Épuisante. C’était le mot qu’Eileen pensait être le plus approprié pour qualifier sa matinée. Pourtant, son premier cours, un cours de botanique, s’était déroulé dans le calme et la bonne humeur. Tous les élèves, à part quelques-uns mal réveillé qui grommelait dans leur coin, avait pris part au cours avec un sourire aux lèvres, préférant la serre aux salles de classe souvent étouffante et qui se ressemblaient quasiment toutes. La serre de botanique leur offrait un changement de décor qui était le bienvenu. Ce cours avait d’ailleurs permis à la jeune Poufsouffle de se réveiller sous le doux soleil qui brillait en cette fraîche matinée d’octobre.
    Jusque-là, tout allait bien pour la jeune Eileen, mais lorsqu’elle entra dans le cachot où se trouvait la salle de potion. Le moral d’Eileen chuta. La jeune Poufsouffle avait du mal à assimilé les cours de potion ; non pas parce qu’elle ne comprenait pas, mais simplement que toutes ces nouvelles connaissances concernant les différents types d’ingrédients, les règles à respecter ; tout cela accablait Eileen et expliquait alors l’appréhension que ressentait la brune lorsqu’elle pénétra dans la salle de classe.

    Cela expliquait également pourquoi, quelques heures plus tard, juste après avoir déjeuné dans la grande en compagnie de quelques camarades de sa maison, se dirigeait, seule en direction de la bibliothèque afin de travailler sur son nouveau devoir de potion qu’elle avait reçu le matin même. La jeune brune se disait que si elle commençait son devoir peu de temps après le cours, les connaissances serait encore fraîche dans son esprit et lui permettrait de pouvoir mieux répondre aux questions du devoir.

    La jeune fille monta alors avec précaution les escaliers, qui étaient réputés pour n’en faire qu’à leur tête, jusqu’au quatrième étage. Une fois entrée dans l’immense bibliothèque, elle balaya les tables du regard et fut soulagée d’en trouver une de libre. Elle se dirigea alors vers cette dernière, y déposa son sac, s’assit, puis s’entreprit à sortir les affaires dont elle allait avoir besoin. C’est-à-dire, sa plume et l’encrier qui allait avec, son devoir de potion, plusieurs rouleaux de parchemin, ainsi que son manuel de potion.

    Quelques minutes après s’être installée à la table, elle se mit au travail, débutant alors la première question du devoir. Et les choses semblaient déjà se compliquer puisque la question traitait sur l’une des parties du cours que la jeune Poufsouffle avait du mal à comprendre ; les différents types d’ingrédients. Si elle avait déjà des difficultés sur la première question, comment pouvait-elle espérer finir son devoir et obtenir une bonne note. La jeune Eileen commençait à stresser et cela se voyait sur son visage qui était fermé, mais dont les yeux et fait qu’elle mâchait sa lèvre trahissait le stress et la nervosité qui s’emparait peu à peu de la brune.

En sortant du cours de vol matinal, je me sentais envahi par une certaine vitalité qui ne semblait pas vouloir se dissiper au fur et à mesure que les heures défilaient. Disposé à employer cette énergie de façon constructive et d'en faire profiter mes méninges hyperactives au maximum, je me suis dirigé vers la bibliothèque du château après avoir profité d'un festin digne des plus grands rois de ce monde. La cuisine des elfes est vraiment délicieuse, me dis-je en trottinant gaiement vers la salle des ouvrages. J'aurais bien repris un peu de ces spaghetti à la bolognaise mais ça n'aurait pas été raisonnable. J'espère que la digestion ne va pas me plonger dans un état de léthargie foudroyante.

En entrant dans la bibliothèque, j'étais bien décidé à avancer le plus possible dans mon programme de l'année. Je me suis installé sur une table inoccupée, proche des grandes fenêtres orientées plein sud. Ah le Soleil, qu'est ce que ça fait du bien ! Pensant profiter un peu de cet exposition solaire imprévue, je me déconcentre aussitôt, j'avais du travail ! Me dirigeant vers le rayons des livres de sortilèges, j'en pioche deux ou trois qui me semblaient interessants et retourne à ma table de travail. J'ouvre le premier livre, "Sortilèges stupéfiants sans Stupéfix", et me plonge dans la lecture de son sommaire. Intéressant ! Je pourrai m'avancer sur le programme de troisième année comme ça. Je tourne encore et encore les pages du vieux manuel, mémorisant chaque sortilège que je jugeais utile dans ma vie quotidienne et dont je voudrais approfondir la pratique en temps voulu.

