C'était un jour comme les autres pour Ethan. Certains cours avaient été passionnants, d'autres moins. Celui de métamorphose en compagnie des Serpentard avait été particulièrement long. Il s'était retrouvé assis à côté d'un grand dadais vert et argent qui n'avait pas eu d'idée plus brillante que de se moquer de sa petite taille durant tout le cours. Qu'est ce qu'il détestait ces moments là! Mais c'était passé et déjà oublié car il avait l'habitude qu'on lui rappelle qu'il était petit. Qu'est ce qu'il en pouvait de toute façon? Si Mère Nature en avait décidé ainsi, il n'avait pas d'autre choix que de l'accepter. Il faut croire qu'une frange des élèves avaient plus de mal que lui de s'y faire. Malheureusement ce n'était pas les esprits les plus pacifiques.

Le couloir était animé, comme à chaque fin de cours. Ethan se dirigeait calmement en salle commune. Il espérait qu'il restait encore quelques crêpes car il avait un petit creux. C'était toujours agréable de s'enfiler une sucrerie en rentrant des cours. Cela redonnait de l'énergie pour faire les devoirs. En parlant de devoir, celui de métamorphose -encore ce cours- s'annonçait particulièrement ardu car il avait vu qu'il faudrait écrire un compte-rendu.

Alors qu'il continuait d'avancer, il entrevit plus loin une jeune fille qui regardait dans sa direction. On pouvait même dire qu'elle le dévisageait. Pire, elle restait là, en plein milieu du chemin, pour ce faire. Ethan tenta bien de faire comme si de rien n'était, elle se montrait tellement peu discrète qu'il lui était impossible d'en faire abstraction, à moins de faire demi-tour. Elle lui faisait un peu penser à ces filles, dans les les films à la télé, qui tombent amoureuses et pour qui le temps s'arrête. Cette pensée lui glaça le sang. Avec la Saint-Valentin qui commençait à approcher, le risque n'était pas négligeable. Or c'était bien la dernière chose qu'il voulait, une amoureuse qui lui colle aux baskets.

Maintenant qu'il n'était plus éloigné d'elle que de quelques pas, ses traits devenaient plus clairs. Ce n'était pas ceux d'une fille amoureuse. Voilà qui était plutôt une bonne nouvelle! Maintenant qu'il la voyait mieux, cette tête commençait à lui dire quelque chose. Il l'avait déjà croisée auparavant. Ses souvenirs étaient flous donc c'était avant Poudlard. Mais où? Bah, quelle importance après tout. Bien qu'à voir comment elle le regardait lui, il faut croire que cela devait être une situation inhabituelle. Était-ce une de ces touristes à qui sa bande et lui avaient fait une farce sur la plage de Brighton? Possible mais peu probable car elle n'aurait pas eu le temps d'enregistrer son visage.

Le souvenir lui revint d'un coup. La fille et la vieille peau lors du seul gala auquel il a assisté comme serveur. Celle qui devait être sa grand-mère lui avait fait passer un sale moment. Ethan, habituellement gentil et compréhensif, vit rouge. Cette vieille harpie était ce qu'il y avait de plus détestable dans ce monde. Cette fille en était la progéniture et les pommes ne tombent jamais loin du pommier.

- Oh, mais que vois-je? Sa Seigneurie nous fait l'honneur de sa présence à Poudlard. Veut-elle que je jette ma veste au sol afin qu'elle ne se salisse pas les chaussures? lança-t-il d'un ton ironique qui n'avait rien d'engageant, le regard courroucé.

Amaryllis remarqua que le jeune garçon s’approchait d’elle et rougit en prenant conscience de son regard insistant. Peut-être qu’il s’imaginait que la petite blonde était tombée sous son charme.

Désormais proches, la Gryffondor détailla son camarade du regard. Celui-ci la dépassait à peine. Ses cheveux châtains étaient un peu en fouillis sur sa tête amplifiaient le côté enfantin de son visage. Ses yeux bleus, surmontaient de sourcils froncés, lançaient des éclairs vers Amaryllis. Cette dernière fut parcourue de frisson en croisant son regard.

