Qu'est-ce qui pouvait faire que cette journée se passerait mal ? Il n'avait pas souvenir qu'une de ses journées se soit déjà mal passée, parce qu'il arrivait toujours à trouver quelque chose de bien dedans, même quand elle était routinière. Aujourd'hui était une journée routinière. Il lisait tranquillement en salle commune, comme d'habitude avant d'aller rejoindre Panthéa au chêne, comme d'habitude tous les trois jours avec un tout nouveau livre sur les vivets dorés qu'il n'avait toujours pas eu l'occasion de lui montrer. Oui, objectivement, cette journée se passait bien. Il laissa ses oreilles vagabonder dans les conversations qu'il pouvait entendre autour de lui. C'était amusant comme on pouvait en apprendre des choses simplement en écoutant les autres en salle commune, comme les derniers potins, même si cela ne l'intéressait moins que pas. Les rumeurs sans fondement n'était pas les choses qu'ils préféraient, loin de là. On pouvait apprendre pleins de choses, même les secrets les plus précieux des autres, c'était sûrement cette partie qu'il appréciait le moins, le fait que les autres sachent des choses à votre compte sans que vous n'ayez donné votre accord ou n'étiez au courant. C'était méchant et bas. Surtout si ce que l'on disait sur vous n'était pas quelque chose de gentil, là ça devenait en plus méchant et malpoli et il n'appréciait pas que l'on manque de respects aux autres, devant ou derrière eux.

  Un grand qui venait d'arriver disait à une amie que deux Serdaigle se battaient. C'est encore Blaze, sûrement, pensa-t-il. Non, c'était méchant. Après tout, oui Blaze se battait souvent, peut-être trop à son goût, mais il ne le faisait jamais sans raison, même si elles étaient parfois très floues pour toute personne n'étant pas dans sa tête. Quoiqu'il en soit, il ne passait pas sa vie à ça, et Herschel avait toujours su qu'il ne se battrait jamais physiquement contre lui. Blaze les protégeait Eliott et lui et il avait totale confiance en son ami pour le laisser régler ses problèmes tout seul, avec ses poings ou pas, même s'il n'appréciait pas la première méthode. Il n'allait donc pas bouger et juste se souvenir de passer à l'infirmerie au cas où après, pour voir si c'était vraiment son ami ou pas ou pour qu'importe qui c'était, lui demander s'il allait bien. Curiosité trop forte pour lui. Il tendit l'oreille.

  -Mais enfin, si ! Tu sais, la p'tite blonde là, Johnson. Et puis l'autre j'le connais mais mais d'après Frédéric, c'est celui qui s'est battu avec mini-Rosenberg.

  Petite blonde Johnson. Panthéa !

  -Et tu dis qu'ils se battent ? C'bizare, sont deux Serdaigle, sont censés êtres calmes, non ?
  -Bein pas tous, tu penses bien.

  Il détala comme un lièvre devant un renard.

  C'était presque impossible à croire, Panthéa qui se battait. Son amie était si douce, si gentille qu'il n'arrivait même pas à imaginer ce qui aurait pu la pousser à se battre. À moins qu'elle ne se défende et que l'autre lui fasse du mal. Blaze s'était battu avec beaucoup de monde, mais pas tant de Serdaigle que ça, même s'il ne parvenait pas à se souvenir de tous les détails que lui racontait son ami. Il sentit le rouge lui monter à la tête, non pas de gêne mais de colère, c'était un sentiment qui lui était si peu familier. Herschel ne s'énervait pas, c'était simple. Mais pour Panthéa il ferait un effort. Personne n'avait le droit de blesser sa précieuse amie. Comme personne n'avait le droit de faire du mal à ses amis, même si c'était plus Blaze qui avait tendance à les protéger que l'inverse. Mais tout de même. Il ne pouvait pas aller pleurer dans les jambes de Blaze à chaque fois que quelque chose se passait en mal. Pauvre Panthéa.

