas moi qui devais la commettre. Bristyle était trop faible pour survivre à une potentielle perte de contrôle de ma part. J’appréciais énormément Charlie, mais pas au point de la défendre moi-même en son absence.
Je me contrôlais.
Mes gravures étaient silencieuses, mon cerveau n’avait pas besoin de filtrer leurs contenus. Cet instant était étrange. Trop de silence jonchait mon corps.
Un violent frisson me secoua la nuque, m’obligeant à cligner des yeux. *Vide de nuance*. La fiole de Veritaserum pendait dans l’étau de mes phalanges, l’échafaud de mon index et de mon pouce tremblant. *Merlin !*. Mes doigts étaient serrés tellement fort que la potion frissonnait. *Nom d’un Sang-de-Bourbe !*. Je relâchais aussitôt l’emprise sans faire tomber la fiole. *Concentre-toi*.
Le verre que j’utilisais pour toutes mes fioles de potion était d’une qualité supérieure, j’en remerciais mon cerveau précautionneux ; dans le cas contraire, cette potion se serait brisée depuis bien longtemps.
Un pas.
*Tu bouges*.
Deux pas.
*Viens*.

Aelle s’étendait dans ma direction, elle n’avait pas tardé. *Voyons voir ce que tu vas faire*. J’étais même certaine que mes mots et ses pas s’étaient enchevêtrés en une liane colorée par la compréhension mutuelle, un sillage spécial bordé d’une multitude d’obstacles. Son corps apparut à la lisière de mon regard. *T’as des pas gigantesques*. La surveillance de ma fiole était plus importante que de croiser ses yeux, en l’instant. Je ne fis pas le moindre mouvement, mes cuisses commençaient à être piquées de l’intérieur par un essaim de plaintes, mes fesses faisaient suffoquer l’irrigation de mon sang ; cette sensation ne me rebutait pas, alors je ne bougeais toujours pas. Mon corps, immobile, la sensation s’accentua. Immobile, comme Bristyle. *Elle réfléchit*.
Son corps se débloqua en accord avec ma pensée, et mes doigts se crispèrent un peu plus. *Gracieuse ?*. Je ne savais pas pourquoi je trouvais ses mouvements dotés d’une certaine grâce. Ils suivaient une règle commune, une harmonie flagrante, ils étaient tous liés les uns aux autres. Le tissu du fauteuil gonfla légèrement sous mes fesses, grâce au poids de la fille-aux-cheveux-cuivrés ; elle s’était assise. *Tu suis un invisible que je voudrais voir*. Elle savait ce qu’elle faisait, ses actes résultaient d’une cohérence que je devais percer.

Fais-le.

Sa voix courra le long de ma peau, traversant les landes de toutes mes toiles, esquivant mes protections de teinte les plus profondes, bondissant de peinture en peinture, de souvenir en souvenir, jusqu’à atteindre le battement de mon cœur de plein fouet. *Merlin !*.
Sa voix était un abandon qu’elle m’offrait de toute son âme. « Ha… » j’entendis mon propre soupir d’une étrange douceur. *Pourquoi ?*. Je ne comprenais rien.
Avec la plus grande précaution du monde, ma tête pivota pour apercevoir le corps de l’enfant-qui-m’atteignait. *Pourquoi ?*. Son comportement ne suivait pas la logique du hibou destiné à Charlie, cela n’avait aucun sens, rien n’était lié, mis à part le lien qui pendait entre les deux. Le reste n’était que mensonges. Aelle était prête à tout, pour Charlie. *Mais pourquoi ?!*. Je n’avais aucune idée de la raison, il n’y avait que de la déraison dans cette pièce.
Et toujours avec cette même déraison, des larmes se mirent à couler de mes yeux. Les tremblements de cette fille m’atteignaient, sa petite main laiteuse se tendait sans pouvoir se projeter. Elle était confinée à un cadre, son propre cadre de tableau que j’avais moi-même créé autour d’elle, sans la moindre parcelle de cœur. Jamais je n’aurais imaginé Aelle ainsi. *Merlin*. Je me sentais misérable de lui infliger tant de peine ; pour rien. *Arrête*. Sa main cinglait mes pensées, s’en était trop !

Je me relevais brusquement, la respiration torturée dans mon spectre intérieur. *Je dois partir*. Mon regard était cramponné sur le corps de Charlie. *AELLE*. Aelle, oui ! Mais l’alternative de fuite était bien pire que le mirage que j’avais créé. Je remontais mes lunettes, tentant de cacher mon souffle chaotique. *Je ne peux plus m’enfuir*. Il fallait que j’aille jusqu’au bout du subterfuge, je devais l’éloigner de Charlie. J’allais bien finir par lui faire comprendre qu’elle devait se détacher d’elle pour son propre bien. *J’dois l’faire par Merlin !*. Une seconde.
Une inspiration plus profonde que les autres illumina mes pensées, raccordant les couleurs de mon cerveau. Je ne comprenais pas le pourquoi de ces deux filles, mais je saisissais très bien le comment et ses conséquences : ensemble dans une profonde perdre de sensibilité. Les couleurs étaient tellement vives dans mon esprit que mes pensées en devenaient toutes limpides. *Lui faire boire pour lui poser toutes les questions nécessaires*. Entre mes doigts, la potion de Veritaserum était écrasée. *Trouver ce pourquoi !*. J’allais la faire parler, cette Bristyle. Même si cela devait lui faire du mal, c’était pour son bien.

