Le week end tant attendu était enfin arrivé. Le soleil était levé il y a quelques heures mais cela ne l’empêchait pas d’éclairer le ciel d’un bleu clair que seules les journées d’été avaient le secret. Pas un nuage, pas un seul oiseau, juste un ciel vierge qui annonçait une journée chaude en cette fin de mois de septembre. Ce samedi-là, Carry s’était levée tôt de son lit pour aller tâter du Souafle avant que les sélections d’automne ne commencent. Elle savait qu’avoir fait partie de l’équipe l’année dernière ne lui assurait pas sa place pour cette année. Dans la salle commune des verts, une rumeur disait que des premières et deuxièmes années voulaient rejoindre l’équipe des crochets d’argent et se présenteraient pour les sélections. Le problème, ils étaient nombreux, très nombreux et Carry était quasiment sûre que parmi eux se cachaient un ou un prodige qui allait surement prendre la place d’un membre de l’équipe voir peut-être même la sienne, c’était un scénario à ne pas écarter et de ce fait elle devait s’entrainer le plus possible pour maintenir sa place dans l’équipe tout en sachant que son niveau devait avoir considérablement baisser puisqu’elle n’eut pas eu l’occasion de s’entrainer pendant l’été chez elle.

Dans sa chambre, Carry se changea en deux trois mouvements avant de se regarder dans son miroir sur pied qui se trouvait près de son lit pour un dernier checklist. Ses cheveux étaient en ordre après plusieurs coups de peignes, sa robe noir et argent ne montrait aucun froissement et arborait en plus du blason de Serpentard un nouveau badge « sang-pur, je hais les moldus » qu’une autre élève de la même maison eut la gentillesse de lui donner pour l’aider à se racheter auprès des siens après avoir jeté au feu l’ancien badge que sa sœur lui avait fait. En soi le «je hais les moldus » était de trop mais bon au moins il y avait écrit sang pur dessus et il fallait se démarquer de la plèbe à tout prix.

Carry se rapprocha doucement du miroir pour inspecter son visage et remarqua avec agacement que ses yeux présentaient de légers cernes témoignant de son manque de sommeil. Comment pouvait-elle supposément dormir après toutes ces nuits à pleurer à cause de la blague de cet imbécile de Rufus dans la grande salle ? Peu importe, c’était le passé et maintenant elle devait se concentrer sur le Quidditch malgré la fatigue. Discrètement, Carry poussa la porte de sa chambre pour s’assurer de ne réveiller personne dans sa chambre avant de monter les escaliers de pierre en colimaçon menant directement à la grande salle commune des Serpentard qu’elle traversa sans présenter la moindre attention à ceux qui étaient déjà présents à l’intérieur. Elle avait déjà perdu assez de temps comme ça à se préparer, autant ne pas en perdre davantage.

Déterminer comme jamais, la troisième année sortie de sa salle commune avant de monter de nouveau les marches pour se rentre dans le grand hall principal du château. Sans grand étonnement, les couloirs étaient quasiment déserts en ce dimanche matin ce qui voulait dire que le terrain de Quidditch allait surement être libre lui aussi. Tant mieux, si Carry voulait s’entrainer, elle préférait le faire sans spectateur, ça la stresserait moins que s’il y avait un public.  D’un pas pressé, Carry baissa la tête pour éviter d’engager toute conversation pendant sa marche et s’engagea sans plus tarder dans la cour qui menait à l’extérieur de l’enceinte du château et donc au terrain de Quidditch. 

Dans cette même cour principale, la jeune fille aperçut la silhouette d’une femme qui semblait faire le chemin inverse. Une femme qui devait faire dans le mètre soixante-dix, une coupe aux carrées avec des cheveux noirs dont une mèche étrangement blanche… Carry s’arrêta net en la voyant approcher, elle savait qui cette femme était. Qui ne le savait pas ? C’était la directrice de l’école elle-même, Kristen Loewy. Le cœur de Carry commença à battre à une vitesse fulgurante et sentit ses veines se remplir de sang. D’après les dires de sa grande sœur Morrigan, miss Loewy était une personne qu’il ne fallait sous aucun prétexte s’approcher car dangereuse pour tout le monde. Carry se demandait à quel point la directrice pouvait être dangereuse, peut-être que Morrigan exagérait ses dires pour l’empêcher de la fréquenter mais la troisième année comprit très rapidement que ce que disait sa sœur n’était pas à prendre à la légère quand elle sentit une boule se former dans son ventre. Elle avait juste à l’éviter c’est bien ça . Carry prit une profonde inspiration et tête en avant, se précipita dans la direction de Miss Loewy à toute vitesse pour essayer de se diriger vers le stade de Quidditch sans vraiment entrer en contacte avec elle.


