Un grincement sur sa droite fit sursauter la première année. Clairement, Ainsley n’était pas rassurée d’être là où elle était, surtout pas à l’heure où elle s’y trouvait, et avec raison. Pour la troisième nuit consécutive, elle se trouvait en dehors de son dortoir, après le couvre-feu. Si les fois précédentes, son retard avait été de quelques minutes seulement et était passé totalement inaperçu, ce n’était pas le cas ce soir, alors qu’elle errait dans le château, presque deux heures après la limite autorisée. Et avec la malchance qui était la sienne, elle n’avait aucun doute sur le fait que pour elle, la troisième fois serait la bonne. Ou plutôt la mauvaise.

Le tremblement du faisceau de lumière émanant de sa baguette était un indice évident que le goût du risque de la fillette n’était pas à l’origine de sa promenade nocturne. Loin de là. Ses sens étaient bien trop en alerte pour qu’elle puisse prendre le moindre plaisir à la montée d’adrénaline provoqué par la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle aurait probablement apprécié l’atmosphère magique de Poudlard la nuit, dans une autre situation : l’embrassement soudain de certaines torches sur son passage, le grincement des armures contre les murs, le claquement de portes dans la distance, le sifflement bruyant de l'air froid dans certains couloirs, l'odeur d'humidité dans d'autres, le gémissement des escaliers se déplaçant, le ronflement des portraits dans leurs toiles, échos magiques de sorciers morts pour la plupart depuis des siècles. Elle aurait vraiment apprécié cette ambiance sombre et mystérieuse et les frissons qu’elle lui provoquait chacun de ces détails si elle avait été dans une maison hantée, dans un parc d’attractions. Malheureusement, ce soir, ces éléments n’étaient pas le fait d’un jeu, mais la réalité, une réalité qui ne faisait qu’ajouter à la peur ressentie à l’idée de se faire surprendre par une figure d’autorité. Non, vraiment ce n’était pas son sens de l’aventure mais bien son étourderie qui était à l’origine du pétrin dans lequel elle se trouvait. Et dire que tout aurait pu se passer sans accros si Poudlard n’avait pas été si pleine de salle abandonnées qui demandaient à être visités.

Brusquement, la jeune sorcière s’arrêta, tel un lapin pris dans les phares. Elle mit quelques secondes à comprendre que c’était l’entrée en jeu d’un nouveau bruit qui avait attiré son attention : les pas d'une personne à proximité et très certainement en approche.


Ce qu’elle craignait le plus depuis maintenant deux heures qu’elle était à la recherche de sa salle commune venait d’arriver : quelqu’un était sur le point de la surprendre en pleine violation du règlement. Se souvenant de la sévérité avec laquelle il leur avait été dit l’interdiction de quitter leur salle commune après le couvre-feu, la fillette sentit la panique s’emparer de sa personne. Allait-elle se faire renvoyer ? Faire perdre des points à sa maison? Avoir des heures de colle ? Ses parents seraient-ils informés de son infraction ? Le torrent de questions et les réponses qu’Ainsley imaginait ne présageait rien de bon pour elle. Alors que l’option la plus logique aurait été d’aller en direction des bruits de pas, expliquer sa situation qui n’était finalement rien d’autre qu’un mauvais concours de circonstances et demander son chemin en priant pour que vraiment le crime avoué soit à moitié pardonné, la serdaigle opta pour quelque chose de moins malin. Laissant la gryffondor qui sommeillait en elle prendre le pas sur sa raison, elle se mit à courir en direction de ...et bien justement, elle ne savait pas.

Le bruit de ses chaussures sur le sol en pierre du couloir résonnait sur toute la longueur de ce dernier. Pourtant, Ennis n'était pas quelqu'un de très bruyant. Mais l'endroit était désert. En plus de ses pas, elle pouvait le moindre bruit qui se propageait d'une extrémité à l'autre du corridor. Éclairée par sa baguette pointée devant elle, la jeune irlandaise progressait dans le château, l'oreille attentive aux bruits suspects et l'esprit qui vagabondait entre plusieurs pensées.