Je fis un pas vers elle, qui se déposa juste à côté de son propre pied. Mon cerveau s’était calmé, je savais ce que je devais faire à présent. *Sans la brusquer*. Avec lenteur, je me courbai le dos jusqu’à pouvoir être à bonne distance de son visage. Mon regard se hissa vers sa petite bouche, exhibant une langue affreusement vive, d’un rouge sang. *Vite*. Je devais obligatoirement tenir son menton de ma main libre, déposer du Veritaserum autre part que dans sa bouche serait un gâchis affreux. Je respirais de plus en plus lentement, pour préparer mon corps à ne pas trembler pendant le processus. « Aelle… » soufflais-je en dirigeant ma main vers son visage. Je n’oubliais pas l’élégance, même dans un moment aussi tendu. Son menton m’était inaccessible, même si ma grande main pouvait étouffer tous les traits de son visage.

Je dois te…

*Mauvaise formulation*. Je recommençais dans le cyclone qui s’abattait dans mon cerveau, exaltant la conscience de cet instant. « Nous détestons toutes deux êtres touchées » expliquais-je rapidement sans reprendre ma respiration. Dans mon champ de vision, ma main gauche était ouverte, pleine de force, prête à tenailler son visage. « Alors… » repris-je après une inspiration furtive.
Mon autre main, celle contenant ma potion en retrait, était loin de portée de la fille-aux-cheveux-cuivrés pour éviter tout incident.

Je te demande l’autorisation, puis-je te toucher ?

Mon propre visage était proche du sien, trente centimètres, certainement. La courbe de ses lèvres était étonnement fine. *Je dois le faire*. Pourtant, une fresque titanesque m’attirait, sombre, m’agrippait les paupières pour en faire rouler mes orbites de force, un peu plus haut. *Pas maintenant !*. Elle m’arrachait trop fort, l’éclat de ses nuances était trop précieux pour être voilé. Tout au fond de ses yeux. *Merlin*. Plus haut.
Mon regard se projeta sur sa fresque de Noir.
Dernière modification par Charlie Rengan le 16 janv. 2020, 01:18, modifié 2 fois.

je suis Là ᚨ

14 déc. 2019, 13:44
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
Une envie farfouillait l’intérieur de mon corps. Comme un rongeur, elle plantait ses petites dents dans mon coeur et tentait d’imposer sa Loi : ferme les yeux, me disait-elle. Ferme-les pour ne pas la voir s’approcher. Car si tu la regarde, si tu tombes dans son regard tu refuseras de la laisser s’approcher. Tu prendras peur, tu le sais. Tu trembleras de colère à l’idée que cette Grande puisse agir sur toi. Car une fois la potion avalée, je n’aurais plus aucun contrôle, plus aucun désir si ce n’était celui de répondre avec une exactitude dérangeante à la moindre question de la fille. Elle pourra savoir tout ce que je ressentais pour Charlie, elle pourra connaître la trahison de celle-ci, ma solitude, ma douleur ; et si elle s’en servait contre moi ? Et si elle me faisait du mal ?
Mais un autre monstre, tout aussi violent celui-ci, ravageait l’autre face de mon coeur ; celui-ci se foutait de tout le reste. Celui-ci ne pensait qu’à une seule chose : Savoir, Apprendre Charlie. Car la Clé, celle que je cherchais depuis tant de mois, se trouvait sous mes yeux. Je n’aurais jamais pensé qu’elle ait la forme de cette fille, une amie de Charlie. Non, je pensais qu’elle Serait Charlie, tout simplement.

Je ne fermai pas les yeux. Malgré le monstre dans mon corps, j’en étais incapable. Il y avait ses yeux couleur de ciel en face de moi et le reflet du soleil sur le verre de la fiole, et j’étais incapable de me résigner à fermer les yeux. Je voulais laisser les choses se faire, tout simplement.
Dans ma tête, je suppliais : je t’en prie, presse-toi. Ne me fais pas patienter plus longtemps. Mais ce n’était pas la patience qui la rendait lente, cette Grande Perche. Non, c’était autre autre chose.
*Qu’est-ce que…*
Le regard d’eau… L’éclat du ciel… Sous mes yeux, celui-ci se troubla. De clair, il devint brouillon. De brouillon, il se noya. Ma respiration se coupa en comprenant. J’en perdis jusqu’au contrôle que j’avais sur ma bouche : celle-ci, alors grande ouverte en offrande, se referma et le claquement de mes mâchoires sembla résonner dans mon crâne.
*Pourquoi tu…*
Après ma bouche, je perdis mon coeur. Celui-ci se mit à battre si rapidement qu’il emporta mes pensées dans sa course folle. Il n’y avait qu’une idée délirante qui parvenait à sortir du courant pour me jeter à la conscience : elle pleurait ! Elle, cette Grande, cette foutue blonde, pleurait avec autant de Liberté que Charlie, il y a si longtemps. L’image s’incrusta au fond de mes rétines ; non pas celle de la Grande, mais celle de Charlie dans ce sombre couloir du sous-sol : elle avait alors pleuré si soudainement, sans aucune barrière, comme si c’était la chose la plus simple au monde. Nom de Merlin, je détestais ce souvenir, je le détestais !

