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15 janv. 2018, 13:32
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
Novembre 2042


Début Novembre, fin des vacances. Dans quelques heures la rentrée, le retour à la normale, aux devoirs chaque soir et à l'agitation. Profitant de mon temps libre, j'avais passé l'après midi en salle d'étude, finissant le peu de devoirs qu'il me restait encore, afin de me laisser les deux derniers jours de libres. Je ne savais pas encore ce que j'allais en faire, mais je trouverais bien. En attendant, puisqu'il ne me restait plus rien à lire, je décidai de faire un détour par la bibliothèque avant de retourner en salle commune. Mes pas prirent donc lentement le chemin de mon lieu de savoir favori, pendant que je laissais mon esprit vagabonder. Montant doucement les escaliers, je pris le temps de faire courir mon regard sur les nombreux tableaux décorant les murs. Le fait que les personnages bougent ne m'étonnait plus depuis quelques temps déjà, j'en avais pris l'habitude, mais je restais fascinée par leurs complexité. En plus d'être peint avec un réalisme qui m'impressionnait, ils avaient chacun leur caractère, leurs habitudes, leur manière de penser, et je trouvais ça extraordinaire.
Passant de tableaux en tableaux, mon regard s'arrêta sur une petite porte du deuxième étage à laquelle je n'avais jamais prêté attention. Je savais qu'elle était là, mais je n'avais aucune idée de ce à quoi pouvait bien ressembler la pièce qui se trouvait derrière. J'étais certaine qu'il ne s'agissait pas d'une salle de cours. Mais qu'était ce alors ? Piquée par la curiosité, je m'approchai lentement de la porte, avant de poser ma main sur le bois. Doucement je laissais courir mes doigts sur le panneau, jusqu'à la poignée, que j'abaissai avec précaution. Je poussai la porte, avant de pénétrer dans la pièce qui m'intriguait. Je pris soin de refermer derrière moi, puis je promenai mon regard dans la salle. Pas très grande, mais néanmoins assez accueillante. Des affaires traînaient ça et là, mais un objet particulier retint toute mon attention. Dans un coin, contre un mur, un piano. Un grand piano droit. Je franchis rapidement les quelques pas qui nous séparaient. Si il y avait quelque chose que je regrettais vraiment d'avoir laissé en venant à Poudlard, c'était bien mon piano. Dès que j'avais atteint l'âge d'en jouer, vers mes six ans, j'avais demandé à ma mère de m'apprendre à maîtriser ce bel instrument, ce qu'elle avait fait avec douceur et patience. Mes mains sur le couvercle, je fermai les yeux, me remémorant mes moments passés devant le piano, mes premiers pas dans le monde de la musique, mes premiers morceaux, mes progrès, les soirées que nous passions tous les trois à jouer, Papa au violon, Maman et moi au piano. Je n'avais que des bons souvenirs liés à cet instrument, ce qui avait rendu encore plus dure son absence. Je craignais surtout de perdre mon niveau après tant de temps passé sans jouer. Peut-être pourrais-je m'y remettre grâce au piano qui se tenait devant moi ? Je me doutais qu'il devait appartenir à quelqu'un, mais peut être accepterait il de me le prêter de temps en temps ?
Après quelques minutes d'hésitation, je soulevai le couvercle et posai mes mains sur les touches. Enfonçant doucement mes doigts, je souris en entendant ce son qui m'avait tant manqué. Je jouai encore quelques notes,  avant de me décider à m'asseoir. Je ne dérangerais pas beaucoup après tout, je ne faisais que jouer un petit peu. Passant mes morceaux en revue dans ma tête, je me surpris à chantonner un air familier. Je n'arrivais ni à me souvenir du titre, ni du nom du compositeur, mais ce que je savais c'est que j'aimais vraiment cette musique et que c'était elle que j'avais envie de jouer. Au fur et à mesure que le tempo augmentait, accompagné d'un crescendo, mon esprit s'emplissait des notes. A chaque nouvelle mesure, le morceau devenait plus précis dans ma tête. J'en avais douté, mais maintenant j'en étais sûre, je l'avais déjà joué à de nombreuses reprises. Rejouant dans ma tête le morceau depuis son commencement, je fis courir mes mains sur le clavier. Le début fut hésitant, ponctué de fausses notes, mais je repris peu à peu le contrôle de mes doigts. Le sourire aux lèvres, je regardai mes mains enfoncer d'une pression les touches, accélérant ou ralentissant au rythme du morceau, comme guidées par une vie propre. Je finis par fermer les yeux, concentrant toute mon attention sur la musique, faisant confiance à mes doigts pour trouver les bonnes notes. Tout d'un coup, le nom du compositeur me revint, occasionnant quelques nouvelles fausses notes. *Ludovico Einaudi* J'aurais du m'en rappeller bien plus tôt, puisque la plupart de mes morceaux favoris étaient ses oeuvres.
*Maudis trou de mémoire..* J'adorais son style, très émotif, mais épuré. Exactement ce que j'aimais jouer et écouter. Tandis que mes mains poursuivaient leur danse, je me mis à la recherche du titre. N'ayant joué de lui que trois morceaux que je sois capable d'interpréter sans partition, il fut assez rapide à retrouver : Nuvole Bianche
Satisfaite, je me concentrai de nouveau sur ma musique, mettant tout mon coeur dans les notes, qui virevoltaient sous mes doigts.

"If your absence doesn't bother them, then your presence never mattered to them in the first place"
"C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” Le Petit Prince

19 janv. 2018, 18:57
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
[ NOVEMBRE 2042 ]
Charlie, 13 ans.
2ème Année

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*Si dure*. Je n’avais jamais été aussi dure avec mon corps ; pas même avec la composition. Je sentais l’aventure du vent sur mon cou découvert, et ma propre riposte contre cet Invisible : bouger la tête lentement ; trop rapide pour être une houle, trop lent pour être une danse. Je rêvais éveillée. Et parfois, je rêvais d’éveiller. Réveiller quelque chose, n’importe quoi. Un truc qui me ferait un peu oublier la magie et ma haine.
J’y étais, ouais ; ce moment où je flottais, où je pouvais sentir mes lèvres serrées. Durement. Elles étaient collées, pendant que j’avais envie de fermer mes paupières douloureuses ; fermer ce monde qui s’étalait avec tant d’opulence en face de ma tronche. L’opulence de tant d’Autres. L’opulence de connerie. Le souffle continuait son aventure autour mon cou, ne se lassant pas, pendant que mon regard était fixe, tout en étant partout. Tout. Un point immobile, que je ne voyais même pas ; le reste s’étalant avec tant de netteté qu’il m’était invisible. Je ne pouvais pas supporter cette vision et son Tout. Je n’avais pas envie de m’étaler, pas envie de faire de spectacle qui commencerait par assassiner ma propre patience avant celle des Autres. Mon corps se retourna, invitant ce souffle fantomatique à arracher son cri silencieux.
Je me sentais mieux, la vision de la Grande Salle ne me salissait plus le regard. J’avais atterri dans cet entrebâillement titanesque sans le faire exprès ; ce Portail menant à la nourriture et à l’hypocrisie. Hypocrisie inconsciente en plus. *Sales abrutis*. Je flottais, et dans mon flottement, je perdais consistance avec ce qui m’entourait.

Des marches. J’étais passée dans les cuisines. J'avais encore forcé mon être à descendre cet escalier douloureux ; sans lever la tête, sans cligner des yeux, sans respirer, juste au cas où. Au cas où mon Abandon m’entendrait. J’avais couru ; je courais toujours, et j’avais mal aux poumons. Mais ce n’était pas grave : je flottais. Rien ne pouvait m’arriver ; ma haine était Autre Part, la magie se tassait sur elle-même pour jouer à cache-cache et je n’arrivais plus à la trouver ; c’était une bonne joueuse, parfois. Je ne la cherchais même pas. *C’est ça…*. Non, je ne la cherchais pas ; je flottais, simplement.

Brusquement, mes yeux brûlaient. J’ouvris la bouche pour gémir, mais la douleur était déjà partie. J’étais en face d’un tableau. Non ! *Ça bouge !* D’une fenêtre. Mon regard flottait à l'image d'un jumeau venteux sur mon cou ; même intensité flémarde, même amplitude cassée, même force étouffée. Le cadre me faisant face était énorme. *Pourquoi des f’nêtres aussi grosses ?*. Ouais, pourquoi ? Pour inviter la lumière comme témoin principal de cette estrade ? Estrade où mes jambes étaient maîtresses, où mon corps était roi. C'était peut-être ça... Mais ça pouvait aussi permettre à n’importe qui de se jeter rapidement à travers en cas de dernier recours. Pour ça, il fallait de la volonté. Il fallait réveiller quelque chose. Et je n’en avais pas envie, je préférais flotter.
Le cadre était beau, en bois verni et poli, il paraissait tellement lisse que si ça avait été un sol, j’aurais glissé dessus ; j’en étais sûre. La texture du cadre me perdait, et je me voyais en train d’Avaler ; rien de bien précis, j’espérais sûrement Tout avaler. Avaler jusqu’à être fatiguée de le faire, et attendre de digérer pour recommencer. Pourtant, quand je déplaçais mon regard à l’Intérieur du Cadre, c'était flippant. La grandeur de la montagne était horrible ; arriverais-je à l’avaler ? Ma bouche était-elle assez large ? Et même si j’y arrivais, je n’étais pas sûre d’avoir aussi faim.
Je flottais.

