Cette histoire de méditation tenait à cœur à la jeune fille et même si maintenant elle avait une seconde corde à son arc avec son apprentissage du karaté, elle voulait mettre toutes les chances de son côté. Sa colère, son impulsivité avait déjà fait trop de dégâts, alors elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour combattre son manque de gestion de sentiments. Ça ne faisait pas très longtemps qu’elle était là, assise dans un peu d’herbe humide se concentrant sur sa respiration et se rappelant d’un moment d’égarement où sa colère avait encore une fois pris le dessus. Avec sa mère, avec Eileen, avec Octavia, elle en avait des tas de souvenirs, c’était presque dur de choisir. Aliénor serra les dents, elle devait accepter sa colère pour la canaliser et pas la refouler. Facile à dire Miss Field !

Aliénor laissa échapper un râle de frustration en ouvrant les yeux. L’air était froid, et le soleil levant de Mars avait bien du mal à réchauffer l’épiderme de ceux qui s’exposaient à lui. Même si peu à peu, la chaleur de ses rayons s’intensifiait et on voyait les beaux jours pointer le bout de leur nez. Quand ils n’étaient pas cachés par les pluies de Mars. Aliénor soupira, une nouvelle fois déçue de sa capacité de concentration. Mais alors qu’elle essayait de reprendre là où elle c’était arrêtée, elle aperçut quelqu’un un peu plus loin, marcher en direction du parc. Une silhouette qu’elle connaissait bien mais qui avait tendance à se faire oublier en ce moment. D’ailleurs la jeune Delphillia fut surprise de le voir ici, lui et sa tignasse rousse. Elle se leva sans plus d’analyser afin de se diriger vers lui. Il était presque mort pour elle, alors le voir si tôt, marcher en direction du stade. Qu’es ce qu’il pouvait bien y faire ? Enfin connaissant le personnage, ce n’était pas une question si complexe. Il allait certainement voler. Mais il vole encore lui ?

Alors que la jeune fille n’était plus qu’à quelques mètres de lui, elle ne put se retenir.

-Oh le revenant !

Aliénor avait toujours été piquante avec l’ancien joueur de Quidditch, elle ne mâchait pas ses mots avec lui et il n’avait jamais manqué de répartie, ce qui la poussait à continuer. Petit jeu qui avait pris fin avec son départ des frelons et sa soudaine transformation en ombre. Une fois à sa hauteur Aliénor détailla le garçon sans discrétion.

-Qu’est-ce que tu fais là ? Tu vas voler, aussi tôt ?

Aliénor arqua un sourcil interrogateur. Elle ne le montrerait certainement jamais mais elle s’inquiétait pour son ancien coéquipier. Elle avait eu beaucoup de mal à le voir s’effacer jusqu’à presque devenir l’ombre de lui-même. Mais ils n’étaient pas particulièrement proche, alors elle n’avait rien fait. De toute façon ce n’était pas son truc. Dans tous les cas s’il était là devant elle, c’est qu’il sortait peut-être de sa phase d’ « absence ». Il n’y avait qu’un vrai moyen de le savoir, vérifier comment il réagit face aux piques de la troisième année.

-Tu me dira t’as raison, déjà qu’avant t’attrapais pas les vifs, alors après tout ce temps tu vas avoir besoin d’entrainement si tu veux faire quoi que ce soit avec un balai. Enfin qui sait, ça peut pas être pire…

C’était peut-être un peu fort pour un test. Mais elle était comme ça et elle ne réfléchissait pas vraiment avant de dire quoi que ce soit, que ce soit des vacheries ou n’importe quelle idée qui lui passerait par la tête. Elle observait le garçon, espérant voir le moindre signe qu’il allait bien, qu’il allait rétorquer quelque chose, qu’il n’allait pas partir sans rien dire encaissant comme une victime, ce n’était pas lui ça.

Sa main fermement accrochée à son balai, seuls les pas de la fillette éclairés par une faible lumière au bout de sa baguette et les rayons de la lune, résonnaient dans les couloirs vides de Poudlard. Ça avait quelque chose d’envoutant et de repoussant à la fois, un château sans vie hanté mais pourtant une maison protectrice. Mais cette nuit, elle allait être le théâtre d’une chose peu habituelle. Elle était le plus silencieuse possible espérant ne pas alerter qui que ce soit. Elle avait eu sa dose de punition pour le moment, mais alors pourquoi était-elle là ?

