Inscription
Connexion

12 févr. 2020, 16:18
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
4 novembre 2044
Couloirs — Poudlard
4ème année


Je pensais être ravie de revenir dans le Monde. L’idée de quitter l’infirmerie me soulageait si fort que c’est à peine si j’ai pu dormir la nuit dernière. Pourtant, je ne suis pas ravie. Je n’étais pas ravie quand Aodren m’a raccompagné à la Salle Commune ce matin, pas plus que je ne le suis désormais en déambulant dans les couloirs. Le Monde me semble si grand et si inconnu ; je frôle pourtant les mêmes murs que j’ai frôlé il y a quatre jours, je passe devant les mêmes salles, je sens les mêmes odeurs. Mais tout à l’air si différent — moi en premier. J’ai oublié comment sourire, ma bouche est verrouillée et rien ne semble pouvoir la faire s’ouvrir. De toute manière, à quoi bon parler ? Je ne suis bonne qu’à bafouiller et articuler des mots incohérents. Alors je garde bouche close.

Je n’ai quasiment pas parlé depuis… Je ne sais plus. Depuis que je suis rentrée de l’infirmerie jusqu’au moment où j’ai quitté le dortoir, je n’ai pas ouvert la bouche, me contentant de répondre à Thalia par des haussements d’épaules et des mouvements de la bouche. Mais elle a semblé comprendre, car elle n’a rien dit. Elle est resté près de moi, silencieuse ou m’offrant des paroles qui n’attendaient pas de réponse. A midi, puisque j’ai refusé de descendre dans la Grande Salle, elle m’a ramené une assiette que je n’ai pas mangé. Puis elle s’est contenté d’Être, avec moi.

Je n’ai pas pu rester.
Regarder le plafond de mon lit a fini par être insupportable. Je n’ai pas pu supporter plus longtemps d’être statique. Je me suis levée et j’ai pris la direction de la sortie, jetant tout juste un regard à Thalia pour lui indiquer que j’allais sortir et qu’elle ne devait pas me suivre. Zikomo est venu avec moi. Si j’avais pu articuler une phrase sans difficulté, j’aurais refusé qu’il m’accompagne. Mais je ne peux rien articuler, alors il est venu.

Je me sens si mal. Mon corps est faible, ma tête me fait mal, mes yeux sont douloureux. Je suis si frêle, si tremblante. Me lever est fatiguant, m’allonger également. Et mes pensées, que dire de mes pensées ? Mon esprit est un maelstrom douloureux, il y a mon inquiétude pour Maman qui me bouffe le coeur, les souvenirs du Bal qui me frappent constamment et mon état, si pitoyable, si lamentable, qui m’achève. Tout cela se mélange allègrement dans ma tête, parfois je ne sais même plus pourquoi j’ai constamment envie de pleurer.  Je n’arrive pas à réfléchir correctement. Merlin, qu’est-ce qui ne va pas avec moi ?

Mes pas me mènent dans le couloir de la salle de bal. Il est long et sinuant. Comme le Couloir de la Mort, il me défie de le traverser. Je suis immobile. Mes jambes flageolent d’avoir marché si longtemps, déambulant sans but dans le château, et j’ai caché mes mains dans mes poches pour oublier que mes doigts sont moites et qu’ils tremblent comme ceux d’un vieillard. *Et si ça s’arrête jamais ?* ; l’idée fixe me malmène, j’ai peur d’être ainsi pour toujours, souffrante et faible. Je plisse des yeux ; à une dizaine de mètres devant moi, la porte d’entrée de la salle de bal. Une lumière faiblarde éclaire le couloir, ses éclats me frappent les rétines.
J’ai envie de pleurer.
Ma tête est déchiquetée par la douleur, comme si un feu ardent brûlait à l’intérieur de mon crâne et s’amusait à lancer des étincelles sur mes nerfs. Mais surtout, j’ai peur. Je crains ce que je vais découvrir si je m’avance plus que nécessaire vers la salle qui m’a Ravi.

Zikomo est gentil. Il ne dit rien, pas plus que toutes les autres fois où je me suis arrêtée, une main contre un mur pour me soutenir, attendant que la douleur s’en aille ou que je retrouve la force de continuer. Je m’approche du mur à petits pas, le coeur au bord des lèvres, l’être rengorgeant de Peur, de Frustration et de Douleur. Je m'adosse à la pierre, ferme les yeux et me laisse glisser au sol. Je me déteste d’être ainsi, je me déteste, je me déteste. *J’me déteste*. Je plaque les mains sur mes yeux pour empêcher mes foutues larmes de couler ; j’en ai assez de chialer, assez. Mais elle sont toujours là à me surveiller, les larmes, à sauter sur la moindre occasion pour envahir mon regard.

« Aelle, tu vas bien ? »

La voix inquiète de Zikomo me parvient à travers le brouillard de mon mal-être. Je soulève la tête tant bien que mal. Son petit museau se tend vers moi et ses oreilles se baissent sur son crâne. J’ouvre la bouche, sachant d’avance que je serais incapable de formuler simplement ma phrase.

« Tu… »

Les mots sont devenus de Grands Inconnus. Je n’ai pourtant jamais eu de mal avec eux. J’ai appris très facilement à écrire et je lis sans difficulté. Je comprends la grammaire et la conjugaison tout autant que la syntaxe et les règles de l’orthographe. Je connais du vocabulaire plus poussé que les idiots de mon âge et peux soutenir une discussion dans un anglais soutenu lorsque cela m’est nécessaire. C’est ce que je fais souvent avec Maman ou Zakary. Ce que je faisais. Parce que maintenant, en plus d’être incapable de me concentrer plus d’une heure sans avoir l’impression que mon cerveau me coule par les oreilles, je suis incapable de mettre un mot parlé sur ma pensée. Absolument incapable.
Je suis devenue Débile.
*C’est d’l’aphasie* me dit la voix d’Aodren dans ma tête.
*La ferme !* lui réponds-je. Je veux pas l’entendre, pas lui.
Je me concentre sur Zikomo, papillonnant des paupières pour revenir à moi. Me sortir de la torpeur de mon esprit est difficile mais je finis par me rappeler de ce que je voulais dire.

« Tu peux aller… Re… Re… »

Putain de mot ! Je l’entends dans ma tête, je le vois dans mon esprit, je sais ce que je veux dire. Je veux qu’il aille regarder ! Ce n’est pas si difficile, nom de merlin ! Je désigne la porte de la salle de bal de mon menton tremblant, posant sur Zik un regard plein d’espoir et de frustration — comprends-moi, je t’en prie, ne me fais pas répéter, ne me fais pas parler ! Heureusement, c’est Zikomo. Il Sait toujours, Zikomo. Il me rassure en quelques paroles et le voilà à bondir en direction de la salle de bal. En me laissant seule dans mon corps, en tête à tête avec ma douleur et ma frustration qui ne veulent pas détourner de moi leur attention flamboyante.
Dernière modification par Aelle Bristyle le 22 sept. 2020, 11:37, modifié 1 fois.