La première quinzaine de septembre touchait maintenant à sa fin. ne première quinzaine riche en nouveauté pour Ennis. Nouveaux cours, qui la passionnaient plus ou moins en fonction de la matière, mais aussi nouvelles responsabilités. Celles de préfète. Des responsabilités arrivées en même temps que son badge cet été. Des responsabilités auxquelles elle ne s'attendait pas vraiment. Encore ce soir, alors qu'elle effectuait une ronde selon le planning qui avait été établi en fonction des emplois du temps de chacun et qui durait du couvre-feu à minuit, elle se demandait ce qui avait poussé le professeur Briggs - le directeur de la maison Gryffondor - à lui accorder une telle confiance. Elle était certes une bonne élève mais pas vraiment la plus sociale qui soit. Ni très proche de ses camarades. Pas réellement chaleureuse ou diplomate... Non vraiment, elle cherchait. Quoiqu'elle n'était pas le premier choix étrange. Et elle ne parlait pas de sa collègue mais plutôt d'un de leurs prédécesseur. George non plus n'était pas l'archétype ou le cliché du préfet rêvé. Et pourtant, l'enseignant en astronomie ne s'était pas vraiment trompé avec lui.

Des bruits de pas tirèrent la châtain de ses pensées. L'ouïe en alerte, la baguette à hauteur de son visage, elle tendit l'oreille pour en chercher la provenance. Ce n'était pas dans ce couloir, mais un peu plus loin. En direction d'une zone surveillée par l'un ou l'autre de ses confrères préfets. Elle ne savait plus qui était de ronde aujourd'hui... A moins que ça ne soit un professeur... Mais cela avait peu d'importance. Le bruit était trop précipité pour que cela soit quelqu'un qui devait effectivement être là. Alors la Gryffondor accéléra le pas pour rejoindre la source du bruit et comprendre ce qui pouvait bien avoir amené quelqu'un hors de sa salle commune deux heures après que le couvre feu ait sonné. Malgré sa marche rapide et ses pas allongé, petite comme elle était, la châtain compris bien vite que le ou la fautive était en train de courir pour s'éloigner d'elle le plus vite possible. La troisième année fit une petite moue contrariée avant de se mettre à la poursuite du contrevenant au règlement. Heureusement qu'elle était poursuiveuse - mais pour combien de temps avec cet emploi du temps alourdi - et qu'elle n'avait pas arrêté le sport cet été... Puis, en tournant dans le couloir voisin, elle vit la lueur d'une baguette qui s'éloignait. Elle avait trouvé la personne en faute. Alors sans vraiment ralentir elle l'apostropha:

- "Pas la peine d'aller plus loin!" Restait à savoir si l'élève s'arrêterait effectivement. Ennis hésita sur la marche à suivre si la personne n'obtempérait pas... Alors plutôt que de faire quelque chose de potentiellement répréhensible, elle accéléra encore pour rejoindre l'étudiant. Une étudiante, toute jeune. De Serdaigle.

Milles excuses pour le retard

La respiration quelque peu sifflante, Ainsley s’arrêta. Devant elle, une porte : elle avait pris un cul-de-sac ! Se maudissant une fois de plus de s’être laissée aller à la panique, la jeune aiglonne se rendit à l’évidence : elle était faite comme un rat. Et en plus, la petite course nocturne dans laquelle elle avait eu l’idée de génie d’entrainer un préfet, ou pire un professeur, avait très certainement contribué à aggraver la punition qui allait très bientôt lui être annoncée. Et dire que son errance nocturne était simplement due à moment d’inattention prolongé !

L’incapacité de la jeune sorcière à se repérer dans le labyrinthe qu’était Poudlard avait été l'élément déclencheur. C’est que son sens de l’orientation lui avait déjà causé pas mal de torts depuis la rentrée. Combien de fois s’était-elle perdue dans les couloirs ? Combien de fois s’était-elle trompée d’escaliers ? D’étages ? De salle de classe ? La dernière hypothèse lui rappelait d’ailleurs un événement tellement gênant que l’aiglonne sentit son visage s’enflammer. Elle avait en effet eu l’opportunité de découvrir qu’il y avait plus embarrassant que d’arriver en retard en cours : arriver en retard à un cours qui n’était pas le sien ! Cette situation avait été la goutte d’eau qui l’avait conduite à chercher une solution à son problème, avant que cela ne dégénère davantage et que ses professeurs ne se mettent à la sermonner sur son manque de ponctualité.