J'attaquais le sixième chapitre du livre sur les sortilèges de nettoyage lorsque, levant la tête pour la première fois depuis une heure, je remarquai la présence d'une jeune fille de Poufsouffle à la table située à côté de la mienne. Elle avait une mine désespérée, mâchonnant sa lèvre inférieur, ayant presque les larmes aux yeux. Caspita, qu'est ce qui peut la mettre dans un tel état ? Serrait-elle bloquée sur un devoir ? Faisant mine de ne pas l'avoir vu, je me lève et prends mes livres dans le but de les ranger mais en prenant bien soin de passer derrière elle afin de jeter un oeil discret sur son travail. Mmh... devoir de potions. Sur les ingrédients il me semble. Je pourrais peut être l'aider.

Faisant tomber "accidentellement" ma pile de livres à côté de sa table, j'attire l'attention de la jeune fille. Je me penche instantanément pour les ramasser tout en prenant soin d'adresser un sourire radieux à la demoiselle.

- Mince, quel boulet je fais ! Encore un peu et tous ces livres tombent sur ta tête... Je ne t'ai pas fait peur au moins ?

     Cela faisait maintenant plusieurs dizaines de minutes que la jeune brune était bloquée sur cette fichue question. Elle n’était pourtant pas bien difficile, alors pourquoi n’y arrivait-elle pas ? S’agaçant de plus en plus, et voyant que tous ses efforts ne menaient à rien, Eileen sentit des larmes de rage lui monter aux yeux. Elle posa alors sa plume qui n’avait pas servi, le rouleau de parchemin devant elle toujours immaculé, et posa sa tête sur sa main gauche, tentant tant bien que mal de retenir ses larmes. Elle savait que pleurer ne ferait pas avancer les autres. Elle était si concentrée à retenir ses larmes et plongée dans ses pensées qu’elle sursauta lorsqu’elle entendit un bruit sourd juste à côté de sa table. Si bien que sa tête manqua d’aller heurter le bois de la table. Eileen releva alors rapidement sa tête, se faisant légèrement mal à la nuque au passage, dirigeant ensuite son regard en direction du bruit où elle découvrit un garçon, pas plus âgé qu’elle, accroupit à côté d’une petite pile de livres.

- Mince, quel boulet je fais ! Encore un peu et tous ces livres tombent sur ta tête… Je ne t’ai pas fait peur au moins ? Demanda le garçon aux yeux verts, un sourire éclatant aux lèvres.

     Eileen resta bouche-bée quelques instants, c’est vrai qu’elle avait été très surprise par le bruit, avant de sortir de sa torpeur et de prendre la parole.

- Euh, un petit peu, mais c’est pas grave, sourit légèrement la brune qui se leva de sa chaise pour l’aider à ramasser ses livres qui semblait traiter… de sortilèges. J’étais perdue dans mes pensées, du coup le bruit m’a surprise.

     La jeune brune observa le garçon en face d’elle, un Serdaigle, et fronçait les sourcils en apercevant les multiples pansements que le garçon arborait son visage. Que lui était-il arrivé ? C’est une question qui démangeait la jeune Poufsouffle, mais elle n’osait pas lui demander, sa timidité refaisant surface.

     Lorsqu’ils eurent fini de ramasser les quelques livres qui étaient tombés par terre, les deux premières années les posèrent sur la table, sans un bruit. Les deux restèrent à se regarder pendant un petit moment avant qu’Eileen ne détourne le regard, ce dernier se posant sur son devoir de potion qu’elle avait oublier pendant un court instant. Son visage se remplit alors à nouveau de frustration et de léger désespoir, se rappelant qu’elle devait commencer et surtout finir son devoir de potion avant le prochain cours.