06 sept. 2020, 23:20
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
Le vendredi 4 novembre 2044
Après manger
Dans les couloirs alentours à la salle de bal

2ème année


Aujourd'hui, le temps n'est pas beau. Certains se sont sûrement levés en bougonnant parce que le soleil ne les a pas réveillé, peut-être même qu'il les a mis en retard, quand d'autres ont préféré se dépêcher de sortir dans le parc avant qu'il ne se mette à pleuvoir. J'ai jeté un œil dehors, en sortant de table (seulement à ce moment-là parce que je me suis perdue toute la matinée dans les méandres d'un bouquin), et je dois avouer que les nuages sont menaçants par tous leurs aspects : ils sont si sombres et ont l'air si lourds. Ils doivent en avoir gros sur la patate, comme a dit Chems quand il m'a perdu dans ce couloir. J'ai l'habitude de ne pas le prévenir lorsque je m'arrête et alors de le laisser marcher voire même de me parler sans que je ne sois à ses côtés. À chaque fois, sa réaction m'amuse, un petit sourire se dessine sur ma face. Et en y repensant – maintenant que je l'ai quitté pour aller me promener – le même genre d'esquisse apparaît.

Si j'ai l'habitude de me promener le vendredi après-midi, parce que je n'ai jamais cours à ce moment-là, cette promenade que j'entreprends tout juste me donne une impression bizarre. Mais ce n'est pas tant sa faute, à cette promenade, que c'est la faute des murs de ce château. *Non*, ce ne sont pas eux qui sont bizarres. Je peux le lire les visages que je croise : c'est le Monde tout entier qui est bizarre.

Et si j'en veux aux murs de m'entourer aussi épaissement je les remercie de le faire parce qu'il est assez réconfortant de marcher parmi eux.

Aujourd'hui, Lune est à mes pieds. Elle marche juste à côté de moi. Cela fait bien deux jours qu'elle reste dans le secteur comme elle le fait rarement. Je me doute quelque part que le temps au-dehors à quelque chose à voir là-dedans, mais j'imagine que c'est pour me soutenir qu'elle ne me quitte pas. Et d'ailleurs, je la remercie souvent d'être là, même si ses pas s'emmêlent parfois aux miens quand elle gravite dans mes parages, en le lui disant ou en le pensant très fort. Plusieurs fois je me suis accroupie, au milieu d'un couloir – là où Lune décidait de s'arrêter la première –, et je lui ai chuchoté « Merci » en lui donnait les caresses que ses coups de tête demandaient.

Je grimpe à peine le premier étage, parce que je viens de la Grande Salle, et devant moi s'étend un large couloir traversé par une faible lumière. Les grandes fenêtres ont beau faire le maximum (je pense) pour nous donner la lumière qu'elles reçoivent avec la plus grande justesse, je crois qu'elles-mêmes ne sont pas bien éclairée. Je marche le long de ce large couloir, les yeux rivés dehors : les couleurs de la forêt sont noyées dans la brume qui s'étend aussi loin que je puisse le voir. Autour, le brouhaha de quelques voix est étouffé par mes pensées. Elles sont toutes tournées vers dehors – parce que j'évite de penser à ça. Je jette de temps en temps un regard à Lune, toujours près de mes pieds. Elle trottine au même rythme que moi en tendant le museau tout autour d'elle.

Deux autres étages défilent, d'autres corps passent près de moi, d'autres voix se fondent à mes oreilles.

Je grimpe les escaliers, ceux qui mènent là-bas. Je ne sais pas dire ce que cela me fait, et je crois que je pense trop à ne pas penser ça. Alors j'y pense.

Je m'arrête dans les escaliers, parce que Lune s'arrête. *Ah* pensé-je, en posant mes fesses sur la pierre. Assez instinctivement, mes coudes se posent sur mes genoux et ma tête s'affale dans mes mains. Je suis fatiguée, je crois d'ailleurs que des cernes se creusent sur mon visage – c'est ce que je me souviens de mon observation de ce matin, dans le miroir sale de la salle de bain de mon dortoir – et il faut dire que je ne fais rien pour remédier à ça. Je me noie dans des lectures épuisantes (parce qu'elles nécessitent beaucoup de mon attention par le niveau de langue) la journée et laisse mes idées divaguer jusqu'à tard la nuit. Je frotte mes yeux et je découvre Lune, derrière mes poings, en train de sentir le mur qui encage l'escalier de toute sa hauteur. Mes yeux pleurent un peu, et c'est encore la faute à la fatigue.

Bientôt, je reprends mon ascension direction le seuil du quatrième étage, lui qui renferme encore le vacarme de l'autre soir. J'ai caressé la tête de Lune en la poussant d'un « On y va » à voix basse. Je n'ai encore croisé personne dans l'escalier, et il est incroyablement silencieux. Tellement que l'instant de vide qui suit mes mots me frappe de son mutisme. C'est le vide qu'on entend.

Je le comprends en atteignant l'étage. Il détonne de tout son vide.

Je grommelle, juste pour combler le silence, et mes pensées se remettent en route. Mais elles empruntent le mauvais chemin et se dirigent droit sur ça. Comme le font mes pieds. Tous marchent en direction d'elle. Elle qui, plus que l'étage, contient les souvenirs.

Et je sais qu'au bout du couloir, là où je vois que la lumière va, sur la droite, trône l'entrée de la salle de bal. Sans le savoir, je passe déjà tout près d'elle parce qu'elle est indéniablement derrière le mur qui s'étend sur tout mon champ de vision droite. Mais je n'arrête pas pour autant de marcher. D'ailleurs, le félin me dépasse. Je saisi le frémissement de ses oreilles et j'imagine qu'elle entend ce que je n'entends pas : peut-être qu'il y a quelqu'un. Je ne sais pas, mais Lune ne s'arrête pas non plus. Je tends le bras quand je la vois disparaître. *Eh !* Elle tourne sur la droite en trottinant rapidement. Mon cœur fait un bond comme à chaque fois que je la perds des yeux. Même après tout ce temps, je n'aime pas ça. Surtout après qu'on ait parcouru autant de chemin toutes les deux.


_____________________________________________


Adaline ne le sait pas, mais Lune, sur ses quatre pattes aux couleurs crème et aux poils longs, arpente bientôt le couloir sur lequel est plantée l'entrée de la salle de bal. Et ses toutes frémissantes oreilles avaient vu juste : juste là, assise contre le mur en face de la grande porte, une fille. Dès que ses yeux tombent sur elle, le chaton accélère et plus que trottiner, il court. Mais si l'inconnue appâte Lune, son nez capte mille autres odeurs. Comme elle ne peut pas mettre son nez partout, elle fonce sur la fille pour ralentir à deux enjambées d'elle.