-Bonjour Miss Loewy, passez une bonne journée. Marmonna-t-elle doucement dans une voix presque innaudible en direction de la directrice quand elle arriva à son niveau. Sans attendre de reponse de sa part, Carry se precipita dans sa marche pour écourter les salutations et s’éloigner d'elle au plus vite.

Kristen Loewy était plus exécrable que jamais - si seulement c'était possible. Depuis la rentrée, elle s'était complètement repliée sur elle-même et n'adressait la parole aux autres êtres humains que lorsque cela lui était strictement nécessaire, pour ce qui concernait des questions administratives ou pour discuter des plans de la résistance, ou encore quand il était question de son entraînement à la magie. Mais ces discussions lui coûtaient, et la seule chose qui lui permettait de tenir était cette substance que Solar Kwon, l'ancienne professeure de botanique, lui avait recommandée, et qu'elle avait réussi à obtenir. Cette substance, dont elle usait et abusait, lui procurait aussi quelques tremblements désagréables dans les mains, ce qui avait le don de franchement l'irriter. Mais enfin, mains tremblantes ou non, elle pouvait au moins faire semblant d'être vivante auprès des autres tout en gérant le reste.

Ce jour-là, pour une fois, on put apercevoir Kristen Loewy en dehors de sa tour - ce qui était déjà rare les années passées, mais pire encore depuis le début du mois. Son visage n'affichait absolument aucune expression, ses yeux étaient éteints, ses pas étaient pressés et ses doigts, qui ne tremblaient pas encore, pianotaient machinalement dans le vide.

Elle se sentait hors du monde, comme dans une bulle hermétique, tandis qu'elle traversait les couloirs qu'elle choisissait selon leur population - il y avait bien des façons de se rendre où elle voulait aller. Moins ils étaient fréquentés, plus elle était susceptible de s'y trouver. Jusqu'ici, elle avait miraculeusement réussi à ne croiser personne d'autre que des élèves de première année qui s'étaient éclipsés à son passage, faisant mine de l'ignorer, ce qui lui allait très bien. C'est dans cet état d'esprit qu'elle croisa cette petite élève de Serpentard.

D'abord, elle n'entendit que sa voix. C'était une formule de politesse, et on sentait clairement que la gamine n'avait pas forcément envie de s'attarder dans le couloir où se trouvait la directrice de Poudlard. Kristen aurait pu ne pas y prêter attention, et simplement continuer son chemin, ignorant et acceptant d'être ignorée, pour le plus grand plaisir de tous. C'est d'ailleurs ce qu'elle fit, au début.

Et puis, elle s'arrêta et se retourna. Son cocon d'indifférence au monde avait, semble-t-il, reçu un petit impact. Kristen n'était pas sûre d'avoir bien vu, perdue entre le monde matériel et son univers spirituel franchement chaotique. Mais il lui semblait pourtant avoir capté un détail inhabituel chez cette élève qu'elle venait de croiser, quelque chose que ses yeux avaient perçu malgré elle. L'adolescente partait déjà dans l'autre direction. Le visage toujours complètement inexpressif, Kristen n'avait qu'un pas à faire dans la direction de l'élève pour être de nouveau à sa hauteur.

« Venez par-là, fit-elle en lui posant une main sur le bras pour la faire se retourner légèrement. »

Kristen l'examina sans rien dire, sans communiquer aucune expression. C'est alors qu'elle vit cette petite chose qui n'aurait pas dû être là, cette petite tâche de couleur sous le blason de l'élève. C'était un badge qui disait qu'elle était de sang-pur et qu'elle haïssait les Moldus. Les yeux baissés sur le badge en question, Kristen demanda d'une voix monotone :

« Qu'est-ce que cette ineptie ? »