Je devais me concentrer sur le futur, un nouveau concept dans mon crâne ; toujours penser à plus tard, à la tronche de Louna quand j’allais enfin lui arracher ses lèvres. Le futur me faisait Oublier. Tout. J’oubliais le présent, et je pouvais apprendre la magie pendant des heures. C’était étrange ; avec la composition, c’était seulement l’Instant qui importait ; et je n’étais jamais fatiguée. Alors qu’avec le futur comme pote, j’étais toujours fatiguée dans mon présent. La montagne était si grande. Et ce foutu cadre était là pour me rappeler à quel point j’étais petite. Pas si petite que ça quand je voulais bien tourner la tête ; mais il fallait que je la tourne, cette tête. Je soupirais, grognant contre moi-même. Je n’avais plus envie de soupirer, pas maintenant que je m’étais rendu compte que j’étais en train de soupirer. *Tss…*. Je tournais la tête, enfin.

J’utilisais toujours la pointe de mes pieds, c’était un réflexe, mais j’avais mal. Ça ne m’avait jamais fait cette douleur avant ; je tapais le sol trop fort, ça devait sûrement être pour ça. Ces pierres trop dures, mon crâne trop lourd et… cette musique ?
Mon corps était pétrifié. Je sentais les muscles de mes mollets se coaguler horriblement ; ça tirait ! Mon regard frappa la porte face à moi, c’était ma pièce, mon Antre ; et une foutue composition résonnait dans l’air du couloir ! *Bon Dieu de merde !*. Arrachant mon regard de la porte, je vérifiais derrière moi : personne. En face de moi : même chose. Quelqu’un était entré dans MA pièce et jouait sur MON piano. *'Fermé même la porte !*. Mes dents crissèrent pendant que je débloquai mon corps. Si quelqu’un d’autre entendait cette musique, j’étais foutue ; je n’étais pas retournée voir Miss Beauchamp, j’avais gardé le piano à son insu. Je m’en foutais totalement de ce qu’elle pouvait penser. Moi-même, je n’avais pas touché au piano depuis mon retour. Je commençais à avoir mal à la mâchoire. Personne ne devait le toucher, c’était mon trophée ; la preuve de mon Abandon. Mes poumons me faisaient mal, je les sentais ! Et je ne flottais plus. Le futur, la réalité. Si dure. Ma main se posa sur la poignée et je la tournai avec une lenteur voulue.

Je passais mon corps à travers l’entrebâillement — mon entrebâillement, celui que personne ne venait toucher, celui qui n’acceptait pas l’hypocrisie inconsciente, mais uniquement ma propre hypocrisie : bien consciente. Des cheveux. Des notes nulles. Et encore des cheveux. Je sentis ma joue se contracter. Ces cheveux étaient foutrement longs, comment c’était possible d’en avoir autant ? Je clignais des yeux, et le Battant qui filtrait le monde frappa. La douleur de ma mâchoire tressautait dans mon crâne, mes traits faciaux me torturaient et ma poigne se serra sur les deux manuels que je portais dans ma main gauche. *Si quelqu’un t’entend… J’te défonce*. Je fis passer un des livres dans ma main droite, mes yeux s’étaient déplacés sur le piano qu’elle martyrisait de sa composition pourrie. *Arrête…*. Ses doigts frappaient, et chaque coup me rappelait à quel point ce piano était bruyant. *De…*. Je contractais mon bras droit. *FRAPPER !*. Le manuel traversa mon Antre pour s’éclater bruyamment sur la partie basse du piano, dans la caisse de résonance harmonique. J’avais visé les touches, ses mains, Ses Doigts que je voulais voir fracassés ; c’était raté. Je vis le bouquin rebondir sur le meuble et effleurer les jambes de cette touffe de cheveux en retombant au sol. Le manuel avait frappé tellement fort dans le corps du piano que la composition me donnait l’impression de s’embourber dans ses notes, sans savoir laquelle mettre en avant. Puis, tout s’arrêta ; alors que ma bouche s’ouvrait, accompagnée de ma haine :

Casse-toi d’ici avant d’devoir ramasser tes ch’veux à la pelle.

Mon regard était remonté sur ces cheveux. Ils étaient si longs. Je devinais qu’ils allaient disparaître pour laisser place à une gueule surprise ; je contractais mon bras droit, prête à lancer mon deuxième manuel. *Si longs…*.

je suis Là ᚨ

04 févr. 2018, 22:17
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
Je n'entendais plus rien, je ne voyais plus rien, excepté ma musique et mes doigts qui couraient sur le clavier, enfonçant les touches noires et blanches les unes après les autres. J'étais complètement ailleurs, dans mon monde, et plus rien ne pouvait m'en sortir tant que je n'en aurais pas envie, tant que je n'aurais pas décidé de mettre fin à la course de mes mains. Enfin ça, c'était ce que je pensais. Absorbée par mon morceau, je n'avais pas senti la jeune fille entrer dans la pièce, dans mon dos. Ce que mes oreilles avaient par contre perçu très distinctement, c'était l'objet, violement lancé contre le piano, juste à côté de ma jambe. Le son, amplifié par l'instrument creux, résonna, emplissant la pièce des vestiges de ma musique, déformés par le bruit discordant. Je sursautai violement, revenant soudainement à la réalité, dans la petite salle que mon esprit avait quitté durant quelques minutes. Mon cœur battait à toute allure dans ma poitrine, presque douloureusement, tandis qu'un goût métallique m'emplissait la bouche. Dans mon sursaut je m'étais mordu l'intérieur de la joue jusqu'au sang, mais je le sentais à peine. Ce n'était rien à côté de mon rythme cardiaque, fortement augmenté par la peur, qui me vrillait les tempes. J'avais l'impression que cette pompe, qui m'était pourtant vitale, souhaitait à tout prix sortir de la cage qui la retenait prisonnière. Quelle sensation horrible... Je tentai d'inspirer, mais j'avais également perdu le contrôle de ma respiration, devenue complètement hachée. C'était affreux, mon propre corps ne m'obéissait plus, il répondait uniquement aux ordres de la peur.
Je finis cependant par calmer les battements effrénés de mon cœur et ralentir ma respiration. J'avais presque oublié la présence de la jeune fille qui se tenait derrière moi, mais elle se manifesta pas une phrase des plus charmantes. Une menace. A propos de mes cheveux. Mais je n'avais pas très bien compris le lien entre le fait que je parte, ma chevelure et la pelle.
Je me tournai lentement dans sa direction, pivotant sur le siège et retirant mes doigts du clavier. C'était certainement à elle qu'appartenaient affaires qui étaient posées çà et là dans la pièce, ainsi que le piano. A ce moment-là, je sortis une phrase tellement idiote que je me demande comment, parmi toutes celles possible, j'avais bien pu me dire que celle-là était la meilleure réponse


- Qu'est-ce qu'ils ont mes cheveux ?

La frayeur était encore omniprésente dans mon esprit, et elle avait repoussé au plus loin ma capacité d'analyse de la situation. Quand enfin mon esprit reprit un minimum le contrôle, ce fut pour me hurler de partir, et le plus loin possible. La jeune fille n'avait vraiment pas l'air d'être enchantée de me voir ici. Sa colère pouvait aisément se lire dans ses yeux. Dans tout son être en fait. Mais si je la voyais, je ne la comprenais pas. Qu'avais-je bien pu faire de mal pour qu'elle soit dans cet état ? *Solwen on s'en fiche du pourquoi du comment, tu bouges tes fesses et tu te casses d'ici tout de suite !* Je devais avouer que ma conscience n'avait pas tout à fait tort, j'aurais mieux fait de partir comme me l'avait si gentiment demandé la brunette qui se tenait devant moi. d'autant plus qu'elle était armée d'un deuxième livre et qu'elle n'hésiterait surement pas à me le balancer à la figure si je l'énervais. Enfin, si je l'énervais encore plus que ce qu'elle était déjà.
J'hésitais, je ne savais que faire. Ma sage conscience me conseillait très fortement de me tirer de cette pièce et de ne jamais y remettre les pieds, mais mon cœur, ou bien une autre partie de mon cerveau plus orientée sentiments, me soufflait de rester. Parce que tout d'abord je ne pouvais pas laisser tomber une si bonne occasion d'obtenir le droit de jouer du piano peut être quotidiennement, mais aussi parce que je détestais laisser une mauvaise impression aux gens. Or si je partais tout de suite, elle garderait immanquablement un souvenir négatif de cette "rencontre". Tiraillée, je décidai de faire un entre deux. Je me levai tout doucement du siège, les mains bien dégagées, les yeux dans son regard brûlant de haine. J'en profitai pour l'observer un peu plus en détail, maintenant que j'avais repris le contrôle de mon corps comme de mon esprit. Elle possédait de jolis yeux verts, ses cheveux, lisses étaient d'un noir profond et coupés à peu près au niveau de ses épaules. Pas très grande. Mais ce qui me frappait le plus quand je la regardais, c'était l'aura de colère qu'elle diffusait. N'importe qui l'aurait ressentie. J'avais l'impression que cette colère noire irradiait la pièce, avec une puissance effrayante. Peut-être etait-ce parce qu'elle était dirigée envers moi que je la ressentais avec autant d'intensité. Elle me faisait peur. Elle me faisait presque mal, là, au creux de ma poitrine. Comment pouvait-elle me détester à ce point alors qu'on ne se connaissait même pas ?