Déjà, Lune peut sentir cette odeur qu'elle connaît déjà, l'odeur de cette fille. Mais il y en a une autre, plus forte, qui traîne autour de la fille. Mais il n'y a rien. Les yeux blancs de Lune cherchent tout autour d'elle et d'(A)elle. L'odeur n'en finit pas d'imprégner tout l'air et le chaton se remet en marche. Son museau pointe la fille assise là.

< Miaou >

Miaule Lune, en zieutant le visage qui se tourne bientôt vers elle.


Enfin.

Magic Always Has a Price
6ème année

16 sept. 2020, 02:27
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
Je papillonne des yeux en regardant Zikomo se rapprocher de la porte de la salle de bal. Il s’éloigne, il s’éloigne et… La douleur dans ma tête prend de l’ampleur, elle prend toute la place. Elle s’enroule autour de mon cerveau et l’enserre avec force. Elle le serre si fort, tellement fort que j’ai l’impression que ce dernier va couler, disparaître et me laisser la tête vite. Mes pensées s’effilochent, je suis incapable de me concentrer. Zikomo, je me concentre sur Zikomo. Son poil bleuté, ses petites pattes vives. Je me concentre sur lui malgré les larmes qui envahissent son regard. Je me concentre sur lui malgré mes tremblements qui s’affirment. Je me concentre sur lui pour ne pas faire attention à l’ombre qui m’attend au détour de la vie. Une grande ombre qui recouvre mon coeur et mes pensées. Mais comment puis-je ignorer mes tremblements ? Mes jambes, mes bras, mes mains, ma tête bordel ; tout tremble de plus en plus vite, je ne contrôle plus mes mouvements, plus rien.

Le premier sanglot me fait plus mal que ce que je pensais. On pourrait croire que les pleurs sont libérateurs, mais ceux-ci ne le sont pas. Mes sanglots sont désordonnés, ils se bousculent au coin de ma bouche, dégoulinent de mes yeux et me secouent de partout. Je pleure comme une enfant, n’ayant même pas la force de plonger la tête entre mes genoux, je pleure avec liberté, avec douleur, retenant tant bien que mal les bruits de mes sanglots.

Merde, je ne sais même pas pourquoi je chiale. Je sais juste que je suis là, assise par terre comme une idiote, et que Zikomo s’éloigne de moi. Et je me sens si seule. Comme si j’étais seule au monde, comme si j’étais seule dans le château, seule dans la vie, comme si Thalia ne m’attendait pas dans le dortoir, comme si je n’avais pas de famille, pas d’amour, comme si… *Maman*. Maman est peut-être morte à l’heure qu’il est. Maman est peut-être blessée, Maman a peut-être mal, Maman, Maman Maman Maman. Elle tourne en boucle dans ma tête ! Son visage, ses traits, sa voix, sa silhouette, son odeur, ses rictus, ses sourires, ses rares caresses. Elle est là, elle aussi, partout, j’ai tellement mal de l’imaginer blessée, j’ai tellement mal de ne pas savoir ce qu’il s’est passé à l’hôpital Sainte-Mangouste, j’ai tellement mal d’avoir peur.

Je trouve la force de lever les mains pour m’essuyer les yeux. Mais lorsque j’efface une larme, une autre la remplace aussitôt. Elles sont intarissables, mes larmes. Je n’arrive pas à m’arrêter de sangloter. C’est au travers du son de mes pleurs et avec une vision brouillée que je remarque la chose qui s’approche de moi. Peinant à respirer, je lui accorde mon attention. Ce n’est pas Zikomo. Mais Zikomo n’est pas loin, je le remarque à l’éclat de son poil. Il revient lentement vers moi. Vers nous. Il trottine et malgré la distance je remarque son regard brillant d’inquiétude ; sans doute doit-il s’en vouloir de m’avoir laissé seule — moi-même je lui en veux. Au moins, quand il est là j’essaie de m’empêcher de pleurer.

Je rassemble tant bien que mal mes pensées. Là, devant toi, rappelle-toi. Quelque chose s’est approché de toi furtivement. Un tout petit quelque chose avec beaucoup de poils, qui miaule et qui lève de grands yeux curieux. Un chat. Ce qu’il fout là, je n’en ai pas la moindre idée. Je ne veux rien et n’attends rien. Je n’ai pas envie de lever la main pour le caresser, je n’ai pas envie de sourire parce qu’il est mignon, je n’ai pas envie de me demander ce qu’il fait là, pas envie de m’inquiéter de savoir si sa maîtresse ou son maître se pointera bientôt. Je n'ai envie de rien. Alors je me contente de regarder, d’observer. Il est joli, ce chat. Voilà la seule chose qui me vient. Il est joli, et alors ? Il ne sait pas que mon coeur est si lourd qu’il risque de sombrer à l’intérieur de mon corps. Il ne sait pas que ma tête est si brûlante que j’ai peur de m’évanouir là, dans ce couloir. Il ne sait pas que j’ai mal à un endroit qui n’a pas de nom, là quelque part vers mon coeur, une douleur qui prend de la place et qui pulse doucement, presque tendrement.

Zikomo fait le grand tour pour se rapprocher. Sans doute ne veut-il pas effrayer la bestiole. Il frôle le mur en face de moi, trottine doucement et tout aussi furtivement se glisse et s’impose sur mes épaules. Par la force de l’habitude, je détends ces dernières pour qu’il ait la place de s’installer. Et par la force de ma douleur-sans-nom, je penche la tête sur le côté pour que son poil caresse mes joues. Il se frotte contre moi, un peu. Ses oreilles sont douces. Il me chuchote des mots au creux de l’oreille. Il s’est inquiété, il s’excuse d’être parti, il me murmure des mots pour me faire rire, il me parle du chat, me dit qu’il l’a déjà vu un jour.

« Tu te rappelles, Aelle ? Nous étions dans le parc, c’était juste après que le Maître m'ait donné mon corps. Tu me montrais des nuages dans le ciel, tu te rappelles ? Nous étions bien, là-bas. »

Oui, nous étions bien dans ce ciel. Dans ce parc. Enfin, là-bas. Lui et moi. Lui et moi et ce chat. Je m’en souviens désormais. Enfin, tous les chats se ressemblent plus ou moins, mais si Zikomo dit que ce chat est le même que dans notre souvenir, alors c’est certainement le même. J’ai confiance en Zikomo. Ma respiration s’apaise, mes jambes tremblent moins. J’ai confiance en lui, je sais qu’il ne me quittera pas, qu’il fera tout pour que j’aille bien même s’il ne peut rien faire pour que j’aille bien. Mais lorsque Zikomo est tout près de moi comme cela, quand il se blottit dans mon cou et qu’il me chuchote des mots de sa voix si familière, je peux me laisser à croire que tout finira par bien aller. Cela ne dure jamais vraiment longtemps. Mais pour quelques secondes, je veux bien le croire.

Mes larmes se sont taries. Je ne fais rien pour essuyer mes joues, pour arranger mes cheveux et mes vêtements en vrac. Je ne fais rien, joue contre les oreilles de Zikomo, le regard plongé dans celui du chat qui me regarde comme s’il n’y avait rien de plus intéressant que la pauvre chose misérable que je suis.