Un défi, un simple défi. Mais Aliénor ne refuse jamais un défi, elle marche au défi, c’est ce qui la fait vibrer, ce qui la fait vivre. Pourtant elle savait qu’elle risquait gros, les professeurs et les préfets avaient renforcé le couvre-feu depuis l’histoire Malfoy et cette sorcière vietnamienne. Mais la jeune fille savait être discrète quand elle le voulait. Elle ne faisait pas ça souvent, mais elle restait très vigilante et écoutait son instinct qui se trompait rarement. Son regard parcourait le couloir de long en large à l’affut. C’est alors qu’elle l’aperçut, à l’endroit convenu, sa tignasse rousse ne trompait pas, il était bien venu. Quand Cal lui avait proposé ce défi, elle n’avait pas pu s’empêcher de sourire à pleines dents, c’était une réaction digne de Cal, lui aussi préférait l’action au blabla et ça allait très bien à la troisième année. Il semblait perdu dans la contemplation de son balai ce qui fit sourire la fillette. Il avait dû l’abandonner un bout de temps. Avoir un balai sans pouvoir monter dessus, ça devait être une vraie torture, mais malgré tout, elle avait encore en travers de la gorge le fait qu’il se referme sur lui-même sans rien dire à personne dans l’équipe. Elle avait questionné Kévin, mais il ne savait rien, ils n’avaient aucune info et avaient du rapidement trouver un moyen pour le remplacé. Aliénor avait été forcée de jouer remplaçante attrapeur, un post qui ne lui allait pas du tout, heureusement pour l’équipe, elle n’avait pas eu besoin d’intervenir trop souvent.

Elle s’approcha de lui, un sourire en coin sur les lèvres, elle avait hâte de voir si monsieur avait toujours ses capacités d’attrapeur. Parce que même si elle le charriait sans cesse, Cal était rapide sur un balai, plus rapide qu’elle ne l’a jamais été, même si elle a d’autres qualités.

-Alors le revenant, tu compte tes brindilles, t’as peur qu’il en ait perdu quand il était délaissé ? Si tu me sors cette excuse quand je t’aurais mis une raclée je me fou de ta gueule à vie…

Elle ne parlait pas fort pour respecter le silence présent dans le château et aussi parce que dans un couloir vide, le son va loin qui sait les oreilles qu’il pourrait rencontrer. Vêtue d’un pull trop large et de son short de pyjama, elle ne paraissait pas pour une adversaire redoutable. Mais Aliénor avait progressé en vol grâce au quidditch, et même si en match son taux de réussite n’était pas génial, elle se défendait plutôt bien.

-Alors prêt ?

Elle s’installa au milieu du couloir, son balai en main, prête à l’enjamber et à partir dans une course effrénée. Il n’y avait pas dix milles itinéraires possibles dans tous les cas, ça restait un couloir et une fois arrivés dans la salle des escaliers, ils seraient trop exposés pour continuer. Donc on suit le couloir le plus large pour passer à deux et voilà.

Tout de noir vêtu et perdu dans l’examen des brindilles de son Nimbus chéri, Cal attendait patiemment son adversaire. Pour le rouquin, il ne faisait aucun doute que la batteuse viendrait, tant elle était extra réceptive aux attaques et aux provocations. Défier Alienor Delphilia, s’était s’assurer une adversaire coriace et tempétueuse, qui ne reviendrait jamais en arrière. Aussi donc lorsque cette dernière l’interpella d’une énième pique, il ne fut pas le moins du monde surpris de sa présence. La jeune fille avait raison, enfin plus ou moins, il était bien en train de s’assurer que tout fonctionnait encore bien sur son balai. Il avait longtemps regretté de l’avoir laissé au vestiaire, ne pouvant alors plus veiller sur la prunelle de ses yeux. Mais quand on réfléchissait, c’était un mal pour un bien dans la mesure ou l’écossais n’aurait sans doute pas supporté longtemps la vue d’un objet si important pour lui mais qu’il ne pouvait malheureusement plus utiliser… Mais bon, c’était du passé tout ça maintenant, et après un dernier rapide coup d’œil, Cal conclut enfin que son balai était parfaitement prêt à réduire au silence celle qui se dressait maintenant devant lui. M’enfin… « dresser » était peut-être un trop grand mot pour parler d’Alienor à l’instant présent. Le rouquin la détailla en se retenant de pouffer de rire, bien conscient que l’écho des murs en pierre ne lui ferait aucun cadeau. « Bordel Ali fais un effort, tu r’ssembles à un vieux boursouflet en fin d’vie… c’est pour ralentir ta future chute le pull trois fois trop grand ? ». Un sourire moqueur clairement arboré au coin des lèvres, il aurait pu rester là à vanner la tenue de la brune pendant encore plusieurs longues minutes, mais la crainte de voir surgir un professeur au détour du couloir lui fit donner une fin prématurée au massacre. Cela lui fit cependant un bien fou, les clashs incessants le ramenant à l’époque bénite ou le vestiaire était son deuxième dortoir, ou rien de tout ça n’était encore arrivé… Cal secoua la tête pour chasser les pensées négatives avant qu’elles ne viennent ternir le tableau. Ce soir c’était défi, et beaucoup de fun, du moins l’espérait-il.