"If your absence doesn't bother them, then your presence never mattered to them in the first place"
"C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” Le Petit Prince

06 févr. 2018, 16:56
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
Mon avant-bras droit se transformait en rocher ; très lentement, comme s’il pensait que je ne le sentais pas, comme s’il voulait se cacher de ma Haine. C’était impossible, ma haine recouvrait tout, rien ni personne n’avait la possibilité de s’en camoufler. Elle était cet oxygène corrosif, et ces ondes destructrices. Elle était le monde et mon monde. Elle était dirigée là, dans les entrailles de ces cheveux si longs, comme elle pouvait attaquer une brindille ou une forêt. Ma haine s’accrochait à tout, et tout me rappelait à quel point je pouvais haïr ce château. *J’vais t’casser*. Mon avant-bras était un rocher, si dur sous la puissance de mes doigts douloureux. Je serrais, et je serrais, dans l’espoir que ce manuel se désintègre sous ma Haine. Je ne voyais plus rien, à part ces foutus cheveux qui étaient rentrés ici. Là. L’Antre qui n’accueillait personne, et surtout pas ces Cheveux. Sous la surface de ma conscience, j’entendis un clapotis étouffé ; c’était un son attirant, presque mystique, qui m’obligea à plonger la tête à l’intérieur de Moi. Je devais savoir.
*T’es qu…*. Je vis son ventre. Un ventre que j’avais frappé si fort qu’il s’était explosé sur le sol, scindé par ma colère. Ce ventre, cette fille ; elle aussi était venue dans mon Antre sans mon autorisation. Et depuis, elle avait quitté l’école. Je le savais, les Gryffons en avaient parlé, un jour. Une certaine Dali. *J’t’avais dit d’te casser !*. Je l’avais brisée, c’était bien fait pour elle. Les regrets ne m’avaient jamais effleuré, elle l’avait cherchée, cette sale trainée. *J’te l’avais dit*. Maintenant, elle n’était plus que ce clapotis étouffé, qui ne ressemblait à rien de beau. Dégoutant, misérable. Cette fille m’avait fait vomir de répugnance ; sa tête était tellement sale, une œuvre qui n’aurait jamais dû exister, une fille qui n’aurait jamais dû poser ses foutues jambes dans mon Antre. Trop simple. Cette fille avait été beaucoup trop simple ; tellement simple que la haine dévorait mon corps un peu plus. Je la sentais prendre une forme ignoble, comme la fille-que-j’avais-défoncé si fort qu’elle avait fui dans un autre pays, un autre monde, là où elle serait protégée contre ma puissance. Je revoyais ma jambe fendre l’air pour traumatiser ce ventre mou ; et comme si un autre monde s’était décidé à me Sourire, je vis quelque chose dans le reflet de ses dents ravagées. Une couleur. Le reflet d'une couleur sombre. *Hein ?*. Très sombre, tellement sombre qu’elle en devenait éblouissante. *Bon Dieu…*. Ma Haine gonfla, étirant ma peau psychique, la distendant affreusement. Je ne savais pas pourquoi je détestais autant cette couleur ; mon cœur frappait si fort sous ma colère que je sentais mon propre corps se soulever. Je détestais de toute ma haine cette nuance, mais je n’arrivais plus à me rappeler pourquoi. *Bon Dieu !*. POURQUOI ?! Ça n’avait aucun sens ! Je ne pouvais pas Haïr sans Comprendre. Ce n’était pas logique. Je m’approchais de ces dents. Moches, repoussantes, étrangement lisses ; pas du tout tranchantes. C’était un piège. Un foutu piège ! Le sourire se figea. *Non…*. Je le savais. Mon regard était bloqué ; cassé. Des crochets s’enfoncèrent profondément dans mes orbites, je les entendais tinter de leur triomphe. Ils m’avaient eu. J’étais piégée.

Sur la surface opaque, le reflet changeait ; il prenait sa réelle forme. *Casse-toi !*. Ce n’était pas logique, ces dents si opaques n’étaient pas censées refléter ! Ce n’était physiquement pas possible ! C’était… *J’t’en supplie !*. Je le voyais ; ce Reflet. Aligné sur toutes les dents en un seul bloc de pourriture, formé en une seule Ombre, créée dans la Pénombre. C’était… *ARRÊTE !*. Mes propres dents s’écrasaient avec une telle force que tout mon esprit hurlait à la douleur. Ça me tuait. Ce Reflet. Je mourrais. « Qu'est-ce qu'ils ont mes cheveux ? ». Je…

Le sourire s’agita. Tressauta même. Désaccordé ! Un sourire sans lèvres, je le voyais maintenant ! *Où sont tes lèvr…*. Pas de visage non plus ! Les dents tressautaient, s’énervaient ; m’énervaient. Mais pourquoi ? Les battants s’ouvraient et se refermaient avec plus de force encore. Le sourire s’enraillait, il faisait peur. Il était énervé contre moi. Mais c’était moi qui étais énervée contre lui ! Je le détestais ! Sourire de merde ! *Va t’faire foutre…*. Un étrange sentiment me berçait le crâne, je n’étais pas calme, mais plutôt concentrée et focalisée. J’observais le sourire se tordre en lui-même, et les dents se péter la gueule. D’autres couleurs se mélangeaient. *Tes cheveux ? Quels cheveux ?*. Un choc contre ma cheville explosa le monde.
Baissant brusquement la tête, je vis mon manuel écroulé contre mon pied. Ma conscience était embourbée. Où est-ce que j’étais ? Tentant de bouger mon bras droit, un hurlement dans mon esprit me tordit le visage. Douleur. Mon avant-bras. Je le levais en évidence, pour l’examiner de plus près. Il était en pierre, si douloureux ; pulsant comme une crampe infinie. *Oh…*. Mes doigts étaient presque pâles ; c’était bizarre, même si je trouvais cette lividité bien plus belle que ma couleur naturelle. Le sang s’était enfui de ma main, et il était en train de revenir dedans en me la creusant ; de l’intérieur, comme un foutu tunnel. Ouais, la couleur de mes doigts n’était pas naturelle, mais je l’aimais bien.
Un truc avait bougé, ma focalisation se décala pour s’accrocher à un visage. *Bordel*. Tout me revint.

Les cheveux, ma haine. *Le piano !*. Le foutu piano ! Mon manuel, les cheveux. La composition pourrie, la discordance du choc, les cheveux. Ses cheveux ; c’était ce qui me bouffait le regard. *Si longs*. Si longs ? Si grands. Si sombres, mais pas trop. Comme s’ils connaissaient les limites de la perfection, comme s’ils avaient apprivoisé la beauté et qu’ils en avaient fait l’Origine. Le début de Tout. *Bordel !*. Tous ces cheveux qui s’enroulaient avec flegme autour d’un visage que je n’arrivais pas à observer tant j’aimais cette chevelure ; si naturelle, si brillante. Brillante… Comme celle de Yuzu. J'étais foutrement calme. Je laissais mes yeux se balader tranquillement autour d’un corps que je ne voulais pas voir ; seule cette chevelure parfaite m’importait. Elle s’évanouissait dans ses épaules pour mieux apparaître plus bas, là, sortant ses mèches duveteuses d’une forme arrondie qui devait être son bassin, ou encore là, cachée entre deux piliers imposants, elle sortait son nez brillant. *Si longs…*. Magnifique. Magistrale. Elle était parfaite.
Cette chevelure avait joué du piano si mal, et je me concentrais pour me rappeler des notes. Rien. Je n’avais rien retenu tellement c’était pourri. *Pas grave*. Avec cette chevelure en face de mes yeux, rien n’était grave. Je m’étais avancée, je sentais la pointe de mon pied droit gémir timidement ; ma cheville me soufflait qu’elle était mal posée, mal équilibrée, et qu’elle était en train de souffrir. Je m’en foutais. Qu’elle ait mal toute seule et qu’elle arrête de me faire chier. J’avançais encore. Cette chevelure, sculptée d’un matériau que je voulais pal…

Je me figeais. Mon corps ne répondait plus, je ne voulais plus lui parler, à mon foutu corps ; il était si moche, si crade face à Elle. Après la Sombre Perfection, j’étais tombée sans faire exprès dans la Clarté. *Si clair*. Bon Dieu ! C’était beau ! Cette lumière des traits, cette blancheur qui me bloquait la vue et la saturait de tant de pureté. J’étais encerclée par le contour de son Visage, dans un enclos de magnificence radieuse. Ces traits… Ces traits ! Ma conscience était muette, je n’arrivais à rien formuler, le corps calme, comme mort ; plus rien ne se passait dans mon enveloppe, ni dans ma tête, seul ce Visage importait. Sa peau était d’une telle blancheur qu’elle virait à la dureté, elle était différente de celle de Yuzu, moins translucide, plus consistante ; plus ferme, elle devait être si douce. *’ferme douceur*. Je constatais, sans réussir à comparer au monde. Tant de clarté dans ses yeux, si bleus, si clairs ; je pourrais plonger à travers. *Oh*. C’était quoi ça ? Des perles de beauté ? Ouais, c’était ça. Je détestais l’appellation « taches de rousseur ». Ça n’avait rien à voir avec des taches, c’était des perles ; mon père avait raison. De magnifiques perles que je ne voyais que trop rarement, et ce n’était que les roux qui avaient ça. Pourtant, ce Visage en avait ; le mélange était exquis, parfait.
Sans le vouloir, je sentis mon esprit trébucher contre l’enclos. Je me cassais la gueule, mais j’aimais ça ; l’obscurité m’accueillit à nouveau. Faisant un tour complet de mon regard, mes yeux stoppèrent brusquement leur focalisation trop extrême. *Et si ?*. Je devais voir ce que ça donnait dans son entièreté. L’œuvre dans sa totalité. Juste Voir...
*Oh…*. Rien ne répondait dans mon corps, parce qu’il n’y avait rien à répondre ; pas de question, pas d’attente. Je voulais simplement contempler cette Entièreté. La clarté de son Visage, avec l’obscurité de sa Chevelure — cet Alentour. Et je me figeais encore plus dans ma contemplation. Qu’est-ce que c’était que cette Entièreté ? Une peau de Japonaise, des yeux de Blonde, des perles de Rousse, des cheveux de Brune. *Parfait*. Parfait. Une Sculpture Parfaite. J’avais déjà vu de belles filles, de beaux gars ; mais là, c’était autre chose. L’Entièreté qui me faisait face était d’une beauté pure ; une Pure Beauté. C’était ça, je ne devais pas me concentrer sur un seul élément, une seule partie — même si elles restaient indépendamment très belles. Non ! C’était l’Entièreté qui me coupait le flux de mes pensées, l’alchimie qui rendait ce Tout si harmonieux.
J’aurais tant aimé avoir la même alchimie. Moi, je n’attirais personne. *Si, Yuzu*. Pourtant, elle m’avait fui avant de… Première réaction de mon corps : je sentais mon esprit s’étirer comme s’il s’échappait par mes pores, j’avais tant envie de toucher ce Tout. Cette fille. J’avais envie de m’imprégner de ce joyau qu’elle était, de cette harmonie qui suait avec tant d’attraction de sa peau si dure.