Malheur, la directrice la rattrapa d’un pas en arrière et l’avait interpellé en la saisissant par l’épaule. Sa poigne n’était pas ferme mais elle était assez forte pour faire pivoter la Serpentard dans sa direction pour la forcer à la regarder. Son regard était quasiment inexpressif voir quasiment neutre, c’était effrayant au point où Carry ne put s’empêcher d’exprimer une légère grimace effrayée quand elle rencontra les yeux bleus de la chef d’établissement. Elle devait surement être fatiguée vu la taille des cernes qui logeaient sous ses yeux, il faut dire qu’avec les événements en dehors de l’école, il y avait en effet de quoi ne pas dormir mais la troisième année ne put s’en préoccuper plus que ça puisque la directrice la tira de ses rêveries en lui posant la question de ce qu’était le badge qu’elle portait. Carry baissa les yeux pour être sûre de voir de quoi miss Loewy voulait parler et releva sa tête aussitôt après avoir confirmé ses doutes. *Ne lui parle pas, Morrigan a dit qu’elle était folle… Je dois partir d’ici au plus vite ! * Sans s’en rendre compte, Carry commençait à trembler de peur. De manières récurrentes, elle essayait de se dégager avec frénésie de la poigne de miss Loewy mais sans succès.

-Eh bien… I-Il s’agit d’un badge Madame la directrice... Essaya d’articuler Carry en continuant d’essayer de se dégager. A-attendez, ce n’est pas ce que vous croyez miss ! C’est… C’est… Je… Je peux tout expliquer…

Carry se rendit bien vite compte qu’elle était à court d’argumentation sur le fait de porter ce genre de badge devant la directrice. Évidemment qu’elle n’était pas du côté de Miss Parkinson sinon le château ne serait pas devenu une ile et aurait accueilli à bras ouverts les manteaux noirs du Conseil sorcier. Or ce n’était clairement pas le cas. 

Le temps passait extrêmement lentement, chaque seconde passait comme des heures et pendant ce temps-là, Carry était en train de réfléchir à ce qu’elle risquait comme punition pour porter un badge qui ne correspondait pas aux mœurs de l’école et qui plus est avait une phrase incitant à la haine. Le nettoyage de la salle des trophées ? Une retenue ? Un renvoie ? La jeune fille sentait un frisson descendre le long de son dos quand elle pensa à la possible sanction qu’elle pourrait encourir si elle se laissait prendre. *Si je me laisse prendre ?*. Carry sentait une bouffée d’air chaud lui monter dans tout le corps quand elle comprit qu’elle avait une solution qui pouvait la tirer de la : la fuite. C’était lâche en effet mais c’était la seule solution pour s’en sortir sans rien subir en retour et elle le savait. Après tout, Miss Loewy devait avoir des milliers d’élèves, si Harrison arrivait à la semer, il était très peu probable que la directive réussisse à la retrouver dans cette foule d’étudiants et qu’elle se souvienne de son visage et puis Carry était presque certaine qu’une femme comme elle avait mieux à faire que de la pourchasser. 

L’élève de Serpentard, préparant son plan d’évasion, regarda rapidement le couloir qui allait lui apporter la liberté. Tout ce qu’elle avait à faire était tout simple, le couloir extérieur n’avait qu’un seul chemin qui allait tout droit et menait directement au stade, une fois au stade, elle se réfugierait dans les vestiaires en attendant que tout se calme. C’était un plan, un bon plan après est ce que la jeune fille allait réussir? Elle allait très vite le découvrir. 

-Pardon madame mais je dois y'aller ! Lâcha Carry dans ce qui semblait presque être un cri remplit de précipitation.

Alors Carry prit sa chance dans les secondes qui suivirent. Elle détourna son regard de la chef d’établissement et fixa son regard en direction de son objectif avant de se mettre à tirer sur les muscles de ses jambes pour se libérer de l’emprise de Miss Loewy qui finit par lâcher prise. *Oui ! *pensa-t-elle Toute contente. Enfin libre, Carry se mit à courir aussi vite que possible en essayant de ne pas s’emmêler les jambes dans sa robe tout en évitant de regarder en arrière pour voir si la directrice de Poudlard avait commencé à la prendre en chasse. La sortie du couloir était loin, mais plus les secondes passaient et plus la sortie se rapprochait, Carry était si proche du but qu’elle prit le luxe de se retourner vers miss Loewy pour lui faire un pied-de-nez en riant jaune. Une erreur qui allait sans aucun doute lui couter cher.