Bon je dois avouer que mes techniques d'approche sont assez... approximatives pour le moment, mais au moins j'ai pu lui adresser la parole sans lui donner l'impression de vouloir à tout prix m'immiscer dans son travail. La jeune fille, m'ayant gracieusement offert son aide pour ramasser les livres avec moi, parut déconcertée à premier abord. Accroupi à ses côtés, je pus entrevoir la clarté de son regard gris, légèrement bleuté lorsqu'elle m'adressa un regard perplexe. Mince, j'espère qu'il me reste pas de sauce bolognaise sur les joues sinon c'est clair qu'elle en aurait des raisons d'être perplexe ! Frottant ma joue gauche afin de vérifier si les restes de mon repas de ce midi avaient bien disparu, je sens sous mes doigts la texture soyeuse de mon dernier pansement. Il datait d'avant hier mais je l'avais déjà oublié celui là. Ah c'est sans doute ça qu'elle regardait. Je souris, légèrement confus. Je devrais peut être lui dire que ce n'est rien de grave ? Bah ! Non, plus tard. D'abord je dois la sortir de ce mauvais pas.

Nous finîmes par nous relever, déposant précautionneusement les livres sur la table de travail afin de leur éviter une nouvelle chute douloureuse. Un léger silence s'installa ensuite entre la demoiselle et moi. Nous nous regardions sans vraiment savoir ce qu'il fallait dire en de telles circonstances. Finalement, la jeune Poufsouffle détourna son regard vers son devoir de potions, affichant un certain désespoir rien qu'à l'idée de s'y replonger. Calmement, je m'installe sur une chaise située en face de la sienne.

- Je suis désolé de t'avoir dérangée dans ton travail. Je ne m'attendais pas à ce que la chute de ces bouquins fasse autant de bruit.

Je ris, confus par mes justifications foireuses. Heureusement que la bibliothécaire n'était pas dans les parages sinon j'aurais sans doute eu besoin d'un nouveau pansement sur le nez en partant d'ici. Installé en face d'elle, de ma nouvelle place, je regarde le parchemin de la demoiselle et contemple son écriture souple et soignée, à l'opposée de mes brouillons couverts de ratures et tâchés d'encre. Son devoir est à l'envers par rapport à moi mais je parviens à lire son nom en haut de la page. Eileen Shelby, première année. Cela me rappel que je ne me suis toujours pas présenté.

- Ah oui, au fait ! Moi c'est Marcelo, Marcelo Venesi ! Mais tout le monde m'appelle Celo, c'est plus court. Ravi de te rencontrer !

Je souris une nouvelle fois à Eileen. J'ai toujours eu un peu de mal à me présenter, ce n'est pas dans mes habitudes. Cependant, je sentais que Miss Shelby devait être dans le même cas que moi et ça me rassura un peu. Je décide donc d'aller au coeur du sujet afin de lui éviter ce moment de gêne typique des personnes timides comme elle et moi et lui demande d'un ton enjoué et léger :

- On dirait que ce gros devoir veut pas te laisser tranquille ! Tu veux que je t'aide à le mettre K.O. ?

     Eileen releva la tête lorsqu’elle entendit le bruit d’une chaise être tirée. Elle observa alors le Serdaigle qui avait fait tomber ses livres à côté de sa table s’asseoir sur la chaise en face de la place où elle était installée. La jeune Poufsouffle s’assit alors à son tour, alors que le brun s’excusait à nouveau d’avoir dérangé la jeune fille dans son travail. Et sans qu’elle ne puisse expliquer pourquoi, il se mit à rire doucement. Heureusement que la bibliothécaire n’était pas là, elle aurait sans doute réprimandé très fortement les deux premières années. Elle était une adepte du silence absolu, et chaque bruit, même le plus léger, l’insupportait et pouvait déclencher sa colère.

- Ne t’inquiète pas, tu me déranges pas. Moi je ne m’attendais pas du tout à ce que des livres tombent à côté de moi, rassura Eileen en souriant.

     À vrai dire, Eileen ne s’attendait pas du tout à ce qui venait de se passer. Non pas que cela la dérangeait, puisqu’elle n’avait toujours pas réussi à commencer son devoir, mais le bruit provoquer par la chute des livres lui avait fait une petite frayeur. 

