avec Charlie Malvenault

Papa et maman venaient de descendre du train et je me sentais incroyablement seule. Et un peu triste, aussi. Les derniers retardataires s'installaient, leurs parents leur faisait des bisous. Pensant que j'avais complètement oublié d'embrasser mes parents, je descendis à toute vitesse du train et leur sauta au coup. Je les embrassai une dernière fois, les yeux embués de larmes, puis remontai à toute vitesse pour reprendre ma place.

Le train allait partir dans moins de deux minutes et j'étais toujours seule dans mon compartiment. Ce qui était assez bizarre, vu que le train semblait déjà plein quand j'étais arrivée, une demi-heure plus tôt, et qu'il y avait beaucoup de monde sur le quai à ce moment-là, mais également dans les voitures. Peut-être ce train était-il magique et semblait plus grand à l'intérieur ? Comme l'arrière-boutique de Fleury & Bott où j'avais acheté mes livres de cours ? Je vérifiai une dernière fois que je les avais tous dans mon sac.

Un garçon entra alors dans le compartiment avec sa grosse valise et visiblement essoufflé. J'étais presque en queue de train, pas étonnant qu'il soit dans cet état s'il a transporté cette valise tout le long des voitures. Il me demanda s'il pouvait s'installer et je lui répondis que bien évidemment, lui proposant même mon aide pour hisser sa valise dans les filets prévus à cet effet. J'avais déjà rangé la mienne (merci papa, maman).

Le train se mit en branle à peu près à ce moment-là. Je regardais par la fenêtre les parents, parmi lesquels les miens et certainement celui du garçon qui soufflait, faire de grands signes pour dire au revoir à leur progéniture. Nous sortîmes de la gare.

Nous quittions Londres à toute vitesse, sans même que les Moldus semblent nous remarquer : cela faisait belle lurette que nous n'avions plus de trains à vapeur, sinon en guise d'attraction. Ils étaient tous électriques. Pour ne pas que le voyage soit trop long et aussi gênant que ce moment de silence, j'engageai la conversation :

– Au fait, moi c'est Joanna. Joanna Perkins. Et toi, comment tu t'appelles ?

Charlie était impatient. Sa mère était plus que réticente à le laisser rejoindre le train, le serrant entre ses bras, et sa soeur ne cessait de le fixer, un sourire discret aux lèvres et un regard jaloux aux yeux. Elle donnerait sûrement cher pour revivre ses rentrées à l'école ou son petit frère allait pour la première fois. Ce dernier embrassa son père et s'enfonça dans la foule d'élèves qui s'engouffrait dans le train. Il adressa un dernier regard à sa famille avant de s'aventurer dans le train. Il restait discrètement indifférent, même s'il feignait l'émotion pour ne pas les blesser. Il les reverrait à la fin de l'année, alors pas la peine d'être émotif.

 Le brun avançait avec sa malle et plus il progressait parmis les wagons pleins, plus elle lui semblait lourde. Il arrivait dans les dernières places et lorsqu'il vit un compartiment quasi-vide, il commença à ranger sa malle dans les filets tout en demandant à la seule occupante s'il pouvait s'asseoir. C'était en réalité une question rhétorique, il était hors de question que le jeune homme ne continue son périple parmis les voitures alors que cet endroit était presque vide. Il refusa poliment son aide lorsqu'elle lui proposa, un peu trop fier pour l'accepter, et il s'installa en face d'elle. Il faillit oublier de sourire à ses parents qui lui faisaient signe.

Le jeune homme profita de la sensation qu'il appréciait tant du train qui démarrait. Un silence s'était installé après qu'ils aient quitté la gare, ce qui ne gênait pas forcément Charlie. Si sa colocataire de train n'était pas bavarde, il en profiterait pour feuilleter les livres des matières qu'il apprécierait le plus. Cependant, elle brisa le silence, se montrant amicale. Le visage impassible de Charlie se changea en un sourire profondément aimable et les yeux rieurs :

"Bonjour Joanna Perkins, moi c'est Charlie. Malvenault.

Il lança un rapide regard au paysage qui défilait à toute allure, avant de reprendre, avenant :

"C'est ta première année à Poudlard, je présume ?"

La jeune fille était rousse et ses yeux étaient d'un brun profond, un peu comme les siens.

Le garçon n'avait pas l'air du genre bavard. Il avait les yeux perdus dans le vide lorsque j'avais entamé la conversation, mais il changea rapidement pour un visage beaucoup plus avenant et sympathique. Même s'il semblait plutôt du genre solitaire, vu qu'il avait refusé mon aide et qu'il avait galéré comme pas possible en rangeant sa valise. J'avoue, je me suis retenue de sourire à ce moment-là.

Il s'appelait Charlie. Charlie Malvenault. Il avait les yeux bruns et il ressemblait un peu à Josh, un copain d'école que je battais souvent au foot. C'est drôle, parce qu'il était à chaque fois vexé de se faire battre par une fille. Du coup, il se vengeait sur le petit Ben, qui était le cliché de l'intello.

– Enchantée, Charlie Malvenault.

