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23 avr. 2020, 14:45
Les Fleurs du Mal
Couloir Sombre
Dimanche. Quinzième janvier de l’année deux mille quarante cinq.
2nd année de Roman Blackbirds.
3ème année de @Thalia Gil’Sayan.



« L’Albatros, souvent métaphore du Poète. Non, ce n’est pas ça, c’est Moi la métaphore de l’Albatros. »



Il paraît que ce lieu renferme une poésie. Il ne fait que paraître. C’est que le poète l’a bien caché. Car j’ai beau cherché, je ne trouve pas. Je fouille, progresse à tâtons. Je mets mes yeux à l’épreuve, tel des rayons X cherchant quelques colis suspects, mais je ne vois que mon ombre. Toujours rien, mon nez ne respire que mon odeur. Je fais réchauffer mes mains entre elles, le frottement va presque me brûler la peau, mais il fait tout de même froid ici. Mon souffle est le seul bruit qui parvient à mes oreilles, je suis trop solitaire. Mais que faire, une bile se forme et rejoint ma langue. Je crains une seconde de vomir, mais l’incident est passé, j’ai passé.


Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.



Soudain, je sens quelque chose, une présence. Étrange non ? La présence a-t-elle ressentit ma présence à moi ? Je ne sais pas. Mais je rêve encore. Embarqué de ce monde étrange qu’est la réalité.


A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.



Comme un chat, je veux jouer avec cette présence qui s’approche. Je veux me tapir dans l’ombre et pouvoir sauter d’un bond félin pour aller attraper cet inconnu. Mais la métaphore ne reste qu’une phrase, une pensée informulée, je ne bouge pas, statique. C’est comme si ce monde m’empêchait de m’exprimer. Comme si j’étais trop grand ou trop petit pour lui, trop différent de lui. Mais ces différences font partie de moi, je ne peux pas m’en détacher.


Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !



Et mon esprit se met à imaginer. Un rêve éveillé dirait-on. Mais je ressens tout, comme une illusion, une sensation péropératoire. Je tombe au sol, je racle les côtés. Des formes apparaissent moqueuses, comiques. Elles rient, rient de moi. De mon étrangeté. Et ces formes prennent consistance, des bras, des mains, des jambes, une tête. Mais pas de visage. Pas d’expression. Il sont mon miroir.


Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.



Puis l’illusion s’arrête. Me laissant haletant dans ce couloir terne. Avec toujours l’impression d’être observé.


Charles Baudelaire

6e Année - 17 ans - transgenre - Dynastie Blackbirds

30 sept. 2020, 22:45
Les Fleurs du Mal
15 JANVIER 2045
COULOIR SOMBRE, POUDLARD
3ème ANNÉE


Le Château murmure. Il l’a toujours fait. Je l’ai toujours su. Chaque parcelle de ce lieu, chaque pierre, chaque brin d’herbe, chaque rayon de lumière, chaque éraflure, chaque aspérité, est morceau de son âme. Tout est lié. Une seule entité réside derrière la pierre, une entité ancestrale. Poudlard déborde de Magie. Ses murs dégoulinent d’énergie. Peut-être est-ce pour cela que mes sens y sont si perturbés. Mes oreilles bourdonnent, mes yeux me brûlent, ma peau frémit, ma tête me tourne, je suis assaillie. Les Autres y sont pour quelque chose, je le sais, mais ils ne peuvent pas être la seule cause. Et la Magie, je la sens. Il y a la mienne, celle qui vibre à l’intérieur de mon corps, si physique, si présente. Il m’a fallu du temps pour la sentir, mais désormais, cette perception ne me quitte jamais. Cette force qui bat au rythme de mon cœur, qui s’accorde à mon être. Mais il y a aussi la Magie extérieure. Perceptible lorsqu’un sort vibre dans l’air. Celle du Château est partout, et elle est si condensée, si présente. Elle résonne en moi. L’entité du Château entoure ses habitants, pénètre dans leur rêve, murmure à leur oreille.
J’ai appris à l’écouter.