20 sept. 2020, 12:57
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
Je me demande si je m'occupe bien de Lune. Souvent, je me le demande. Lorsque je suis en cours loin d'elle, je me le demande, je ne peux pas empêcher cette question de trotter quelque part dans un coin de ma tête et il m'arrive d'être inquiète à ce propos. Depuis le tout premier moment où j'ai eu Lune à mes côtés : au hameau, quand le chaton s'en allait trottiner hors de ma vue, je me demandais s'il reviendrait. C'est toujours un mélange de ça, est-ce que je m'en occupe bien et est-ce qu'elle veut rester avec moi ? Toutes ses questions disparaissent dès que j'aperçois Lune, dans le jardin comme cet été, au-dessus de son petit bol de croquettes – du matin ou du soir – au pied de mon lit ou à la maison, les pattes en l'air pour attraper des papillons ou pour jouer avec mes draps rouges. Tout ça disparaît et j'entends souvent les mots de ma grand-mère, *on dirait que ce chaton et toi êtes liés* sur ce ton chevronné qu'elle aime employer.

Alors, si mon cœur bat vite parce que je ne vois plus Lune, mon visage est souriant. Il ne devrait probablement pas l'être, mais il est bien plus facile de penser à ce petit chat qu'à tout le reste, qui ne manque pas non plus d'apparaître dans mon esprit à toute heure du jour ou de la nuit n'importe quand. Mais je crois que je m'occupe bien de mon compagnon à poils.

Bientôt, je suis au bout de ce couloir qui se prolonge sur la droite, qui flamboie de la lumière de quelques torches habillement disposées autour de la porte de la Salle de Bal. Je sais qu'elle est là et mon sourire s'affaisse. C'est devenu une moue qui est disgracieusement posée sur ma face.

Cet endroit n'est pas seulement le théâtre d'une soirée aux allures morbides, c'est aussi ce qui rappelle les événements au-dehors. Si j'ai appris la fin du Secret Magique dans un couloir – pas loin d'ici, pensé-je en jetant un œil derrière moi ; le couloir est toujours vide et la lumière a même l'air de s'éteindre dans le fond – je n'en ai pas été moins secouée. J'évite d'y penser. Mais c'est dur de réprimander l'inquiétude qui grandit dans mon ventre, comme hier soir. Pour parer à ce qui me comprime et me fait mal, j'ai essayé de mettre les deux pieds dedans et d'imaginer tout ce que je pouvais imaginer. Je n'ai pas beaucoup dormi.
Je crois que ma famille est en sécurité au hameau. Oui.

Je suis arrêtée juste avant de tourner, à l'angle de ce mur qui cache encore le couloir qui doit s'étendre juste là. De pierres, du sol au plafond. Et j'entends Lune miauler.

Et comme si ce miaulement suffisait à faire évaporer toutes mes mauvaises pensées et à purifier l'endroit de tout ce qu'il signifie, je me remets à sourire bêtement. *Suffit de sourire pour être heureux* dit souvent Chems. Un frisson me parcourt quand j'y pense et mes sourcils se froncent en effaçant ce sourire stupide. C'est mal de sourire ici.

Je m'apprête à passer le pas pour découvrir le couloir sur ma droite, je peux déjà voir que les flammes dansent sur le mur, quand j'ai l'impression d'entendre des chuchotements. Je ne suis pas certaine. Ma respiration se coupe un instant. Mes mains sont moites – je me trouve bête – alors que je les essuie sur mon jean bleu. Il est un peu trop large, mais au moins il me cache bien. Par-dessus, j'ai mis un t-shirt à manches longues noires tout aussi basique.

« Ffiou... » soufflé-je doucement.

Je secoue la tête et je fais ce pas.

J'aurais dû le faire plus délicatement parce que ce pas résonne dans tout le couloir et je suis effarée de tomber sur ce sur quoi je tombe. Argh, si j'avais été plus discrète j'aurais pu retourner me cacher. Mais je suis là et je ne peux pas reculer. Si le visage de cette fille qui est assise là, après la porte de la Salle de bal, contre le mur, n'est pas encore tourné vers moi je me doute qu'il le fera bientôt.

Mais finalement, mes sourcils froncés sur mes yeux plissés, c'est Lune qui happe mon attention. Au moment où je me remets en marche, je la vois grimper sur les jambes tendues de cette fille.

J'essaie de rendre mon pas plus léger et j'avance doucement. Plus j'avance et plus Lune se love sur les jambes de cette fille... Cette fille que, je crois, j'ai déjà rencontrée. Une fois. Et bientôt, je suis à une dizaine de pas de là où elle est assise et je distingue quelque chose de très bleu sur son épaule. Mais son visage se tourne finalement vers moi alors je m'arrête. Huit pas me séparent d'elle. Je ne sais pas lire dans ses yeux, mais mes joues rougissent à leur seule caresse.

Pour éviter de la regarder, je m'assieds là, contre le même mur qu'elle. Huit pas.

Magic Always Has a Price
6ème année

20 sept. 2020, 18:46
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
Je me crispe lorsque le chat décide de monter sur mes jambes. Je résiste à l’envie de les replier, de repousser la créature, d’enrouler mes bras autour de mon corps pour me protéger des agressions extérieures. Mais je ne bouge pas. Il ne sait pas, ce chat. Il ne sait pas que tout est une attaque pour moi, que de me concentrer sur sa progression me fait mal à la tête, que d’écouter ses miaulements me fait mal à la tête, que me creuser la tête pour me souvenir de lui me fait mal au crâne ; il ne sait pas qu’un simple mouvement peut m’arracher une grimace, que j’ai l’impression de vivre dans un monde rempli de brouillard. Non, il ne sait rien de tout cela, lui, il ne sait même pas que les larmes veillent, que mes sanglots ne sont pas loin, que mon coeur risque de flancher à tout moment, que j’ai l’impression que tout ce qui m’est arrivé ces derniers temps est trop, trop grand, trop gros, trop douloureux, trop tout pour ce que je suis.

Mon coeur s’emballe. Le chat avance, le chat grignote les centimètres sans se soucier de Zikomo ni de moi. Comme s’il était chez lui, comme s’il était dans son bon droit, il se blottit sur mes jambes comme le fait parfois Zikomo. C’est la toute première fois de ma vie qu’un chat vient aussi simplement vers moi, comme s’il n’avait pas peur, comme si c’était évident. Il a l’air tellement paisible. Lui, au moins, n’a aucun a priori sur moi, il n’attend rien du tout, même pas que je le caresse. Il fait ce qu’il veut, c’est un chat : il s’installe où il veut et il partira quand il le voudra. Je reste le plus immobile possible pour ne pas le faire fuir. Étrangement, sa présence apaise l’immense douleur de mon coeur. Tandis que je le regarde, tout en sentant contre ma joue la caresse du poil de Zikomo, dans le silence de ce couloir de malheur, je me rends compte que je n’ai pas été aussi paisible depuis le bal. A aucun moment.

