Mars 2015
Logan - 18 ans.

La journée s'était montrée terriblement banale. Rien de nouveau, rien de sensationnel, rien en somme. La seule chose qui pouvait démarquer un tant soit peu ce jour pour Logan c'était le souvenir de sa mère. Ça faisait exactement un an qu'elle était parti et qu'il n'avait plus de nouvelles.
La vitesse à laquelle on peut oublier des personnes qui paraissent importante à nos yeux est étonnante. Il avait suffit que son père détruise toutes les photos qui existaient d'elle pour que son visage devienne flou, que sa voix s'assoupisse, que sa façon d'être s'évanouisse.

Sa mère n'existait plus. Plus comme avant. C'était devenu une ombre, une ombre que Logan aurait préféré voir disparaître pour de bon, mais son père ne brillait pas assez pour la couvrir. Il brillait tout juste assez pour la laisser subsister.

Le garçon se passa une main sur les yeux. Il appuya sur ses globes oculaires jusqu'à la douleur, comme si perdre la vu pouvait lui faire perdre ses souvenirs, puis il arrêta. Il soupira, secoua légèrement la tête puis ajusta son insigne de Préfet-en-Chef avant de commencer à déambuler dans les couloirs.
Il se serait bien passer de cette ronde du soir. Il était fatigué. Ne rien faire pouvait être tout aussi épuisant qu'une journée bien remplie. À vrai dire il était fatigué de cette vie banale, de ces sept ans de Poudlard qu'il traînait derrière lui. Il n'avait qu'une hâte, quitter l'Écosse, quitter son père et ne jamais revenir, recommencer une vie ailleurs, une vie où personne ne déciderait à sa place, une vie que personne ne chamboulerait en disparaissant du jour au lendemain. Il voulait une vie où il aurait le contrôle.

Plus personne ne se baladait dans les couloirs. Le couvre-feu avait commencé quinze minutes auparavant. Le jour déclinait et les couloirs dotés de fenêtres prenaient une teinte orangées. En bifurquant dans le passage qui menait à la bibliothèque, il tomba face à une jeune fille. Une première ou deuxième année. Troisième grand maximum.
Une petite brune tout à fait basique comme il y en avait des dizaines à Poudlard. Il ne pensait pas l'avoir déjà croisé.

"Hé gamine, c'est pas le moment de traîner dans les couloirs, on t'a pas appris ça à Gryffondor?" Demanda Logan en jetant un coup d’œil à l'écusson cousu sur la robe de la petite.

Le Préfet-en-Chef se montrait compréhensif durant les quinze première minutes succédant au couvre feu, mais ces minutes là étaient passées.

@Kristen Loewy

C’était une petite fille assez mignonne, certains de ses camarades garçons auraient même dit plutôt jolie, mais dès qu’on la connaissait un peu, ce charme disparaissait bien vite. Kristen Loewy, à douze ans déjà, ne se prenait pas pour n’importe qui. Son sourire en coin, son regard plissé, son air malicieux : tout cela, elle l’avait déjà du haut de son mètre cinquante. Ses cheveux noirs, qui n’étaient pas zébrés de blanc à cette époque, n’étaient pas bien démêlés, car elle n’y faisait pas attention et ne se passait qu’un bref coup de peigne le matin. Elle ne portait pas de maquillage, car elle trouvait que cela ne servait à rien et que c’était une perte de temps. En général, elle ne faisait qu’enfiler son uniforme aux couleurs de Gryffondor, regrettant qu’il ne soit pas bleu, et suivait le mouvement de tout le monde, sans toutefois trop se mêler aux autres. Elle avait essayé de se rapprocher de quelques Serdaigle mais finalement, ils étaient plus des camarades d’étude que de véritables amis. Kristen passait son temps libre à étudier, ou à aller poser son menton sur les bords des enclos du professeur de soins aux créatures magiques, attendant avec impatience de pouvoir assister à ses cours. Elle avait beau n’être qu’en deuxième année, elle s’était déjà fait remarquer de son professeur en passant des heures à observer les hippogriffes.