Elle se leva et je baissai la main pour la poser sur ma cuisse.
Je regardais la fille sans la voir ; au travers elle se dessinait l’image de Charlie. Après tout, cette fille n’avait jamais été autre chose que Charlie, non ? Elle avait seulement une apparence différente, mais elle Était Charlie au même point que ce souvenir qui me torturait l’était.

Enfin, je parvins à cligner des yeux. Cela me rassura : je ne pleurais pas. Même si mon coeur hurlait, même si ma main tremblait, je ne pleurais pas. Mais mon visage était tordu en une grimace douloureuse et dégueulasse. Une horrible grimace dont je ne parvins pas à me débarrasser. De toute façon, je n’en n'avais que peu faire de celle-ci. Là, devant moi, la Grande Perche me regardait comme si elle me découvrait. Que voyait-elle ? Une enfant ? Charlie ? Pouvait-elle croire que j’étais le reflet de Charlie tout comme elle-même l’était ? *Nan*.
Clignant des yeux une nouvelle fois, mon esprit pris conscience que les larmes s’étaient taries sur le visage de la fille. Mon coeur ne s’en calma pas pour autant ; les yeux qu’elle posait sur moi était désormais bien plus effrayants, brillants comme jamais. J’avais honte de l’avouer, mais elle me fit peur. Tout à coup, je fus si effrayée que lorsqu’elle s’avança vers moi je me reculai pour m’enfoncer dans le fauteuil.

Derrière mon coeur secoué, quelque chose se manifesta. Ma colère, peut-être. Nom de Merlin, a quoi pouvait-elle bien jouer ? Je n’avais pas de temps à perdre ! Je voulais avaler cette potion avant d’en perdre l’envie, répondre à ses questions et enfin savoir où se trouvait Charlie. Elle m’avait dit qu’elle me le dirait ! Merlin, alors pourquoi jouait-elle ainsi ? Comme tout à l’heure, je me sentais prise en étau par son regard, par sa hauteur, par sa force intérieure. Comme si, entre ses mains, je pouvais me liquéfier jusqu’à en mourir.
Elle parla. Je me liquéfiai. Mon nom dans sa bouche était terrible. Et malgré tous mes efforts, je ne pus empêcher un frisson de crainte dévaler mon dos. Je me redressai pourtant, bien décidée à ne rien montrer. Je fronçai même les sourcils pour évincer ma grimace et avoir l’air déterminée. Mais j’avais seulement l’impression d’être une gamine face à une adulte.

« Nous détestons toutes deux être touchées. »

*Hein ?*
Elle disait n’importe quoi. Elle était folle. Complètement fumée, débile, atteinte, *intelligente*.
Et sa main, si proche.
Je levai les yeux vers elle, puis vers son regard tout là-haut. Celui-ci ne me lâchait pas. La fille était si proche de moi. Elle entravait le devant du fauteuil. Impossible de me lever sans la toucher, impossible de me pencher sur le côté sans lui donner le pouvoir sur moi. *J’suis coincée !*. Mon coeur n’en battit que plus rapidement, le fou.

« Alors… ». *Oh, tais-toi*, suppliai-je intérieurement. J’étais effrayée, désormais, par le monstre de fille se trouvant devant moi. Une personne pouvant passer des larmes à une telle détermination n’était pas une personne que je voulais côtoyer. Non, surtout pas elle. Surtout pas elle.
*NE DIS RIEN !
Contente toi de m’donner ta putain d’potion !*


« Je te demande l’autorisation, puis-je te toucher ? »

*Mais, mais... *
Mais rien.
J’ouvris de grands yeux, sincèrement surprise. D’un coup d’oeil, j’englobai sa position : sa main vierge tendue vers mon visage, la fiole qu’elle tenait loin de moi, sa proximité. C’était donc cela qu’elle voulait ? Me toucher pour me faire avaler sa potion ? *Putain de…*. Mon coeur en sursauta d’indignation : hors de question ! Accepter son foutu marché était déjà bien trop éprouvant et elle voulait que je la laisse s’approcher ? Elle était complètement malade, complètement conn…

« Hors d’question ! » braillai-je en m’enfonçant plus encore dans mon fauteuil. J’essayai de retenir les sursauts de mon coeur, en vain. Mes yeux ne pouvaient se détourner de la main qui se tendait vers moi. Et ma colère flamboyante tenta de reprendre le dessus sur la Peur. « J’t’ai dit que j’la prendrais ta potion ! Alors t’approche pas ! T’APPROCHE PAS ! » Le cri m’échappa sans que je ne l’y autorise. Aussitôt, j’ouvris la bouche. Que voulais-je dire ? Aucune idée. Ne pars pas. Dis-moi où elle est, je t’en supplie. Mais rien ne pouvait désormais plus sortir de ma bouche, je le sentais. Mes lèvres se scellèrent et seule la potion pourrait les faire s’ouvrir de nouveau.