D’un même mouvement silencieux, les deux adolescents se mirent en place au centre du couloir. Même s’il refusait catégoriquement de le laisser paraître, le rouquin était nerveux. Sa supériorité en termes de vitesse était autrefois clairement établie entre les deux joueurs, mais qu’en était-il maintenant ? Ali, dont les mouvements d’un naturel criant laissaient entrevoir au combien elle était à l’aise sur son balai, devait avoir extrêmement progressé. Lui en revanche, n’avait volé qu’une vingtaine de fois à peine cette année, les événements le forçant à régresser plus qu’autre chose. Il n’avait pas tant peur de perdre, même si la brune le lui rappellerait sans doute jusqu’à la fin de leur scolarité au château. Non, il avait peur d’être ridicule, trop ridicule dans l’esprit de sa camarade pour pouvoir aspirer à un retour au sein des Hell’s. Il n’eut cependant pas le temps de stresser plus longtemps, coupé dans ses questionnements par une Alienor impatiente d’en découdre. « Bien sur que j’suis prêt, on est ou là ? » en prononçant ces mots, il se rendit néanmoins compte qu’aucun tracé n’avait été défini. Se creusant les méninges, il eut alors une idée, qui visiblement le fit sourire. « Rendez-vous là où tout a commencé grosse tête. Tu passes par ou tu veux, mais l’dernier au centre du stade est trop trop naze, GO ! ». Sans plus de cérémonie, le rouquin entreprit de pousser son balai dans le large couloir du second étage. Son itinéraire à lui était clair : arrivé au bout, il plongerait en piqué dans la salle des escaliers direction le rez-de-chaussée. De là, il n’attendrait pas d’atteindre la grande arche de pierre donnant sur le parc, mais il passerait plutôt par la première fenêtre venue. C’était une manœuvre risquée, mais prometteuse d’un énorme gain de temps. Ensuite, ça serait le sprint final jusqu’au stade, tout indiquée comme étant la partie qu’il préfèrerait dans la mesure ou il pourrait faire parler toute la vitesse de son balai. Mangeant la ligne droite aussi vite qu’il le pouvait, l’écossais arriva vite à la fin du couloir. Ne voulant pas prendre le risque de jeter un coup d’œil derrière lui, il pouvait cependant être sûr de ne pas apercevoir Ali devant lui. L’avait-il déjà distancée...?

Aliénor ne fit qu’arquer un sourcil à la remarque de Cal, oui elle n’avait pas une dégaine de gagnante vu comme ça, mais il faut se méfier des apparences ! L jeune fille était à l’aise dans ces vêtements et c’était tout ce qui comptait.

Le rouquin vint rapidement la rejoindre, jusqu’au stade alors ? Très bien et chemin libre ? Le chemin le plus rapide était assez évident, tracer jusqu’aux escalier et de là, rejoindre l’extérieur. Ça allait se jouer de peu la fillette en avait le présentiment. Cal démarra en trombe, laissant Aliénor un bon mètre derrière. Il était clair qu’en ligne droite elle ne faisait pas le poids. Mais avoir cette place, juste derrière Cal lui permettait d’appréhender le virage au bout du couloir d’une manière bien particulière qui la faisait sourire d’avance. Elle accéléra autant qu’elle put avant le virage. Elle aurait été seule, c’était l’accident contre le mur assuré, mais elle n’était pas seule. Rattrapant son camarade qui forcément avait du un peu réguler sa vitesse pour prendre ce virage, la jeune fille en profita pour littéralement s’appuyer sur lui pour que son virage se passe bien. Son épaule entra en contact avec celle du garçon alors qu’un sourire carnassier se dessina sur ses lèvres. Profitant de sa vitesse non diminuée, elle passa devant l’ancien attrapeur des Frelons. Cependant son équilibre était un peu instable et elle perdit légèrement de temps à se remettre en place. Une petite seconde, mais dans une course, la moindre seconde compte.

Elle accéléra encore dans le couloir avant d’emprunter un autre virage qui lui permettrait d’accéder aux escaliers mouvants si célèbres de l’école. Mais alors qu’elle se trouva dans un nouveau couloir, elle eu une vision d’horreur au loin. Un fantôme, et pas n’importe quel fantôme se trouvait là. Elle le reconnut sans mal, accompagné de son chat de malheur, Rusard. Le souffle de la fillette ce fit court et elle vira dans un couloir perpendiculaire au sien plus étroit et cria à Cal le nom du vieux concierge trop collant.

Elle espérait vraiment que Calum l’avait suivi, s’il se faisait prendre à cause d’un défi qu’eux deux avaient accepté, elle se sentirait bien trop mal. Mais une chose était certaine, en criant de la sorte, elle avait forcément alerté le fantôme qui les avait certainement vu. Elle devait se cacher trouver un moyen et en balai dans les couloirs, elle n’était pas du tout discrète. Elle tourna dans un nouveau couloir et se posa. En face d’elle, une cachette de choix lui tendait le bras. Un placard à balai comme il y en a tant. Mais elle ne voulait pas risquer une crise de panique en s’enfermant là-dedans. Elle observa le couloir elle savait que Rusard était à ses trousses. Elle ouvrit la porte hésitante, elle ne savait vraiment pas quoi faire. Son cœur battait fort dans sa poitrine raisonnant dans ses oreilles et sons souffle était court à cause de la course et de la peur de se faire prendre. Elle avait déjà eu assez de problèmes alors pourquoi elle n’arrivait pas à se cacher, à rentrer dans ce fichu placard ? Si elle restait tétanisée comme elle l’était, elle était perdue…