D'abord, Kristen regarda l'enfant s'en aller avec un air tout aussi indifférent qu'il l'avait été jusque-là. Bien sûr, que c'était un badge, Kristen n'était pas stupide - et elle avait horreur d'être prise pour une imbécile. Mais la fuite de l'enfant la fatiguait : elle n'avait pas l'intention de se lancer à sa poursuite... Jusqu'au moment où la gamine se retourna, ricana et fit un pied-de-nez à la directrice de Poudlard. Kristen prit une grande inspiration qui fit se soulever ses épaules, sortit sa baguette magique d'un mouvement d'une telle rapidité qu'il aurait été difficile de le voir pour un œil non entrainé. Une lumière fusa et l'instant d'après, la Serpentard était pétrifiée dans sa position moqueuse, à terre.

Lentement, les mains dans les poches, Kristen se rapprocha de l'élève pétrifiée, qui pouvait encore la voir et l'entendre. Elle sortit une main de sa poche et redressa l'enfant-statue sur ses pieds. La regardant dans les yeux et d'une voix toujours dépourvue d'intonation, elle dit :

« Ce n'est pas très poli. »

Kristen s'éloigna d'un pas, tenant toujours l'enfant en position debout. D'un autre mouvement de baguette, elle fit léviter son corps.

« C'est fort dommage, je n'avais aucunement l'intention de vous faire visiter mon bureau. »

Cela étant dit, elle relâcha le corps de l'enfant, qui lévitait. La baguette pointée vers la statue moqueuse pour la maintenir en l'air, elle entreprit de faire un petit détour avant de régler ses affaires, direction son bureau. La méthode était certes peu orthodoxe, mais c'était bien le cadet de ses soucis.

Évidemment que la directrice allait reagir. À quoi s’attendait-elle d’autre ? Son arrogance allait lui couter cher et elle le savait très bien. Tout en connaissance de cause, elle s’était quand même arrêtée pour narguer la directrice de l’école. Stupide ? Le mot était bien trop faible pour décrire le comportement d’Harrison. D’un geste que Carry ne put voir, un flash l’aveugla pendant quelques secondes et pendant les secondes qui suivirent, plus rien. Carry ne ressentait plus rien. Sa peau était aussi dure que de la pierre et elle avait l’impression que son corps pesait des tonnes avant de tomber au sol sans même pas ressentir la douleur. À plusieurs reprises, elle essaya aussi fort que possible de bouger chaque membre de son corps avant de se rendre compte que c’était complètement inutile. Elle etait figee.

Miss Loewy approchait d’un pas lent, la statue pouvait l’entendre arriver. Elle ne la voyait pas mais elle pouvait très bien l’entendre de la ou elle etait. La seule chose qu’elle pouvait voir, c’était l’intérieur du toit du couloir qu’elle avait essayé de traverser un peu plus tot.  Une fois arrivée, la directrice remis sur pied Carry avant de lui faire comme commentaire que ce n’était pas très poli de se comporter ainsi. Elle aurait bien voulu lui répondre, mais impossible de parler quand on etait transformee en statue. Ses yeux, sa bouche, son visage, son expression, sa tête, son corps entier était complètement immobile dans une position plus que grotesque. Carry, se rendant compte qu’elle allait payer très cher son manque de respect, essaya de crier tant bien que mal pour appeler de l’aide mais c’était peine perdue. Quand bien même si quelqu’un répondait à son appel au secours, que pourraient-ils faire face à la directrice de l’école ? Mais à situation désespérée mesure désespérée.

Quelques secondes après les remarques de la directrice, Carry sentie son corps comme flotté dans les airs. Elle réalisa très vite que ce n’était pas qu’un sentiment, c’était la réalité. Son corps de pierre était en train de voler dans les airs au côté de Miss Loewy qui l’accompagnait en marchant juste à sa gauche. Sans vraiment se presser,elles prirent le chemin inverse de celui que Carry voulait prendre ce matin : au lieu de se diriger vers le stade, elles se dirigeaient vers l’intérieur du château qui commençait à gagner en activité. Une fois qu’elles entrèrent par la porte principale, toutes deux rejoignirent le hall principal sous les commentaires d’élevés. Carry ragea interieurement, encore cette situation d'humiliation.