  II arriva assez vite sur les lieux de la potentielle bataille qui avait attirée quelques curieux qui les observaient de loin sans rien faire. Juste à temps pour voir que Panthéa s'était prit un coup. Un coup. Il avait frappé Panthéa. Ho bien sûr, il se fichait de la distinction de genre, on ne frappait personne, fille ou garçon. Lui non plus ne frappait pas. Il n'avait jamais frappé. Mais là c'était Panthéa. Il pensa une demie seconde au fait qu'il n'avait aucune chance, que de toute façon il faisait même pas peur avec ses chaussettes remontées aux genoux dépareillées et ses barrettes à moitié mal mises dans ses cheveux. Mais c'était Panthéa. Si ça avait été Blaze, il serait pas intervenu, parce que Blaze savait se battre. Si c'était Eliott, il serait pas intervenu, parce que Blaze aurait été là et que Blaze savait se battre. Mais là c'était Panthéa. 

  Il sauta en avant, comme une balle de fusil quitte l'arme si vite qu'on ne la voit pas. Ses mains agrippèrent les épaules de l'autre avant qu'il ne les pousse le plus fort possible, usant de son élan pour l'aider. 

  -La touche pas, gros Naze ! hurla-t-il. C'était comme ça que Blaze l'appelait quand il parlait de lui et il n'avait jamais aussi bien porté ce surnom débile qu'à cet instant, décida-t-il. 

"Bien sûr qu'il n'a pas fui, j'ai pas parlé fort ! T'as été impolie et irrespectueuse, c'est tout !"

Panthéa soutenait son regard mais au fond, elle sentait que la situation lui échappait. Elle savait cependant que s'excuser maintenant lui collerait pour toujours une étiquette sur le dos qui titrerait "Faible et lâche", et dans un monde où un coup de baguette magique pouvait nous envoyer voler quelques dizaines de mètres dans les airs, il valait mieux ne pas avoir l'air lâche, encore moins faible. Son frère s'arrêtait aux menaces et estimait que cela suffisait à asseoir son autorité, elle espéra secrètement qu'il en serait de même pour ce garçon dont elle ne se rappelait même plus du nom - et elle s'en voulait à présent. Elle aurait au moins dû lui demander, s'excuser de ne pas s'en être rappelé, lui expliquer ensuite pourquoi c'était stupide de se disputer pour ça alors qu'ils avaient vu le vivet et qu'ils pourraient parler de ce moment pendant encore longtemps. Il était plus grand et plus fort qu'elle, sans doute comprendrait-il qu'il n'avait rien à prouver, et qu'ils avaient probablement tous les deux tort, et qu'elle ne lui avait jamais manqué de respect - ou du moins, qu'elle n'avait jamais voulu le faire.
Oui, c'était la bonne attitude. Mais comment revenir en arrière ? Comment lui montrer qu'elle n'était pas contre lui ?

Elle allait lui dire quelque chose quand elle s'aperçut du très subtil - mais néanmoins très brusque - changement dans l'expression faciale du jeune garçon. La seconde d'après, la partie droite de son visage fut engourdie par le coup qu'il venait de lui asséner à la joue, et elle tituba légèrement avant de se retrouver par terre, sonnée et confuse, la mâchoire en feu et un goût de sang dans la bouche. L'impact lui avait fait se mordre la langue.

C'était la première fois qu'on la frappait. La première fois qu'on était violent avec elle. La première fois qu'on n'utilisait pas des mots pour la blesser. Cette réalisation la laissa en état de léger choc tandis qu'elle se tenait la joue. Etrangement, aucune larme ne vint.
Le regard qu'elle lui adressa ensuite était plein d'incompréhension et de questionnement. Etait-il si sérieux quand il la menaçait de lui fracasser le nez ? Avait-il ressenti un tel manque de respect qu'il eut fallut qu'il en arrive là, avec elle ?