J’peux toucher... tes ch'veux. Je veux ?

Ma voix était claire, mais pas autant que son Visage ; pas même une question, ni une affirmation, mes mots étaient ce qu'Elle voulait. J’étais toujours figée en moi-même, attentive à l’unique pensée qui s’allongeait dans mon esprit ; beau lit, bordel. Calme, foutrement calme. Passive, je voulais être Elle.

je suis Là ᚨ

17 févr. 2018, 16:31
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
Je ne pouvais détacher mon regard d'Elle. Je voyais peu à peu son aura de haine grandir, s'assombrir, tandis que je restais là, sans bouger, la douleur au creux de mon ventre croissant douloureusement. Je n'avais jamais vu quelqu'un autant en colère contre moi, et c'était horrible. Je la voyais serrer son livre, de plus en plus fort, son bras blanchissant sous l'effort. J'aurais voulu lui hurler d'arrêter, de se calmer, qu'elle se faisait du mal en agissant ainsi, mais ma bouche refusa, et resta fermée. Son regard se fit étrange, comme lointain, plongé dans un autre monde, mais sa colère restait bien présente. Je la ressentais jusqu'aux tréfonds de mon être, elle me prenait à la gorge. Mon propre corps me faisait peur. Il ne réagissait plus comme d'habitude et ça me gênait. Pourquoi cette rage m'étouffait-elle ainsi ? Je n'en savais rien, mais c'était une horrible sensation. Un peu comme lorsque je nageais, que je perdais pied et que j'avalais l'eau dans laquelle je flottais, à la différence que cette fois était bien plus désagréable, et que j'avais les pieds bien ancrés dans le sol.
Lorsque le sang eut totalement déserté son bras, devenu pale comme la mort, Elle laissa enfin tomber son livre, qui la frappa à la cheville. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'elle sembla reprendre véritablement ses esprits, regardant le bouquin au sol, puis son bras, effrayamment blanc par rapport à sa si jolie couleur de peau naturelle. Il y avait quelque chose d'étrange dans son attitude. J'avais du mal à définir ce qui me dérangeait, pourquoi est-ce qu'elle ne me semblait pas naturelle. C'était léger mais j'avais l'impression qu'elle découvrait son bras, comme si elle n'avait pas été consciente durant les derniers instants qui s'étaient écoulés. C'était perturbant, ou en tout cas, ça me perturbait.
Me forçant à reprendre le contrôle de mon corps durant un court instant, je fis rapidement un pas en arrière, me rapprochant du mur. Elle s'était visiblement légèrement calmée pour l'instant, mais c'était si soudain que je craignais que cette colère ne la reprenne aussi vite qu'elle l'avait quittée. J'avais choisi de mettre de la distance entre nous plutôt que de partir. Ça n'était pas forcément le plus intelligent à faire, puisque si l'envie la reprenait elle pouvait toujours ramasser son livre et me le balancer à la figure. Elle en mourait d'envie quelques minutes auparavant, j'en étais certaine. Il n'y avait pas de raison que ça ne lui revienne pas, après tout. Mais je n'avais pas envie de partir. Cette fille me faisait peur, c'était indéniable, pourtant, une petite voix au fond de moi me chuchotait de rester, d'attendre, de voir. Et je choisis de l'écouter. Alors que ma raison me hurlait une nouvelle fois le contraire, je choisis de nouveau la voix de mon cœur. Il était mon meilleur guide après tout, et ne m'avait, pour l'instant, jamais fait défaut. Ma confiance en lui était totale. Naïve, peut être également. Mais néanmoins complète, vierge de tout échec. Autant qu'elle me faisait peur, cette fille me fascinait. Fascination teintée de crainte, certes, mais fascination quand même, devant la puissance qu'elle dégageait et que dégageait sa colère. Le mystère était total à mes yeux. Comment, ses émotions, pourtant dirigées par son corps, pouvaient elles atteindre le mien ? Je n'en savais rien, et pourtant elles le faisaient, c'était indéniable.
Son regard se porta finalement sur moi. Je me mis à respirer par à coup, doucement, le minimum qui m'était nécessaire, de peur de réveiller sa colère. Un peu comme si cette haine était une flamme, que mon seul souffle avait le pouvoir de raviver d'un coup, de la faire s'embraser. Le temps me sembla ralentir. Elle m'observait. Je l'observai. Dans ses yeux, la lueur changea peu à peu, la tension qui semblait charger l'air et m'étouffer diminua encore, jusqu'à disparaître. Je me détendis. Plus calme, je respirai de nouveau normalement. Je n'étais plus oppressée par la rage qu'elle dégageait quelques instants auparavant, mais je n'osais plus bouger. Je sentais toujours son regard sur moi, et je ne fis rien, de peur de la déranger. Je ne voulais pas être celle qui viendrait troubler le calme qui s'était installé dans la pièce. J'aurais pu rester là à la regarder encore un long moment, mais elle finit par briser le silence. Avec une phrase aussi incongrue que celle que j'avais prononcé quelques minutes avant. Sa question me surpris tellement que je n'en compris pas immédiatement le sens. Me fixant durant ce qui me sembla une éternité, elle me demanda, si mon esprit avait bien perçu le sens de sa question, si je l'autorisais à toucher mes cheveux. C'était plus qu'inattendu, et je fus prise d'un gros doute. Elle me balançait un livre, se mettait dans une colère folle contre moi, puis me demandait, avec un étrange calme, si elle pouvait toucher mes cheveux ? Si il y avait bien une chose dans tout mon être à laquelle je tenais plus que tout, c'était bien mes cheveux. Je détestait qu'on me les coupe, je ne le faisais d'ailleurs que très rarement, lorsque cela devenait réellement nécessaire, et seule de rares personnes étaient autorisées à toucher à ma chevelure. Elle était précieuse à mes yeux, et je fus tentée, un instant, de lui répondre qu'il était hors de question que ses doigts la touche. J'avais peur d'elle, peur que, par je ne sais quel moyen, elle décide soudainement de me les couper, parce que j'avais refusé de quitter la pièce lorsqu'elle me l'avait ordonné, et parce que je l'avais mise dans une colère effrayante. Mais ne risquais-je pas de la raviver si je ne la laissais pas faire ? Après avoir pris le risque de rester, ce serait bête de l'énerver une seconde fois. Devais-je la laisser faire alors ? Oui. Non. Peut-être. Je ne savais plus quoi faire cette fois. Mon propre cœur était partagé, entre mon attachement pour mes cheveux, et l'envie de faire le maximum pour qu'Elle se calme, pour avoir une chance d'apprendre à connaître cette fille qui me fascinait. Chaque choix avait ses avantages, et ses inconvénients. Si je refusais, ce serait purement égoïste et je risquais de tout gâcher, mais mes cheveux seraient sains et saufs. Au contraire, si j'acceptais, j'acceptais également de prendre le risque qu'elle me les coupe, mais si ça ne faisais pas partie de ses intentions, j'avais tout à y gagner.
*Au pire, Solwen, franchement, ce ne sont "que" des cheveux, ils finiront bien par repousser. Cela mettra du temps, mais ils repousseront* J'avais raison, c'était débile de se bloquer pour des cheveux, même si j'y tenais presque autant qu'à la prunelle de mes yeux. Toujours accepter faire un pas vers les autres, pour qu'ils en fassent un à leur tour. C'était ce que ma mère m'avait régulièrement répété. Certes ça n'était pas forcément le plus facile à appliquer, mais quelqu'un devait bien se jeter à l'eau pour que les choses s'arrangent. La jeune fille s'était calmée, elle avait fait le premier pas. A moi de faire le deuxième.
Une boule d'inquiétude apparu au creux de mon ventre quand j'avançai mon pied gauche dans sa direction. J'avais l'impression que mon corps pesait bien plus lourd que d'habitude, et ma bouche était sèche. Je fus obligée de m'éclaircir la gorge pour réussir à sortir un son compréhensible.

- Tu peux oui, si c'est ce qui te fait plaisir.