Quelques secondes passèrent. Mon coeur n’apaisa pas sa course, non. Mon corps tremblait, tiraillé par des forces contraires. D’un côté, la crainte d’avoir dépassé les bornes : et si elle s’en allait ? De l’autre, la colère qui me forçait à garder ma position défensive au cas où… Au cas où elle continuerait d’approcher. Tout au bout de mon bras, ma main s’agitait autour de ma baguette. Après l’avoir serré à m’en péter les phalanges, je la faisais tourner entre mes doigts. J’avais un sortilège en tête. Incendio. Si elle s’approchait, ses cheveux crameraient et elle avec. Je pourrais attraper la potion *pour quoi faire ?* et m’enfuir et… Et jamais je ne saurais où se trouvait Charlie. Nom de Merlin !

« Passe… Passe moi la potion, balbutié-je, c’est tout. »

Cavale.

16 janv. 2020, 01:15
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Darcy Crown
Serdaigle, 17 ans



Dans la sinuosité de mes teintes, j’avais une crampe.
Crampe de couleur, crampe de nuance, crampe de douleur ; une absence de liquide. Une crampe — tout au fond — dans mon esprit. *Je…*. J’observais le Noir si Noir, celui qui dilatait mes toiles au ralenti crissant.
Où étaient passées mes précieuses toiles ?
*C’est…*. Il n’y avait plus rien, à part ce Noir.
Crampe torsadée, et mes pensées qui faisaient un nœud douloureux. Je n’avais jamais aimé le silence, et pourtant j’aurais donné mon âme pour l’entendre en cet instant. Entendre le Silence. Silence dans ma tête, j’en rêvais, alors que tout était si bruyant.
Crampe.
J’étais tellement proche du regard de Noir que je pouvais sentir son étendue, son haleine crispante, allongée sur une piste qui se finit sur un horizon, inaccessible, trop long. *Que…*. Une petite boule blanche montra le bout de son nez, sur cette ligne d’horizon. Une minuscule boule blanche qui avait l’air d’être dans une colère Noire.
*Merlin*.

Hors d’question !

Un éclaboussement si soudain que je sentis mes épaules s’affaisser dans mon corps. Ma tête en crampe hurla encore plus fort, le silence que je détestais était une chose que je suppliais à présent. *Je…*. La continuité de mes pensées pataugeait. J’étais dans une flaque créée par la petite boule blanche. Elle grimaçait avec ses dents sabrées.
Je m’accrochais à ma précieuse potion, j’attrapais ma fiole comme une liane de réalité. Mais la réalité n’existait plus face à cette colère. *Elle est en…*. Une colère que je ne pouvais pas supporter, mes larmes ruisselaient, je les sentais se défenestrer à travers mes yeux. *Pardon*. C’était.
Trop tard.

J’t’ai dit que j’la prendrais ta potion !

Ma tête fusionnait avec mes cervicales, le Noir se transformait en une couleur plus vive, plus antique, plus… Merlin.
Infernale.
Le glissement se faisait dans les recoins de Cette couleur-là. Ce Pourpre.

Alors t’approche pas !

Un rouge tellement foncé qu’il en devenait violacé, gonflé comme la gorge d’un crapaud, prêt à vomir son passé. *Zachary*.
Aelle. Elle était là. Oui, juste en face de moi.
Avec sa bouche ouverte et ses lèvres qui s’apprêtaient déjà à faire hurler le
POURPRE
*Je...*.

T’APPROCHE PAS !

Mon cœur s’envola, laissant une trainée de rouge dans son sillage, barbouillant mes fresques de son vomi. *Zachary d’Aelle*. Son regard
POURPRE
perçait mes yeux, et le noir disparut totalement. Aelle.
*Aelle*. Je perdais le contrôle ?
À cause d’Elle. Aelle. *AELLE*. Elle s’énervait comme l’enculé de Zachary.
*Putain*.
Ma crampe pataugeait.
Ma tête me faisait tellement mal.
Et la dilatation d’une teinte disloqua mon regard.

Il était là, debout comme un prince. Un prince déchu tellement de fois dans mon cœur qu’il ne ressemblait plus à rien. Son statut se résumait à être cette douleur. À être cette couleur
POURPRE
sans réelle consistance, alors qu’il avait arboré tant de belles nuances. Le prince non-prince, j’observais sa bouche en biais et son regard vitreux. Pourtant, je ne ressentais plus rien face à cette douleur qui habitait mon corps. C’était spécial comme sensation, unique dans son type, singulière dans son expression. Je m’étais habituée à la douleur, à celle qu’il m’avait infligée alors qu’il était encore Prince.
Pourtant.
Pourtant, il n’était qu’un souvenir, ce statut. Cette Couleur. Elle avait disparu avec sa bouche tordue et son regard mouillé ; je l’avais presque totalement oublié.
Zachary n’était plus qu’un souvenir qui me paraissait vieux, antique dans ses encres.
Pourtant.
Pourtant, Aelle réveillait ce
POURPRE
Prince. Elle était en train de colorer à nouveau ce PUTAIN DE PRINCE.