« Oh, mais que vois-je? Sa Seigneurie nous fait l'honneur de sa présence à Poudlard. Veut-elle que je jette ma veste au sol afin qu'elle ne se salisse pas les chaussures ? »

Amaryllis écarquilla les yeux. Jamais quelqu’un n’avait osé lui parler ainsi. Les propos du jeune garçon l’avaient profondément choqué. Brusqué. Vexé. Braqué. Les sourcils désormais froncés, Amaryllis ne sut que dire, comment réagir. Ce manque de respect l’avait blessé. Elle ne comprenait pas. Voilà pourquoi elle était tant froissée.

La bouche entre-ouverte, Amaryllis se força à tourner sa langue 7 fois dans sa bouche avant d’en laisser sortir un son. Timide, la petite fille protestait rarement. On lui avait toujours appris à s’accommoder, à acquiescer en gardant le sourire, même quand la situation ne s'y prêtait guère. Petite, elle avait déjà tenté de se soulever contre ses grands-parents, et elle en avait payé les frais. Celle-ci s’était fait fesser sous le regard d’une bonne dizaine de ses pairs. Sa grand-mère n’avait su se contenir, honteuse d’avoir été humiliée de la sorte par sa petite-fille, qui plus est, devant d’autres membres de la bourgeoisie britannique. La sentence pourrait paraître mince. Cependant, l’ego de la petite avait prit un grand coup. Jamais cela n’était arrivée à son grand-frère, et il le lui rabâchait dès qu’il en avait l’occasion, l’enfonçant un peu plus à chaque fois. Leur petite guéguerre ne cesserait probablement jamais. Bien que le jeune homme soit depuis toujours le favori des grands-parents.

La blonde se racla la gorge avant de prendre la parole, les sourcils toujours froncés.

« Pardon ?! Qui es-tu pour me parler comme ça ? Tu n’étais qu’un simple serveur payé par les personnes comme ma grand-mère, tu devrais être reconnaissant envers elle. D’ailleurs, tu ne sais rien de moi ! Je n’ai pas besoin de tes petits soins. Je me suis toujours débrouillée seule, sans ma grand-mère, alors ne crois pas que je sois comme elle, à crier au loup quand un petit garçon met je-ne-sais-quoi dans sa boisson. Sois heureux de ne pas avoir de poursuite. Les vieilles personnes sont fragiles. Et dire que je t’ai remercié. Haha... La bonne blague. »

La petite blonde, rouge de colère, prit une grande inspiration avant de continuer son monologue.

« D’ailleurs, je n’ai pas à me justifier auprès de toi. Tu n’en vaux pas la peine à ce que je vois. Maintenant tu vas redescendre de tes grands chevaux mon petit ! Tu ne me connais pas. »

Son interlocuteur avait dépassé les bornes. Amaryllis n’avait rien fait pour attirer ses foudres. Seule sa grand-mère était responsable. Ainsi, la petite avait laissé un torrent de mots sortir de sa bouche. Elle en avait besoin. C’était la goute d’eau qui avait fait déborder le vase. Même à Poudlard elle subissait les décisions de la vieille femme.

Bien plus à Poudlard qu’en dehors d'ailleurs.

Un torrent de paroles agressives déferla sur Ethan sans crier gare. Il fut emporté par les flots, se noyant pratiquement. Il reconnaissait qu'il avait été ironique à l'envi. Il méritait certainement quelques remontrances. Mais la jeune fille devant lui semblait oublier que c'était lui qui avait été pris pour un moins que rien. De plus il doutait que cette grand-mère était si fragile que ça. Vu le caractère de la vieille, le contraire était certainement beaucoup plus probable. Les veilles biques fielleuses sont increvables, au grand dam des proches qui n'attendent qu'une chose: qu'elle débarrasse le plancher.

Il n'était cependant pas nécessaire d'envenimer la situation. Cela ne servait à rien de répondre sur le même car ils finiraient sans doute par se crêper le chignon. Non seulement un sort pourrait blesser l'un d'eux, mais en plus ils pourraient être punis. Ce serait trop bête. Tout ça à cause d'une grand-mère qui se croyait sortie de la cuisse de Jupiter.

