Le devoir des deux Serpentard avançait bien. Aucun des deux ne trainassait. Aucun n'avait décidé de combler le silence avec des discussions futiles. Ils travaillaient. Et c'était tout.
A un moment, Alice cru surprendre le regard de son binôme. Elle esquissa un bref sourire, ajusta une de ses boucles et se remit à la partie de la vie de Salazar Serpentard qu’elle rédigeait : son rôle de fondateur de Poudlard et de la maison Serpentard. Il était fascinant ! Un véritable génie, mais malheureusement incompris par les autres fondateurs.

« - Arf, ça va être compliqué de trouver quelque chose de plus précis concernant la magie noire de Serpentard, dit enfin Brett. Beaucoup de livres évoquent ses talents particuliers liés à cette magie mais il n’y a pas assez de détails, c’est pas assez approfondi. Mais j’crois que ça va être dur de faire mieux parce que tout ce qui est lié à ce genre de magie ne doit pas être accessible pour des premières années comme nous.

Ce n’était pas une surprise pour Alice. La magie noire avait toujours été un sujet tabou, même chez les adultes . Il n’était pas étonnant que les écrits dédiés à ces pratiques obscures soient tenues loin des élèves. Ils pouvaient toujours demander un accord écrit à leur professeur, leur permettant d'accéder à la réserve pour étudier ces ouvrages. Mais ils risqueraient de partir en hors sujet. Et de toutes façons, la réponse serait très certainement négative.

- Je viens de lire quelque chose d’incroyable, avait ajouté le garçon. Selon une légende, Salazar Serpentard aurait été le premier sorcier à maîtriser et contrôler un obscurus. Tu sais, c’est cette force qui nait quand des sorciers refoulent leurs pouvoirs, ça devient une entité très maléfique et destructrice. C’est fascinant mais tellement effrayant. J’comprends pourquoi il était craint.

Alice releva sa frimousse, les sourcils haussés. Un Obscurus ? Alice n'avait jamais entendu parlé de cette légende, elle non plus. Salazar Serpentard était puissant, certes, mais de là à dompter une telle chose... Après tout, il avait tout de même fait naitre un basilic, construit une chambre secrète et tout ça dans le dos des trois plus grands sorciers de l'époque. Contrôler un obscurus devait être à sa portée.
Ses petites jambes se balançaient sous la table, un sourire aux lèvres. Elle avait reposé sa plume et observait Brett, sa tête dans sa paume de main. Elle avait l'air rêveuse.

- Est-ce que tu imagines ? demanda t-elle. Encore aujourd'hui, nous ne savons pas tout ce qu'il a pu accomplir. Nous ne connaitrons jamais les limites de sa puissance. Et tu remarqueras qu'il est le seul à susciter autant de fascination. Godric Gryffondor ? Rien de plus qu'un traitre à son sang. Helga Poufsouffle ? Qu'a t-elle apporté à notre monde, si ce ne sont des sorts pour les cuisinières ? Rowena Serdaigle, elle, c'était une sorcière. Une vraie. Intelligente, puissante...Si je devais aspirer à devenir quelqu'un, c'est sur elle que je me calquerai.

Alice lâcha un petit rire, et lança un regard complice à Brett.

- Ce ne sont pas les sorts culinaires de Poufsouffle qui lui auraient permis de contrôler un obscurus, c'est sûr... A moins qu'ils ne soient sensible aux tartes !»

Alice s’étonna un instant, lorsque que Brett marqua sa désapprobation quant à ses mots sur Godrick Gryffondor. Un grand duelliste ? Quelle utilité, contre un Basilic ou un Obscurus ? Elle haussa une épaule. Brett n’avait tout de même pas tort sur tous les points. Gryffondor était un illustre sorcier et, de ce qu’elle avait lu il y a quelques minutes encore, un enchanteur extraordinaire. Rendons à Merlin ce qui est à Merlin.

Alice se plongea un instant dans les yeux verts de Brett. On aurait dit deux émeraudes, incrustées dans une sculpture en albâtre. C’etait assez frappant, Alice se demandait comment elle n’avait pas pu y faire attention avant. Ce n’était pas un regard morne, vide. A l’intérieur, la fillette semblait y voir un soupçon de malice. Cette pensée fit sourire Alice, qui se remit au travail.

Les heures s’étaient écoulées depuis que les deux Serpentard avaient commencé à rédiger leur premier parchemin. La bibliothèque se vidait tranquillement, et la lumière chaude des bougies commençait à éclairer les rayonnages. Seuls quelques élèves travaillaient encore. Parmi eux, il y avait encore Brett et Alice. La fillette remuait un peu son poignet endolori par la rédaction de leur devoir. Vivement qu’ils aient terminé !

Les yeux d’Alice se posèrent à nouveau sur la plume de Brett. Elle la compara discrètement avec la sienne, son regard passant de l’une à l’autre. Elle allait enfin lui demander si l’animal à qui appartenait cette plume était bien un hippogriffe mais elle fut coupée par le grondement sonore d’un ventre affamé. Les joues d’ordinaire pâles de Brett se teintèrent de rouge. Il l’a regardait, gêné au possible.

 « - Euh ... euh j'suis désolé, j'crois que je commence à avoir faim. Pas toi ? demanda t-il timidement. On pourrait peut être aller manger un bout dans la Grande Salle et continuer notre devoir en salle commune si tu veux ? On a qu'à emporter quelques livres.

Alice ne put retenir un petit rire. Elle secoua la tête avec amusement, balançant ses boucles de droite à gauche.

- Le mien aussi va bientôt finir par crier famine, dit Alice en rassemblant ses affaires. Et comme mon grand père le dit souvent « on ne gagne pas une bataille avec le ventre vide » ! Nous aurons certainement des idées après avoir mangé.

Alice et Brett se mirent à ranger leurs affaires dans leur sac respectif, quelques livres de la bibliothèque s’y ajoutant. Ils n’avaient pas terminé leur devoir, mais ils avançaient rapidement. C’était certain, leur note allait être excellente.
Les deux enfants quittèrent la bibliothèque, leur sac plus lourd qu’à leur arrivée. Alice jeta un coup d’œil à Brett. Était-il devenu un ami ? Allait-Il cesser de lui parler, ce devoir rendu ? Était-ce seulement un échange de bons procédés ? Alice le refusait.
La fillette glissa sa main dans la poche de sa robe et attrapa un petit sac en toile. Elle tira la cordelette qui le fermait et sorti deux patacitrouilles, protégées par un papier rose pâle. Alice en donna une à Brett, un léger sourire aux lèvres.

- Tiens, elles viennent de ma réserve personnelle, dit Alice avec une grandeur surjouée. C’est... de quoi tenir jusqu’à la grande salle. »

Entre les patacitrouilles et Alice, il y avait une véritable histoire d’amour. C’était la seule friandise que son père ne pouvait lui obtenir comme il le voulait. Aussi, Alice avait dévalisée la sorcière à chariot du Poudlard Express. Mais elle savait qu’elle se séparait de cette patacitrouille pour une bonne cause.

Cette patacitrouille scellerait leur amitié.