Le mouvement de Zikomo m’arrache à ma torpeur. Je suis la direction de son regard et… Mon coeur se serre. Mon apaisement disparaît, je me crispe, retiens ma respiration. Là, au bout du couloir, une Autre. Elle m’est familière, mais j’ai bien trop mal à la tête pour chercher plus loin dans mes souvenirs. Sa présence m’angoisse. Je ne peux pas être en contact avec les Autres. Les Autres parlent toujours, ils cherchent à savoir, à comprendre, à discuter, à échanger. Mais moi, je n’ai rien à dire, moi je ne peux rien dire. Je ne peux pas me permettre d’approcher ou de laisser approcher les Autres. Heureusement, Zikomo est là. Mais Zikomo interroge les Autres. Alors que Thalia… Thalia, elle a un peu la même réputation que moi. C’est assez rare que l’on vienne lui parler. Quand nous sommes toutes les deux, la plupart du temps on nous fiche la paix. Les Autres n’ont aucune raison d’aller discuter avec deux filles, mais avec une seule… Une seule abandonnée dans un couloir, en compagnie d’un “renard” bleu, près de la salle de bal dans laquelle se sont déroulés des événements qui ont secoué le château entier… Le risque est trop grand.

Et elle avance, elle avance… Le chat lui appartient certainement. Je n’ai pas la force de regarder si celui-ci a aperçu sa maîtresse. Je n’ai pas la force de me détourner de cette fille qui marche vers moi. *S’te-plaît, arrête-toi, arrête-toi…*. Peut-être entend-elle ma supplique, ou celle-ci est peut-être discernable sur mon visage aux traits tirés, parce que l’enfant se stoppe à quelques pas de moi et s'assoit contre le mur.
*Oh non*.
Pas ici, ne reste pas avec moi. J’échange un regard avec Zikomo. Vois-tu la détresse dans mon regard, mon ami ? J’ai peur d’elle, j’ai peur de ses mots, de ses questions. Je t’en prie, Zik, si elle parle pourras-tu m’aider, me soutenir ? Zik n’a pas besoin de parler. Je sais qu’il m’aidera au besoin, j’en suis persuadée. Mais cela ne me réconforte pas.

Je baisse la tête sur mes genoux, accorde mon regard au petit chat, me concentre sur les battements de mon coeur. Bordel, ma tête résonne si fort. Ou alors les bruits résonnent fort. Quelque chose, quelque part, me fait mal à me faire grincer les dents. Je ferme les yeux, me balance d’avant en arrière très lentement. Peut-être que si je ne bouge plus, elle partira sans me parler. Ce serait bien si elle faisait ça. Tout à coup, la présence du chat est de trop. J’aimerais qu’il s’en aille rejoindre sa maîtresse ou qu’il se barre à l’autre bout du couloir ; cela motivera peut-être l’enfant à le suivre et à me laisser tranquille. C’est une pensée fixe : je n’arrive pas à penser à autre chose que cette fille, là, tout près de moi, qui doit me regarder, me juger, me jauger, me critiquer. Cela me rend malade, malade.

21 sept. 2020, 12:24
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
Il ne se passe rien. Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais, mais il ne se passe rien. Je me suis simplement assise sur la pierre froide qui couvre tout le sol à perte de vue, bien que je ne regarde que mes pieds étendus juste là, et mon dos est appuyé sur la pierre. Il n'est pas complètement appuyé et mes fesses pas complètement installées : enfin, elles le sont sûrement mais j'ai l'impression de ne pas pouvoir relâcher mes muscles qui sont tous crispés. J'ai peur de tourner la tête et de constater qu'on me jette un regard hostile. Alors je ne bouge pas, pas d'un millimètre. Tout ce qui bouge c'est ma poitrine qui se soulève – elle aussi prise par la tension de l'instant, et l'air qui se dilate sous mes respirations.

*Mince.* Il ne se passe rien et maintenant que je suis assise silencieusement, je crois que je m'attendais à quelque chose.
D'abord, j'imagine que cette fille aurait pu me demander de dégager, ou me le crier. Et de prendre mon chat avec moi – parce que Lune est toujours, je crois, sur ses genoux. Je suis surprise qu'elle ne le fasse pas, mais j'imagine qu'il y a des raisons à cela ? Je suis incapable de les imaginer bien longtemps parce que mon esprit refuse de m'offrir des possibilités sur lesquels me pencher. C'est comme s'il n'avait pas envie de trouver de raison à ce qui se passe.
Ensuite, peut-être que Lune aurait pu se tourner vers moi et venir se lover sur mes genoux plutôt que les siens. Mais pourtant, ce n'est pas du tout la jalousie qui m'enserre. Je ne suis pas jalouse de voir le chaton se complaire à être près de quelqu'un d'autre, même si ça m'arrive parfois quand je vois Lune marcher devant moi et recevoir les caresses d'inconnus. Cette fille est, objectivement, une inconnue et pourtant.

Quelque part, je sens qu'elle n'est pas inconnue à Lune.

*Mais !* pensé-je, comme une exclamation intérieure. Si l'air n'était pas si lourd de tension j'aurais sûrement laissé échappé un son. Mais ma gorge est bien trop serré pour ça. Avant de rencontrer Chems l'été dernier, avant de sortir dehors à nouveau, il me semble avoir vu... Le bleu du pelage de l'animal. Cet animal qui, si l'atmosphère n'était pas aussi lourde, aurait attiré mon attention et mes yeux. Mais je n'ai plus tant envie de le regarder. Enfin, il est intriguant certes, mais je n'imagine pas poser les yeux sur lui. J'aimerais en savoir plus, plus tard, mais pour le moment, je ne poserais pas de questions à son propos. Elles ne viennent même pas à mon esprit.

Alors je me souviens. J'avais vu Lune près de ces tâches. L'une était bleue.

Je me sens encore toute crispée et ma respiration est comme saccadée par l'effort que je fais pour me contenir dans le plus petit espace possible. J'ai envie d'être la plus petite possible. Je n'ai pas envie de déranger. Ni Lune, ni cette créature magiquement bleue, ni cette fille.

Mes mains sont posées par terre à côté de mes fesses, juste à côté, et me soutiennent sans trembler. Quant à mes yeux... Ce sont eux que j'ai le plus de mal à discipliner. Ils se promènent sur le mur en face de moi. Ils n'ont aucune envie de regarder cette fille, ou Lune, alors ils se plaisent bien dans les interstices des pierres. Mais doucement, en suivant le fil de mes pensées, ils dévient et s'approchent dangereusement de ce que je veux leur faire éviter : la porte de la salle de bal. Elle est immense, cette porte, et si je ne suis pas assise en face, elle trône en périphérie de mon champ de vision. Elle est sombre, cette porte, même si des flambeaux sont posés de part et d'autre. Les moulures qui la composent sont multiples, ce sont des arabesques fantastiques et hypnotisantes.