J'avais murmuré ces mots, plus que je ne les avais clairement énoncés, mais j'espérais que cela soit suffisant pour qu'elle en ait compris le sens. Je n'osais plus bouger, ne sachant que faire. Alors je fis ce que je faisais tout le temps quand j'hésitais sur la conduite à tenir. Je lui souris. D'un sourire petit, discret, timide, mais un sourire quand même.

"If your absence doesn't bother them, then your presence never mattered to them in the first place"
"C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” Le Petit Prince

12 mars 2018, 04:02
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
Elle. *Toi*. D’une certaine manière, il n’y avait qu’Elle. L’Œuvre, celle qui était plantée au sol à défaut d’être clouée sur un foutu mur trop blanc. Dans la galerie qui était mienne, elle se tenait là et elle était Elle. Loin d’être simplement une beauté, cette Entièreté était une Harmonie. Si elle était une composition, la signature de Brahms se devait d’être tatouée quelque part sur son corps ; sur son écrin. C’était ça. Elle n’était pas un vulgaire bijou brillant avec dédain ou un joyau brut attendant son orfèvre ; Elle était l’Écrin de tous ces Autres, les cachant par sa simple présence. Je ne pouvais pas deviner ce que contenait ce coffret, mais son unique vision me permettait tellement. Voir, simplement la voir me faisait oublier mon corps. Là-dedans, rien n’était agité ; mon calme me fascinait tellement il était sourd. C’était flippant. Ma conscience s’était cassée, j’étais hors de mon corps. Dans le vide, dans l’air, je tentais de me rapprocher. Bon Dieu.
L’envie s’était aussi cassée. Face à l’Entièreté, je n’avais pas envie de bouger. Pourtant, j’essayais de me concentrer si fort sur Elle puisque le monde autour était si présent, si moche. Sur ce sol, l’Écrin était planté, mais j’aurais préféré le voir accroché à un mur blanc, pour enfin pouvoir le contempler seul, sans parasite, sans mocheté tout autour. Le piano, la fenêtre, les rochers, les parchemins, la cape, le manuel, le sac. Je voyais tout, et c’était foutrement moche, tellement désaccordé près de la Pure Beauté. J’aurais tellement aimé qu’elle remplisse tout l’espace, qu’elle étire mon esprit jusqu’à que je la supplie d’arrêter. Bordel. C’était mon corps qui s’étirait et s’envolait pendant que mon esprit la voyait Elle, mais tout le Reste aussi. C’était l’inverse de ce que je voulais, pourtant, j’aimais le calme qu’elle m’imposait. Et j’aimais l’accepter. Ça faisait si longtemps.

Elle s’avança. Moi, je la contemplais. Les sons étaient étouffés dans mon crâne, j’avais l’impression d’entendre une suite de notes sublime, et alors que je tentais de me concentrer sur cette composition soudaine, elle s’évapora comme un vulgaire écho ; m’abandonnant pour mieux me laisser face à l’Entièreté. Entièreté que je n’atteignais qu’à moitié : emmitouflée dans l’Alentour, j’admirais le mouvement des Cheveux si longs. Il y en avait tellement ; tellement que j’avais envie de les prendre pour moi. Lui voler et m'enfuir le plus loin possible en courant, les garder pour moi comme un secret. Personne n’en saurait rien, à part Elle, qui restera chauve ; comme je l’ai été. Si Elle me rattrape dans ma fuite, je la rassurerais d’un murmure que je tenterais de rendre le plus doux possible : ils repousseront tes cheveux, ils sont trop parfaits pour ne pas repousser, crois-moi.
Avoir mon exemplaire de sa perfection, au moins ça.

Ses Cheveux… Ils étaient si indépendants et liés, je n’y comprenais rien. Dans son remous, les cheveux se détachaient entre eux, comme s’ils s’élançaient dans une foutue course trop courte, mais si belle. Les mèches éclataient en milliers d’indépendances ondulées, déferlant sur l’afflux d’air, scindant le monde de leur volonté ; vagues solitaires dans un océan lunaire. Foutrement sublime.

Raclement. Si brusque. Résonnant si fort à l’intérieur de mon crâne, me plaquant à la gueule la réalité du silence détrôné. Ma mâchoire claqua, l'irritation de devoir tourner mon regard pour le poser sur la source était brusque. Mes muscles commençaient à cramer sous ma colère. *J’vais t’but…*. Une bouche. Petite, rouge. *Oh...* C’était Elle. Et sa bouche s’ouvrit pour chanter. Un chant d’Écrin, tellement bas et minuscule qu’il fallait se coucher dessus pour l’entendre. Je n’eus pas besoin de faire ces conneries, pas besoin de me baisser ou même de me coucher, l’Écrin me donnait l’impression d’être juste à côté de moi. Non ! Il était à côté de moi, et je l’entendais si bien. Elle hurlait, mais ça ne m’assourdissait pas. J’aimais sa façon de faire. Ses lèvres bougeaient en rythme, quand l’une montait, l’autre descendait avec la même vitesse, miroir l’une de l’autre ; une symbiose parfaite, et belle. Bon Dieu que c’était beau.
Elle se rapprocha encore plus, et mon talon hurla. Je venais de le poser par terre alors que je ne le faisais jamais. La douleur me força à baisser la tête. *De…*. C’était moi qui avais bougé. Mon corps était attiré, Elle m’avait autorisé et je me rendais compte que même sans son accord, je l’aurais quand même touchée. L’Écrin de l’Alentour. Je relevais ma tête qui craqua sinistrement. Poussant légèrement sur mes pointes de pied, je laissais mes talons flotter à quelques millimètres du sol ; comme toujours. Mes jambes se contractèrent, mon corps sortait de mes pores, tout ce qui importait était ses Cheveux si longs. Elle me souriait ?

J’étais face à mon envie. Et je me surpris à la regarder dans son bleu. Bordel de saphirs trop parfaits. J’arrivais presque au niveau de son regard, ça me changeait tellement par rapport à tous les géants de ce château de merde. Son regard était étrange, ses pupilles étaient dilatées dans leur écrasement ; séquestrées dans leur expansion. Je n’avais jamais vu cette façon de regarder ; j’étais si calme, si profondément calme. Quittant ses saphirs, le temps parcouru jusqu’à son Alentour me parut un peu trop long ; comme si j’avais aperçu une latence camouflée. Un sursaut dans le temps, un tressautement ajouté dans mon chemin, allongeant mon envie.
Ils étaient là, juste en face, trop près, pas assez près. Je levais mes bras. Ses Cheveux dépassaient à droite et à gauche de son visage ; la Clarté éblouissante. Mes mains étaient au niveau de sa tête. Déjà. J’avais tellement envie de toucher. Encerclant l’Entièreté de mes mains trop petites et moches, je poussais sur mes muscles pour assouvir mon envie ; pour palper la Perfection, l’Œuvre de Brahms vivante ; Elle.
Contact. Enlacement. Mes avant-bras frôlaient ses épaules, mais je m’en foutais. Mes doigts touchaient. Mes lèvres s'étirèrent. Ils touchaient l'Alentour ! Je les enroulais dans la masse d’obscurité fascinante, les agitaient jusqu’à les faire disparaître dans la mélasse bien plus douce que mes rêves doucereux, bien plus frappante que mes coups haineux, bien plus égarant que les méandres de mon esprit. Je tirais mes doigts vers le bas, appuyant un peu sur les épaules d’Elle, puis je remontais tout doucement, le plus lentement possible. Ses Cheveux me chatouillaient tellement de parties sur mes mains que j’étais saturée de sensations, mes doigts glissaient à travers sa chevelure comme de l’eau, j’aurais tellement aimé avoir les mêmes cheveux ; je n’avais jamais tant envié quelque chose. Un soupir trahit ma bouche, un soupir loin d’être lourd ou grave, mais bien aigu et léger. Mon regard ne quittait pas mes mains disparues dans l’Alentour, avalées par tant d’obscurité. La couleur était tellement belle. « Tes ch’veux coulent sur mes doigts » murmurais-je en continuant à bouger mes mains, je ne voulais plus quitter cette caverne, plus quitter cet endroit ni cet Alentour. « Ça m’fait foutrement plaisir ». Ce n’était plus un murmure, mais un susurrement que je n’entendis même pas ; j’étais trop concentrée sur les vagues qui accueillaient mes deux petites barques repoussantes.
Toucher l’Alentour avait assouvi mon envie, et pourtant, je n’avais aucune envie de m’arrêter. Mon regard se déplaça vers le haut de la chevelure et je fis remonter mes mains un peu plus haut. Je dus me rapprocher un peu plus pour réussir à monter mes doigts presque jusqu’à la racine des vagues. Un autre soupir me trahit, et celui-ci était encore plus aigu, encore plus léger. *Bordel…*.