Passe… Passe moi la potion.

Elle était en train de redorer son drapeau, de recoudre ce que j’avais disloqué après tant d’efforts. « C’est tout ». Et je… Je ne voulais pas perdre le contrôle.
Pourtant.
Ce qu’elle était en train de faire était inacceptable.

C’est tout ?

J’entendis ma propre voix trembler si fort qu’elle n’était plus qu’un hachage infernal. Ce n’était même pas une voix, ni un chuchotement, ni un murmure. C’était un frémissement, un hoquet de mots. « C’est tout ? ». Qui recommençait, encore ; et j’aurais voulu le faire recommencer, d’encore.
Ce frémissement bouclait dans ma tête, il se tortillait dans ma crampe noyée.
Ma tête immergée.
J’étais un bloc de…

C’est tout…

Je tremblais de mots. Je ne voyais plus rien, à part la réfraction du
POURPRE
dans mes flaques de regard.
Ça faisait combien de temps que je n’avais pas autant pleuré ? *C’est…*. Pas autant que Charlie, cet été. *Charlie*.
Je pouvais lui tordre son petit cou, Aelle.
À Aelle, pas vrai ?
Je pouvais le faire, mais j’en étais tellement incapable. *Fuir*. La seule chose que je pouvais faire… *Faire fuir*. Je ne savais pas faire.
J’avais toujours su penser, mais jamais faire.
La douleur poussiéreuse était en train de torsader ma gravure, comme un vulgaire ballon de baudruche. J’étais ridicule. Se rendre compte que je ne perdais pas réellement le contrôle était d’un ridicule à en pleurer.
*Aelle*. Je reprenais conscience de mon corps, de tremblements. *Merlin*. Je tremblais tellement.

Un pas.
En arrière.
Deux pas, en arrière, le plus loin possible d’Aelle — que je ne voyais pas, plus. Elle n’était qu’une forme quelconque dans mes deux flaques de regard.
J’attrapais ma baguette de ma main libre. Ma gorge était nouée d’une crampe.
Crampée.
Je ne m’accrochais à rien, lâchée dans le vide.
J’avais juste mal.
Mal.

*Fuir*. C’était tout ce que je voulais.

Fuir pour ne pas exploser en milliards de nuances meurtrières.

Dévale.

je suis Là ᚨ

04 févr. 2020, 16:33
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
L'heure de la chute des Masques devait sonner. 
Je n’étais pas en train de me battre, ni même de dessiner du bout de ma Détermination un quelconque moyen de parvenir à ce que je souhaitais. Je n’étais pas créatrice de mon propre chemin, ni même Artisane de mes émotions. Oh non, quelle belle folie que de croire cela. C’était là un rêve de gamin, un espoir d’une enfant désespérée. Je n’étais forte de rien du tout puisque sous le Masque de mon mensonge, j’étais seulement terrifiée.
Je balbutiais de terreur.
Regardez-moi, enfoncée dans mon fauteuil de misérable, pleurant mon envie de me laisser malmener par cette Grande à la Force d’une potion. Regarde-moi, Charlie, en train de me transformer en minable pour pouvoir te retrouver. Est-ce donc cela que tu m’inspires ? L’envie de m’écraser pour mieux t’atteindre ? Est-ce donc cela que je veux de toi, me faire avaler par ma Terreur, réduit en miette par la force d’un Regard ? 
Elle ne m’avait même pas touché, la Grande. Elle était seulement là, au-dessus de moi. Sa présence avait suffit à m’écraser et sa voix avait pu me réduire à supplier ; voilà désormais ce qu’il restait de moi : cet être balbutiant de terreur. 

Je me rendais compte de tout cela. Je comprenais ma peur, mon désespoir, mon envie, mon Abandon. Mais je n’avais pas les outils pour lutter contre eux. Je ne pouvais qu’Être, sans contrôle, sans volonté, sans envie. Petit jouet entre les mains de cette Grande Perche. Depuis le début, rien n’avait changé, rien n’avait évolué. Depuis l’instant où cette rousse m’avait retrouvé dans la Salle Commune, je m’étais transformé en jouet — d’abord dans ses mains, puis dans celles de cette Blonde. Et avant elle deux, il y avait eu Charlie. Oh, quel beau jouet j’ai été dans ses mains. Retire ce masque. Celui de tes pensées. Rien ne sert de penser. La seule chose que tu crevais d’envie de faire, ma belle, c’était dire oui à tout. Oui, oui, car s’abandonner était tellement agréable. 

Elle dégueula, tout à coup.
Une parole, une unique.
« C’est tout. »
Ni un cri, ni une demande ; seulement deux mots crachés par une voix défaillante. Deux mots suffirent pour me figer. Deux mots suffirent à mon coeur pour le faire s’emballer. Et me voilà incapable de respirer, jouet de ma Terreur, Enfant effrayée.