Je souffle.

Et j'accepte de me mettre à l'admiration de cette porte gigantesque et ses minuscules détails. Je m'y mets tout entière et bientôt, je ne pense même plus à ce qu'il se passe ici ou dehors. Je me perds dans les contrastes de la lumière qui crépite sur la porte.

Sans un bruit.

_____________________________________________


Lune se complaît à être lovée sur ces genoux-là. Sa queue fournie est glissée et coincée près de son ventre par ses pattes avant recourbées. Mais ses yeux ne sont pas fermés comme ils le sont lorsqu'elle s'apprête à roupiller. Non, elle est installée là avec les yeux bien ouverts. Ils scrutent tantôt le visage de cette fille dont l'odeur envahit ses narines plus que la dernière fois, tantôt Zikomo et son pelage si bleu. C'est surtout l'odeur étrange, magique, de cet animal qui fait frémir ses narines. Pourtant, malgré que ces sens soient tous en éveil : le chaton ne bouge pas. Pas d'un poil.

Magic Always Has a Price
6ème année

23 sept. 2020, 18:19
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
Je trouve la force d'ouvrir un œil, puis un second. Mon cœur sursaute légèrement lorsque je plonge dans le regard du chat. Elle est étrange, cette bestiole. Elle reste là, à me regarder, mais ce regard ne me dérange en rien. Je serais bien bête de me sentir mal sous le regard d'un animal. Ce sont les seuls, ceux-là, à regarder par intérêt, par curiosité, sans juger ou avoir d'arrières pensées. Alors je n'ai pas peur de son attention à lui. Et puis, le voir me regarder de cette manière me fait quelque chose d'agréable au cœur. C'est comme si j'avais de l'importance malgré tout ce que je suis. Malgré le fait que je me sois faite laminée par un simple sortilège ; qu'un simple coup à la tête m'ait fait perdre la faculté de m'exprimer ; qu'un simple coup me fasse me sentir aussi mal. Ce chat, c'est comme s'il ne voyait pas tout cela, comme s'il ne voyait qu'une enfant. Une enfant à aimer ? *Idiot*. Les chats n'aiment pas, c'est bien connu.

Je me torche discrètement le nez, espérant très fort ne pas avoir à gérer d'autres crises de larmes. Ce n'est pas facile de me retenir dans mon état. Il est bien plus aisé de laisser couler les Traîtresses plutôt que de les retenir. Cela fait moins mal à la tête, à l'intérieur du crâne. Mais maintenant que cette Autre est là, je ne peux plus me laisser aller, c'est impossible. Pleurer devant elle, ce serait atteindre le fin fond du désespoir, de la honte. Je le refuse.

Je lui jette un regard en coin. *Elle me regarde !*. Mon coeur se serre. J'en étais certaine. Elle me mate. Je n'arrive pas à comprendre son regard, pourtant je le vois bien de ma place. Son regard sombre, ses cheveux sombre, sa gueule de gamine. Je la vois qui regarde dans ma direction, mais n’arrive pas à décrypter le sens de son expression. Non pas que je sois douée pour ce genre de choses, mais habituellement il m’est plutôt aisé de voir la colère ou le dégoût. Là, rien. Seulement un regard. Un regard qui commence à me mettre mal à l’aise. Je gigote, gigote comme pour me défaire du poids de son attention. Mais rien n’y fait et rien n’y fera rien. Je sais ce que je dois faire. Ouvrir ma gueule. Lui dire de dégager. Lui faire comprendre que je ne veux pas d’elle. Lui demander ce qu’elle me veut, peut-être. N’importe quoi, à vrai dire. Avant, je n’aurais pas hésité. D’ailleurs, je lui aurais gueulé avant même qu’elle ne s’assoie. Mais là… Là, c’est comme si j’étais bloquée dans mon propre corps. Ma bouche est une cellule de prison, mes mots sont devenus des barreaux pour mes propres pensées. Et à l’intérieur de ma tête, ça grouille de paroles retenues. Ça boue de pensées emprisonnées. Comme d’habitude, ma gorge se gonfle de ma frustration. Je suis là, comme une débile, à vouloir sortir des mots qui ne sortiront pas. C’est comme si je voulais crier, crier très fort, mais que je n’étais capable que de chuchoter. C’est exactement pareil.

Je ferme la bouche. A quoi bon ? Hein, à quoi bon ? Je me détourne pour ne plus voir cette Autre me regarder. Je ne peux plus le supporter. Je ramène mes bras autour de mon torse et baisse les yeux en direction du chat. *Respire*. Une longue inspiration. Une seconde. Pour ne pas pleurer, bordel, ne pas pleurer.

Zikomo saute de mon épaule sur le sol. Je lui jette à peine un regard. Il se poste là, près de moi, la queue sagement rangée autour de ses pattes, le museau levé dans ma direction. Il fait souvent cela. Il me regarde comme s’il voulait me comprendre, lire dans mes pensées. Au début, j’étais très gênée qu’il le fasse. Mais au fur et à mesure que le temps passait, que nous partagions des moments, j’ai fini par comprendre qu’il n’y avait aucun jugement dans son regard, au contraire. Après quelques secondes à regarder le chat, je dépose mes yeux dans les billes de Zikomo. Je ne souris pas, je ne fais rien, je me contente de le regarder comme il me regarde. Au bout d’un moment, c’est comme si le couloir s’effaçait. Plus de chat, plus d’Autre, plus de portes de la salle de bal. Seulement lui et moi.
Et c’est comme si nous nous parlions.
« Veux-tu que je lui parle ?
— J’ai rien à lui dire et toi non plus !
— Partons, alors !
— J’aurais trop honte de m’en aller maintenant, elle saura que c’est elle qui m’a poussé à partir et… Et…
»
Je n’ai même pas les mots pour imaginer notre conversation. Mais elle a lieu, je le sais, je sais que Zik ressent ma détresse tout comme je ressens ses questionnements et sa curiosité. Là, à l'intérieur de moi, au milieu de mes émotions brouillonnes, il y a un petit récif sur lequel je me sens bien. Zikomo est ce récif.

29 sept. 2020, 11:25
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
Quand le petit Mngwi saute de l'épaule de cette file que Lune regarde, celle-ci profite encore quelques instants de cette œillade que lui accorde l'humaine. Mais fini par s'intéresser bien plus à l'animal, qui fait toujours frémir son museau tant son odeur entre dans ses narines. Alors le chaton jusque-là sagement installé sur les jambes de cet enfant se tord pour poser ses billes claires, presque blanches, sur Zikomo. Tellement qu'elle finit par rouler sur le dos, et finalement ce dos glisse et le chaton se retrouve sur les fesses. Rapidement, ses quatre pattes reprennent appui sur le sol pour se redresser. Lune s'étire un instant, comme si elle venait de dormir des heures, puis s'assied là. Un peu de la même manière que le Mngwi, juste à côté des jambes qu'elle occupait.