En attendant de pouvoir étudier les créatures, elle devait se contenter du reste. Elle n’avait pas de difficultés, dans aucune matière, mais elle était un peu moins à l’aise en potions. En revanche, elle se plaisait beaucoup en Défense contre les Forces du Mal et y avait déjà trouvé un rival : un certain Marty Lamberts, qui ne se prenait pas pour n’importe qui non plus… Elle était également attirée par l’Histoire de la Magie, qu’elle considérait comme une porte d’accès à plein de secrets de la magie – c’est en tout cas ce qu’elle espérait, mais quelques années plus tard, elle serait extrêmement déçue de son enseignement à Poudlard dans sa globalité. Trop formaté, dira-t-elle.

Mais pour l’instant, Kristen n’a que douze ans, et elle aime toujours son école, malgré ce qu’elle considère comme une terrible erreur du Choixpeau : l’envoyer, elle, à Gryffondor, au milieu de ces brutes qui ne font toujours que foncer dans le tas... Elle avait passé les premières années de sa vie à rêver de Poudlard, et elle en était malgré tout au stade où elle pouvait encore vivre son rêve, qui la mènerait à un autre : devenir la plus grande sorcière du monde. Elle n’avait aucune idée que trente ans plus tard, elle aurait une carte de chocogrenouille à son effigie, qu’on l’appellerait « la Grande Kristen Loewy », et qu’elle vivrait dans la plus haute tour de ce château, siégeant dans le fauteuil de directrice…

La petite Kristen venait de sortir de la bibliothèque et avait pu emprunter un livre intitulé La Magie Outre-Atlantique : entre modernité et héritage primitif. Il était beaucoup trop compliqué pour une jeune fille de douze ans, et elle avait calé entre les pages des dizaines de morceaux de parchemins annotés pour s’aider à comprendre, mais elle trouvait malgré tout ce livre tout simplement passionnant. Elle rêvait à d’autres formes de magie, bien différentes de celle que l’on apprend à Poudlard. Au fond, sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte, ses envies d’ailleurs la travaillaient déjà. Ses envies de repousser les limites du possible, aussi.

Elle avançait dans les couloirs, les yeux baissés sur son livre, imaginant que ses jambes retrouveraient toutes seules le chemin de la salle commune de Gryffondor. Mais, captivée par sa lecture, son rythme était lent, et le couvre-feu devait bien être dépassé, puisqu’elle s’était fait virer de la bibliothèque quelques minutes avant. Elle ne se pressait pas pour autant, et ne s'inquiétait pas non plus de savoir si elle allait dans la bonne direction : elle estimait que le savoir était une excuse valable à tous les manquements au règlement… surtout s'il évitait de retrouver les singes de Gryffondor.

Kristen fut tirée de sa lecture par une voix, une voix qui se la jouait autorité. Elle se retourna, cherchant des yeux une potentielle « gamine » qui se trouverait derrière elle. Puisqu’elle n’était pas une gamine, évidemment.

« Mh ? À qui tu parles ? »

Constatant qu’elle était seule dans le couloir et que la gamine, ce devait être elle, elle retourna lentement la tête vers le garçon, observa son interlocuteur de haut en bas, l’analysant sous toutes les coutures, plissant les yeux. Puis, elle se replongea dans son livre, soupirant un peu. Dans son esprit de jeune adolescente qui se croyait déjà très adulte, elle se disait : ah, les hommes ! toujours à se prendre pour des petits chefs.

« Alors, attends deux minutes, je finis mon chapitre. »

À vrai dire, elle ne voyait pas ce qu’il y avait de mal à cela. C’était une question de respect, en fait : quand quelqu’un lit, on le laisse tranquille jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus. Elle entreprit de reprendre sa lente marche jusqu'à sa salle commune, toujours absorbée par les secrets de la magie outre-Atlantique.