Il n'empêche, la jeune fille avait utilisé les termes "simple serveur" et il se devait d'être reconnaissant d'avoir été payé par une vieille peau incapable d'aller se servir elle-même à une table qu'il faut payer des gens pour pratiquement lui apporter la nourriture jusque dans la bouche? Elle n'était donc pas aussi différente que sa grand-mère, au final. Les années feraient leur effet en l'embourgeoisant et dans quelques décennies, elle reprendrait très certainement le rôle de celle qu'elle n'a pas l'air d'apprécier. Il calma sa respiration, comme chaque fois qu'il voulait se maîtriser et retrouver son calme.

- Bon, je suis désolé si je t'ai brusquée. Je n'avais pas du tout apprécié la façon dont ta grand-mère m'avait traité. C'était tellement injustifié. Je pensais que tu étais comme elle car tu restais sagement à côté d'elle à l'écouter.

Ethan marqua une courte pause, hésitant à poursuivre. Il se lança malgré tout. Au pire son interlocutrice le prendrait mal, ce qui ne changerait pas grand chose à la situation actuelle.

- Je te fais remarquer que tu viens de me traiter de "simple serveur". Est-ce un sous-métier pour toi? Trop indigne pour toi, n'est-ce pas? Cela dit, encore heureux que les serveurs sont payés pour apporter les verres dans les mains des riches. Tu ne voudrais quand même pas qu'ils travaillent gratuitement?

Une nouvelle très courte pause, Ethan hésitant avant de dire tout ce qu'il avait sur le cœur. Oh et puis zut, se dit-il, autant en finir.

- Faut-il remercier les riches parce qu'on a dû inventer un métier parce qu'ils estiment qu'il est indigne pour eux de se déplacer jusqu'au buffet pour se servir tout seuls comme des grands? Qu'en penses tu?

Voilà, c'était dit. Il avait tenté de ne pas être trop agressif dans ses propos, mais il était vraiment dégoûté par le comportement de cette frange de la population qui se croyait supérieure aux autres.

La jeune fille détourna le regard tout en essayant de retrouver son calme. Elle commença à s'excuser de s'être emportée, ce qui fit plaisir à Ethan. Elle s'était mise à rougir. Elle aurait presque eu l'air mignonne si toutes ces inepties ne sortaient pas de sa bouche.

- Oublie ça, c'est moi qui t'avais provoquée, je n'aurais pas dû.

La suite de son discours lui plut moins. La grand-mère commençait vraiment à déteindre sur elle, sans doute bien plus qu'elle ne l'admettrait. Ethan serra un peu son poing, pas pour en venir aux mains, mais pour canaliser son énervement. Il s'exprima malgré tout assez calmement, mais son ton alla crescendo.

- Tu sembles vraiment bien connaître les serveurs, dis moi, pour prétendre tout ça. Tu serais bien déçue d'entendre leurs commentaires dans les cuisines. Les sorciers qui deviennent serveurs par passion, ils ne doivent pas être légion. Combien de tes camarades ici à Poudlard ont-ils émis ce souhait? Tu sais, ça m'est égal de m'être fait insulter par ta grand-mère. J'étais énervé sur le moment mais le lendemain j'en rigolais déjà. Ce qui m'a vraiment choqué, c'est qu'on la laisse faire, sans doute parce qu'elle est riche. C'est aussi parce qu'elle se comporte de la sorte de manière naturelle. Mon papa m'a expliqué à la sortie qu'elle n'était pas la seule à être ainsi. Que ces personnes étaient toxiques à notre société et que si on n'y prenait pas garde, un fossé se créait vite entre ceux qui se pensent supérieurs et les autres, et que ça pouvait créer des guerres, comme tu temps de Voldemort. Et mon papa il sait de quoi il parle parce qu'il côtoie beaucoup de monde différent dans son métier. Il dû reprendre sa respiration. Son ton était plus véhément qu'il ne l'aurait voulu sur la fin. Il se calma en s'entendant. Cette fille n'y pouvait rien, elle avait été éduquée et bercée dans ce monde depuis sa naissance.

Ethan arqua un sourcil d'étonnement. La dernière remarque de la fille concernant le fait qu'elle n'appréciait pas son aïeule ne manqua pas de le surprendre.