Panthéa voulut lui adresser la parole après le long silence qui s'était installé dans le couloir quand une voix familière brisa la stupeur :

"La touche pas, gros Naze !", s'écria Herschel avant d'attraper l'autre garçon par les épaules et de le repousser avec une violence qu'elle ne lui connaissait pas.
Ce n'était plus la confusion qui régnait dans la tête de la jeune fille, mais le chaos total. Pétrifiée par la scène, incapable de bouger, la peur s'empara d'elle en envisageant le pire : si Herschel intervenait, il risquait de recevoir un coup lui aussi !

Tandis que tu regardes autour de toi, tu dois bien te rendre à l'évidence : votre moment de solitude est terminé. A croire que les autres élèves décident d'apparaître quand ils ne le doivent pas. Mais les quelques curieux qui s'étaient arrêtés ont repris leur route en voyant que tu t'étais légèrement éloigné de ta camarade de maison. Maintenant que tu l'as frappée, t'as pas la moindre idée de comment réagir, ni même de si tu dois dire quelque chose ou non. Tu la regardes, au sol, apparemment sous le choc, davantage face à la violence utilisée qu'à la réelle force de ton coup qui n'était pas à son maximum. N'empêche, tu t'en veux un peu. Tu te mords l'intérieur de la joue, incapable de bouger ou de dire quoi que ce soit. Quel crétin tu peux faire... A quoi est-ce que ça t'a avancé, hein ?

T'es juste incapable de te maîtriser, tu le vois bien. Tu ne te sens même pas mieux maintenant que t'as prouvé que tu pouvais le faire. Tu te sens juste encore plus mal. Il est peut être temps pour toi de disparaître. Mais c'est sans compter sur un super héros sorti de nulle part qui décide de venir défendre sa princesse. Un choc brutal se fait ressentir dans tes épaules, et tu tombes au sol sous la force de la poussée qui t'es donné. Tes fesses rencontrent le sol glacial du couloir avec violence, et tu regardes l'élément perturbateur, légèrement hébété. Tu reconnais alors un autre type de ta maison, t'arrives pas à remettre son nom, mais tu sais qu'il est copain avec Blaze Rosenberg, ils sont toujours ensemble ces deux-là.

Tu regardes autour de toi en te relevant, juste pour vérifier que le type que tu détestes le plus dans cette école ne suit pas. Mais non, le binoclard rouquin à barrettes est tout seul. Tu l'observes un instant. Mais qu'est-ce qu'il croit lui, il s'est regardé ? Il pense vraiment faire le poids contre toi ? En plus, il t'a mis par terre, tu ne peux pas laisser les choses comme ça. Ni une ni deux, tu lui fonces dessus, tête baissée, pour le plaquer au sol. Tu t'assois alors sur lui et lèves ton poing serré au dessus de sa tête, prêt à le frapper également. Pourquoi il est intervenu ? T'étais prêt à partir. Peut-être même en lâchant une vague excuse à la fille que t'a frappé. Mais non, il a fallu qu'il débarque, et qu'il remette le bordel.

- Et sinon quoi, hein ? Tu préfères que ce soit toi ?

Tu lui postillonnes à moitié à la figure en balançant ces mots, comme s'ils pouvaient te rendre ta dignité envolée dès que tu as décidé de céder à tes pulsions. Mais c'est de pire en pire. Si tu te retrouves à lui casser la figure à lui aussi, tu vas encore passer pour le méchant de l'histoire. Et puis, il y a quand même beaucoup de curieux dans ce couloir...

  Comme un taureau dans une corrida, l'autre garçon ne tarda pas à reprendre ses esprits et à se jeter sur lui sans ménagement, l'envoyant à son tour à terre en faisant claquer aussi douloureusement sa tête que son dos sur le sol de pierre. Si dur, pensa-t-il ! Il l'avait un peu mérité, après-tout, c'était lui qui avait commencé en le poussant. Bien que si on observe le tout de plus près, l'autre avait frappé son amie avant. Qui des trois avait commencé ? On ne savait pas vraiment et ne saurait sûrement pas, même quand tout cela serait terminé. Ses yeux mirent quelques secondes, utilisées par des mots tranchants comme des scalpels, pour se fixer sur son désormais adversaire. Point pour lui. Gros point pour lui. Ses lunettes de travers, il voyait encore dans les bouts qu'il pouvait atteindre avec ses yeux. Pitié, qu'il ne lui enlève pas ses lunettes. 