Logan resta stoïque quelques secondes. Il n'avait pas vraiment l'habitude de se faire rabattre le caquet par une petite fille. Il éclata d'un rire vrai et chaleureux. Ce n'était pas moqueur ou sarcastique, il était réellement amusé. Il n'avait pas la foi de se mettre en colère ou de se sentir insulté et il aimait les gens avec du caractère. Rien n'était plus horripilant à ses yeux que les gens ordinaires ne sortant jamais du cadre.

Un sourire était réapparu sur les lèvres de l'adolescent qui entreprit de marcher à côté de la jeune fille bien décider à l'embêter. Peut-être que ça allait conclure la journée sur une note positive, il en avait bien besoin.

"Tu ne manque pas d'assurance gamine, une vraie Gryffonne. Je suis désolé, mais je vais devoir t'embêter jusqu'à ce que tu sois retourné à ta salle commune."

Mis à part le bruit produit par les deux élèves, les couloirs étaient parfaitement silencieux. Pouvoir apprécier ce vide sonore était un privilège que peu possédait dans le château. Souvent quand il était sûr d'être le seul à faire une ronde, Logan n'en faisait rien. Il aimait sortir dans la cours en face de la grande salle et s'asseoir sur un banc, sous les étoiles. Le son des feuilles au vent, des oiseaux nocturnes et des petits cliquetis non identifiables étaient une musique bien plus agréable aux oreilles que celle de la foule d'élèves hystériques qui peuplaient le château la journée.

Quand il regarda la fillette, il se rappela de lui-même à cet âge. Tout ce qu'il faisait c'était profiler les disputes incessantes de ses parents à son avantage. Il avait bien compris qu'il était un prétexte pour l'un ou pour l'autre pour prouver qu'ils étaient LE meilleur des deux. Maintenant qu'il n'en restait plus qu'un, la question était réglée et les préoccupation du jeune homme toutes autres.
Le besoin d'indépendance se faisait cruellement ressentir, il se sentait capable de tout affronter tant qu'il le faisait par lui-même.

En attendant il lui restait un peu plus de trois mois à tuer. Ce temps il le passait majoritairement à étudier pour ses ASPIC. Il avait toujours été un bon élève, tout juste un peu meilleur que la moyenne, mais cette fois ci il voulait avoir de très bons résultats, ça lui ouvrirait forcément plus de portes.

Sans dire un mot mais pas très discrètement, Logan jeta un coup d’œil au livre que lisait la jeune fille. Il n'aperçu que quelque mots tel que "modernité, Atlantique ou encore primitif.". Il se demanda quel genre de livre ce pouvait bien être avant de se souvenir qu'il n'en avait pas grand chose à faire.
Il espérait simplement qu'elle ne resterait pas muette car il sentait en elle un fort potentiel pour le distraire.

La jeune adolescente observa son interlocuteur d'un air impassible pendant quelques secondes et, se demandant s'il avait vraiment l'intention de la raccompagner jusqu'à sa salle commune. Elle secoua la tête et leva les yeux aux ciel. Franchement, pour qui me prend-il ? Et puis, à me traiter de vraie Gryffonne, c'est ridicule ! Le vêtement de l'adolescent indiquait Serpentard et son insigne, Préfet-en-Chef. Sans doute un de ces garçons populaires. Dans sa tête, ce dernier mot s'accompagnait d'un certain mépris. La popularité, c'est pour les gens qui n'ont rien d'autre.

« Alors embête-moi en silence, tu veux ? Ce n'est pas une lecture facile, au cas où tu t'intéresserais aux livres. »