Je touchais tendrement l’Écrin, Elle ; et je n’avais pas envie d’arrêter.

je suis Là ᚨ

25 mars 2018, 20:48
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
Mon inquiétude accélérait les battements de mon cœur. Pourtant, je savais que j'avais pris la bonne décision. Ou plutôt, je le sentais, là, tout au fond de moi, au creux de mon ventre. L'ouragan qui se tenait devant moi s'était soudainement assagis, en quelques instants. Combien de temps s'était-il écoulé entre son arrivée et le moment présent ? Quelques minutes ? Quelques secondes ? Je ne savais plus. J'avais complètement perdu la notion du temps. J'avais peur. Et pourtant j'étais bien, détendue, calme. Étonnant mélange me direz-vous. C'est vrai, je ne sais pas comment les deux pouvais cohabiter dans mon être. Ce qui était sûr en tout cas, c'est qu'ils le faisaient, sans se soucier de la logique. Ses yeux me détaillaient lentement, mais pour la première fois je n'étais pas gênée du regard d'un Autre sur moi. En tout cas pas autant que d'habitude. Après sa terrifiante colère, la lueur qui habitait maintenant ses yeux était rassurante. C'était elle qui m'avait poussée à accepter sa demande.
Doucement, Elle se rapprocha, faisant à son tour un pas vers moi, réduisant lentement la distance qui nous séparait. Qui séparait ses mains de mes cheveux. Soudain, son visage se crispa comme sous le coup de la douleur, mais je n'en compris pas la raison. Que s'était-il passé ? J'avais à peine eu le temps de m'inquiéter qu'Elle me regardait de nouveau, comme si de rien n'était. Comme si cette douloureuse expression n'avait jamais marqué ses traits. J'oubliais bien vite sa courte apparition quand Elle franchit l'espace qui nous éloignait encore l'une de l'autre. On était maintenant juste en face, ses yeux dans les miens. A sa proximité, je sentis mon cœur battre plus fort, plus vite. Je n'osais plus respirer profondément, je ne prenais que l'air dont j'avais besoin, me faisant la plus silencieuse possible. Tout près, devant moi, j'entendais sa respiration à Elle, plus calme. Apaisante. Lorsqu'elle leva ses mains près de mon visage, je fermai un instant les yeux. Je l'entendais, je sentais ses mains s'approcher de plus en plus de mes cheveux, effleurer mes épaules. Puis soudain, ce fut le contact. Notre premier réel contact. Je rouvris les yeux. Ses doigts plongeaient dans mes cheveux, avec douceur. C'était à la fois électrisant, nous étions très proches, bien plus que ce que je m'autorisais d'habitude avec une inconnue, et à la fois agréable. Ses mains glissaient lentement, et son visage souriait. D'un vrai sourire, honnête, qui s'étendait jusqu'à ses yeux. Elle était mignonne comme ça. Bien plus que quand elle était en colère en tout cas. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, mais la voir joyeuse, contente de passer ses doigts dans mes cheveux, me fis sourire, sans que je le veuille, comme si les commissures de mes lèvres se devaient de reproduire le mouvement des Siennes. Je voyais son regard émeraude fixé au-dessus de mon épaule, et je devinais qu'elle était concentrée sur ses doigts. Si quelques instant plus tôt je n'avais pas eu envie de la laisse me toucher, maintenant je ne voulais surtout pas qu'elle arrête ses mouvements. Ils étaient apaisants, agréables. La sensation d'étouffement et de peur avait totalement disparue, en quelques minutes. J'avais l'impression qu'il s'était écoulé une éternité entre mon morceau de piano et notre contact. Tout avait basculé tellement vite. Elle avait changé d'émotions tellement vite.
Doucement, elle soupira. D'un petit soupir, léger. Je ne sus exactement comment l'interpréter, mais je sentais que ça n'était pas un mauvais soupir, de ceux que l'on laisse échapper lorsque l'on est las. J'avais l'impression qu'elle appréciait le contact de mes cheveux entre ses doigts, comme j'aimais celui de ses doigts dans mes cheveux. Elle jouait dans ma chevelure, descendant ses mains, puis les remontant, inlassablement. Et moi je la regardais, la laissant faire. *Tu vois, tu t'étais inquiétée pour rien, Elle ne te voulait pas de mal. Tu as bien fait d'accepter.* Interrompant le silence, Elle me chuchota qu'elle aimait sentir mes cheveux "couler" sur ses doigts. Bien que dite avec des paroles un peu abruptes, je trouvais sa phrase très mignonne et je sentis les commissures de mes lèvres se relever encore plus. Je vis son regard se diriger vers le haut de ma tête, tandis que ses mains remontaient dans mes cheveux. Elle se rapprocha encore de moi, jusqu'à ce que ses doigts puissent frôler le sommet de ma tête. Seuls quelques petits centimètres nous séparaient maintenant, et je sentis la chaleur envahir mes joues, qui me donnaient l'impression d'irradier. J'espérais juste que ça ne se voyait pas, et surtout qu'Elle ne le remarquerait pas.
J'avais envie de lui dire quelque chose, j'avais les mots dans ma tête, mais ils refusaient de sortir. J'ouvris la bouche plusieurs fois, mais la refermai presque tout de suite. Les phrases tournaient dans mon esprit, mais aucune n'étais satisfaisante. Dès que je croyais en avoir trouvé une, elle s'échappait, disparaissant brusquement de mes pensées. Je l'entendis soupirer une nouvelle fois, tout doucement, et je me jetais à l'eau. Mes pensées n'étaient pas claires, notre proximité me troublait, mais j'avais besoin de la remercier.

- Je… Euh… Merci.

Les mots me fuyaient, je n'arrivais pas à dire ce que je voulais. C'était la première fois que ça m'arrivait. J'avais peur de dire quelque chose qu'elle interpréterait mal, ou qui la blesserait. J'avais peur qu'elle ne comprenne pas ce que je voulais lui dire. J'avais commencé, je devais finir, mais je ne savais pas comment. Les mots tournaient dans ma tête, s'embrouillaient, se mêlaient les uns aux autres, et je me sentis rougir. J'ouvris une énième fois la bouche, en regardant mes pieds, n'osant plus croiser son regard.

- Je… Je suis contente… Que… Hm… ça te plaise…

C'était horrible, complètement haché. Je ne réfléchissais plus correctement. Les seules choses que je percevais encore clairement, c'était ses mains qui jouaient dans mes cheveux, et son corps, à quelques centimètres du mien. J'entendais son souffle, et tentais de caler le mien dessus, en inspirant profondément. Je fermai les yeux, juste quelques secondes, le temps de me reconcentrer. Lorsque je les rouvris, je sus ce que j'allais dire, l'unique Mot que je devais prononcer. Il sortit tout seul, dans un chuchotement. Dans un souffle.

- Désolée…

"If your absence doesn't bother them, then your presence never mattered to them in the first place"
"C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” Le Petit Prince

27 mars 2018, 21:05
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
La pulpe de ma peau grésillait d’Elle. Sur la lande de mes mains, sa Présence s’engouffrait par tous mes pores, mais ils ne faisaient que me chatouiller, ils n’allaient pas plus loin, ils n’allaient pas plus bas. Ils n’allaient pas profondément. *J’t’obligerais. Tu… Tu…*. Mon esprit était saturé, alors que mon corps m’échappait. Mes doigts s’entortillaient autour des Sources de Perfections, pendant que j’enviais cette douceur d’exhibition. Brusquement, je me surpris à me demander — dans la mélasse de mes cassures — si cette fille se laissait atteindre par d’Autres comme elle le faisait avec moi. *Impossible*. Cet Écrin brillait trop dans le Cosmos, les Autres se retrouvaient ridicules, trop minuscules. Je me persuadais, je voulais croire que cette Symphonie était à moi. Je mourrais d’envie d’y croire ; de toute façon, mon corps était déjà mort.

Disparus, mes doigts. Avalés, les sales doigts. Réapparaissant, les doigts moches. Au rythme de Sa houle, elle dirigeait mon envie. Envie qui augmentait de plus en plus, qui se nourrissait d’elle-même, sous la beauté de ses Vagues ; sous le carmin de mon désir. Un bout de peau brune apparaissant là,  et de longues lianes s’enroulaient autour dans une étreinte irrésistible ; j’abandonnais mes doigts, ils étaient à Elle, qu’Elle en fasse ce qu’elle voulait. « Je… ».
Lande rouge ! Cascade carmin. Je découvrais les couleurs.
Mon regard avait vrillé sur les deux jumelles, les miroirs parlants ; ils n’étaient pas très bavards ces deux-là, comme moi. J’aimais bien ça. « Euh… Merci ». Qu’arrivait-il aux miroirs ? Pourquoi est-ce qu’ils avaient du mal à valdinguer ? *C’n’est rien, c’n’est que moi*. Moi ?

Quittant les miroirs cramoisis, je me lançais dans la Clarté de son Entièreté.
*Oh…*. L’Harmonie me défonça l’esprit, comme pour me rappeler que ça n’avait pas changé. Ouais, Elle n’avait pas changé ; toujours aussi belle, toujours aussi sublime. Un autre rouge força ma conscience ; plus doux, il me donnait l’impression d’être un murmure secret. Un poids trop lourd. Je contemplais ce rouge que je n’arrivais pas à décrire, pourtant, je comprenais si bien son Sens. Le rouge a un sens trop simple sur cette peau trop ferme, le rouge pulsait et j’arrivais à entendre son battement. Son léger sens qui pulsait de moi. Moi. J’étais ce rouge, j’étais sur cette peau de douceur consistante, c'était Moi ; je pouvais sentir ma présence là, juste en face de mon regard ; en Elle. *Bon Dieu de bordel…*. Tellement.

