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11 juil. 2019, 23:09
Dans le noir  Privé 
Qu’est que tu fous ici ?

Tu sais pas. Tu erres dans les couloirs, sans but.
Il fait nuit. La lune scintille, comme un sourire. Un joli sourire.

Tes pieds nus ne font aucun bruit sur le sol froid.
Un long pyjama noir te couvre le corps, tes longs cheveux dégouline sur tes épaules, et tu tiens dans ta petite main, traînant sur le sol, un ours en peluche.

Tu t’arrêtes enfin, t’assoie à même le sol et regarde l’ours droit dans les yeux.
Dans la pénombre, ses yeux de billes brillent, rassurant. Tu le prends dans tes bras. Sa fourrure est douce et son odeur te rappelle la maison.
Tu fermes les yeux.

Qu’est ce que tu fous ici ?

Tu te rappelles. T’es sortie du dortoir, comme un zombie, t’es descendue dans la Salle Commune.
Il était 3h08 du matin.
Un mauvais rêve t’avait levé du lit.
Sans un bruit, tu t’étais faufilée dehors. Dans le couloir sombre. Dans le couloir si intrigant.

T’as pas le droit !

Pas le droit être ici.

Qu’est-ce que ça peut faire que tu sois ici ou ailleurs ? Qu’est-ce que ça peut faire on te voyait ici ? Qu’est-ce que ça peut faire si on te punissait ? Tu n’en avais plus rien à faire. Tu voulais juste t’éloigner des ronflements des filles, de leurs grognements et de leurs soupirs.
Tu voulais être loin, dans un endroit calme.

Dans le Noir.

Il te fait pas peur. Non. Il te rassure et te murmure des douceurs.
Certains enfants de ton âge voient les Ombres. Celles qui font peur. Celles qui poursuivent. Celles qui rigolent et qui narguent dans la nuit noire. Celles qui se transforment en monstres féroces, en créatures du mal. Celles qu’on appellent Cauchemar.
Mais toi, tu ne les vois pas. Non. Et c’est tant mieux.

Tu fermes les yeux, et derrière tes paupières closes, tu aperçois une silhouette.
Non, pas une silhouette.

Un Rêve.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.
12 juil. 2019, 10:15
Dans le noir  Privé 
Wooooow *-* C'est vachement beau *-*

Clignant des yeux dans la pénombre du dortoir, Kyana ne parvenait pas à dormir. Elle réfléchissait. A quoi ? Elle n'en savait rien. A qui, peut-être ? Sa soeur, sûrement. Sa soeur qu'elle avait abandonnée pour partir dans cette école de magie. Où elle pensait qu'elle ne serait pas seule, qu'elle oublierait ses problèmes et qu'elle verrait des licornes partout. Sauf que non. Elle était obligée de se rendre à l'évidence, rien n'avait changé.

Et elle avait beau vouloir à tous prix que Maë la pardonne, elle savait qu'il n'en serait rien. Parce que ce qu'elle avait fait était impardonnable. Elle avait brisé leur complicité pour... ça. Un lieu austère et froid, où vivaient des crétins imbus d'eux mêmes.

Non. Rien n'avait changé.

Elle se redressa, repoussa ses cheveux qui, au cours de l'un de ses cauchemars, étaient venus sur son visage et dans sa bouche. Elle descendit précautionneusement de son lit, aussi silencieuse qu'un rêve. Avait-elle de droit de sortir, à cet heure ? Certainement pas. Pourtant elle s'en fichait. Au plus haut point. Tout ce qu'elle voulait, c'était la solitude. Elle aurait tout donné pour être chez elle à cette heure-ci, dans sa chambre aux murs tapissés de posters de musique. Tout pour être endormie, sans penser à rien, tout donné pour que tout cela ne soit qu'une des nombreuses idioties de son cerveau.

Elle sortit. Un courant d'air frais lui caressa la joue alors qu'elle descendait les escaliers menant à la salle commune.