Sans doute qu'il ne comprenait pas cela, car les garçons étaient trop bêtes. Peut-être même qu'il ne savait pas tout à fait lire. Parfois même, Kristen se demandaient si la stupidité n'était pas inscrite dans leur patrimoine génétique... Puis elle se rappelait que les filles étaient tout aussi bêtes, puisque justement, elles ne faisaient que s'intéresser aux garçons, et qu'il faut être imbécile pour s'intéresser aux imbéciles - c'est d'ailleurs une philosophie qu'elle gardera toute sa vie. Est-ce que j'ai bien mis mon mascara ? Henry est dans notre cours de Potions alors il faut que je me fasse belle !, et puis : Il t'a regardée, si, je te jure, il t'a regardée ! et enfin : S'il t'embête, c'est parce qu'il s'intéresse sûrement à toi, les garçons font souvent ça... Il n'y avait rien de plus insensé que cela. D'une, si tu te maquilles pour aller en cours de Potions, ça va juste couler partout avec les vapeurs et tu vas ressembler à Baba Yaga, de deux, il t'a pas regardée, t'as juste des crottes d’œil toutes noires à cause de ton mascara mal mis, et de trois, s'il t'embête, c'est juste parce qu'il est idiot, et toi tu es encore plus idiote de penser que c'est flatteur de se faire marcher dessus parce que peut-être que ça veut dire que machin. Kristen, évidemment, était bien au-dessus de cela. Et donc, elle n'avait pas d'amis. Que ses livres. Eux, au moins, ils ne pouvaient pas avoir un quotient intellectuel négatif.

Elle se replongea dans son livre mais ne put lire qu'une phrase avant de se sentir franchement ennuyée par la seule présence du Préfet-en-Chef. Il était trop près, trop là, trop existant, et elle était perturbée. Impossible de se concentrer, de partir à la découverte de la magie américaine. Après un long soupir, suffisamment bruyant pour clairement montrer son mécontentement, elle s'arrêta net, referma son livre d'un coup sec et se tourna vers le garçon.

« Est-ce qu'ils vont te virer si tu me laisses ici ? Je ne vais pas faire de détours, je suis parfaitement capable de respecter des règles aussi simples que celles de Poudlard. »

Ah, si tu savais, Kristen...

J'obéis, je l'embête en silence. Et quel silence, il me ferait presque mal aux oreilles. Heureusement, la jeune intrépide le rond assez rapidement. Elle ne ressemble pas aux autres gamines de son âge. Avec les plus jeunes, j'ai l'habitude des regards baissés et des "pardons" murmurés, là je suis clairement pris pour un imbécile. Ça ne m’énerve pas, au contraire, ça fait du bien d'avoir une interaction avec quelqu'un qui se fiche de mon insigne.

Alors qu'elle me dit qu'elle peut suivre des règles tout en n'enfreignant une, j'ai un petit rire étouffer. Je m'arrête en même temps qu'elle.

"Ah oui, je vois ça que tu peux respecter des règles simples. Ta démonstration en ne respectant pas la plus basique est spectaculaire."

Un sourire s'allonge sur mon visage. j'ai joins mes mains derrière le dos, comme pour me montrer plus sage que je ne le suis. Je détails la petite. Elle est d'une beauté sans artifices, ses traits son doux et ses yeux transmettent une assurance inhabituelle chez une fillette.
Elle semble attachante au fond mais je ne la connais pas assez pour en statuer. J'aurais aimé avoir une sœur un peu comme elle. Je me suis sentis très seul durant mon enfance, je pense que ne pas être fils unique m'aurais offert un peu plus de bonheur.

Ces quelques pensées ont suffi à transformer mon sourire en moue mélancolique. Je me passe une main dans les cheveux et m'étire pour combattre la fatigue.

"Je penses bien que tu serais capable de remonter toute seule, mais si je ne m'en assurais pas, je ferais un piètre Préfet-en-Chef. Et puis surveiller des couloirs vides, c'est moins amusant que toi."

Sur ces mots je recommence à marcher et fais un signe de tête à la gamine.

"Tu viens?"

Grand château qui n'a plus rien d'extraordinaire à mes yeux, pourquoi tu m'emprisonnes? Il y a encore le paysage, il y a encore la magie, il y a encore Piper. Piper est bien la seule... Mon cœur se gonfle, il faudra que je lui dise avant de partir, il faut qu'elle sache que je l'aime. Si elle ne le sait pas, alors l'amour est inutile, il blesse au lieu de porter remède. Moi je sais que je l'aime. Elle elle doit bien savoir si elle m'aime. Il faudra qu'on se le dise.
En attendant, je dois aller à la salle commune de Gryffondor.