« Je… ». *Tu… Je t’écoute !*. Je voulais qu’elle parle, je voulais qu’elle me dise ce que j’aurais tant aimé entendre ; pourtant, je ne connaissais pas mon attente, mais j’étais sûre qu’elle saurait. Elle saurait ! *Parle !*. « Je suis contente… ». Mon esprit frappait mon crâne, je ne sentais plus mon corps, il était toujours mort. Ce n’était pas grave, j’allais faire sans lui ; l’Écrin faisait hurler mon esprit, et mon esprit était ce que j’aimais le plus. *Continue…*. Je fixais ce rouge pulsant à la mesure du temps, et pendant une horrible seconde, un mouvement d’ombre à l’orée de mon regard a failli me virer de cet instant. « Que… Hm… ». C’était moi qui la faisais bégayer ? Où est-ce qu’elle était déjà bègue ? Je ne me rappelais plus, le rouge brillait dans mon crâne, plongeant des parties sombres de mon esprit dans la lumière. Ce n’était pas un rouge mat, terne, moche ; c’était un rouge brillant, tout court. Juste brillant. *Tu sues ?*. « Ça te plaise… ». *Contente qu’ça m'plaise ?*. Mais... Ça se voyait qu’elle était contente ! Dans mon attente fiévreuse, je sentis mes lèvres s’étirer en un sourire qui me fit peur ; c’était un sourire que je ne connaissais pas, il me fit mal à la mâchoire, il me utilisaient de nouveaux muscles, fragiles. Et ce sourire me chuchotait des pensées bizarres.

*T’sais pas parler*. Si je n’étais pas tant absorbée par le rouge, j’aurais ri tellement fort ; comme j’avais toujours aimé exploser de rire. L’Écrin parlait pour ne rien dire, c’était à mourir de rire. *J’sais déjà qu’ça te plaît ! J’le sais…*. À mourir de rire ?
Le rouge était absorbant, ouais, mais ce n’était pas lui qui m’empêchait de laisser échapper mon rire. Cette révélation me percuta, et mon sourire se suicida sur mon visage, disparu à jamais. C’était autre chose qui enfermait mon rire, tellement fort. Mon foutu rire était pris au piège, . *Je…*. Mes paupières frappèrent mes yeux une fraction de seconde. Piégée. Je ne savais pas ce que c’était, mais je me sentais mal, aussi brusquement qu’un coup de latte.

Désolée…

Le Cyclone grinça. *Oh non*. Si. Je m’étais trompée, Elle savait parler. Mon esprit s’arracha comme une vieille tôle, déchirant ma conscience en deux, trois, mille. Elle me pulvérisait.
Je revoyais le visage de Darcy, avec ses lunettes de merde, et le son de sa voix trop aiguë. « Je suis désolée… » Désolée, hein ? HEIN ?! En me craquant le cou, je plongeais mon regard dans le Sien. Elle avait des yeux bridés. *Que ?*. Papa ? *Oh oui, toi aussi t’es désolé, pas vrai ?*. Ma propre voix était métallique, aussi métallique que le sang dans ma bouche. *TOI AUSSI ?!*. Le regard mort, vitreux comme une foutue poupée, si opaque que ça aurait pu être une éclipse totale dans cette gueule. « Désolée, Charlie ». Métallique. Ma voix était celle de la Peste. Mon crâne se fendit vers le bas, qu’est-ce qui arrivait à ma bouche ?! Je ne pouvais pas la voir, cette bouche de merde ; mais elle continua de parler « Vraiment désolée ma belle ». *TA GUEULE ! FERME TA GRANDE GUEULE DE TRAINÉE !*. Elle m'avait tout détruit ! Cette Autre atroce. Les Autres me trahissaient, et ils s’entraidaient si bien pour mon enterrement. Bordel, j’aurais droit à une sépulture magistrale. Je les détestais, je les détestais tous. *J'veux plus jamais vous écouter*. « Pardon… ». Le déchirement de ma peau psychique s’arrêta, laissant une partie de ma chair à vif, aux charognards d’Autres. Je me concentrais, j'entendais un flot qui coulait, il était foutrement lointain, mais je l'entendais. J’avais entendu cette jolie voix. *T’es… Tu es désolée ?*. Ma bouche continuait à parler toute seule.
Le Cyclone reprit d’une telle violence que je me sentis ma peau s'arracher. Des objets énormes se plantaient dans mon corps, me pétaient tous mes os, j’entendais ma bouche hurler, mais je n’avais pas de voix.


Bleu. *Bleu…*. Saphir. *Saphirs parfaits*. Ses Yeux. Depuis quand ? Mon visage me faisait foutrement mal, mon corps se réveillait. J’avais un mal de crâne atroce. *Pourquoi tu t’excuses…*. Ce n’était pas une question. Je La contemplais ; j’avais encore de la force pour ça. Son saphir m’apaisait. « Ne t’excuse plus jamais ». Ses Yeux, je n’étais pas dedans, au contraire, j’étais bien loin, là-bas, à côté de la porte et je la contemplais. Elle ne m’avait rien fait ; et maintenant, c’était à cause de son excuse qu’elle devrait s’excuser. *’n’m’as rien fait*. C’était trop tard, ce n’était pas grave. J’avais mal, mais ce n’était pas grave ; j’étais habituée. Apaisée, le corps douloureux, je me lançais dans son Alentour. Mes doigts étaient encore là, noyés sous les vagues, ils ne réapparaissaient plus ; ils avaient coulé. Encore bouleversée, je me demandais comment est-ce que je n’avais pas arraché mes mains de cet Alentour ? *Trop attirant*. Ouais. Pourtant, je me mis à tirer sur mes doigts pour les sauver de la noyade ; lentement, avec toute la douceur que j’arrivais à rassembler. Je ne voulais pas lui faire mal comme elle venait de le faire ; ce n’était pas de sa faute. *Ton rouge*. Je préférais me concentrer sur le rouge que j’avais vu, peut-être qu’il était encore là ; par peur d’avoir rêvé, mon regard resta figé sur son Alentour, moitié de son Harmonie. Je pourrais me plonger toute entière dans Ses vagues et pas seulement mes mains, j’étais sûre que ma douleur aurait mal à son tour là-dedans.

Je reculais d’un pas, ne quittant pas l’Alentour de ma focalisation. Puis un autre pas. Je fuyais, mais je n’avais pas envie de fuir. *Tu…*. Je m’en allais, mais je n’avais pas envie de partir. *Es contente…*. Un autre pas se planta au sol, mais je ne fis pas passer mon poids sur celui-ci. Il resta orphelin, abandonné par moi-même. Distante, je l’étais, proche, je l’étais aussi. Mes yeux ne voulaient pas quitter son Elle. *Yuzu…*. Yuzu n’avait jamais accepté, mais peut-être qu'Elle... *Ça… J’irr…*.

Ça t’gène de dormir avec quelqu’un ?

*Bon Dieu !*. Je m’étais foirée, ma voix était horrible. Elle me paraissait brutale et sans finesse ; je n’arrivais pas à être douce, et ça me mettait hors de moi. J’avais déballé cette question qui me tenait à cœur depuis tant de temps avec un ton que je détestais. Atroce, mon corps hurlait ; je ne l’écoutais pas, et je ne l’écouterais pas cette fois-ci, pas aujourd'hui ; même si je devais mourir. Frustrée, je quittais l’Alentour pour me jeter dans son Regard. Brillance d'Elle.

je suis Là ᚨ

04 avr. 2018, 19:54
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
Ce simple mot sorti de ma bouche, un véritable cri du cœur qui avait besoin d'être prononcé, que j'avais eu besoin de prononcer, eut l'effet d'une bombe. Sur le moment, ça m'avait soulagée, un poids semblait avoir quitté mon ventre. J'avais eu le courage de m'excuser. Mais lorsque je la regardai, mon cœur rata un battement, le poids qui s'était allégé retomba brutalement, et je me dis que peut-être que j'aurais dû m'abstenir. M'abstenir de ce soulagement, pour préserver son sourire, qui était soudain retombé. Sa colère était à peine apaisée que je trouvais le moyen de tout foirer. Je ne comprenais pas pourquoi mon excuse avait eu cet effet sur Elle, mais je m'en voulais. Mon regard se flouta, la seule que je voyais clairement c'était Elle. Ses yeux me regardaient sans me voir, vides. Je ne comprenais pas ce que j'avais provoqué. J'avais l'impression que son esprit avait quitté son corps, qu'elle assistait à des choses que je ne pouvais voir. Tout son être était crispé, tendu. Ses doigts avaient cessés leurs mouvements apaisants dans mes cheveux. Je sentis une grosse boule naître dans ma gorge, bloquant ma respiration.
Est-ce qu'un simple "Désolée" avait réellement pu la mettre dans un tel état ? Non ça n'était pas possible. Je ne pouvais pas avoir fait ça. *Elle a pensé à un mauvais souvenir voilà tout, tu n'y es pour rien* Mais je n'arrivais pas à y croire. Maladroite comme je l'étais lorsque je parlais à quelqu'un, c'était tout à fait possible que j'ai fait une bêtise, sans le vouloir. *Mais non, tu n'as rien fait, c'est pas de ta faute* Si ça n'était pas de ma faute, alors pourquoi est-ce que je continuais à me sentir mal, à avoir la gorge si serrée que j'avais du mal à respirer ? Pourquoi ? *Solwen arrête*  Bien sûr que si c'était de ma faute. Elle s'était mise en colère par ma faute, elle était plongée dans cet état par ma faute. Je n'aurais pas dû venir, si je ne m'étais pas retrouvée là, jamais elle ne se serait énervée. C'était à cause de moi tout ça. *ARRÊTE !* Je clignai des yeux, sortant de ma torpeur. Mes jambes s'étaient misent à trembler, mais plongée dans mes sombres réflexions, je n'avais rien senti. 
Je vis peu à peu ses yeux reprendre leur teinte normale, d'un joli vert émeraude presque hypnotisant. Je respirais un peu mieux en la voyant se calmer.