Toujours suspendue dans les airs, elle pouvait entendre des élèves chuchoter et faire des commentaires désobligeants sur sa position actuelle. Certains étaient consternés mais ils y’en avaient beaucoup plus qui rigolaient d’elle. La haine s’empara du petit morceau de pierre qui voulait tout exploser, mais rien à faire, il était toujours impossible pour elle de bouger. À chaque étage qu’elles montèrent, il y avait un nouveau groupe d’étudiants qui ne manqua pas de crier le nom de Carry en rigolant tout en y ajoutant une blague vaseuse derrière. Elle en avait marre de toute cette humiliation, elle voulait en finir une bonne fois pour toutes. Tout en flottant au côté de Kristen Loewy, Carry se demandait si elle en tirait un plaisir malsain de la voir dans une telle position de faiblesse. Après tout, elle avait osé se moquer d’elle, cela n’aurait été que de bonne guerre de lui faire subir une telle humiliation. *Morrigan avait raison, elle est complètement folle ! *

Encore et encore, Carry essaya de crier mais tout ce qui sortit d’elle n’était que la forte respiration qu’elle prenait pour essayer de crier encore plus fort qu'avant. Quelques étages plus haut, enfin la directrice et son colis arrivèrent dans un couloir qui menait directement dans une petite pièce remplit d’un grand aigle en or. Carry avait déjà entendu parler du fameux bureau de la directrice mais jamais elle n’aurait pensé qu’elle le verrait pour la première fois dans de pareil circonstance. Mais bon ce n’était plus le moment de s’apitoyer, il fallait trouver un moyen de s’en sortir et vite car pour l’instant elle était toujours immobile comme un statue et attendait que la directrice la face entrée dans son antre.

Carry devait trouver une solution pour vite se tirer d’affaire. Il était encore temps de pouvoir éviter la punition et de s’échapper, la question était : quand ? Elle allait être patiente et agirait pendant le moment le plus opportun pour elle mais elle devait faire vite car sa fenêtre d’action allait surement être petite et courte.

Une fois arrivée dans son bureau, Kristen interrompit le charme de lévitation des corps, ce qui eut pour effet de reposer l'enfant statue sur ses pieds. Elle prit le soin de verrouiller la porte et se dirigea vers le bureau, élément central de la pièce, pour se payer le luxe de faire un peu de rangement. D'ici, la gamine toujours pétrifiée ne pouvait pas voir que Kristen planquait sous le meuble une bouteille quasiment vide de vin rouge, qui traînait là depuis la veille, ainsi qu'un élégant verre à pied. C'était l'un de ses vieux vices, mais qu'elle contrôlait mieux désormais. Elle n'en était plus à se mettre minable, il s'agissait simplement d'un moyen de faire une pause dans ses pensées, ce qui n'était pas franchement compatible avec la substance qu'elle consommait et qui lui permettait de penser à tout en même temps. Son esprit était devenu dépendant de ces deux éléments, pour se mettre à plein régime ou pour se mettre provisoirement en veille, avant le coucher notamment. En posant le verre par terre, Kristen sentit sa main trembler et elle tiqua. Finalement, elle se laissa tomber sur son fauteuil, pointa sa baguette vers l'enfant et leva le sortilège de pétrification.

« Êtes-vous disposée à discuter, ou chercherez-vous encore à prendre la fuite ? demanda-t-elle d'un ton las, sachant pertinemment que l'enfant n'avait pas vraiment le choix. »

Posant ses deux mains à plat sur son bureau, Kristen fixa l'enfant.

« Remerciez donc votre étonnante capacité à vous rendre ridicule : je n'ai aucun besoin d'ajouter la moindre punition au déshonneur que vous vous êtes infligée avec votre attitude grotesque. En revanche, j'aimerais discuter avec vous de ce badge que vous arborez. »

Enfin le sortilège de pétrification avait cessé. Si elle en avait eu la chance, bien sûr que Carry aurait pris ses jambes à son coup sans même se retourner. Mais cette fois Miss Loewy avait pris des précautions en fermant la porte a cout de baguette. La troisième année s’était retournée pour regarder en direction de la porte dans l’espoir de voir celle-ci peut être même entre-ouverte mais non, ses yeux ne lui avaient pas joué des tours, la porte était belle et bien fermée.