Si Kristen avait dû se qualifier, elle n'aurait pas forcément choisi le terme amusante. Elle crut percevoir un certain mépris dans ce mot, tout comme elle ne supportait pas qu'on lui dise qu'elle était mignonne. Et pourquoi pas lui servir du gouzi-gouzi, tant qu'on y était ? Kristen était une femme, déjà, elle valait mieux que ces gamins, et personne n'avait le droit de la trouver mignonne ou amusante. Elle poussa un long soupir dans lequel on pouvait presque entendre : pathétique, et elle suivit le Préfet-en-Chef. Kristen avait d'ailleurs détesté le suivre, fût-ce pour quelques secondes, car elle n'était pas de ceux qui suivaient : elle menait. Elle ne menait personne, à vrai dire, mais elle ne s'en considérait pas moins meneuse. De sa propre vie, sans doute.

Aussi accéléra-t-elle le pas pour dépasser le Préfet-en-Chef et ainsi être la plus devant. Elle haussa le menton, intolérablement fière, son livre calé contre sa poitrine.

« Si être préfet-en-chef signifie surveiller des couloirs vides, je ne vois pas de quoi en être fier. J'espère bien que je ne serai jamais préfète-en-chef, ça a l'air d'un ennui ! »

Elle haussa les épaules et lâcha un petit mh ! qui aurait pu agacer Dolores Ombrage elle-même.

« De toute façon, vous, les Serpentard, vous faites tout pour la gloire. J'imagine que ce titre fait bon genre quand on veut travailler au Ministère de la Magie et lécher des bottes à longueur de journée. »

A cette époque, bien sûr, Kristen ne savait pas qu'elle passerait par la case "Ministère", certes à contrecœur, mais tout de même pour quelques années de sa vie. En revanche, elle était persuadée de tout savoir et avait des opinions incroyablement arrêtées pour une gamine de son âge, qui étaient d'ailleurs plutôt une réappropriation des opinions de ses parents. Elle n'en était pas encore arrivée au moment où elle avait rangé sa langue dans sa poche : il lui fallut quelques temps pour comprendre que vraiment, rien ne servait de l'ouvrir quand son interlocuteur était bête comme ses pieds, indigne de lui faire dépenser le moindre millilitre de sa précieuse salive. Pour l'instant, elle se contentait de dire ce qu'elle pensait.

Je regarde la fillette me dépasser. Menton dressé, elle avait tout d'une lioncelle. Elle me sermonne presque avec ses grands airs et son arrogance. Tout ceci contraste fortement avec son âge et sa taille. C'est pour ça que je m'en amuse, ce comportement m'aurait déplu s'il avait été celui d'un autre.
Je ne supporte pas l'arrogance et la prétention. Ce sont des défauts pour des gens trop sûr d'eux et ça manque terriblement de finesse.

Je tourne mon regard vers la gamine pour lui répondre tout en gardant une cadence de marche sereine.

"Je n'ai pas dit être fier de surveiller des couloirs vides. Si j'ai accepté d'être Préfet-en-Chef, c'était juste pour me sentir utile. Je sais que j'ai pas l'air de l'être, utile, mais t'en fais pas. Je trouve bien des choses à faire. *

J'ai un sourire discret, de toute façon elle ne semble pas vouloir m'adresser un regard. Lever les yeux ferait bien trop de mal à son égo.

"Et je te remercie, je ne compte pas lécher des bottes au ministère. Il y a d'autres moyens de se démarquer tu ne crois pas?
Et la gloire... Non merci. Ça ne m'intéresse pas. Ne réduit pas les gens à leur maison. Si tu veux progresser dans la vie, il faudra que tu apprenne à nuancer les choses. "

La gloire n'est pas intéressante, elle est une problématique des vaniteux. Le pouvoir lui est plus séduisant. Le pouvoir discret plus particulièrement.