- Tu n'aimes pas ta grand-mère? Prend garde à toi alors parce que tu commences déjà à lui ressembler en disant ce genre de choses, par exemple en prenant les serveurs de haut ou en me disant que j'ai eu ma seule chance d'assister à un gala. Penses tu que tu vaut mieux que moi parce que tu peux aller à des galas, uniquement parce que tu es riche de naissance?

Ethan ne comprenait pas pourquoi l'or faisait tant tourner les têtes. Oui, c'était certes pratique parce qu'on pouvait s'acheter tous les chocogrnouilles que l'on voulait sans devoir s'inquiéter, mais de là à se penser supérieur aux autres? Cela le dépassait...

Amaryllis n’écoutait son camarade que d’une oreille, préférant observer les murs fissuraient par-ci par-là et les nombreux tableaux les ornant. Elle pensait encore à sa sœur. Celle-ci lui manquait terriblement, et elle savait que si elle ne laissait pas son esprit s’échapper quelques instants, des larmes pourraient forcer la barrière de ses yeux.
Elle n’était pas particulièrement sensible, et était habituée aux remontrances de ses parents et grands-parents. Cependant, elle était fatiguée. Fatiguée de sa journée, fatiguée des beuglantes de sa grand-mère, fatiguée d’être loin de sa sœur et de ses parents...

Elle avait hâte d’être aux vacances d’été, bien qu’elle redoutait tout autant ce moment. Lors de son retour pour Noël, la fillette avait supporté les nombreuses remarques sur ses notes peu glorieuses. Elle faisait de son mieux, mais ses grands-parents en voulaient toujours plus. *Plus. Plus. Plus. Et encore plus.* La blonde en était fatiguée et avait, par ailleurs, quitté la table pour ne pas en entendre davantage. Les récits de son grand-frère et ses notes parfaites émerveillaient davantage le couple âgé. Il avait toujours été le préféré. Amaryllis le savait. Elle se mordit l’intérieur de la joue pour tenter de retenir ses larmes, malheureusement, une remarque fit tiquer la jeune fille.

« - Tu n'aimes pas ta grand-mère? Prend garde à toi alors parce que tu commences déjà à lui ressembler... »

Amaryllis n’en écouta pas davantage. Les larmes commençaient à rouler sur ses joues. C’était la goute d’eau qui fit déborder le vase. Il avait osé la comparer à sa grand-mère, à cette chose sans cœur, à ce pantin guidé par l’argent... Amaryllis grimaça de colère. Cette comparaison était la pire insulte qu’elle pouvait recevoir, et en était profondément vexée.

Elle tourna la tête d’un mouvement brusque et sa main partie. Elle n’avait su retenir cet élan de colère. Jamais cela ne lui était arrivé. Jamais elle n’avait osé frapper qui que ce soit. Surprise de son geste, elle ouvrit grand les yeux et observa sa main. Celle-ci était légèrement rougie. Les larmes continuaient de déferler sur ses joues, tandis qu’elle lâcha un sanglot. Elle ne savait que dire, que faire. S’excuser, ou partir en courant ? Aucune des deux solutions n’était envisageable. Toutes deux entacheraient sa fierté, et elle ne pouvait s’excuser de son acte. Il était venu le premier. Il lui avait parlé le premier. Il l’avait insulté le premier. C’était lui le fautif. Pas la petite Ama’. Du moins, petite Ama’ tentait de s’en convaincre.

Elle releva les yeux doucement vers le jeune garçon. Ses larmes avaient diminué en intensité, mais ses yeux rouges en disaient long sur son état. Encore sous le choc de son acte, elle tenta de répondre à son camarade, mais le seul son qui sorti de sa bouche fut un dernier sanglot.

Ethan était inarrêtable. Le flot de paroles qu'il débitait semblait intarissable. Ces mots avaient germés, mûris et grandis en lui depuis ce fameux bal. Même s'il en avait parlé avec son père à la sortie, il avait l'impression qu'il fallait que tout sorte. Ce n'était pas dans son habitude d'être agressif. L'énervement qui transparaissait dans sa voix n'était d'ailleurs pas dédié à la jeune fille, mais plutôt à la société telle qu'elle était faite. Mais il se trouvait que cette jeune fille était là, devant elle, et représentait à ses yeux cette déchirure sociale par l'intermédiaire de sa grand-mère.