  Pensait-il vraiment avoir une chance de le battre ou au moins qu'il lui eut juste fait peur et que l'autre soit parti ? En y repensant bien, il avait tout de suite su qu'il n'aurait aucune chance, l'autre avait tout pour l'écraser comme une petite et toute mignonne fourmi sous une grosse botte. Il était et plus fort, et plus entraîné, et habitué à se battre. Objectivement et sans se dénigrer, il n'avait jamais eu aucune chance et l'avait toujours su. Dès le moment où il avait vu contre qui Panthéa était, il savait qu'il n'aurait aucune chance. Son ami se battait contre lui, et même Blaze en sortait toujours avec des dégâts quand ils en venaient aux poings. Même Blaze. Il n'avait aucune chance de prendre l'avantage. Mais d'un autre côté il ne voulait pas du tout avoir la figure bosselée après s'être prit la raclée de sa vie, aussi et surtout parce qu'il n'oserait plus jamais regarder Panthéa dans les yeux, aussi beaux soient-ils. Il aurait eu trop honte, même avec la figure toute racolé. C'était presque une question d'honneur. L'autre en fait fait une question d'honneur. Malgré tout, les mots que l'autre eu vite fait de lui dire firent sens dans sa tête. Préférait-il se faire casser la figure ou que ce soit la pauvre Panthéa dont la lèvre saignait déjà qui prenne encore un ou plusieurs coups ? Il n'y avait même pas à se poser la question.

  -T'as pas d'honneur pour t'attaquer à une fille en sachant que tu vas gagner, à l'avance, dit-il les dents serrées en repoussant l'autre avec ses jambes et en se tortillant, le ongles enfoncés dans ses bras sans le faire exprès. Pourquoi tu fais ça ? T'es pas méchant, tu t'donne un style ? En plus il est vraiment nul.

  Il vit un gros postillon s'avancer jusqu'à s'écraser sur le verre de ses lunettes et il fit une grosse grimace de dégoût. Pouaaaa ! C'était comme prier pour ne pas se faire trouver au cache-cache. On prie pour qu'il passe à côté, mais ça arrive rarement. 
  Mais qu'aurais fais Blaze à sa place ? Il lui aurait déjà renvoyer un coup. Mais Herschel avait bien peur que s'il lui envoyait un coup, ce soit lui qui ai le plus mal parce qu'il ne savait pas taper et doutait sérieusement que ça fasse du bien à ses pauvres petites mains. Et puis à y repenser il n'avait pas vraiment envie de le taper si fort et au visage, en plus de ça, même si c'est ce qu'il venait de faire à son amie. Maman disait toujours qu'il y avait toujours une raison pour que les gens soient méchants, que ce soit pour les amis, le frère, le père ou simplement pour dire "J'ai peur" ou "Je suis triste". Lui n'avait aucune raison si ce n'est la vengeance de se battre contre l'autre, et c'était vraiment pas beau. Il se mordilla les lèvres, gêné.  

La scène lui semblait complètement étrangère, comme si elle n'avait strictement rien à voir avec ce qui était en train de se passer juste sous ses yeux, à seulement un ou deux mètres d'elle. Plus rien ne faisait sens, elle n'entendait plus rien et voyait flou. Seule la douleur et le goût de métal qui lui remplissait la bouche occupaient ses pensées, avec une question : pourquoi l'avait-on frappée ? Ca ne lui semblait pas juste, elle se sentait à la fois humiliée, victime d'une profonde injustice, et profondément triste d'avoir subi le coup sans même l'avoir vu venir, sans même avoir pu l'esquiver.
Le voile qui la séparait du reste du monde suite au choc s'estompa progressivement, et elle se rendit alors compte de l'horreur de la situation : son agresseur était maintenant courbé au-dessus d'Herschel, le poing levé, menaçant. C'était bien pire que tout, bien pire que le coup qu'elle avait pris, bien pire que de manger la poussière devant un garçon trop fier pour laisser passer une stupide dispute d'enfants. Ses pensées se heurtèrent les une aux autres avant de laisser la place à une lucidité parfaite, en une fraction de seconde : Panthéa était furieuse.

