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21 août 2019, 17:30
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
12 janvier 2044, Millieu de l'après-midi
Poudlard, Bibliothèque



Ta main effleure, de manière machinale, la reliure d'un livre, tandis que ton regard parcourt les étagères. Tu cherches quelque chose, c'est évident. Quoi ? Tu ne sembles pas disposée à le révéler. Tu avances de quelques pas, la tête levée vers les plus hauts rayonnages.

Au bout de quelques minutes, alors que tu t'apprêtes à renoncer, à abandonner, pour te diriger vers le bureau de la bibliothécaire, tes yeux se posent finalement sur l'Ouvrage. Celui dont tu vas avoir besoin pour nombre de tes devoirs de Métamorphose. Celui que tu recherches depuis un long moment déjà.

Tu souris. Ton parchemin ne sera finalement pas si difficile à remplir, avec les indications que tu trouveras dans l'Ouvrage.

Tu cherches le meilleur moyen de le saisir. Depuis que tu fréquentes la bibliothèque, ta petite taille ne cesse de t'handicaper. Tu trouves toujours comment compenser, mais tu en as marre. Ça te fait un peu honte, quand tu dois aller chercher un escabeau ou une petite échelle pour attraper les Livres dont tu as besoin.

Tes joues se colorent d'une jolie teinte rosée, alors que tes pieds atteignent le troisième barreau de l'échelle en bois. Tu arrives au niveau du rayonnage qui t'intéresse tant, et tu saisis l'Ouvrage. Tu le serre contre toi, et tu redescends. Ton malaise ne disparaît que lorsque tu te rends compte qu'il n'y a Personne autour de toi, et que l'on a pas pu te voir perchée sur ton échelle. Tu n'aimes pas être observée, et les acrobaties que tu es obligée de faire pour atteindre les Livres qui t'attirent te gênent plus que tout. Si tu faisais une dizaine de centimètres de plus, ça t'arrangerait, mais c'est un fait : tu es petite. Et tu vas devoir t'y habituer. T'y adapter. En faire un atout. Parce que ça ne changera pas.

Une fois les pieds posés sur le sol, tu soupires de soulagement. Tu te diriges vers une table libre. Libre, ou presque. Deux personnes y sont assises. Des Etrangers. Tu aurais grandement préféré avoir un bureau pour toi toute seule, mais celui-ci est celui où sont assises le moins de personnes. Tu fais donc face aux Etrangers - des troisièmes années. Tu te racles la gorge, afin d'attirer leur attention, puis patientes quelques secondes, le temps qu'ils sortent leur nez de leur parchemin. Tu demandes d'une voix où perce le défi :
Je peux m'assoir ici ? Il n'y a plus de place ailleurs.


L'Autre te fixe d'un regard indifférent, hausse les épaules et pousse son sac. Tu prends place sur le banc, en prenant garde à éviter tout contact physique avec ton voisin. Tu décides de l'ignorer, et n'accorde pas un regard à sa plume qui s'agite furieusement, courant d'un bout à l'autre du parchemin, s'arrêtant de temps à autre pour tremper sa pointe dans l'encrier.

Tu poses l'Ouvrage, entrouvres ton sac et en sors ta feuille de devoir. Tu prends ta plume, la noire, celle qui est à tes yeux la plus belle de toutes celles que tu possèdes, attrapes l'encrier.
Tu caresses du bout du doigt la couverture reliée de cuir, admires les détails. L'Ouvrage est beau. Tu l'ouvres, parcoures en diagonale les premières lignes. Ta main s'apprête à tourner la page, hésite. Ton regard revient se poser en haut de la feuille, et tu recommences ta lecture. Plus attentivement, cette fois-ci.

Tu trouves ça intéressant, la Métamorphose. Bien que tous les principes et autres théories dont on t'a rabâché les oreilles depuis le début de ta courte existence soient réduits à néant. Bien que ça soit l'une des matières avec lesquelles tu as le plus de mal.

Tu es trop terre-à-terre, sans doute. C'est ce que tu t'es répété depuis le début de l'année. Tu as tellement l'habitude de te méfier de ce qui sort de l'ordinaire, de ce qui va à l'encontre des règles de physique que tu as apprises, que tu ne comprends pas comment l'on peut transformer une aiguille en paille. Bien trop illogique pour toi.