Elle poussa la porte au heurtoir d'argent, se mit à courir, de plus en plus vite. Ses cheveux virevoltaient autour de son visage, au rythme de sa foulée irrégulière. Une petite larme s'échappa de ses yeux, puis une deuxième. Elle aurait tant voulu hurler, se décharger de toute cette peine qui l'écrasait depuis son départ. Elle se retint. Si elle le faisait, elle aurait toutes sortes d'ennuis et ce n'était pas du tout ce qu'elle souhaitait. Elle, elle voulait qu'on la laisse tranquille, qu'on arrête de s'immiscer dans sa vie privée, qu'on cesse de dire qu'on la comprenait. Parce que c'était faux.

Elle s'arrêta brusquement, le regard farouche.

Il y avait une ombre pelotonnée sur le sol. Une fille, ses cheveux le prouvaient. Elle s'approcha lentement, la fixant de ses grands yeux de glace, la tête emplie de questions. Qui était-ce ? Et que faisait-elle ici ? Elle n'en savait rien, non, mieux, ne voulait pas le savoir. Elle s'assit.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée
12 juil. 2019, 16:16
Dans le noir  Privé 
La silhouette t’avait enveloppé dans ses bras.

Tu te voyais maintenant souriante, rigolant joyeusement. Il y avait aussi Ambre. Il rigolait lui aussi. Et Papa et Maman. Ils te prenaient dans leurs bras. Te disaient des « je t’aime » murmurés près de l’oreille. T’embrassaient sur la joue.

Combien de temps ?

Depuis la dernière fois que tu as rit.
Depuis la dernière fois que tu as souri.

Tu sais pas, mais ça fait longtemps. Trop, malheureusement.


Un bruit te fit émerger de ton doux rêve. Un bruit de pied frappant le sol à toute allure.
Tu ne relevais pourtant pas la tête de ton ours, les yeux clos.

Et puis, plus de bruit.

Parti ?

Bon...

Essayant de replonger dans les bras de cette silhouette, tu entendis alors une respiration, à quelques mètres de toi.

Hein ? Il y a quelqu’un ? Ici ? Pourquoi ?

Relevant tout doucement la tête, à moitié endormie, tu fixais sans réagir la forme humaine à côté de toi.
Était-ce encore une de ces créatures sortie de ton imagination ? Le mieux serait de lui demander en personne.

- Es-tu l’une de ses créatures qui hantent les nuits ?

Ta voix te revint, lointaine. Murmure ensommeillé, de ta voix basse et calme.
Tes cheveux te tombaient devant les yeux, cachant de moitié ton visage. Mais tu ne les repoussais pas. Ils étaient comme une protection.
Tu voyais les yeux de la créature briller.

Et là, tu eus un doute.

N’était-elle pas réellement réelle ?
Cette pensée te fit ouvrir grand les yeux.

Non, ce n’était pas une créature mais... une fille.
Tu te redressais précipitamment pour t’asseoir convenablement, en baissant les yeux et te mettais tes cheveux en bataille derrière tes oreilles.

- Pardon... Je... fatigue... toute seule... pardon !

Charabia incompréhensible. Ta voix était légèrement montée dans les aiguës.
Tu essaya tant bien que mal de cacher l’ours blanc.


Qu’est-ce que tu fous ici ?

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.
12 juil. 2019, 18:28
Dans le noir  Privé 
Kyana sentait le sol de pierre dur et froid sous elle, les courants d'air qui passaient à travers le verre trop fin des vitres, le bruissement des arbres au-dehors. Elle voyait la fille du coin de l'oeil aussi. Des cheveux qui paraissaient d'ébène dans le noir, un petit corps fin. Un ours, aussi. Une belle peluche, dans laquelle la fillette avec enfoui son visage.
Malgré les larmes qui s'échappaient encore de ses yeux, laissant de grandes traces sur ses joues et qu'elle ne faisait rien pour essuyer, elle réfléchissait encore. Elle voulait à tous prix améliorer la situation avec sa soeur. Parce que c'était de sa faute, tout ce bazar. Il fallait qu'elle trouve un moyen. Avant les vacances. Sinon elle ne rentrerait pas. Elle enverrait une lettre. Son père serait sûrement déçu, mais ça serait mieux comme ça.
Elle s'en voulait tellement ! D'avoir cru ne serait-ce qu'une seconde que cette éloignement n'allait rien changer. D'avoir haï Maë, de lui avoir jeté tous ces mots à la figure, sur le perron de leur maison, au moment de partir. Elle était encore un petit peu en colère contre sa soeur, bien sûr, mais celle-ci n'y était pas allée de main morte non plus.
Ses seules amies, désormais, c'était la solitude et la nuit. Elle y était attachée depuis la mort de sa mère, l'une s'étant installée dans son coeur sans rencontrer aucune résistance, l'autre devenant sa confidente, aussi proche d'elle que Maë elle-même. Sa tête commençait à dodeliner, ses yeux à se fermer.
Non ! Il ne fallait pas qu'elle dorme. Surtout pas. Elle avait si peur des démons qui hantaient ses rêves... Ce fut donc avec soulagement qu'elle accueillit le doux murmure qui la sortit partiellement de sa torpeur.