L’air refrognée et les yeux aux sols, la Serpentard baissa la tête tout en la secouant lui indiquant qu’elle n’essayera plus de s’échapper. *Comme si j’avais le choix…*Telle une prisonnière, Carry mit ses mains derrière le dos en signe d’abandon et s’avança très lentement vers miss Loewy. Elle était résolue et savait qu’elle n’échapperait pas à son châtiment pour avoir osé s’être moquée de la directrice en personne. Qu’allait-elle avoir ? Une retenue ? Un Renvoie ? des travaux d’intérêts généraux ? Un renvoie ? La dernière suggestion donna un frisson à Carry car elle savait déjà que si jamais elle se faisait renvoyer, sa mère souhaitait l’envoyer a Beauxbatons, l’académie Française de magie pour apparemment lui apprendre à se comporter comme une véritable sorcière moderne. Baliverne, il était hors de question qu’elle rejoigne une école dont elle ne savait rien, qui plus est son français était des plus atroces mais Carry voyait déjà trop loin car pour l’instant elle devait affronter le châtiment de la directrice de Poudlard.

A sa grande surprise, Miss Loewy ne lui attribua pas de punition, lui signifiant qu’elle s’était déjà assez ridiculisée pour subir une nouvelle punition. Cependant elle rapporta toute son attention sur le badge que Carry portait. Le fameu badge Pur-Blood, I hate Mudblood. Carry savait que c’était stupide de porter ce genre de badge en public après tous les beaux discours qu’elle avait fait auparavant mais elle restait quelqu’un de fière et souhaitait ne plus jamais connaitre la solitude qui l’avait rongée pendant plusieurs jours. Tout juste hier, un groupe de Sang-pur lui avait proposé de rejoindre les rangs mais pour les rejoindre et prouver sa fidélité, Carry devait porter ce fichu badge pendant une journée entière…Mais le jour venu, c’est le chemin de Miss Loewy qu’elle rencontra et elle avait bien remarqué le badge, elle.  La phrase était clairement de trop et très clairement elle allait le lui faire remarquer.

-Je…Je ne tenterai plus de fuir Miss…Carry baissa encore plus la tête. Je vous remercie de ne pas m’avoir puni *Même si vous m’avez insulté indirectement* Pour ce qui est du badge …Ce n’est pas ce que vous croyez je vous assure que… Je…Je… Carry etait comme paralisee de nouveaux et n’arrivait pas à trouver les mots pour s'exprimer. Elle avait peur. Peur de savoir qu’un mot de travers pourrait la renvoyer directement chez ses parents à Oxford et elle ne voulait pas y retourner, elle ne voulait pas quitter cet endroit malgré toute la haine que les élèves éprouvaient pour elle. Poudlard restait sa deuxieme maison et Serpentard sa deuxieme famille...

D'abord, il y eu un silence pesant pendant lequel Kristen continua de fixer l'enfant dont elle ne se souvenait même pas du nom - cela ne l'intéressait qu'à moitié, à vrai dire, du moins pour l'instant. Elle croisa les mains devant elle, coudes sur le bureau, pour calmer les quelques tremblements qui saisissaient le bout de ses doigts comme des spasmes. Puis, elle prit une inspiration profonde.

« Oh, ce n'est pas ce que je crois ? Si je ne m'abuse, vous n'avez aucune idée de ce que je crois, Mademoiselle. »

Pour la première fois depuis qu'elle avait croisé la route de l'élève de Serpentard - et pour la première fois de la journée, à vrai dire, Kristen s'autorisa un bref sourire, si bref qu'il passa sur son visage comme un coup de vent que l'on n'attend pas. Cela aurait pu être un sourire amusé, si elle avait été la même que quelques mois auparavant : mais en l'occurrence, c'était plutôt un sourire dérangeant, presque paranormal.

« Sang-Pur. Je hais les Moldus, lut-elle. »

Nouveau silence. Kristen serra ses doigts croisés et les desserra compulsivement, trop fort. Son regard bleu, vide, resta ancré sur le badge un moment avant de se reporter sur les yeux de la jeune fille. Finalement, elle demanda, comme si sa question n’avait rien de surprenant :

« Quels sont vos arguments ? »

Les mots de Miss Loewy claquèrent dans les oreilles de Carry quand elle lut le badge que la Serpentard portait. Comme s’était étrange, elle qui aurait dû se sentir fière de porter ce badge se sentait toute honteuse de le porter. C’était comme si sa conscience et sa raison étaient tous les deux revenus à la vie. Carry baissa ferma les yeux et baissa encor plus la tête comme si la jeune fille allait passer à la guillotine.