Il ne se rendit donc pas vraiment compte de l'état de la Gryffondor qui se marquait de plus en plus sur son visage, ni des larmes qui commencèrent à couler sur ses joues, tellement il était pris dans son discours et aveuglé qu'il était par les souvenirs qui affluaient devant ses yeux.

Ethan ne vit pas arriver la gifle. Le claquement net qu'elle provoqua raisonna dans le couloir. La surprise le fit ouvrir de grands yeux tout ronds. La douleur physique termina de le ramener dans le présent. Il resta pétrifié quelques instants et regretta ses mots instantanément. Il avait été trop véhément. Son but n'avait pas été de blesser la fillette. Mais c'était trop tard. Les mots étaient lâchés et avaient causés leurs dégâts. Les larmes qu'il vit l'attristèrent encore plus. Il ne savait pas comment réparer son erreur et se sentait perdu face à cette situation un peu étrange.

Qu'est ce qui avait bien pu traverser son esprit pour qu'il s'en prenne à cette fille innocente? Elle avait entièrement raison, c'était sa grand-mère qui était la fautive. Elle, elle n'y pouvait rien. Elle devait subir cette pression familiale depuis de nombreuses années et pour longtemps encore. Terminerait-elle aussi en "dame qui se croit issue de la cuisse de Jupiter"? Il n'en savait en fait rien du tout. C'était encore trop tôt pour le dire.

La brûlure sur sa joue s'amenuisait déjà alors que les dégâts qu'il avait causé chez la jeune fille pouvaient être durable. Il voulait se faire tout petit. Encore une fois, il allait s'excuser. Il n'y avait pas d'autre option envisageable.

- Pardonne moi... Je me suis emporté... Il se sentait minable. Jamais il ne s'était retrouvé dans une situation similaire. Je t'ai jugée trop vite, au travers de ta grand-mère j'imagine... Si je peux faire quelque chose pour me faire pardonner, ce sera avec plaisir. termina-t-il, une joue rougi par la douleur, l'autre rougeoyante de honte.

Ses parents ne seraient pas fiers de lui d'avoir mis une de ses pairs en pleurs. Il fallait essayer de réparer les pots cassés comme il le pouvait. En espérant qu'il n'était pas trop tard...

Honteuse, Amaryllis n’osait lever les yeux vers le jeune garçon. Elle ne savait pas ce qu’il lui était passé par la tête. Son corps avait réagi tout seul, sans qu’elle ne lui en donne l’ordre. Jamais elle ne se serait permit de porter un coup sur quelqu’un, peu importe les raisons. Cela devait être un trop. Un surplus de tout et de rien. Elle espérait que ce nouvel environnement l’aiderait à changer, à s’ouvrir. Mais plus le temps passé, plus son comportement se dégradait. Elle devenait une fillette au caractère abjecte. Elle était hautaine, imbue d’elle-même et elle ne s’en rendait même pas rendue compte. Ce qui rendait sa situation d’autant plus ridicule. En voulant arrêter d’être sous le joug de sa grand-mère, Amaryllis était devenue comme elle. Une fillette des plus désagréables.

« Pardonne moi... Je me suis emporté... Je t'ai jugée trop vite, au travers de ta grand-mère j'imagine... Si je peux faire quelque chose pour me faire pardonner, ce sera avec plaisir. »

La tête toujours baissée, Amaryllis se risqua de lever les yeux vers son interlocuteur. Ce dernier avait les joues rougies. Sur l’une d’entre-elles se distinguait légèrement la forme d’une petite main. Celle d’Amaryllis. Cette trace partirait sans doute dans quelques minutes, mais elle savait qu’elle allait rester marquée chez les deux enfants.

Elle ne savait que lui répondre. Au fond d’elle, elle savait que c’était lui le gentil dans l’histoire. Cependant, elle ne voulait pas se l’avouer. Elle ne voulait pas avoir tort. Mais ses parents l’avaient élevé d’une telle façon qu’elle se devait de s’excuser, notamment par morale et par politesse. Sa grand-mère lui avait, quant à elle, expliqué qu’il était important de s’excuser pour se mettre l’autre dans la poche. Et sans le remarquer, Amaryllis allait davantage suivre le conseil du point de vue de sa grand-mère, que de celui de ses parents.