Es-tu l’une de ses créatures qui hantent les nuits ?

Perdue, Kyana cligna des yeux. Que disait-elle ? Elle tenta de chasser le sommeil qui s'emparait de son être, respira profondément pour cesser de pleurer. Sa bouche s'ouvrit, aucun son n'en sortit. Elle ne comprenait pas. Heureusement, l'autre déclara autre chose sans attendre de réponse à sa précédente question.

Pardon... Je... fatigue... toute seule... pardon !

Que voulait-elle dire ? Sans doute était-elle fatiguée, puisque ses paroles étaient dénuées de sens. Ou était-ce elle-même qui commençait à basculer dans ce monde si effrayant qu'on appelait sommeil ? Elle décida de lui demander afin d'en avoir le coeur net.

Tu as dit quelque chose ?

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée
15 juil. 2019, 00:46
Dans le noir  Privé 
Tu fus quelque peu vexée par sa remarque, mais tu n’en dis rien.

- Non...non rien.

Le fait d’entendre sa voix te réveilla complètement, et tu observais la fille discrètement.
Dans le noir, ses cheveux n’avaient pas vraiment de teinte, mais à la lueur de la lune, tu remarquais quelques mèches de feu. Sa peau était claire, et de ses yeux à moitiés fermées, coulait un liquide transparent.

Elle pleure . Elle a mal .

Cette pensée, bizarrement, te détendit, et tu te dis qu’elle ne s’occuperait sûrement pas de tes problèmes à toi.

Recollant l’ours à ton visage, tu fixais le sol, gênée.

Gênée de ne pouvoir rien dire. Gênée de la laisser pleurer. Gênée par cette rencontre inattendue. Gênée que quelqu’un te voit dans cette posture où tu paraissais si faible.
Gênée. Tout simplement.

Tu commençais alors à te détendre. Dans le noir, tu ne craignais rien.

Rien du tout.

Alors, pourquoi avais-tu peur de lui poser la question ? Tu savais pas.
Ça finit quand même par sortir, après quelques minutes d’hésitation.

- Ça...ça va ? Tu pleures...

Et si elle ne t’avait pas entendu . Et si elle dormait . Et si elle ne voulait pas te répondre . Et si... Et si...

Chut ! Tais-toi ! Ne pense plus ! Ne parle plus !

Justes écoutes. Comme l’enfant que tu es. Un enfant sage et obéissant.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.
15 juil. 2019, 19:20
Dans le noir  Privé 
     Kyana entendit la fille lui répondre, hocha la tête et posa à son tour son visage dans ses mains. A présent qu'elle était seule, sans personne autour d'elle pour se moquer d'elle, puisque cette fille ne semblait pas vouloir la contrarier, au du moins ne paraissait pas très intéressée par le fait qu'elle soit triste et n'aille pas bien -ce qui lui convenait très bien-, ses larmes s'échappaient de plus en plus rapidement, et jaillissaient à présent de ses yeux à la manière d'un torrent glacé et intarissable, comme celui qu'un jour, quand elle devait être âgée de trois ans environ, elle avait vu alors qu'ils étaient, avec ses parents et sa soeur, partis en vacances en France, dans une haute montagne dont elle ne se souvenait plus du nom. Celui qui l'avait tant impressionnée. Elle avait pleuré, aussi. Mais pas de tristesse, ni même de colère. Elle avait pleuré d'émotion. Peut-être avait-elle voulu imiter la montagne, qui déversait sa peine à sa manière, écrasante. 