Elle feula, tout à coup.
Une réalité, un espoir rêvé.
« C’est tout ? » et mes yeux s’agrandirent de terreur.
Elle m’envahit toute entière. Elle est dangereuse, me chuchotait-elle. Elle est folle.

« C’est tout… »
Et les larmes qui coulaient le long de ce visage. Comment faisais-je pour les voir alors que j’avais si peur ? Comment pouvais-je comprendre tant de détails de sa face puisque j’étais si effrayée ? J’avais peine à me démêler de moi-même, je n’étais plus qu’une boule imparfaite d’émotions, je ne pouvais bouger ni mes jambes, ni mes bras ; même ma baguette avait cessé de s’agiter dans ma main. Le temps sembla se suspendre. Il y avait elle et il y avait moi. Son regard ciel qui envahissait mes yeux. Sa présence et ses larmes qui m’arrachaient mon souffle. Il y avait elle, et elle engloutissait tout ce qui faisait que j’étais moi.

Elle s’éloigna et ma gorge se gonfla de larmes. Pas mes yeux, car ceux-ci étaient bien trop écarquillés, bien trop sec d’effroi. Mais ma gorge fut douloureuse tout à coup. Un désespoir immense s’affirma dans mon être et il était entièrement lié à l’éloignement de la fille. Elle creusait la distance. Un pas. Un second pas. Elle allait partir, me laisser là. S’enfuir avec ses larmes alors que je pourrissais de terreur. Elle allait m’abandonner, et Merlin je ne savais même pas pourquoi !
Comme s’il était attaché à elle, mon corps se pencha en avant. La force me venait de ma peur, de ma peur profonde, celle qui faisait palpiter mon coeur et s’étouffer mon souffle. Je me penchais d’abord, puis me levais finalement. Je lui fis face, à cette blonde, à cette Grande qui côtoyait la sortie avec une trop belle facilité. Je devais la retenir, je devais l’obliger à agir. Par Merlin, elle ne pouvait m’abandonner ainsi, pas alors que je lui avais donné mon accord pour faire ce qu’elle voulait de moi !
Derrière ma Peur grimpa ma fureur. Reflet de la première, elle avait la même force. Et si elle manquait de consistance, cela ne l’empêcha pas de s’inscrire sur mon visage et mes sourcils froncés, dans mon regard noir et mes poings serrés.

Un pas en avant m’approcha de la fille.
Mes bras tremblaient.

« Fais-le, putain ! »

Ma voix empressée.
Ma voix effrayée.

« T’en vas pas. Fais-le ! »

Mon envie étriquée.
Ma Peur.
Elle s’était exprimée. Maintenant, c’était à la Colère de prendre possession de moi. Je dévoilais mes dents dans une grimace de rage. Je n’avais rien à perdre, rien ! Je voulais seulement que cesse ce petit jeu. Elle, la rousse, Charlie ! Je voulais seulement les forcer à aller dans mon sens — vers moi, pas contre moi.

« T'as peur ? » dégueulé-je tout à coup. « Hein, tu flippes, c’est ça ? Bah j’en ai rien à foutre ! » Oh, Merlin. *T’arrête pas !*. « J’m’en fous qu’t’aies peur ! J’te dis d’le faire, tu veux une preuve écrite aussi ? Hein, c’est ça qu’tu veux ? »

Mon souffle peinait à s’affirmer. La rage me faisait fondre.

« Putain, mais file-moi c’te potion ! » Le ton montait. Ma voix tremblait. Plus haute à chaque phrase. « J’en ai rien à fout’ de toi. » Plus destructrice.  « Je veux la potion, je veux Charlie ! » Plus douloureuse. « C’est quoi ton problème ? Quand tu veux un truc, fais-le ! »

Ma voix dégueulait hors de moi, incontrôlable comme mes émotions. J’avais déjà accepté de toute façon de n’être qu’un jouet dans les mains de cette fille, autant l’être jusqu’au bout, sans décider de ce que je disais, sans penser, sans réfléchir. Seulement ressentir.
Être ; avec brutalité.
Sentir ; avec sincérité.

« J’ai pas qu’ça à foutre de patienter trois plombes, alors… Donne-moi cette putain d’potion, qu’on en finisse ! »

16 févr. 2021, 04:39
Fuis la Torpeur !  LIBRE 
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Darcy Crown
Serdaigle, 17 ans



Courir. *Vite*. Merlin.

Fermer les yeux. Rester dans le *noir*
POURPRE
pour ne pas me noyer dans ma respiration trempée.

Est-ce que je respirais encore ? *Vite*. Je ne sentais plus mes doigts, de douleur. *Pourquoi ?*. Elle me fait mal. *Aelle ?*. J’ai
BESOIN
de courir !

Fais-le, putain !

Une masse me frappe le dos. *Arrête Zachary*. Mes yeux sont fermés, alors *pourquoi tu cries Zachary ? T’as vraiment besoin de crier ?* pourquoi tout est si
POURPRE
Je m’écrase contre la masse. Je m’enfonce dans sa dureté en espérant y trouver un peu de rien. Vide.
*Merlin*.
J’ai si mal.

T’en vas pas. Fais-le !