Les choses illogiques, tu ne les aimes pas. Tu les trouves méchantes, inutiles. Tu ne vois pas pourquoi elles existent, ne leur trouves aucun intérêt. Pourtant la Métamorphose est une chose parfaitement illogique. Mais tu as mis de côté tes convictions, pour te consacrer entièrement à son étude. Tu ne comprends pas comment ça fonctionne, comment arriver à la comprendre. A la contrôler, à la maîtriser. Alors tu persévères, et tu apprends. Petit à petit. Lentement, mais sûrement.

Au bout d'un petit moment, tu cesses de lire, et relèves la tête. Tu étire ta nuque endolorie, jettes un coup d'oeil par la fenêtre. Il est quatre heures de l'après-midi, il ne va pas tarder à faire nuit. La neige a arrêté de tomber. Ça te rend un peu triste. Tu l'aimes beaucoup, la neige. Magnifique manteau blanc, recouvrant de son étoffe glaciale les prairies, les forêts et les landes, les vallées et les jardins.

Quand tu étais petite, dès que la neige se mettait à tomber, tu pleurais. De joie, et d'émotion. Un peu de frustration aussi. La neige était, elle aussi, une chose illogique dont tu avais désespérément tenté de percer le secret. Avant de renoncer.
Certaines choses sont faites pour rester secrètes.
Dernière modification par Kyana Lewis le 09 févr. 2020, 17:56, modifié 1 fois.

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01 sept. 2019, 02:51
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
12 janvier 2044
Bibliothèque — Poudlard
3ème année


Je n’arrive pas à m’en dépêtrer. Ma tristesse est une seconde peau qui m’étouffe. Elle me suit où que j’aille, quoi que je fasse. J’ai pourtant essayé de la faire partir. Pour une fois, j’ai sincèrement essayé. J’ai beaucoup discuté avec Zikomo, je suis allé me promener, j’ai étudié des sujets qui m’intéressaient depuis longtemps et je suis même allé voir Aodren. Mais je ne peux voir Zik que lorsque le dortoir est vide, me promener seulement quand la neige cesse de tomber, étudier seulement ce que la bibliothèque m’offre en possibilité. Quant à Ao, il est si obnubilé par son veracrasse de petite-copine qu’il a tout juste accepté de passer du temps avec moi, ce week-end.
Aujourd’hui, c’est difficile. Au petit déjeuner ce matin, j’ai reçu une lettre de Zakary. Il y a encore écrit que je lui manquais. Et il m’a raconté sa vie. Et moi, je n’ai rien à y faire — c’est ce que je me suis dis. Je suis loin, loin de tout, je ne sais plus comment il sourit, comment il regarde, comment il bouge. Je ne sais plus rien et pourtant je ne le sais que trop bien ; le souvenir de mes vacances ne veut pas me lâcher, comme s’il savait qu’il était l’Objet de ma tristesse. Et comme le monstre qu’il est, il s’amuse à me torturer.

Je soupire, la tête machinalement posée dans ma main. Au mouvement que fait l’autre abruti à côté de moi, je devine qu’il me jette un regard noir. Sans doute l'agacé-je à sans cesse soupirer. Et bien qu’il fiche le camp, s’il n’est pas content. Il n’avait qu’à pas venir s’assoir près de moi sans me demander mon avis alors que j’ai patienté si durement pour qu’une table se libère.

Lasse, j’approche l’épais grimoire recouvert de runes vers moi. Je me penche un instant sur les pages noircies avant d’inscrire sur mon parchemin la réponse à la question.
Même les runes n’écartent pas la tristesse. Elles me paraissent fades, aujourd’hui. J’aimerai aller dans la réserve, trouver un livre exceptionnel, apprendre ce que je ne sais pas encore ; pas seulement une chose banale, non, une connaissance sensationnelle. Oui, voilà qui éloignerait sûrement mes pensées de la Maison. Mais je n’ai pas le droit d’aller dans la réserve et je dois finir ce devoir. Alors je pousse un énième soupir et rédige une énième phrase pleine de symboles. Le garçon s'agite. *C’est ça, soupire toi aussi !*, lui adressé-je mentalement. Un fin sourire étire mes lèvres ; j’aime sentir la tension émaner du garçon. Elle m’amuse.

Tout juste arrivé que mon sourire m’est arraché par une ombre qui se jette sur nous. Je lève les yeux et rencontre le regard froid d’une fillette. J’ai un mouvement de recul, puis une grimace quand elle parle. Elle veut s’assoir. Bah tiens. Je t’en pris, fais comme chez toi. Viens bouffer mon air, c’est vrai que l’autre nerveux n’est pas suffisant. Ledit nerveux ôte son sac de la table pour lui laisser la place et je lui aurais bien envoyé mon grimoire dans la tronche ; il aurait suffit de se taire, seulement se taire, et elle serait parti — adieu, parasite. Mais non, c’est un abruti. Je lui lance un regard noir, puis je décide de les ignorer tous les deux. J’accorde également un regard dédaigneux à la fille — une Serdaigle — avant de me pencher sur mon parchemin.