- Ah oui, au fait ! Moi c’est Marcelo, Marcelo Venesi ! Mais tout le monde m’appelle Celo, c’est plus court. Ravi de te rencontrer ! Se présenta le Serdaigle, un petit sourire aux lèvres.

- Enchantée Celo, moi c’est Eileen Shelby, sourit une nouvelle fois la brune. J’aime beaucoup ton prénom, c’est italien ?

     La jeune Shelby n’avait jamais voyagé en dehors de son Irlande natale, sauf pour venir à Poudlard bien sûr, et l’Italie était l’un des pays qu’elle rêvait un jour de visiter. Tous ces magnifiques paysages et l’architecture de certaines villes comme la capitale Rome, avec le Colisée, ou encore Florence fascinait la jeune Shelby.

- On dirait que ce gros devoir veut pas te laisser tranquille ! Tu veux que je t’aide à le mettre K.O ? Demanda Celo d’un ton enjoué et léger.

     Cela se voyait-il tant que ça qu’elle galérait sur son devoir de potion ? En tout cas, l’aide que proposait le première année n’était pas de refus, et la jeune fille s’empressa d’accepter. Elle ria même légèrement à la formulation de Celo qui avait eu le don de la faire déstresser et se détendre notablement.

- Si ça te dérange pas, je veux bien, oui ! Je sais pas pourquoi mais je n’arrive pas à répondre aux questions, même si je suis sûre qu’elle ne sont pas si compliquée que ça, expliqua Eileen en se mordillant à nouveau sa lèvre inférieur, seule signe apparent de son léger stress.

     Eileen ne savait pas pourquoi, mais le jeune garçon l’avait tout de suite mise en confiance. C’était quelque chose de rare pour elle, et qui surpris énormément Eileen. La jeune Poufsouffle n’avait pas l’habitude d’être à l’aise si rapidement avec quelqu’un qu’elle connaissait à peine, et cela lui faisait plaisir, de pouvoir enfin être elle-même, sans avoir peur d’être jugée, ni moquée par les autres.

Eileen semblait soulagée que je lui propose mon aide. De plus, depuis que nous nous étions présentés l'un et l'autre, la jeune fille paraissait plus détendue et cela se ressentait dans l'intonation que prenait sa voix lorsqu'elle s'adressait à moi. Voyant que le courant passait plutôt bien entre elle et moi, je me détends à mon tour. Comme c'est agréable lorsque les rencontres se déroulent bien ! Rapprochant ma chaise de celle d'Eileen, je lis plus attentivement les consignes du fastidieux devoir de potions. Il portait sur les ingrédients, plus particulièrement sur leurs types, emplois et effets lors de la préparation. Oh... ce cours n'est pas le plus simple du programme de première année en effet. Il est bourré de subtilités et de petits pièges à éviter si l'on souhaite rendre un devoir convenable. Je lis attentivement la consigne, analysant chaque mot qui la compose afin d'en déjouer les vices cachés. Tout en me concentrant, je passais instinctivement la main sur le pansement qui ornait le dessus de mon nez. Étrangement, j'avais toujours eu un pansement sur le nez, car sitôt que la blessure cicatrisait, j'arrivais à me blesser exactement au même endroit. C'était donc devenu mon pansement fétiche en quelques sortes. Me rendant compte de mon geste, je repose ma main sur la table de travail, légèrement gêné à l'idée que mon réflexe puisse se faire remarquer. Afin d'éviter qu'Eileen ne s'en rende compte, je décide de tourner son attention sur le devoir.

- Eh ben je crois qu'il y a moyen qu'on s'en sorte ! Il faut juste faire attention de pas tomber dans les pièges de la prof.

Je cherchais dans les consignes, espérant trouver un exemple qui me permettrait d'expliquer plus précisément mon raisonnement à le jeune fille. La première question était assez tordue. Elle demandait les différents types d'ingrédients employés en potion, cependant il y avait, dans la classification de Baruffio, plusieurs façon de classer les ingrédients. Selon leur effet sur la potion, selon leur effet à eu seul, selon leur origine etc... Ce manque de précision dans la consigne ne pouvait être du au hasard.