Mais du haut de mes 18 ans, je ne peux pas me considérer comme puissant. Tout juste comme un donneur de leçons à gamine prétentieuse. Je ne sais pas encore de quoi sera faite ma vie, à quoi va ressembler mon avenir. Je n'ai pas de contrôle sur les choses alors pour en avoir un sur les autres... J'ai encore beaucoup de travail. Mais je sais que j'en ai la volonté et la capacité.
Quand je partirai d'ici, ma vie va changer. En mieux ou en pire, ce sera à moi d'en décider pour une fois.

Je regarde la gamine et essaye de m'imaginer ce qu'elle sera plus tard, je la verrai bien travailler à Gringotts. Autant lui demander directement après tout.

"Et toi? Je suppose que tu as une petite idée de ce que tu voudras être plus tard ?"

Je fais craquer mes doigts. Femme de ménage ou ministre, qu'elle sont tes ambitions Gryffonne?

Enfant, Kristen ne connaissait justement aucune nuance, car sa parole était d'or et son avis valait plus que celui de n'importe qui d'autre. Elle était persuadée d'avoir raison, puisqu'il était inconcevable qu'elle se trompe : ce n'était tout simplement pas dans l'ordre des choses. Qu'on lui fasse une remarque sur ce qu'il fallait pour avancer dans la vie ne lui plut franchement pas : elle n'avait pas besoin de conseils, pas même venant d'un préfet-en-chef. Elle savait ce qu'elle voulait, c'était clair et net. Le problème, c'est que ce qu'elle voulait faire n'était pas un métier.

« Moi, je serai la plus grande sorcière du monde et je n'aurai même pas besoin d'avoir de métier. Peut-être bien qu'on me lèchera les bottes, et puis je détesterai les gens qui le feront. »

Prenant conscience que ce n'était certainement pas la réponse attendue par le commun des mortels, elle se reprit, levant les yeux au ciel avec agacement, convaincue que son interlocuteur ne devait pas comprendre là où elle voulait en venir.

« Je veux dire, je ferai tout ce que je voudrai. À quoi ça sert de faire de la magie si on ne peut même pas faire tout ce qu'on veut ? »

Dans ses rêves, elle était seule, au-dessus de tout le monde, tranquille. Elle ne se ferait pas embêter par des préfets-en-chef et personne ne lui dirait que le couvre-feu est passé. Quand on est le plus fort, personne ne vous cherche des noises. Et puis, elle n'aurait qu'à agiter sa baguette pour que le moindre de ses désirs devienne réalité. Elle croyait fermement à la toute-puissance de la magie, que c'était ce qui rendait la vie intéressante et que la maîtriser ouvrait toutes les portes, mêmes celles de l'impossible. Son discours devait certainement la faire passer pour une Serpentard, une vraie de vraie, bien plus que pour une Serdaigle, ce qu'elle était alors persuadée d'être. Pourtant...

« Je m'en fiche, de la gloire, moi aussi. Je veux juste pas perdre mon temps. »

Je lève un sourcil en entendant le discours de sa camarade. Je l'avait déjà deviné prétentieuse, mais je n'avait pas encore décelé chez elle une telle ambition. Elle n'est vraiment pas sympathique mais je l'aime bien tout de même, elle ne rentre pas dans les rangs et je crois que c'est quelque chose qui me plaît chez quelqu'un. Moi, je rentre dans les rangs, je suis monsieur tout le monde et je ne peux plus le supporter. Avoir de l'emprise, du pouvoir, ça c'est quelque chose qui rend spécial. Il y a bien plus de dominés que de dominants, être en haut de l'échelle, ce doit être tellement grisant.
Finalement, je me retrouve dans ce que dit la petite. Faire tout ce qu'on veut, avoir les autres à ses pieds... Oui, ce doit être quelque chose. Mais elle et moi n'avons pas le même caractère. Là où je préfère la jouer de façon fine et sournoise, elle semble plus apte à foncer dans le tas et user de ses capacités magiques plutôt qu'intellectuelles.