Évidemment, ces larmes-là n'étaient pas aussi impressionnantes. Peut-être même ridicules. Kyana s'en fichait. Il fallait qu'elles s'écoulent. Il le fallait, elle en avait besoin, et ce, depuis son arrivée à l'école. Sa vie de solitaire ne l'avait pas préparée à ça. Elle ne s'attendait pas à tant de monde, tant de bruit, tant d'agitation. Et sa soeur lui manquait. Elle voulait la revoir. Elle aurait tout donné pour qu'elles soient ensemble, maintenant. Dans leur petite maison d'Edimbourg, ou ici. Peu importait le lieu, peu importait avec qui, elle voulait tant la revoir. Elle l'aimait tant !
Mais cet amour n'était pas -ou plus- réciproque, depuis que Kyana était partie. La lettre, c'était ce qui avait tout fait basculer. L'homme, aussi. Celui venu lui annoncer qu'elle était une sorcière et qu'elle devait abandonner sa famille pour rejoindre ces gens qui lui apprendraient à la contrôler. Sa Magie. Celle dont elle avait tant rêvé, étant enfant. Celle qui avait guidé son imagination, celle qui avait préservé son innocence. Jusqu'à la déchirure. Brutale, inattendue. La mort de sa mère. Là, Kyana n'avait plus rien espéré. Seule sa complicité avec sa soeur lui avait permis de tenir. Et voilà qu'à présent elle ne pouvait plus rien attendre de Maë. Elle la détestait. Et Kyana l'aimait.
La petite fille n'entendit pas immédiatement l'autre petite fille. Sa question mit du temps à parvenir jusqu'à son esprit, et elle répondit avec un instant de retard. Déjà qu'elle devait paraître ridicule, assise par terre, le visage dans les mains, les yeux clos et des larmes, voilà qu'elle se montrait stupide. Incapable de répondre à une question ! Elle prit une profonde inspiration, le torrent se tarit. Lentement, mais sûrement.

J'en sais rien... Je...

Elle se tut. La première des règles qu'elle s'était imposées : ne pas dépendre des autres. Elle y était parvenue, durant toutes ces années. Mais sans doute ce brusque changement, qui l'avait fait passer dans un monde dont elle ignorait totalement l'existence, l'avait tant perturbée que son caractère s'était retrouvé modifié ? Il ne fallait pas qu'elle se confie. Elle ne connaissait pas cette fille, et bien qu'elle semble sympathique, du moins à ses propres yeux, elle ne savait rien d'elle.

Kyana soupira. Elle en avait marre de paraître faible. Minable, petite, insignifiante. Elle ferma les yeux une nouvelle fois, résistant à l'envie de tout déballer. Cracher toute son histoire, l'évacuer, faire comme si, pendant un court instant, elle n'était plus la sienne, mais celle d'une inconnue faible, minable, petite, insignifiante.

Elle se retint.

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ent‘r‘êvée
19 juil. 2019, 14:15
Dans le noir  Privé 
Tu te sentie mal quand tu entendis la respiration très légèrement hoquetante de la fille et que tu la vis enfouir son visage dans ses mains.
Tu sentais que sa peine coulait derrière ses mains. Tu sentais qu’elle ne voulait pas rire ni sourire.
Tu sentais que, comme toi, elle voulait être seule. Elle se disait sans doute que tu ne comprendrais rien à son problème.


Et c’est vrai.


Chacun à son histoire. Il la voit avec ses yeux et ses sentiments. Peut-être que si tu savais, de ton point de vue, tu serais heureuse, ou en colère, ou apaisée.
C’est juste selon le point de vue et les sentiments.
Donc tu ne peux comprendre.


De toute façon, tu ne cherchais pas à la comprendre. C’était dans Sa Tête, et ça restera dans Sa Tête.
Tu ne pouvais rien faire d’autre qu’essayer de diminuer les flots de tristesse.