Miss Loewy voulait la raison du pourquoi elle portait ce badge mais que voulait-elle avoir comme réponse ? Le badge en lui-même en disait déjà bien long sur la mentalité de la petite fille pourtant. Mais non, il fallait qu’elle réclame quand même des explications sur ce badge. Au fin fond d’elle-même, Carry sentait son ancienne elle se réveiller. Son ancienne elle qui était remplit de rage, de haine et de rancœurs. Il ne fallait pas lui céder ne serait-ce qu’une once de terrain et lui laisser le contrôle car autrement, les conséquences pouvaient-être désastreuse surtout quand Carry faisait face à la directrice de l’école, ce n’était pas un professeur quelconque cette fois.

La troisième année ne savait pas vraiment quoi répondre, elle jouait avec ses doigts et essayait vainement de relever la tête pour affronter le regard de Miss Loewy. Elle n’avait pas vraiment l’air en colère, ni même de s’en préoccuper et pourtant Carry se tenait là dans son bureau prête à recevoir une leçon. Qu’allait-elle lui dire ? Qu’elle haïssait les né-moldus ? Non ça serait stupide et ça signerait surement une punition. Il fallait trouver quelque chose et vite.

-Eh bien…ce badge c’est un… gage ? Carry fut surprise pendant un instant de l’idée qu’elle venait de trouver. Oui c’est cela, c’est un gage ! C’est pour ça que je vous ai dit que ce n’est pas du tout ce que vous croyez ! Je devais le porter une journée entière et… je ne voulais pas qu’on me voit avec c’est pour ça que j’ai commencé à fuir… Vous comprenez ? Je ne pense pas du tout ce qu’il y a écrit dessus…*Et vous ne me connaissez même pas donc vous ignorez tout de moi donc aucune raison de me retenir…Dépêchez-vous de me laisser partir… pitié …*

Carry était fière de l’excuse qu’elle venait de trouver. Elle avait du sens et c’était partiellement la vérité, juste légèrement modifier. Avec un peu de chance Miss Loewy comprendrait et la laisserait partir. Le problème c’était que son plan semblait trop parfait pour elle, tellement parfait qu’elle se retenait d’éclater de rire devant la directrice… Si elle rigolait ou si même Miss Loewy remarquait…Ça serait la fin. 

Il n'était pas nécessaire de maîtriser la légilimancie pour percevoir le mensonge dans les paroles de l'élève. C'était gros comme le nez d'un gobelin au milieu de la figure : elle semblait elle-même surprise par sa réponse. L'intonation révélait le mensonge aussi bien que sa construction : on a toujours le choix d'accepter un gage ou non, et en l'occurrence, la jeune fille ne semblait pas le moins du monde contrainte ou menacée ; quand Kristen l'avait croisée, personne ne surveillait la gamine pour voir si elle portait bien un badge, et, cerise sur le gâteau, le pied-de-nez n'avait aucune place légitime dans son histoire.

« Si vous voulez me mentir, ayez au moins la décence de le faire correctement..., soupira Kristen, lasse. »

Elle s'enfonça dans son siège, prise de fatigue. Cette enfant l'ennuyait franchement.

« Je vous le redemande : quels sont vos arguments ? Pourquoi certains sorciers devraient-ils se réclamer de sang-pur et haïr les Moldus, d'après vous ? »

Tout ce qu'elle espérait, c'était que l'élève pourrait lui offrir un point de vue intéressant sur la question, au lieu de chercher à s'éviter une punition qui, pour l'heure, n'était pas prévue. Après tout, lorsque Kristen était enfant, elle n'était pas des plus aimables avec ses camarades nés-Moldus - même si elle n'était en vérité aimable avec personne. Aujourd'hui, elle ne considérait plus les nés-Moldus comme inférieurs de quelque façon, au contraire, elle estimait qu'ils avaient hérité de pouvoirs magiques pour une raison qui pouvait, d'une certaine manière, les rendre particuliers - comme des élus. Ce n'était bien sûr pas non plus une excellente façon de voir les choses, car c'était estimer que les sorciers étaient supérieurs aux Moldus et que seuls les Moldus trop bons pour rester de simples humains sans pouvoirs magiques recevaient le privilège inestimable de produire de la magie. Mais bon, après tout, c'était mieux. Et pour autant, elle ne haïssait pas les Moldus, ils lui étaient simplement assez indifférents, comme ne faisant pas partie de son monde.