- Regarde ! La première consigne est incomplète. Je crois qu'on doit regarder la suite pour pouvoir répondre à celle là. On trouvera peut être des indices pour deviner ce qu'elle veut !

Je ne savais pas vraiment si Eileen était convaincue par ma méthode, mais c'était la seule piste dont nous disposions pour le moment. Plongé dans mes réflexions, ma main se porte à nouveau vers mon pansement. Cette fois ci je ne m'en étais pas rendu compte...

    Les deux jeunes élèves se mirent alors au travail. Celo rapprocha d’ailleurs sa chaise de celle d’Eileen pour lui permettre de mieux voir le parchemin où était écrit le devoir qui posait problème à la jeune fille. Ce devoir d’apparence simple ne l’était, en réalité, absolument pas. Les subtilités, les informations implicites, et les petits pièges posés par la professeure ; tout cela rendait ce devoir complexe. Plus complexe qu’Eileen n’avait pu l’imaginer lorsqu’elle s’était rendue à la bibliothèque avec l’intention de finir ce devoir de potion tant que les connaissances étaient encore fraîches dans son esprit.

  Eileen reporta son attention sur la première question qui traitait des différents types d’ingrédients. Les types d’ingrédients. C’était ce qui posait le plus de problème à la Poufsouffle. Pas nommez les différents types d’ingrédients, non ça elle en était capable, enfin, c’est ce qu’elle espérait. Ce qu’elle n’arrivait pas à mémoriser, c’étaient les raisons, ou plutôt les critères, qui permettaient de classer les ingrédients dans telle ou telle catégorie. Eileen posa à nouveau sa plume sur la table de travail, se prit la tête dans les mains, repoussant dans le même mouvement quelques mèches de cheveux qui étaient tombées devant ses yeux gris, et fixa la question. Elle pensait que peut être qu’en la regardant avec insistance, la réponse lui viendrait comme un déclic. Mais apparemment, et sans grande surprise, cela ne marchait pas vraiment.

- Regarde ! La première consigne est incomplète. Je crois qu'on doit regarder la suite pour pouvoir répondre à celle-là. On trouvera peut-être des indices pour deviner ce qu'elle veut ! La voix de Celo la sortit de sa réflexion et elle porta son regard vers lui.

   La remarque du Serdaigle lui fit se rappeler quelque chose que la professeure, Miss Van Drecken, avait dit pendant le cours : le fait qu’il y avait plusieurs types de classification d’ingrédients. Sous le conseil du garçon à côté d’elle, la brune regarda la question suivante et il avait raison, elle spécifiait plus ou moins explicitement qu’elle attendait les types classiques d’ingrédients. Eileen, qui avait replongé son regard sur son devoir, leva la tête pour partager ses idées avec Celo, mais ce dernier avait la main sur un de ses pansements. Son mouvement raviva alors une question qui trottait dans l’esprit de l’Irlandaise.

- Je suis désolée si je suis indiscrète, mais pourquoi tu as tous ces pansements sur le visage ? Oh ! Et avant que j’oublie, je crois que la professeure demande la classification classique, du coup ça serait : ingrédients de couleur, actif et… De texture, c’est ça ?

  Eileen attendait avec impatience la réponse du garçon. Non pas parce qu’elle était curieuse sur la cause des pansements du brun, bon peut-être un peu, mais surtout pour se rassurer sur le fait qu’elle avait quand même réussi à retenir quelque chose du cours de potion.

Mes pansements ? Quels pansements ? Il n'ya pas de pansements dans ce dev... Oh mince... Ce vieux réflexe m'a encore joué des tours. Cette fois ci Eileen l'avait vu elle voulait en savoir un peu plus. Je pouvais la comprendre, c'est vrai que ces petites choses avaient de quoi interloquer quand on y était pas habitué. Reposant délicatement ma main sur la table, je regarde la jeune fille dans les yeux en faisant mine d'adopter une allure grave.