Et elle ne cesse de me faire mal aux oreilles. Le Monde ne sait faire que cela : me briser les tympans. Lorsque les Autres se taisent, l’univers s’en charge. Frémissement du tissu, bruissement des feuilles, sifflement du vent. Si agréables. Si agressants, lorsque je suis à fleur de peau. Et, ô Chaos, je ne l’ai jamais tant été que depuis mon retour à Poudlard. Je voudrais m’enfermer dans le lieu le plus silencieux du monde. Et hurler à en perdre l’ouïe. Alors, silencieusement, je remercie Shaina. Shaina qui a glissé mon casque anti-bruit dans le sac de Sky, sans que je ne la vois. Il a nié en me le remettant, mais je sais que c’est la rousse. Je ne lui en veux même pas. Comment le pourrais-je, alors que cela m’est tant utile ? Pourtant, je repousse toujours l’instant. J’ai réussi à ne l’utiliser que la nuit, alors que le sommeil m’est impossible à trouver, et qu’assise sur mon lit, j’entends le monde entier. Il me laisse seule avec les voix dans ma tête, mais parfois, c’est moins atroce que ma terreur. Terreur de me fondre dans ces bruits, qu’ils m’aspirent, m’avalent, me digèrent, que je ne sois plus qu’un murmure du Château. Un murmure peut-il penser ? Un murmure peut-il ressentir ? Je souhaite être un murmure, parfois. Je le souhaite, jusqu’à ce que les vagues de son m’assaillent jusqu’à me terrasser, et me laisser haletante, désespérée, au milieu d’un cours, avec les voix qui me tuent, la lumière qui me consume, le monde qui se délecte de ma souffrance.

Le Château murmure et je voudrais l’écouter. Mais son murmure me parait cri. Le filet d’eau me parait torrent rugissant. Je sens la Magie battre dans mes oreilles, déglinguer mon corps entier. Je ne sais même plus si c’est réellement la Magie, ou tout le bruit du monde. Je voudrais m’arracher les sens. Des centaines de lames invisibles s’abattent sur moi, plus tranchantes que celles qui ont déchiré mes bras. *C’est bon*. Je suis résignée. *Tu as gagné, Château*. Un mouvement de l’épaule et je laisse tomber mon sac à terre, au pied du mur. Tremblante de faiblesse, j’en extirpe mon casque. Et alors que je le referme enfin sur ma tête, ses Avaleurs s’emparent du bruit, l’extirpent hors de mon crâne. Je me retrouve seule. Seule, au tournant de ce couloir sombre, dénué d’Autres. Un soupir de soulagement s’empare de moi, et je ne l’entends même pas résonné dans l’air ; merci, Silence ! Merci. Je ne peux plus survivre, sans toi. Je voudrais chialer. Je suis tellement pitoyable. Même alors que le monde est silencieuse, j’entends encore son écho. Je voudrais me noyer dans le silence, m’y abandonner pour toujours. Mourir, assise sur ce sol froid, la tête reposant contre la pierre dure, les yeux semi-clos, dans le silence le plus sombre du monde. Je ne pourrais même pas entendre le battement d’aile d’un oiseau.

Me voilà enfin, si tu es toujours prête pour Danser.

[Thalia existe entre les échos]
[elle persiste, bien que les Mots l’aient abandonnée]

12 oct. 2020, 11:13
Les Fleurs du Mal
La Beauté


Je cherche une belle poésie. Une belle poésie bien affreuse.
Affreuse car je souffre.
Belle car la poésie ça doit toujours être beau.
Comme moi. Je dois être beau. Non. Pas beau. Je dois être belle. On se l’est dit avec Maman, je vais parler de moi comme elle et j’ai pas encore l’instinct, la tact.
Mais la poésie doit quand même être belle...
Comme moi...

Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Eternel et muet ainsi que la matière.


Moi je dois être belle. Je le veux. Les autres s’en fichent mais moi je le veux.

Et même que...
Je sors de ma rêverie. J’entends un son.
Était-ce vraiment un rêve, ou plutôt un cauchemar. Ou une absence. J’en ai bien marre de douter.
Le son persiste, comme en écho dans mon crâne. M’appelant, me soudoyant pour que j’aille le rejoindre. Pourtant il est moche le son. Je l’aime pas.
C’est drôle, je veux faire quelque chose. Sauf que ce quelque chose c’est ne rien faire.
M’épuiser pour puiser en moi.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.


Envie de dormir, de rêver de quelques aventures extraordinaires où serai reine de mon royaume, demandant Miroir, mon beau miroir.
Enviée,
Jalousée,
Admirée,
Contemplée...

Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;


J’ai déjà replongé dans mes pensées. Oubliant le vague bruit étrange. Ou presque. Je jette un coup d’œil aux ombres flamboyantes des torches. J’en oubliais leur bruit à elles aussi. Le feu qui crépite, c’est si beau. Je l’aime.
J’espère ne pas retomber dans ma léthargie. Cette Cénesthésie de Maman.
On dirait un jeu du bruit. Comme le roi du silence mais à l’envers. Il y en a trop.
*Ne rechute pas, ne rechute pas...*
Beaucoup trop de bruit, des bruits oxymores. Des magnifiques, des laids. Résonnants sur les murs, ricochant dans ma tête.
Je voulais juste être belle moi. Être belle pour que les autres soient fières de moi.
Être belle pour que quand je me regarde dans le miroir je n’aie pas envie de vomir.
Pour que...

Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !


Je cherche une belle poésie. Une belle poésie bien affreuse.
Une fleur du mal quoi.

Charles Baudelaire

6e Année - 17 ans - transgenre - Dynastie Blackbirds