Elle n'était pas courageuse. Elle n'était pas téméraire. Elle n'était pas impulsive. Elle n'était pas violente. Mais ce jour-là, à ce moment-là, quand elle vit Herschel se faire menacer juste devant ses yeux, elle devint quelqu'un d'autre. Son sang ne fit qu'un tour et elle oublia la douleur et l'humiliation pour laisser la colère l'envahir complètement.
Alors, non sans peine, elle se releva en prenant appui contre le mur. Sa joue et le bas de sa mâchoire tournaient déjà au bleu. Elle s'essuya la bouche d'un revers de main avant de la porter à sa poche ...

"Tu le frappes, et je te le ferai payer. T'as compris ?", asséna-t-elle sur un ton glacial, avec une voix aussi autoritaire que possible. La baguette pointée sur son agresseur, elle avait le visage impassible tandis que ses yeux lançaient des éclairs. Sa main ne tremblait pas. Elle semblait déterminée à lui rendre la monnaie de sa pièce si jamais il osait s'en prendre à son ami.
Elle ne connaissait que peu de sorts offensifs, et l'idée même de devoir en lancer un lui donnait habituellement envie de vomir. Mais elle était prête à courir tous les risques pour interrompre la dispute et faire assez peur au jeune garçon pour qu'il s'en aille. Prête à tout pour venir en aide à Herschel.

Tu regardes le binoclard, prêt à frapper. Mais d'un autre côté, tu te rappelles que les gens à lunettes, c'est comme les filles, normalement on a pas le droit de taper dessus. Tu viens déjà de briser une règle de toute brute qui se respecte, et tu te sens pas très bien. Alors peut-être qu'en briser une seconde c'est pas la meilleure idée qui soit. L'autre se tortille en essayant de se dégager, mais tu resserres tes jambes autour de lui. Il dit que t'as pas d'honneur pour frapper une fille. Alors que toi, t'es persuadé de l'avoir frappée justement pour honorer ta parole. Tu sais pas qui a raison, et tu t'en fous de le savoir. T'en as marre de toute cette histoire, t'as l'impression d'avoir tout un tas de pensées contradictoires qui tournent dans ta tête, s'entrechoquent, sans pour autant qu'une d'elles se dégagent clairement.

Alors en attendant, t'es juste là, le poing levé, prêt à frapper, en te contentant d'avoir l'air menaçant et méchant. Il dit que c'est un style que tu te donnes, mais il ment. Tu le sais toi, que t'es vraiment comme ça. Tu fais pas exprès, t'arrives juste pas à te contrôler, dès qu'il y a quelque chose qui te plaît pas t'as envie de frapper. Juste pour prouver que t'es le plus fort et qu'il ne faut surtout pas t'embêter. T'as cette peur tapie au fond de toi, cette trouille de te laisser marcher sur les pieds et de n'être qu'un faible, exactement comme ce rouquin. Stolas n'est pas un faible, et tu dois devenir meilleur que lui. Tu ne peux pas te permettre le moindre écart sur ta ligne de conduite. Ton poing se serre un peu plus, tu t'apprêtes à l'abattre sur lui, mais une voix t'en empêche.