Tu n’aimes pas parler, en tout cas de toi, de ta famille, de ta vie. Mais tu peux parler des autres, de leurs tracas et de leurs peines. Tu peux parler pour apaiser. Mais c’est tout.



Elle sait pas. Elle est comme toi, elle sait pas.

- C’est normal. C’est normal de pas savoir. Comme...

Tu hésitais. Maman t’avait appris à fermer ta bouche quand il le fallait. Mais là, c’était autre chose.

- Comme cette jeune mère qui ne sait pas pourquoi son bébé crie. C’est Normal. Comme cet enfant qui ne sait pas quoi faire de sa vie. Comme ce chien qui ne sait pas pourquoi son maître l’a laissé là, tout seul. Comme cette petite fille ne sait pas pourquoi sa maman ne veut plus d’elle. Comme ce sans-abri qui ne sait pas comment il en est arrivé là. Comme cet arbre qui ne sait pas pourquoi l’Homme le découpe avec acharnement.

Tu repris ton souffle. C’était Normal. Juste Normal.

- Mais un jour, la maman a compris pourquoi son bébé pleurait. L’enfant a su ce qu’il voulait devenir. Ce chien a compris quand son maître est revenu avec des croquettes. Le sans-abri s’est rappelé de ses mauvaises notes. L’arbre a compris que c’était pour donner plus d’espace aux nouvelles pousses. Et la petite fille...

Et la petite fille ? Elle a préféré ne rien dire. Elle s’est enfoncée dans l’obscurité pesante du puit de la souffrance.


Maintenant c’est trop tard, elle essaye de remonter, mais le trou est trop profond.
Elle s’en casse les ongles. Elle hurle.
Mais jamais personne ne l’entendra.
Jamais.

- Normal.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.
20 juil. 2019, 22:52
Dans le noir  Privé 
Les larmes de Kyana coulaient encore de ses yeux lorsque la petite fille commença. Elle lui dit que c'était "normal". La petite Serdaigle soupira. Normal ? De se faire haïr par sa soeur ? Que celle-ci soit ainsi exclue de cet univers merveilleux dans lequel elle aurait eu pleinement sa place ? Certainement pas. Mais d'un certaine manière, cette fille avait raison. C'était Normal, avec un grand N. Elle semblait comprendre que Kyana ne parvienne pas à démêler ses sentiments. Elle paraissait... la connaître. Pas physiquement, elle ne s'étaient jamais vues auparavant. Mais elle avait l'air de savoir, comme si elle connaissait l'histoire de Kyana alors que celle-ci ne lui avait rien dit. Elle savait prononcer les bons mots.
L'autre petite fille prononça une longue phrase, que Kyana n'osa pas interrompre -elle était de ceux qui, selon les circonstances, savaient très bien choisir entre le silence et les paroles-, qui confirma ses impressions. Elle tentait de la rassurer, de la consoler, alors qu'elle ne savait rien.
Mais ses mots firent mouche. Les yeux de glace de la petite Lewis la scrutèrent avec admiration. A l'évidence, elle savait parler.
L'autre fillette reprit sa phrase, qu'elle laissa finalement en suspens, sans ajouter d'autre. Le regard de Kyana se teinta d'une légère curiosité, mais elle ne demanda rien. Si l'autre petite fille n'avait pas terminé sa phrase, c'est qu'il y avait une raison. Une raison qui lui appartenait, à elle. Et à elle seule.
Kyana plongea son regard dans celui, plus foncé, de sa voisine, et, incapable de prononcer une phrase complète, fit en sorte que sa gratitude soit visible dans ses yeux, qui se mirent à briller.
D'ordinaire, cette capacité lui servait à faire passer ses émotions les plus fortes, haine ou dégoût en général, lorsqu'elle n'arrivait pas à les qualifier.
Pas tout à fait sûre que l'autre fille puisse la voir dans la pénombre, elle murmura, de sa voix rendue rauque par ses sanglots :
Merci.