C'est ce qui fait d'elle une Gryffondor, et de moi un Serpentard j'imagine. Peut-être que le choixpeau ne dit pas tant de bêtises que ça finalement. En triturant mon insigne de Préfet-en-Chef, je lui réponds après l'avoir également regardé de la tête aux pieds.

"Tu sais quoi? Je pense que tu vas devenir la plus grande sorcière du monde."

Je souris, et en réalité, je pense tout à fait ce que je dis.

"Si tu y crois vraiment, alors tu le seras. Regarde, moi, je ne pense pas devenir le plus grand sorcier du monde et avec cet état d'esprit, je ne le serais jamais. Alors pourquoi ce ne serait pas vrai dans l'autre sens?"

Alors que nous arrivons au septième étage et par conséquent, à proximité de la salle commune de Gryffondor, j'imagine la petite fille quand elle sera plus grande, aussi célèbre qu'Harry Potter, héroïne des temps modernes et j'essaye de m'imaginer dans le tableau. Malheureusement, je n'y arrive pas, je ne suis nulle part. J'arrive mieux à fabuler sur le futur des autres qu'à me penser un avenir. C'est d'une tristesse...
Je soupire.

"Tu n'es vraiment pas commune pour sûr. Dis moi avant qu'on se quitte, comment tu t'appelles? Histoire que je connaisse en exclusivité le nom de la plus grande sorcière de tous les temps en exclusivité?"

Et mon nom à moi? Me le demandera-t-on un jour?

S'entendre dire l'évidence : tu vas devenir la plus grande sorcière du monde, fit rosir les joues de la petite Kristen. La plupart des gens n'aimaient pas trop son attitude supérieure, ils jugeaient que cela la rendait antipathique et ils se détournaient d'elle. Cela ne la dérangeait pas, car alors ces gens prouvaient qu'ils n'étaient pas dignes, mais à l'inverse, elle n'avait encore jamais rencontré quelqu'un, à Poudlard, qui l'encourageait dans ses projets. Les seules personnes à gonfler sciemment son ego étaient ses parents, mais c'était normal, puisque c'était ses parents : elle était donc leur petite merveille. Surtout pour Cordelia, issue d'une famille de Serpentard depuis de nombreuses générations, qui accordait une grande valeur à l'ambition. Et son père, Angus, c'était juste qu'il l'aimait de façon inconditionnelle.

« Je suis Kristen. »

La jeune fille s'aperçut que son seul prénom ne suffirait pas à l'identifier clairement, mais elle ne trouvait pas que son nom de famille sonnait particulièrement bien. Heureusement, elle était issue d'une famille de sorciers depuis toujours, ou presque, elle ne se considérait donc pas non plus comme une banale Jones ou Smith - des noms bien moldus, ça !

Le préfet-en-chef était passé de plus grande sorcière du monde à plus grande sorcière de tous les temps : cela ne déplaisait pas du tout à Kristen. Ainsi, elle pourrait vraiment tout faire, et surtout elle pourrait accomplir ce que personne avant elle n'avait jamais accompli.

« Loewy, ajouta-t-elle finalement. L-O-E-W-Y. Et toi, c'est... le préfet-en-chef qui est à Serpentard... »

Elle haussa les épaules. Son regard se porta sur le portrait de la Grosse Dame : il lui fallait rentrer, maintenant, et elle pourrait là-bas poursuivre sa lecture. Mais avant cela, elle tenait à ajouter quelque chose qu'elle trouvait très important :

« En tout cas, suffit pas d'y croire, il faut aussi travailler. C'est ça le problème des gens, ils veulent devenir puissants mais ils attendent que ça leur tombe dessus. Regarde, moi, j'étudie dès que j'en ai l'occasion. »

Kristen tapota son index sur son livre, pour preuve de ce qu'elle avançait.