C'est la gamine que t'as laissée au sol. Apparemment, elle s'est relevée, et elle s'est remise du choc. Elle a l'air bien déterminée à protéger son copain en plus. Et même si t'es le meilleur avec tes poings sans aucun doute, t'as pas le temps de sortir ta propre baguette pour lui faire sa fête. Quoi qu'il arrive, tu vas finir par te prendre un sort. Tu t'en fiches un peu. Peut-être que tu le mériterais même. En plus, elle te menace comme si elle pouvait te faire peur. T'es pas contre un duel à la loyale, mais s'ils se mettent à deux avec leur baguette contre toi, tu risques de prendre cher, et t'as pas envie de te ridiculiser. Mais sa menace sonne comme un défi à tes oreilles.

Tu restes quelques secondes figé, le poing toujours levé, mais tu finis par l'abaisser. Tu te redresses en jetant un regard méprisant au rouquin avant de poser les yeux sur la demoiselle, en prenant bien garde de conserver la tête haute.

- Il y a trop de monde qui regarde de toute façon. Ce sera pour la prochaine fois.

Oui, il y a de plus en plus d'élèves qui s'amassent autour de vous. T'as peur que ton frère finisse par en faire partie. Ou des Professeurs. Pas question que tu te retrouves puni. Après un dernier regard suffisant, tu t'éloignes de ce couloir. En pestant contre toi-même pour cette nouvelle promesse que tu viens de faire. T'as pas envie de remettre ça contre une fille et un faiblard. C'est nul. Mais tu sais bien que tu ne mens jamais.

  J'ai peur, et je suis triste un peu aussi.
  Il avait mit la main sur ce que le poing près à le frapper disait de l'autre. Et même s'il était en position de faiblesse, il n'avait pas vraiment peur. L'autre pouvait très bien lui exploser le nez, il aurait comprit. Il s'était même préparé à la douleur, à l'instant même où il sentirait son os se craquer et un flot de sang frai dévaler son visage. Mais rien ne vint. Ni la douleur, ni le son, ni le sang. Rien, à part cette pression contre ses jambes pour l'empêcher de se tortiller à la façon d'un vers de terre qui, de toute façon disparu très vite, aussi vite que le garçon sembla se raviser et se relever. Les mots de Panthéa résonnaient dans son crâne. Sa posture, son visage avec sa bouche courbée de haine, ses sourcils froncés et son adorable petit nez retroussé comme quand quelque chose ne lui plaisait pas. Et ses jolis yeux, si joyeux, transpercés une longue et dure flèche de haine. Tout se gravait dans sa pupille comme marqué au fer rouge comme la pire façon qu'il n'ai jamais vu son amie. Baguette en avant, dans l'intention de jeter un sort. Il se demanda si elle serait assez en colère pour jeter un sort au Serdaigle qui quittait les yeux. Dans le dos. Instinctivement, il posa sa main sur son chignon où il avait glissé sa baguette. Avant de s'arrêter et de la reposer sur ses genoux. Panthéa ne lui ferait pas de mal. Elle ne le ferait pas, se répéta-t-il. Et pourtant, il avait peur de cette façade d'elle qu'il n'avait jamais vu.

  Il baissa les yeux. Il n'y avait eu que colère dans le regard de l'autre, et un peu dégoût aussi, comme si sa faiblesse le rebutait. Pourquoi l'avait il poussé en premier lieu ? Il avait été méchant. N'avait même pas cherché à comprendre la situation avant de se jeter sur l'autre. Il n'avait jamais été méchant. Il lui semblait être devenu affreux en l'espace de quelques minutes. Il avait la furieuse envie d'aller se laver les mains, comme pour en faire s'écouler l'action d'avoir poussé l'autre qui semblait s'y accrocher désespérément. Il avait été méchant. Il n'était pas fier. Pas du tout. Blaze, lui, quand il se battait, il avait toujours l'air fier après, parce qu'il avait gagné ou il ne savait quoi. Aurait-il dû être fier ? Il était triste. Il lui avait fait mal. L'avait poussé à l'en faire tomber par terre. Il était méchant.

  Il essuya ses yeux et se releva,la tête toujours obstinément baissée vers le sol. Comme si cela allait arranger les choses. Comme si il allait pouvoir se faire oublier des autres qui se demandaient pourquoi la bagarre c'était arrêtée comme ça, si abruptement. Il voulait pas être méchant.