Mais puisqu'il ne se passe rien de plus, le chaton avance en direction de l'animal bleu, le museau tendu. Prudemment, pas à pas. Pourtant, quelque chose trouble sa toute concentration. Elle jette un regard derrière elle où se trouve toujours cette humaine, mais constate qu'une odeur est finalement en train d'entrer dans ses narines : celle d'Adaline. Alors Lune s'assied à nouveau, en se tournant vers Adaline qui est assise à huit pas de là, et miaule.


_____________________________________________


Mes yeux sont perdus dans les formes qu'on a données à cette porte, dans chaque petit détail qu'on a voulu graver là, dans chaque petit symbole dessiné ou sous-entendu. J'observe la porte minutieusement et jusqu'au moindre de ses détails, je cherche à interpréter les arabesques profondes et celles qui le sont moins, je fais le chemin des vagues et des recoins pour finir par avoir vu toute la porte.

Je ne l'avais jamais vraiment regardée, cette immense porte. Alors qu'elle a été le théâtre de beaucoup de mes moments. D'abord avec ce garçon, William, dont je peine à prononcer (à penser !) le nom parce que mon esprit enfoui les moments où je me suis livrée à lui et oublie ce que je lui ai dit. Il essaie de le faire, du moins. Parce que ses souvenirs font grimper le rouge sur mes joues, c'est ce qui se passe en ce moment même alors que mes yeux se détachent doucement de la porte de la salle de bal pour retourner devant moi. Mais pourtant, j'ai passé du temps ici. Je me souviens de comment je me sentais au sein de ses hauts murs qui donnent l'impression d'être givrés, je me souviens avoir regardé à travers les fenêtres sans jamais rien y voir tant elles sont opaques.

Un faible « Oh ! » s'échappe de ma bouche quand mon pouls s'accélère.

Mes yeux étaient presque retournés devant moi quand l'animal bleu s'est détaché de cette fille. Sa couleur vive a appelé mon regard qui est allé se poser sur lui brièvement. Tellement brièvement que c'est mon cœur qui n'a pas pu s'empêcher de bondir. Alors que, jusque là, je ne pensais pas tant à cet animal et à quel point il est fascinant : il commence à emplir ma tête.

Je n'ai toujours pas changé de position, et je sens que mes fesses sont tallées. Pourtant, j'ai l'impression qu'il me serait bien impossible de bouger. C'est sûrement débile mais je n'ai pas envie de déranger – c'est sûrement déjà fait, je pense, vu le silence qui plane – alors je ne peux pas bouger.

Il y a Lune aussi, je l'ai vu me regarder et se tenir tout près de cet animal bleu (dont j'ignore toujours tout, mais pour lequel je serais bien incapable de poser des questions).
Et elle miaule.
C'est un nouveau bond dans ma poitrine.

Elle miaule alors je la regarde, en évitant minutieusement de mettre mes yeux sur le renard bleu ou sur la fille, et je lui adresse un semblant de sourire : une grimace un peu penchée entre mes lèvres pincées. Le chaton est tourné vers moi et ses yeux se plongent dans les miens, enfin c'est ce que je dirais. Peut-être qu'elle sent quelque chose chez moi, parce que je la vois sauter les jambes de la fille pour trottiner jusqu'à moi. Derrière elle, sa queue blanche aux touches caramel se balance de gauche à droite et lui donne une drôle de démarche, ça me fait sourire.

« Hey... » chuchoté-je quand le chat est tout près de moi.

Mais si mes mots sont bas, ils n'ont pas l'air de faire l'effet attendu. Au lieu de venir se lover sur mes jambes allongées, Lune frotte sa tête sur mon bras : je lui grattouille la tête affectueusement en espérant qu'elle s'arrête là.

Elle miaule encore, et se tourne bientôt vers le renard et la fille, en donnant un coup de queue sur mon visage (je ne peux m'empêcher de sourire encore une fois). Moi, j'évite de regarder là où regarde Lune, vers eux, alors je me concentre sur l'admiration de son dos. Elle miaule encore et le rouge s'installe sur mes deux joues. Mon visage chauffe.

Magic Always Has a Price
6ème année

30 sept. 2020, 11:57
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
Une vague m’arrache à mon calme. Le couloir réapparaît, mes pensées se remettent en marche, je me souviens du chat, de la fille, de la salle de bal, de tout ce qui fait que je suis là aujourd’hui et c’est comme si je crevais la surface après plusieurs secondes coincée sous l’eau — c’est désagréable, c’est douloureux. La vague qui m’a bousculé est recouverte de poils et a deux grands yeux clairs. Le chat bouge, il m’arrache à mon récif. Je pourrais lui en vouloir, mais cela serait aussi idiot que de souhaiter qu’il m’aime. Je ne veux rien du tout. Je le regarde faire, se tordre, s’étirer, glisser le long de mes jambes, se réceptionner comme un chaton maladroit, mimer la posture de Zikomo. Le fait-il exprès ? Là, l’un en face de l’autre, le tableau est étrange. Un renard d’encre de couleur bleue face à un petit chat curieux ; dans un autre monde, dans une autre vie ce paysage m’aurait fait sourire, je crois. Là, je ne sens rien. Je regarde sans ne rien ressentir, ni émotion dans mon coeur, ni intérêt dans mon esprit, ni questionnement, ni rien du tout. Et Zikomo aussi se contente de regarder, il ne bouge pas lorsque le chat s’étire pour le renifler. Je me souviens, maintenant. Ça y est, je me souviens de la première fois que nous avons vu ce chat dans le parc. Il avait fait la même chose, il avait semblé très intéressé par Zikomo. Je me demande s’il a conscience que Zik est une créature magique.

Je n’ai pas le temps d'approfondir la question. Un miaulement, un regard en direction de l’Autre — le chat se met soudainement en mouvement et avance dans sa direction. *L’avais oublié*. Ouais, pendant un temps très court je l’avais complètement zappé, cette fille. Je la regarde, perdue, agir avec son chat — c’est le sien, c’est certain. Je l’avais oublié, comment est-ce possible ? Avant, jamais mon esprit n’aurait pu divaguer au point d’oublier une Autre installée à quelques pas de moi. D’habitude, j’ai l’esprit vif, je suis capable de penser à plusieurs choses en même temps, de faire plusieurs choses en même temps, de réfléchir, de conclure, de comprendre. Maintenant, en plus d’être incapable de réfléchir, conclure ou comprendre est un espoir vain.