Dehors, on pouvait voir qu'on était complètement sortis de Londres, on devait certainement être dans le Hertfordshire. Et ce qui était bizarre, c'est qu'on ne croisait aucun train. Comme si on était seuls sur la ligne ou qu'il n'y avait qu'une seule voie. C'était peut-être le cas, vu que le Poudlard Express était apparemment le seul train à destination de Poudlard.

Je commençais un peu à divaguer dans ma tête compliquée quand le garçon assis en face de moi présuma que c'était ma première année à Poudlard. Perspicace, le Charlie Malvenault. Même si sa question était sans doute rhétorique, vu qu'aucun de nous deux n'avait de couleur définie sur nos vêtements.

Les couleurs, de ce que j'avais compris, signifiait notre maison d'appartenance. Bon, j'avoue, je n'avais pas tout compris à l'époque, mais eh ! Ce n'était pas simple pour moi qui n'y connaissait pratiquement rien deux ou trois mois auparavant, sinon que j'étais un peu bizarre !

– Oui, c'est ma première année. À toi aussi, non ? T'as pas de couleur sur ta robe et j'ai croisé plein d'élèves qui en avaient.

Je marquai une pause, tandis qu'il me répondait que c'était également sa première année à Poudlard.

– D'ailleurs, tes parents sont sorciers ou pas ? Perso, je suis une... Attends, c'était déjà quoi le terme exact ? Moldue. Je crois que ça s'appelle comme ça. Donc c'est très bizarre pour moi, nouveau...

J'avais un peu peur de passer pour une inculte (j'avais déjà ma petite fierté à l'époque et je ne pensais pas que ça ne s'arrangerait pas), donc je le laissai rebondir là-dessus.

Le jeune brun hocha doucement la tête, pour acquiescer lorsqu'elle lui retourna la question de son année scolaire. Il était, comme elle, un petit nouveau, qui allait découvrir pour la première fois le grand château qu'était le collège de Poudlard.

Charlie tenta de réprimer un sourire amusé (sans y parvenir) face à l'ignorance de la jeune fille sur le monde qu'ils allaient rejoindre. D'un autre côté, lui aussi était ignare, mais il avait tenté de pallier à cette lacune en se renseignant le plus possible sur l'Angleterre sorcière, et, par extension par intérêt pour sa mère, la France sorcière. Il lui annonça, souriant et sur le ton de la confidence :

"-Je suis comme toi. Mes deux parents sont moldus, mais je connais un peu les bases, déclara t-il avec une légère humilité, ma soeur a eu le même don que moi, et une scolarité toute entière à Poudlard. Ma tante aussi était une sorcière."

Le brun garda un visage souriant malgré les pensées négatives qui circulaient dans son esprit à la mention de sa tante. Il reprit tout de même :

"-C'est aussi nouveau pour moi, tu sais, simplement je connais quelques trucs : les maisons, la monnaie, et même certains sortilèges."

Par "connaître des sortilèges", il entendait "connaître leur existence". Sa soeur refusait de lui en apprendre ne serait-ce qu'un tout petit de rien du tout, à son plus grand désarroi.

Ça m'avait un peu rassurée de savoir  que Charlie était aussi un Moldu, je n'allais pas passer pour une idiote tout de suite. J'ai horreur de passer pour une idiote ! Il m'a semblé avoir vu un sourire moqueur s'étirer, mais je n'en étais pas sûre. Peut-être me l'étais-je imaginé ? Il m'a dit que sa sœur et sa tante étaient des sorcières.

Pour moi, ça n'était pas le cas. Je ne connaissais personne dans ma famille qui avaient les mêmes dons que moi : j'étais la fille bizarre lors des repas de Noël et j'avoue que ça me gonflait : n'étions-nous pas tous un peu bizarres et le bizarre de quelqu'un ? En plus, sa sœur avait déjà étudié à Poudlard, donc il devait certainement savoir des trucs sur l'école. Et sûrement des trucs intéressants...

– Je suis la seule dans ma famille à être une sorcière... ma grande sœur et mon grand frère ont pas ces pouvoirs-là.

Et effectivement, Charlie semblait connaître un peu plus le monde sorcier que moi. Par contre, c'était très bizarre qu'il sache des sortilèges, parce que ma maman m'avait dit que la dame qui était venue leur annoncer que j'étais une sorcière leur avait dit qu'on n'avait pas le droit d'utiliser des sortilèges en-dehors de l'école quand on était pas majeur. C'est nul, parce que je n'aurais pas le droit de faire grossir les oreilles de Kristia, la chouchoute de la maîtresse ! Remarque, je m'en fichais maintenant, vu que nous n'étions plus dans la même classe.

– Mais t'as compris ce système de monnaie, toi ? Déjà que j'ai jamais été forte en maths, si en plus à chaque fois je dois faire des divisions pour acheter des parchemins... J'ai compris qu'il y avait trois pièces différentes, mais c'était pas plus simple de faire comme les livres sterling ? Genre, 10 pièces d'un penny font dix pence et 10 pièces de dix pence font une livre ?

Parce que, de ce que j'avais compris, 17 noises valaient une mornille et 13 mornilles valaient 1 gallion, ou quelque chose dans ce goût-là. Bref, c'était vraiment se compliquer la vie pour pas grand-chose, ce système sorcier !