  Au soir, il se laverait les mains vingts fois à les en faire devenir rouges sans donner d'explications à Eliott et Blaze et il maudirait sa peau fragile qui marquait trop facilement en observant les grosses tâches noires qui s'y étalaient comme une maladie étrange. Et il se demanderait si l'autre avait les mêmes tâches noires. Et il s'en voudrait encore plus que pour le moment.

  Mais pour le moment, il avait autre chose à faire.
  -Viens, je t'emmène à l'infirmerie, tu saigne, dit-il en se baissant devant Panthéa pour qu'elle puisse monter sur son dos. Allez, monte. Il n'arrivait pas à avoir l'air joyeux.
  Il était méchant.

Son intimidation semblait avoir eu l'effet escompté, et quel ne fut pas son soulagement de voir Azaël partir sans faire d'histoire ! Qu'aurait-elle fait, s'il avait continué à menacer Herschel ? Pire ! S'il l'avait frappé, lui aussi ? La main de Panthéa se mit à trembler quand elle réalisa ce qu'elle avait été sur le point de faire, et elle retint in extremis une très forte envie de vomir. Etait-ce ce qu'elle allait devenir ? Une sorcière capable de jeter un sort sur quelqu'un d'autre, si un de ses amis était menacé ?
Mais n'était-ce pas la bonne chose à faire ? N'était-ce pas ça, le courage dont on lui avait tant parlé ?

Elle regarda Azaël s'éloigner sans prêter attention aux autres élèves qui avaient assisté au spectacle, et dont certains chuchotaient en lui lançant de drôles de regards. Maintenant que la tension était retombée, qu'Herschel n'était plus en danger, elle culpabilisait. Bien sûr que ce n'était pas du courage, elle était incapable de l'être. Elle avait cédé à la colère et, dans la panique, avait laissé ses émotions les plus sombres s'emparer d'elle jusqu'à la mener au seuil de ... de quoi ? D'un point de non-retour ? De devenir quelqu'un qu'elle n'était pas, et ne voulait pas être ?

Qui était-elle, finalement ?

La voix de son ami interrompit ses pensées :

"Viens, je t'emmène à l'infirmerie, tu saignes.", lui dit-il d'une voix parfaitement neutre. Distante.
Quelle horreur ! Lui en voulait-il de s'être montrée si vindicative ? Le coeur de Panthéa éclata en mille morceaux et, tandis qu'elle avait oublié sa douleur à la joue, les larmes lui montèrent aux yeux à la vitesse de l'éclair. Elle baissa le nez, profondément triste, plus bouleversée encore que lorsqu'elle avait reçu le coup. Il n'y avait rien de pire que de voir son meilleur ami désapprouver quelque chose que l'on venait de faire. Herschel semblait vide, lui qui d'habitude était toujours si heureux et dynamique, il avait le regard vers le sol et la voix défaite.

"Allez, monte.", ajouta-t-il en lui montrant son dos, sur un ton tout aussi froid. Elle ne put retenir ses larmes et se mit à pleurer en silence en rangeant sa baguette dans sa robe de sorcier. Comment pouvait-il se montrer encore aussi bienveillant quand tout chez lui démontrait qu'il ne voudrait sans doute jamais plus être son ami ?
Elle hésita quelques secondes. Elle ne méritait pas un tel traitement. Il aurait dû la laisser là. En même temps, l'infirmerie était loin et l'émotion semblait lui avoir ôté l'usage de ses jambes, aussi accepta-t-elle finalement de lui grimper sur le dos. Une fois installée, elle serra ses bras autour de ses épaules et murmura :

"Je suis désolée, je te demande pardon." Puis elle enfouit sa tête contre lui, persuadée de ne mériter l'amitié de personne, persuadée qu'Azaël avait sans doute eu raison de la punir de la sorte, certaine qu'Herschel ne la pardonnerait pas.

Fin du RP, merci infiniment