N'ayant pas vraiment eu l'occasion de parler avec des enfants de son âge depuis la mort de sa mère, elle ne pouvait pas dire quoi que ce soit de plus, ayant peur de faire un faux pas, mais au moins elle était sincère.
Kyana ne savait pas mentir. Elle avait même tendance à dire la plupart des choses qui lui passaient par la tête. On le lui avait bien entendu reproché, mais ces accusations ne l'avaient en aucun cas perturbée et elle avait continué à faire comme si de rien n'était.
Elle adressa tout de même un petit sourire à la petite fille, puis baissa à nouveau les yeux. La pénombre cacha la légère rougeur qui couvrait à présent ses joues, signe de la honte qu'elle éprouvait à ne pas pouvoir exprimer ses émotions avec des mots ou des signes affectueux, comme savaient si bien le faire la plupart des enfants.
Elle ne voulait pas demander son prénom à la petite fille. Elle préférait se dire qu'elle appartenait à son propre monde, son Imagination, qu'elle était une personne sortie de son esprit, une manière de se consoler. Elle voulait pouvoir se dire que cette fille n'était pas réelle. Elle voulait être la seule à la connaître.
Mais elle savait que c'était faux. Totalement, irrémédiablement faux. Malgré cela, elle était heureuse de l'avoir rencontrée. Fière d'avoir bravé les interdits, d'avoir quitté le dortoir en pleine nuit, heureuse d'avoir vu quelqu'un à ce moment-là. Quand elle était triste, désespérée, brisée. Quelqu'un qui l'avait consolée, rassurée, lui avait redonné confiance en elle.
Peut-être était-ce un miracle ? Impossible, elle n'y croyait plus depuis bien trop longtemps. Le destin ? Elle frissonna. L'idée que sa vie ait été décidée bien avant qu'elle ne l'ait envisagée lui était insupportable. Elle était maîtresse de ses choix, ainsi qu'on le lui ait toujours dit. Elle n'était pas tout à fait sûre que cela soit forcément une bonne chose au vu de tout ce qu'elle avait fait, de son plein gré, à partir de ses propres pensées, mais le fait que sa vie lui appartienne, à elle, et à elle seule, lui plaisait. Elle ne voulait pas avoir une autre force surnaturelle, en plus de sa Magie, sur la conscience.

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ent‘r‘êvée
22 juil. 2019, 22:36
Dans le noir  Privé 
T’aimes bien la poésie.

C’est jolie. C’est fort.
La poésie raconte. Elle raconte les Hommes, elle raconte le monde. Elle chante l’Espoir, mais aussi le Désespoir.

Des fois, dans ta tête, ou toute seule en marchant, tu deviens Poète.
Et tu te racontes.

Tu te racontes les arbres et les fleurs. Tu te racontes les gens qui marchent et qui parlent. Tu te racontes les enfants qui grandissent et les adultes qui vieillissent. Tu ne sais pas l’Amour, alors tu te racontes la Souffrance et la Tromperie. Tu te racontes la famille. Tu te racontes Toi et les Autres. Tu te racontes. Tout simplement.

Et cela te fait du bien.

Et là, tu avais encore envie de raconter. Sur ce couloir. Sur cette nuit. Sur Toi. Sur Elle. Sur Vous.




Pourquoi te contiens-tu, petite Poète. Pourquoi ne lâches-tu pas ce fardeau ?

Encore Elle.
Qui ça ?
La voix. Dans ma tête. Celle qui tinte et qui résonne. Celle qui me chante la Colère contre les Autres. Celle qui me dicte les vers. Celle que j’écoute.
Et bien ? Raconte !





Alors tu racontes. Dans ta tête.




Elle.
Elle est apparue, dans ce couloir sombre.
Elle est venue, vers toi comme une ombre.
Elle a pleuré, à chaudes larmes.
Elle a pleuré, à sortie les armes.
Et toi, dans un élan de bonté.
Et toi, tu es allé pour lui parler.
Mais n’était-ce pas un piège,
De parler, peut-être me trompai-je.
Et cette voix qui revient,
Qui te dit fui ! Par loin !
Et Elle.
Et la Lune.
Et Toi.
Poète obscure.
Qui souffre en silence
Qui souffre avec violence.
Tu aurais aimé pleurer, pour montrer
Que tu es seule, que tu es laid.
Sans bonheur, pleine de douleur.
Et Elle. Et Toi. Et la Lune.
Seule.