- Oh mes pansements ? C'est parce que je me suis battu avec le dragon de la deuxième tâche... Je voulais voir s'il était vraiment si difficile à battre et au final il m'a ex-plo-sé...

Je laisse planer un court silence avant de rependre tout enjoué :

-Non je plaisante, haha ! En fait c'est parce que j'aime bien m'entraîner aux sortilèges pendant mon temps libre et parfois, quand j'essaye d'en inventer de nouveaux tout seul, ça fonctionne pas toujours et j'en paye le prix. Rien de grave rassure-toi que des égratignures. J'aime pas qu'on me soigne par magie, je veux garder une trace de mes échecs pour travailler encore plus durement !

Dans un monde rempli de magie, où l'on pouvait soigner ces plaies superficielles d'un simple coup de baguette, il était rare de croiser une personne porter ce genre de choses. Mamà avait d'ailleurs tenté de soigner mes premières coupures par magie mais j'avais toujours refusé, jusqu'à ce que cela devienne une habitude pour mes parents de me voir couvert de bouts de papier du matin au soir. J'espérais avoir rassuré Eileen après lui avoir expliqué le comment du pourquoi, mais je n'oubliais pas que j'étais là pour l'aider dans son travail et non pour la ralentir. Je me concentre de nouveau sur le devoir.

- Mmmh tu as raison. C'est l'une des classifications les plus appréciées en potions parce qu'elle permet au potionnistes de potionner plus efficacement ! D'ailleurs je crois que Miss Van Drecken l'adore aussi, elle en a parlé quatre fois dans son dernier cours ! On essaye de faire comme ça ?

J'envisageais déjà la question afin de pouvoir anticiper les interrogations d'Eileen et de pouvoir y répondre au mieux. Ce devoir devenait de plus en plus intéressant !

   Alors que la jeune Eileen attendait toujours la réponse de Celo, elle observa le visage de ce dernier se durcir, et prendre une allure des plus sérieuse tout en regardant Eileen droit dans les yeux. Avait-elle dit quelque chose de mal ? Peut-être que sa question sur les pansements qu’il arborait sur le visage était déplacée. La jeune Irlandaise espérait simplement ne pas avoir dérangé le garçon avec sa question.
   Puis comme s'il était sorti de sa torpeur, le garçon brisa enfin le silence qui s’était installé entre les deux enfants.

- Oh mes pansements ? C’est parce que je me suis battu avec le dragon de la deuxième tâche… Je voulais voir s’il était vraiment si difficile à battre et au final il m’a ex-plo-sé, expliqua le garçon avec un ton on ne peut plus sérieux.

   Mais l’était-il vraiment ? C’est la question que se posa la jeune fille dont les yeux s’étaient légèrement écarquillés. Un… Dragon ? Et surtout celui de la deuxième tâche ? La Poufsouffle ne savait pas quoi croire, elle savait très bien qu’il n’avait pas pu s’approcher de l’animal, le cracheur de feu étant sûrement bien gardé pour éviter un quelconque accident. Mais d’un autre côté, il avait été tellement sérieux en prononçant ses mots qu’il en était très convaincant.
   Puis, soudainement, le visage de Celo se détendit et il retrouva sa mine enjouée et joyeuse qu’il arborait depuis qu’il avait fait tomber ses livres à côté de la jeune Shelby.

- Non je plaisante, haha ! En fait c’est parce que j’aime bien m’entraîner aux sortilèges pendant mon temps libre et parfois, quand j’essaye d’en inventer de nouveaux tout seul, ça fonctionne pas toujours et j’en paye le prix. Rien de grave rassure-toi que des égratignures. J’aime pas qu’on me soigne par magie, je veux garder une trace de mes échecs pour travailler encore plus durement !

   Eileen lâcha un soupir, ne s’étant même pas rendu-compte qu’elle avait retenu sa respiration. Elle était surprise par la véritable raison derrière les pansements du brun en face d’elle. Jamais elle n’aurait imaginé que c’était dû à des séances d’entraînement aux sortilèges. Elle s’attendait plutôt à ce que Celo lui dise qu’il était simplement maladroit. Mais la réponse qu’elle reçu la laissa quelque peu bouche-bée.