Des doigts aux ongles *sabres !* allongés s’enfonçaient dans ma poitrine. « T'as peur ? ». Cette colère. *Pourquoi ?*. Cette colère
CONTRE
moi ?!

Hein, tu flippes, c’est ça ?

Ce n’est pas de la simple colère, c’est encore pire que cela. « Bah j’en ai rien à foutre ! ». Une colère pleine de peur. « J’m’en fous qu’t’aies peur ! ». *Comme moi*. « J’te dis d’le faire, tu veux une preuve écrite aussi ? Hein, c’est ça qu’tu veux ? ». *T’as tellement peur*. Merlin, PUTAIN d’Aelle, tu me ressemble beaucoup trop.
C’est idiot, mais *je te vois* je te comprends.
Insupportable.
Je te vois bien mieux que la colère de Charlie, qui est très différente. Colère de larmes. Noyante. J’y repense encore, elle avait tellement pleuré à la maison. Je n’avais jamais vu quelqu’un autant pleurer. Les larmes ne lui allaient pas sur son visage.
C’était totalement différent pour moi, et PUTAIN de toi, Aelle. Les larmes nous vont tellement bien.

Dégoutant.

Putain, mais file-moi c’te potion !

Cette colère qui éclaboussait de ma propre couleur. Je ne sais plus si mes yeux sont ouverts ou fermés, mais je sais qu’ils brûlent mes toiles. Tout est en train fondre et mes couleurs vomissent. « J’en ai rien à fout’ de toi ». La même colère, mais colère
CONTRE
moi.
Rien ne changeait. *Merlin*. Je ne pouvais plus supporter cette horreur. « Je veux la potion, je veux Charlie ! ». Je n’ai pas ma place ici, je ne veux pas être la toile de Sa colère. *Merlin*. Je sens que mon corps est en train de se calmer ; et c’est la pire des choses. Il ne faut pas que je me calme. *Courir. Vite ! J’dois partir !*. Je suis dans le mur. À l’intérieur.
Tout est si dur dans mon corps. « C’est quoi ton problème ? Quand tu veux un truc, fais-le ! ». Aujourd’hui, j’ai fait le tour des colères. Je me rends compte qu’il me restait que la mienne à voir en peinture. *Aelle*. Merlin, elle n’était pas belle à voir. *’comme ça qu’je suis ?*. Je ne veux plus voir ça.

Mes paupières se serrent si fort qu’elles écrasent toutes mes gravures. Être rien. Juste rien. « J’ai pas qu’ça à foutre de patienter trois plombes, alors… ». Merlin, aujourd’hui, je les connais toutes, les Colères.
TROP TARD.
Je ne me suis pas enfuie. Je suis bloquée. Faire face à sa propre harmonie est un piège. Il n’y a pas de sortie. Le silence ne me gêne plus, il reste néanmoins étrangement vide. « Donne-moi cette putain d’potion, qu’on en finisse ! ». Même lorsqu’elle crie, c’est un silence que je vois.
*supporte plus la Colère*.
Aelle, ma chère toile. Je ne veux plus Savoir. Je ne veux rien savoir de ce qu’il s’est passé entre toi et Charlie, parce que ce serait comme découvrir ce qu’il se passe entre moi et cette étrange fille-au-regard-de-jade. Tu vois, j’ai peur de me mettre en Colère face à ce que je vais y trouver. Regarde-toi ; je ne veux pas être comme toi. Alors je m’arrête. Qu’est-ce qu’il m’a pris d’oser prétendre me comprendre ? Aelle, moi et toi, nous sommes des fresques qui gravitons dans une dimension différente de Charlie. On n’y arrivera pas. Il n’y a pas d’air — là-bas — pour moi. Encore moins pour toi. Qu’est-ce qui m’a pris de vouloir saisir la nuance de Charlie ? C’est un piège. Tout cela me dépasse. Je vais vomir. Ou alors exploser, je ne vois pas ce qu’il pourrait m’arriver d’autre. Je vois le sourire en biais du Prince non-prince, et sa voix de fille me terrifie. Il me donne envie de faire éclabousser mon estomac sur le sol. Mais… Merlin. Je n’entends plus mes pensées. Où sont-elles passées ? Par Dumbledore, ce Silence est beaucoup trop vide. Il y a un agglutinement qui se forme en dessin. Je ne contrôle plus rien. Alors je dérive. Ce n’est plus important. C’est dans ces moments-là que je comprends les choses les plus importantes. Je le vois. Je le sais. Les couleurs sont vives. C’est dans ces instants-là que je me suis rendu compte que je haïssais Zachary. Que j’avais un amour immodéré pour ma Mère. Que les enjeux Sociaux ne m’intéressaient pas. Que ma Peinture révélait bien plus de choses sur moi que tous mes dires. Que j’avais un attachement profond pour Nathaniel. Que j’allais bouleverser l’approche théorique de la Médicomagie. Que j’avais une délicieuse envie de coucher avec Louna.
C’était une fresque parfaitement chronologique, et j’allais y ajouter ma dernière toile.

Que je ne veux plus de Colère.