Merci. Merci ? Pourquoi ? Parce que tu lui as offert tes mots. Parce que tu n’es pas partie. Parce qu’une Poète, même si elle a mal, même si elle a peur, elle est là, pour Eux. Pour Tous.

Le monde est injuste.


Tu la regardes, sans sourire. Puis tu fermes tes yeux et reposes ta tête contre le mur. Rouvrant les yeux, tu murmurais.

- Faut pas pleurer.

Go away chicken ! Alison M.
Éloge à la Charogne.
27 juil. 2019, 22:27
Dans le noir  Privé 
Faut pas pleurer.

Kyana sourit, sans vraiment en connaître la raison. Sans doute était-ce parce que ce conseil, elle se l'était déjà donné. Un millier de fois. Et elle ne l'avait quasiment jamais appliqué. Mais là, elle voulait y croire. Pas seulement parce que cette petite fille l'avait aidée, mais parce que si elle avait su quoi lui dire, elle devait s'y connaître, émotionnellement parlant. Elle voulait suivre son conseil. Elle savait pourtant qu'elle en serait souvent incapable. Mais elle voulait y croire.

Comme elle avait cru à un certain nombre de choses, comme elle avait fait confiance à un certain nombre de personnes. Elle s'était toujours faite trahir. Sa mère lui avait promis qu'elle serait toujours là pour elle. Sa soeur lui avait dit qu'elle la soutiendrait quoi qu'il arrive. Seul son père avait toujours tenu ses promesses, en fait.

Mais peut être que cette fois-ci, si il s'agissait d'une sorte de serment qu'elle se faisait à elle-même, ça marcherait... Elle voulait y croire. Il fallait qu'elle y croie. Ne pas être toujours triste. Ressentir, ou du moins faire l'effort de tenter de ressentir de la joie, de l'espoir. Parce que si elle continuait ainsi, elle allait vraiment devenir dépressive. Elle le méritait amplement, bien entendu. Mais elle ne voulait pas paraître faible. Elle l'était déjà bien assez.

Aussi elle redressa la tête, carra les épaules. Elle inspira un grand coup. Ses larmes cessèrent de couler. D'un coup. Elle se sentait à nouveau prête pour faire face à la vie.

Je sais. Mais parfois... ça fait du bien.

Kyana espérait qu'elle la comprendrait. Elle ne dévoilait quasiment jamais ses sentiments, ses émotions. Et quand bien même elle l'aurait voulu, elle n'aurait pas pu le faire. Elle n'avait plus personne pour l'écouter. Alors elle pleurait seule. Silencieusement, parfois même à l'intérieur. Elle ne voulait pas que l'on sache qu'elle était triste. Parce que c'était dans sa nature de ne rien dire. De tout garder pour elle, de ne rien dévoiler. Mais si elle ne montrait jamais ses émotions, elle n'allait jamais aider les autres non plus. Pas seulement parce qu'à certains moments de sa vie, alors qu'elle était encore petite, quand sa mère n'était pas encore morte et qu'elle se sentait malheureuse, on n'avait rien fait pour elle, mais aussi parce qu'elle ne savait pas faire. Elle ne savait pas Parler comme cette autre petite fille, trouver les mots réconfortants. Elle, elle n'était bonne qu'à cracher les mots. A leur faire du mal. Elle ne savait les remodeler pour leur donner le bon sens qu'en les écrivant.

Elle aurait pu apprendre, diraient certains. Mais elle avait essayé. Et elle avait échoué. Peut-être parce qu'elle ne voulait pas changer. Parce qu'il était hors de question qu'elle rentre dans ce moule de perfection façonné par les adultes. Elle était elle, et elle déniait à quiconque le droit de tenter de la faire devenir une autre. Son caractère était étrange, et peu de gens l'appréciaient. Mais ça lui convenait très bien. Elle aimait la solitude.

Elle allait certainement se faire des amis au cours des sept prochaines années, et s'en était déjà fait. Mais elle tenait tout de même à sa solitude. Celle qui avait fait d'elle ce qu'elle était, celle qui était devenue son refuge après la mort de sa mère.

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