- Inventer des nouveaux sortilèges ? Demanda Eileen, les yeux toujours légèrement écarquillés, brillant d’une émotion qu’elle ne serait identifiée. Oh, bah pourquoi pas, ça peut être amusant après tout ! En tout cas, je te trouve très courageux de ne pas vouloir te faire soigner grâce à la magie.

   Rassurée, mais surtout admirative du courage de son interlocuteur, elle replongea le nez dans son devoir comme semblait le faire Celo. D’ailleurs, ce dernier venait de confirmer son hypothèse quant à la classification que Miss Van Drecken attendait dans son devoir de potion.

- Oui on essaye, s’enthousiasme Eileen, un franc sourire aux lèvres. Mais du coup, est-ce que chaque ingrédient appartient à une catégorie propre, par exemple, est-ce que les limaces à cornes sont juste un ingrédient de texture ou alors ça dépend de la potion ? Du coup dans une potion, elles seraient un ingrédient de texture, et dans une autre potion, un ingrédient actif ?

   Cette question turlupinait la jeune Shelby depuis quelque temps maintenant, et elle espérait que le brun à côté d’elle pourrait l’aider à y voir plus clair sur ce point de cours qu’elle n’avait pas trop compris.

Ah ! Je m'attendais bien à ce que la question soit posée un jour. À vrai dire, c'était un point du cours sur lequel j'avais tiqué moi aussi. J'avais du mal à croire que les potionnistes modernes n'eurent pas encore relevé ce détail épineux alors que des gamins de onze ans pointaient l'évidence du doigt. Cette classification n'était pas... si stable que cela en fait. Tout dépend de la potion, de ce qui la compose, du contexte. Tout dépend toujours du contexte. Si on oublie le contexte, on se perd dans la recette, on ne sait plus rien faire. C'est comme ouvrir un livre en plein milieu. On lit les mots, on les comprend, on comprend les phrases et leur sens, mais on ne sait pas de quoi elles découlent et encore moins vers quoi elles mènent. Tout est une question d'avant et d'après.

- Eh bien... Je pense que...

Ma phrase fut interrompue par le "chuuuut" retentissant de la bibliothécaire. Je me tourne vers elle et affronte son regard sombre. Je ne savais pas que je parlais si fort... Ou peut-être qu'il est préférable pour cette vielle mégère aigrie de voire les élèves échouer dans leurs études. Je note ceci dans un coin de mon esprit. "Penser à passer chez Farces pour sorciers facétieux pendant les vacances. Une fiole de potion claque-bec pour la vieille et joyeux Halloween à elle !" Je souris devant mon ingéniosité et ma capacité ahurissante à me créer des problèmes. Tant pis, au moins je rirai bien pendant une bonne dizaine de minutes !

Finalement, après avoir adressé un sourire enjôleur à la chère gardienne des ouvrages (sourire qui disait très clairement "Profite bien de ton règne tant que tu peux !"), je repose mes yeux sur le parchemin de potions et exprime à voix basse mon raisonnement à la jeune fille. Au moins elle ne me demandait pas de garder le silence pendant le travail ! La première question touchait à sa fin. Elle était argumentée, nuancée et rédigée à la perfection.

- Voilà ! T'es lancée maintenant ! Le reste du devoir sera du gâteau pour toi, tout découle de la première question !

Je fais un clin d'oeil encourageant à Eileen et pose mon dos contre le dossier de ma chaise. Dans mon esprit, je ne pense qu'à la vieille et au châtiment que je lui ferais subir... Qu'est-ce que je pouvais être entêté parfois ! Ne sachant me décider permis toutes les possibilités que m'offrait le magasin de mes rêves, je sors Eileen de sa rédaction afin de lui demander conseil.

- Miss Shelby ! C'est moi qui vais avoir besoin de votre aide maintenant... Tu vois le vieux truc assis derrière le bureau là-bas ? Je montre la bibliothécaire d'un geste de la tête. Ben je voudrais lui faire une farce. Mais j'hésite entre les bombabouses extra forte édition Mamouth 2040 et les potions claque-bec ultra fortes. À ton avis, lequel est le mieux ?