La tête sans cesse plongée dans un livre, elle avait rapidement abandonné l’idée de suivre ses camarades de classe car, prise par ses lectures, elle s’apercevait toujours trop tard de leur départ. Son niveau en magie étant loin d’être suffisant pour qu’elle sache par où commencer pour inventer l’équivalent magique d’un GPS, elle avait décidé de faire quelque chose qui lui était familier : des recherches à la bibliothèque. S’en était alors suivit des heures de déceptions et de joies de courtes durées, comme la fois où elle avait découvert l’enchantement des Quatre-Points, sortilège qui n’était au final qu’une boussole magique dont elle ne pouvait se servir, puisqu’il ne lui servait à rien de savoir où se trouvait le Nord, si elle ne savait pas où se situaient les salles qu'elle désirait rejoindre ! Finalement, après des heures infructueuses à la recherche d’une solution magique, elle avait fini par se décider pour une solution simple et moldue : la réalisation d’un plan ! C’était une idée qui aurait pu être réalisé sans accros si seulement Poudlard n’avait pas abondé de portes donnant sur des salles abandonnées, regorgeant de trésors divers et variées, ne demandant qu’à être découverts … du moins c’était comme ça que la fillette avait justifier sa décision d’ouvrir toutes les portes sur lesquelles elle tomberait. Et c’était à cela qu’elle avait passé son mercredi après-midi. Si la majorité des portes avaient données sur des placards à balai ou des pièces vides, quelques unes d’entre elles avaient su attiser la curiosité de l’aiglonne. Dans certains cas, il s’agissait de portes refusant de s’ouvrir, conduisant Ainsley à les indiquer sur son ébauche de plan comme des salles à explorer d’avantage une fois cet obstacle passé. Dans d’autres cas, de pièces pleines de suffisamment de bric à brac pour inciter la fillette à y entrer. C’était l’exploration d’une de ces pièces qui avait mis la jeune sorcière dans le pétrin dans lequel elle se trouvait actuellement. Voilà ce qu’elle aurait dû expliquer à la personne qui lui avait ordonné de ne pas aller plus loin, alors qu’elle se tournait vers elle. À la place, elle opta pour une de ces phrases incohérentes, spécialité du cerveau Ur’Quhart lorsqu’il était fatigué et sous-pression.

« Y’a pas encore la salle commune dessus et puis y'avait un livre sur les centaures alors j’étais perdu et le temps est passé trop vite ! »

Apparemment, sa phrase un peu lâchée au hasard eut l'effet escompté puisque la personne qu'elle poursuivait s'arrêta puis pivota lentement vers elle. Ennis bougea légèrement sa baguette pour voir son visage, en effet, la Serdaigle était jeune. Sans nul doute une première année puisque son visage ne lui disait absolument rien. Bien sûre Poudlard était immense mais les élèves n'était pas si nombreux et si Ennis se souvenait toujours avec peine des noms de ses camarades, elle s'en sortait pas trop mal avec leurs visages. Et ce visage là lui était encore inconnu, c'était donc, une première année puisque le reste de son physique criait sa jeunesse.

Avant même que la gryffonne n'ait pu lui demander la raison de sa présence dans un couloir en plein milieu de la nuit, l'aiglonne lui donna une explication fichtrement compliquée à comprendre. Dessus quoi? Et quel rapport avec les centaures? La troisième année se demanda si la fillette n'avait pas reçu un sortilège de confusion qui aurait expliqué son errance mais aussi ses propos. Sauf que sous ce type de sortilège, on essaye pas de fuir quand on tombe sur quelqu'un, tout simplement parce qu'on n'a plus la présence d'esprit de se dire qu'on est en faute. L'irlandaise l'observa encore un peu avant de parler:

- "Je ne sais pas de quoi tu parles mais tu es bien loin de la tour de Serdaigle. Et ce que tu m'expliques ne me dit pas pourquoi tu es là en plein milieu de ce couloir."