« Je... Ne t’excuse pas... C’est ma faute... Je sais pas pourquoi j’ai fait ça... C’est parti tout seule. »

Amaryllis plongea son regard attristé dans celui de son camarade. Elle sentait qu’il était tout aussi gêné qu’elle. Etrangement, une boule se forma dans son estomac. Elle lisait de l’innocence dans ses yeux bleus. Elle se surprit à les trouver attirant. La fillette n’avait jamais eu cette innocence dans le regard. Sa grand-mère lui avait volé bien trop tôt. Elle se mit à envier le jeune garçon, tandis que cette boule continuait de creuser désagréablement son estomac.

Amaryllis avait toujours eu du mal à s’excuser. C’était plus fort qu’elle. Elle se mit à serrer les dents imperceptiblement. Ainsi, c’est dans un léger souffle qu’elle s’excusa.

« Je suis désolée... »

Cette jeune fille l'intriguait de plus en plus. Elle s'excusait pour la seconde fois. Mais entre les deux, il avait reçu une claque monumentale qui semblait venir de très loin. Si l'authenticité de la claque n'était pas à mettre en doute, qu'en était-il de ses excuses? Que lui réservait-elle si il osait à nouveau la bousculer dans ses certitudes? Et ses yeux, qu'elle baissait, ce regard fuyant, n'était-ce pas là un signe qu'elle ne pensait pas ce qu'elle disait?

Elle leva cependant les yeux juste avant de dire qu'elle était désolée. Son regard était triste. Mais il lui semblait voir autre chose qui se terrait derrière cette tristesse. Il n'arrivait pas à mettre de mot sur cette sensation. Il doutait de plus en plus de la sincérité des paroles de la jeune fille. Elle agissait comme un robot. Nous sommes tous influencés par notre éducation, par le comportement de nos parents. Mais on aurait dit que la Gryffondor était programmée pour réagir d'une manière prédéfinie dans toutes les situations. C'était là très probablement les dégâts causés par son abjecte grand-mère. Qui, elle-même, devait être la victime de ses aïeuls. Quand cela cessera-t-il?

Tout ce qu'il ressentait en ce moment, c'était de la pitié pour cette jeune élève, dont il ne connaissait même pas le nom d'ailleurs. Il était sincèrement désolé de voir qu'elle se transformait en monstre elle aussi. Que sa grand-mère réussissait dans son entreprise de perpétuer sa conscience en la transposant dans celle de sa petite-fille. La jeune fille en face de lui était devenu une sorte de horcruxe. A la mort de sa grand-mère, elle la remplacerait dans le monde des vivants en se comportant exactement comme elle.

Ethan doutait. Il ne savait pas bien si il devait abandonner ou s'il devait essayer de tirer cette jeune fille de sa situation. Le voulait-elle seulement elle-même? Peut-être détestait-elle vraiment sa grand-mère, mais le hasard de la descendance lui a peut-être fait hériter de la majorité de ses gênes? Elle ressemblerait adulte peut-être à son aïeule même sans son éducation? Il n'en savait évidemment rien. Personne ne le savait. Seul l'avenir donnera les réponses à ces questions.

La curiosité l'emporta, comme souvent avec le jeune Poufsouffle. Il allait tenter de ne plus envenimer la situation mais il voulait essayer de comprendre. Il fallait qu'il aborde le sujet d'un autre angle. Même si, au final, tout semblait toujours tourner autour de cette grand-mère. Cette vieille harpie lui faisait penser à un détraqueur qui aspirait toute envie de vivre à sa petite fille pour la transformer en un pantin sans sentiment. S'il ne pouvait sauver ne fut-ce qu'une petite partie de son âme, il serait déjà très heureux pour sa camarade. Mais avant tout, il voulait comprendre. Sans cela, il était désarmé.

- Pourquoi est-ce que ta grand-mère te fait ça? J'veux dire, pourquoi elle ne veut pas que tu sois toi-même?

Il posa cette question avec toute la douceur dont il était capable. Il était dans le camp de la jeune fille et ne souhaitait plus la brusquer inutilement.