La voix de la fille me provient de très loin. A moins que je ne l’ai rêvé ? Peu importe, je lui jette un regard en coin avant de me détourner d’elle, légèrement rancunière que cette fille puisse parler et pas moi. Même pour dire un mot aussi simple, je ne peux pas l’ouvrir. Elle n’est pas bloquée dans son corps, elle, alors pourquoi reste-t-elle près de moi ? Je n’arrive pas à le comprendre. Et bordel, les torches qui illuminent le couloir me font mal à la tête, penser à cette fille me fait mal à la tête, respirer me fait mal à la tête, vivre me fait mal à la tête. Un gémissement au bord des lèvres, je ramène mes jambes contre mon torse et cache mon visage entre mes doigts. *Respire*. Ouais, c’est ça, respire jusqu’à t’étouffer.
Barrez-vous tous.
Je veux être seule.
Seule avec Thalia. Ou avec Zikomo. Ou seule tout court.
Je ne sais pas ce que je veux.
Ne plus avoir mal, s’il-vous-plaît.

Un autre miaulement ; mes bras se resserrent autour de ma tête.
Un autre miaulement ; je ferme étroitement les yeux, la respiration courte.
De très loin, je sens une caresse contre mon mollet. Je n’ai pas peur, je ne sursaute pas. C’est Zik qui passe près de moi, certainement pour me contourner. Il va venir près de moi, lever le museau dans ma direction, me demander silencieusement de quoi j’ai besoin. Mais je ne veux rien, seulement que le monde se taise autour de moi et que plus rien ne m’appelle. Je veux être invisible, ne plus exister, ne plus avoir besoin de regarder ou de faire quoi que ce soit qui aggrave la putain de douleur qui me vrille le crâne. Comme je sais que Zik ne me laissera pas tant que je ne l’aurais pas rassuré, je grommelle une sorte de réponse. Un quelque chose, un résidu de mots, une miette de bruit. « Mh » accompagné d’un petit geste de la main qui pourrait signifier, si j’avais été capable de parler : « oui, oui, laisse-moi maintenant ».
C’est tout ce que je peux faire, Zik.

*


Après l’avoir regardé quelques secondes et lui avoir murmuré quelques paroles réconfortantes, Zikomo s’éloigne légèrement d’Aelle, en direction d’Adaline. Il s’assied là, de profil afin de surveiller l’enfant pour laquelle il ne peut pas grand chose pour le moment ; il en a conscience, même si cela le rend malheureux.

« Elle t’est fidèle, dit-il simplement en accordant un regard à Lune avant de tourner les yeux en direction de la fille. Je l’ai déjà rencontré. Aelle également. »

07 oct. 2020, 09:19
 RPG++  Émanations Chaotiques  PV 
Ce qui se passe ensuite me semble étrange. Je n'aurais pas su inventer ce qui aurait pu se passer après que les miaulements de Lune se soient élevés jusqu'à eux et jusqu'au plafond qui enferme ce long couloir. Jamais je n'aurais pu l'inventer parce que ma tête s'est complètement vidée en même temps que mon visage s'est rempli de ce rouge caractéristique de mes pommettes. Les instants qui ont directement suivi ont été incroyablement silencieux, et alors tout ce que je pouvais imaginer c'est que le silence continue à se propager jusque dans chaque couloir de ce château, dans ma tête, dans toutes les autres têtes.

Mais, et je peux le voir par-dessus Lune, la créature bleue se déplace et je me demande : est-ce que ce sont les miaulements du chaton qui l'ont appelé ?

Bientôt, j'entends des chuchotements et alors je tourne la tête pour me remettre à fixer mes pieds. Je ne saurais dire pourquoi mais j'ai l'irrépressible envie de m'écraser. Je me demande pourquoi je ne me lève pas, tout de suite, pour déguerpir. Maintenant que je suis assise là, je ne sais pas quand j'aurais le courage de me lever. Quelque part, j'ai peur de voir les deux pairs d'yeux de cette fille qui ne me rappelle pas de bons souvenirs sur moi et j'ai peur d'entendre sa voix me gronder : pourtant, c'est comme si c'est ce que j'attendais.
*Argh !* pensé-je en serrant le poing, celui qui est caché par mon profil, et en fronçant les sourcils un instant. Je me permets de laisser mon visage exprimer toute ma contrariété puisqu'ainsi orienté j'ai le sentiment qu'on ne peut pas le voir. Ce qui me contrarie, c'est cette faiblesse qui subsiste en moi. Une sorte de lâcheté dont je voudrais me débarrasser. J'ai cru que j'avais réussi, après cet été. Mais c'est bien plus dur que je le pensais.

Il faut que j'essaie. Je décide que ça commence maintenant, quand mon visage et tous ses traits se détendent en même temps que mon poing se relâche.

Je tourne la tête vers Lune et vers eux, pour les affronter d'un dernier regard avant de me redresser et de partir. Je ne sais pas quelle idée – mon inconscient m'a probablement menée ici pour tout ce que cette salle de bal représente – m'est passée par la tête au moment où j'ai décidé de m'asseoir là alors qu'il y avait déjà quelqu'un.

Mais, au lieu de me décider à partir, je me fige.

C'est sûr et certain, je n'aurais pas pu imaginer ça. La créature bleue est en train de s'approcher de Lune et moi, et ça a l'air de ravir mon petit compagnon à poils puisque sa queue se tortille dans son dos sur un drôle de rythme. Et comme la scène qui se joue sous mes yeux me semble tout à fait attendrissante (je ne vois plus la fille dans mon champ de vision) : mes lèvres s'étirent en un sourire. Un sourire qui, s'il pouvait parler, dirait bonjour. Un genre de bonjour faible mais plein de bonne volonté, le genre que l'on adresse aux animaux.

Mon cœur manque un battement.

Si j'avais deviné que cette créature au pelage intensément bleu était magique, jamais, ô grand jamais, je n'aurais dit qu'elle parlait. Qu'elle ou il ? En fait, je n'en sais strictement rien. Et mon sourire change en même temps que ma perception de l'animal change : c'est bien plus une personne à mes yeux désormais. Et cette voix que j'entends me semble magique, elle aussi. Sage ?

Elle, Aelle, pensé-je, et ce renard bleu ont déjà rencontré Lune, mes souvenirs ne m'ont pas menti. C'est bien ce que j'ai cru voir. Elle s'appelle Aelle, alors ?

Je suis surprise, mais bizarrement c'est autre chose qui prend le dessus : l'envie de faire bonne impression. Ne pas gâcher tout ce que Lune a déjà tissé avec lui, avec eux. Mon cœur bat fort mais ne me dérange pas, mes lèvres s'étirent en un autre sourire et celui-là est autre chose : il a l'air fierté quand mes yeux tombent sur le chat, mais il est gratitude et admiration quand je regarde le renard bleu.

« Je-je... je bégaye à voix basse, avant d'éclaircir ma gorge. Merci. »

Merci de gratifier Lune de l'étiquette "fidèle" parce que je crois effectivement que c'est une étiquette qui lui va bien. Je caresse sa tête une fois, puis je grattouille ses oreilles. Le chaton fait en sorte de tendre l'oreille concernée pour recevoir plus de grattouilles encore.

« Elle était sage ? »

Je demande, même si d'autres questions me brûlent la langue.

Magic Always Has a Price
6ème année