- Ne t’excuse plus jamais 

Je tombais. Ou en tout cas, ce fut tout comme. Le sol s'effondra sous mes pieds, et j'eus l'impression de m'enfoncer, de plus en plus vite. C'était vraiment moi qui avait causé ça. Je ne m'étais pas imaginé n'importe quoi, c'était réellement de ma faute. Je me sentis mal, et mon premier réflexe fut de m'excuser, avant que je me souvienne de ce qu'Elle venait de me dire. Je refermais immédiatement la bouche. C'était dur. Je l'avais blessée, j'avais besoin de lui demander pardon, c'était ce qu'on m'avait appris depuis toute petite . *Mais elle te l'a interdit, donc elle ne veut pas entendre tes excuses…* Je restais là, debout, sans savoir quoi faire, quand je sentis ses mains se retirer de mes cheveux. Tout doucement. *Non, non, non… Reste…* Elle recula d'un pas. Puis d'un deuxième *Non, ne pars pas…. S'il te plaît !* Elle s'arrêta. Mais elle était loin, trop loin. Et pourtant si proche… Avec un seul mot, j'avais tout gâché. Mais qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Pourquoi est-ce que j'étais aussi… déçue qu'elle se soit éloignée de moi ? C'était juste une inconnue, quelle importance qu'elle soit loin ou proche ? Quelle importance qu'elle m'en veuille ou qu'elle me déteste ? Et pourtant visiblement, ça en avait une. Je ne comprenais plus rien, je me sentais nauséeuse. Je voulais arrêter de me poser toutes ces questions, elles ne me menaient à rien, je ne savais pas quelle réponse leur apporter, mais je n'y arrivais pas. A chaque fois que j'en chassais une, une nouvelle arrivait, et semait à nouveau le trouble dans ma tête. J'avais envie de me rouler en boule dans un coin, de fermer les yeux, et de laisser mes questions me submerger, jusqu'à ce que leur flot s'apaise, puis cesse totalement. Ça ne m'aurait menée à rien, ça ne me menait jamais à rien de faire ça. C'était juste une porte de sortie. Laisser mes émotions se défouler, se déchaîner, puisque j'étais incapable de les contrôler. Mon cœur dictait ma conduite depuis maintenant douze ans, je lui accordais une confiance absolue, mais certaines fois il débordait, de sentiments que je refoulais, que je n'exprimais pas, des questions sans réponse qui y naissaient, et qui me blessaient. Et là c'était le cas, je ne comprenais rien, ni mes sentiments, ni mes réactions. J'avais peur. Peur de moi, peur de ce qu'elle créait dans mon cœur.
*Non, ne cède pas. Pas maintenant, c'est pas le moment.* Oui, c'était vrai. Ce soir ça serait mieux, quand les filles dormiraient toutes tranquillement, et que je pourrais me laisser aller, me libérer, sans les déranger. Je relevais la tête, respirant le plus calmement possible. Ce fut le moment qu'elle choisit pour reprendre la parole.

- Ça t’gène de dormir avec quelqu’un ?

*… Quoi ?* Point positif, toutes mes sombres pensées s'étaient envolées d'un coup. Soufflées par une énième question. J'avais été prise de court, je m'attendais à tout, des reproches, son départ… Mais pas à ça. Le problème ça n'était pas sa question, en soit c'était une interrogation comme une autre. Certes, personne ne m'avait jamais demandé ça, mais personne ne m'avait jamais menacé avec un livre avant de me dire qu'il appréciait mes cheveux non plus. Le problème c'était plutôt le pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'elle voulait savoir ça ? Et qu'est-ce qu'elle entendait par là ? Ça ne me gênait pas de dormir avec quelqu'un, sous-entendu dans la même pièce, puisque je dormais dans un dortoir avec les autres filles de Serdaigle, mais dormir dans le même lit… Mais ça ne pouvait pas être sa question, on se connaissait à peine.
Chassant l'expression de stupeur qui me marquait encore le visage, j'ouvris la bouche, réfléchissant au meilleur moyen de lui répondre sans commettre une nouvelle bourde.

- Ça dépend de ce que tu entends par dormir avec quelqu'un… Je passe mes nuits dans un dortoir, donc je n'ai plus trop de problèmes à l'idée de dormir dans la même pièce que quelqu'un. Mais je n'ai jamais dormi dans le même lit qu'une autre personne.

Après une hésitation, j'avais décidé de rajouter la dernière précision. *On sait jamais*

"If your absence doesn't bother them, then your presence never mattered to them in the first place"
"C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.” Le Petit Prince

03 mai 2018, 19:17
Quatre-vingt huit notes pour se découvrir  PV 
Je riais beaucoup, avant. Je rattrapais mes souvenirs filamenteux, mais ils glissaient bizarrement entre mes doigts, sur ma peau imperméable, écailleuse. Ouais, il y avait bien des années que je n’avais pas explosé de rire ; que je n'avais pas été secouée par mon propre pouvoir, ma propre ironie. C'était pour ça que je voyais une chaîne s’écrouler de Sa Brillance, du tréfonds de Son Saphir ; foutrement grosse cette chaîne ! Le maillon qui se brisait m’hypnotisait, j’avais l’impression qu’il était heureux de crever, alors que de tous les maillons, c’était le plus brillant, le plus beau, le plus lisse. Le soleil frappait son énergie dessus, et un reflet de sa puissance m’obligea à fermer les yeux. Le maillon était bleu, d’un bleu tellement bleu qu’il en devenait Autre. Je sentis ma tête partir en arrière et ma bouche s’ouvrir avec force. *Bon Dieu !*. Ma gorge brûla avant même que j’entende son œuvre ; un Rire Déchainé. Éclatant. Ancien. Que je savourais aussi intensément que ma surprise, aussi douloureusement que ma mâchoire. J'explosais de rire.

Ma bouche se refermait déjà, mes lèvres s’embrassaient à nouveau, comme toujours ; et j’ouvris mes yeux endoloris. La Clarté et l’Alentour ; sa Brillance de Saphir qui venait de m’exploser. Mon rire était si fort par rapport à sa réponse si murmurante. Et son Harmonie me fascina encore une fois.

Tous les visages sont beaux, et toutes les beautés ont un visage. Pourtant, cette Beauté-Là qui était tellement en face de moi, me faisait douter de la beauté des Autres. Personne n’était beau à Ses côtés, personne ne pouvait être visible dans Son alentour ; alors pourquoi est-ce que je continuais à voir la fenêtre et mes affaires, le sol et le piano séquestré, les briques et l’humidité. Je voyais, et je ne voulais pas voir. Je voulais qu’Elle seule soit importante. ELLE SEULE.

Pourq…

Je sentis la rouille de la chaîne brisée sur mon palet ; un goût de sang dégueulasse. Mon corps se réveillait ! *Yuzu…*. Non ! Pas maintenant ! Je ne voulais pas y penser ! *CASSE-TOI !*. Mes paupières s’actionnèrent en un battement qui résonna dans mon crâne, et je redécouvris le Saphir à l'ouverture. Encore une fois. Une autre nouvelle fois, et c’était une encore meilleure fois. Je forçais mon regard à s’arracher pour l’Entièreté.
Et je compris que Ses traits n’étaient pas comprimés, prêts à exploser, doux, sauvages comme Yuzu. Ils étaient autre chose. Elle était autre chose, Elle.
J’entendais le chuchotement de mon sourire, et j’aimais l’offrir à Elle. Exactement comme elle m’offrait sa Perfection. Ma bouche rouillée grinça de mon ordre, mon corps qui se réveillait m’éloignait d’Elle ; et je ne voulais Pas. *Ouvr’toi sale trainée*. Ma bouche s’ouvrit.

J’dormais toujours dans ‘lit d’mon père.

Le Carmin dansait tranquillement dans sa Clarté, je n’avais plus peur de ne pas le trouver ; maintenant, j’avais peur de ne pas me retrouver. Je forçais mes yeux à se tourner, mais ils ne voulaient pas. Tous Ses traits m’appelaient ; est-ce que c’était Elle ou moi ? Je DEVAIS regarder le piano. *Bordel… Sublime…*. Je n’y arrivais pas. Pendant un instant, je sentis qu’Elle était la Seule importance.
Mon regard s’écroula vers ailleurs.

Des formes noires et blanches, alignées avec exigence et simplicité. *Tss…*. Elles n’avaient aucun sens comme ça, privées de mes doigts. J’avais envie de La regarder encore une fois, mais mon corps était réveillé et il m’empêchait. J’entendais la mélodie de mon souffle lent et les percussions de mes doigts entortillés. Je fourrais mes mains dans les grandes poches de ma robe.
L’Elle avait touché ses doigts sur la trace des miens ; antiques traces, je n’avais pas joué avec les formes noires et blanches depuis tellement de temps. Et je détestais de tout mon être apprendre aux Autres à jouer avec. Ils étaient nuls, comme Elle ; mais avec Elle, j’avais Envie.

On va s’faire gauler à en jouer en pleine après-midi, mes jambes me faisaient mal dans mon déplacement vers les formes bicolores, j’avançais, mais pas en pleine nuit… Je touchais les formes sans appuyer dessus. Parfois j’aime bien dormir ici. Mes mouvements de mains s’arrêtaient, et je refermais doucement le pupitre. Si t’as pas peur d’la nuit, j’pourrais t’apprendre. Un jour de nuit.

Je m’assis sur le tabouret, le regard trop ancré sur l’instrument magique qui ne vieillissait pas et je ne pus pas m’empêcher de séparer encore une fois mes lèvres : « Tu r’viendras ? ». Comme Elle, je chuchotais presque.

je suis Là ᚨ