Mes larmes ont séché sur mon visage. Je les sens se craqueler sur ma peau comme du papier de verre.
Merlin, je ne veux plus *jamais* de Colère. Le calme m’emplit.
Une seconde.

*Pourquoi est-ce que personne ne voit la splendeur de mes couleurs ?*.

Touchée.
Deux secondes.
Une aiguille — de pinceau — si fine que la douleur se concentrait en un point unique dans ma vision. Une teinte violette. *Cyrielle*. Je savais déjà que c’était elle. L’injection m’emplit d’un râle d’extase. *Par le sang des Centaures…*. Elle formait mon plus grand regret ; alors que c’était celle que j’avais le moins connu.
Merlin, je regrettais si fort de ne pas lui avoir adressé la parole ce jour-là.
Elle, elle ne m’a pas regardé comme tous ces gens-Noirs-de-colère. Elle, elle m’a regardé comme si elle me voyait vraiment, dans ma propre couleur. Elle m’avait fait tellement peur. Je regrettais terriblement de ne pas avoir embrassé cet effroi. Mes larmes ne s’arrêtaient pas. *Cyrielle*. Son injection de blancheur violacée m’avait bouleversé toute ma perception. Nom d’un Sang-de-Bourbe, moi, moi j’avais tellement peur de tout changer.
Je l’avais fui en me réfugiant chez ceux qui me faisaient mal. Parce que, quelque part, ils me font moins mal que cette peur-là. Pourtant, je commence à comprendre. Un peu.
Que je préfère avoir mal de peur que d’avoir mal de douleur.
Je suis fatiguée de me faire éclabousser de ces forces dentées, dantesques ; Noires-de-Colère.


Mes yeux s’ouvrent.
Les couleurs ne sont plus en flaques. Mes larmes sont mortes. Je vois tout parfaitement, surtout la grimace qui me fait face, que je comprends bien trop. Je laisse une dernière pensée embrasser le doux-violent de Cyrielle *’je te retrouverais* ; avant de m’ancrer dans cette réalité.

Là, en bas, je vois les dents Noires dans ce regard, les mêmes que celles que j’avais étant plus jeune.
Merlin, c’est donc cela. *Aelle…*. Je la comprends si bien puisqu’elle n’est que moi, avec moins d’années. On se ressemble comme deux Strangulots.

Les longues tranchées asséchées sur mon visage me piquent légèrement, mais elles ne seront plus alimentées aujourd’hui. Mes larmes sont coupées, aussi sèchement que mes toiles lacérées.
Minuscules dents Noires qui me font de la peine. *Petite Aelle*. Quelque-part, je me demande encore ce que Charlie a osé lui faire ; mais je repousse cette idée. Elle n’est que traits sombres, sans la moindre délicatesse. Cette petite Poufsouffle n’est pas faite pour côtoyer Charlie, tout comme moi ; il n’y a que mon âge qui me permet de relativiser, et d’un peu mieux gérer cette sale gosse. *Si tu savais…*. Je me demande même si elle l’a connais vraiment. *Peu importe*.

Mon corps se réveille à nouveau de sensations. *Merlin !*. La fiole de Veritaserum est encore dans ma main !
D’un geste rapide, sans même y jeter un œil, je la range à sa place. Dissimulée. *Parfait*. C’est le moment.
De l’autre main, je serre ma baguette ; que je lève subitement vers la fille-aux-cheveux-cuivrés. La pointe à quelques millimètres de son cou. *Excuse-moi*. J’ai l’impression de demander le pardon à moi-même. *C’est pour toi que je f*. Ma pensée est découpée par la course de ma bouche : « Tais-toi ». J’appuie mon regard dans le sien, même si je n’aime pas cela. *Juste l’éloigner de Charlie, alors une chose intime ; le hibou, j’ai lu ta lettre*. Toujours menaçante avec mon arme et ma stature, j’enchaine mes mots : « J’ai lu ta lettre ». *T’es qu’une gamine*. C’est une enfant, malgré toute sa maturité, son illusion d’adulte brouillée.

Je suis calme. Il y a pourtant comme une agressivité qui perce dans mes teintes.
Une folle envie d’insulter cette gosse me tord l’estomac ; accompagnées de quelques petites menaces pour qu’elle fuit Charlie à tout jamais. C’est une torture de la voir dans une souffrance aveugle. Pourtant, je me retiens car elle est comme moi : et je n’accepterais pas qu’on me parle de cette façon, quitte à en perdre le contrôle. *Honteuse, elle devrait fuir, ou elle va se rebeller ; qu’importe, elle ne doit plus la voir, alors tu ne vas plus approcher Charlie*. Parfait. C’était la bonne solution.

Alors tu ne vas plus approcher Charlie.

Pour la première fois, j’ai l’impression que je peux plus ou moins prévoir les réactions de quelqu’un. Il me suffit de répéter mes propres phrases en analysant ma propre réaction, avant de les imposer à elle. *Si elle crie, je n’interviens pas ; si elle pleure, je la réconforte ; si elle fuit, je ne la laisse pas partir avant d’ajou…*. Ma conscience s’emballe, pendant que j’appuie la force de mon regard et que je gonfle mon corps.

je suis Là ᚨ