Quelques minutes bénites passent durant lesquelles rien ne se passe. Le Nerveux écrit nerveusement. La gamine lit un grimoire de métamorphose, si je ne m’abuse ; vu le temps qu’elle met pour tourner les pages, elle ne doit pas être très futée. Et moi, je réponds aux questions idiotes que nous a posé le professeur. Mon agacement, bien que toujours présent, tend à s’échapper ; il aurait pu s’évanouir totalement si le Nerveux n’avait pas redoublé d’ardeur en atteignant le bout de son rouleau de parchemin.

Je le regarde. Exagérément penché sur la table, le bout des doigts enduits d’encre, sa main s’agite éperdument pour écrire des phrases et des phrases d’une écriture penchée et brouillonne. Il fait tant de bruit avec sa plume qui crisse contre le parchemin, qui résonne dans le bois de la table et sa posture est si ridicule avec ses bras ouverts comme des ailes et ses sourcils froncés que me vient l’envie soudaine et dérangeante de lui foutre mon poing dans le nez.
L’émotion survient sans attendre. Une colère sans objet qui m’étouffe. Elle n’est pas brûlante, je me contrôle encore ; elle grandit seulement dans le secret de mon corps.

Je jette un regard vers la Gamine. Nez en l’air, elle regarde par la fenêtre. Moi aussi, je regarde par la fenêtre en rapprochant ma jambe du pied de la table. Je retiens mon souffle et, après quelques secondes de délicieuse attente, je flanque un coup bruyant dedans. Toute la table bouge dans l’entreprise. Mon grimoire sursaute, mes plumes roulent sur elles-mêmes et l’une d’elle tombe sur le sol sans réussir à s’attirer ne serait-ce qu’une once de mon attention. Moi, je regarde le résultat de mon oeuvre, plus fière que jamais ; je ne souris pas, mais j’aurais pu. La vengeance est particulièrement belle à voir lorsqu’elle permet au coeur de se sortir un peu de sa tristesse.


Plume de Désastre, certes, mais pas que ; ce texte n'est pas perdu ! Encore toutes mes excuses.
Dernière modification par Aelle Bristyle le 05 sept. 2019, 08:58, modifié 1 fois.

02 sept. 2019, 19:13
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Ton regard est encore absorbé par le déclin du Soleil, dont tu contemples la course éperdue depuis trop longtemps déjà.

Tu dois absolument terminer ce livre. Dans peu de temps, tu rendras lon devoir. Si l'Ouvrage n'est pas fini, tu t'en voudras. Beaucoup. Et ce n'est pas franchement de moment de t'en vouloir. Tu as bien trop de choses à penser.

L'Etranger, toujours assis à coté de toi, continue à s'agiter nerveusement, le nez plongé dans son parchemin. Tu ne lui accordes pas une seule once de ton Attention. Il n'en est pas digne.

En revanche, c'est l'Autre à sa droite qui t'intrigue. Elle te jette de temps à autre des regards. Regards dont tu peines à éprouver la nature. Sont-ils Antipathiques ? Ou Amicaux ? Tu l'ignores et ça te perturbe.
Toi aussi, à ton tour, tu l'observe du coin de l'oeil.
Ignorant ce qu'elle te veux, tu gardes le Silence. Tu ne veux pas déranger qui que ce soit avec tes questions idiotes, d'autant que tu ne sais comment les formuler, et tu ne connais même pas cette Fille.

Tu ne fais plus attention à rien, tu es perdue dans tes Pensées. Celles qui volettent autour de ta Conscience, celles qui ne se manifestent jamais vraiment et qui demeurent à l'état de simple frôlement.
C'est pourquoi le coup te fait violemment sursauter. L'Ouvrage tressaute sur la table, plumes et rouleaux de parchemin roulent sur le sol. Le bruit que produit le choc est assourdissant, mais tu fais comme si de rien n'était. Tes yeux mettent moins d'une minute à repérer celui qui a fait la faute. L'Etranger, lui, relève la tête et cherche le coupable du regard.

Toi tu sais que c'est la fille. Tu sais que c'est elle qui a mis un coup de pied dans la table. Pour quel motif ? Ça, tu l'ignores. Elle a une ombre de sourire dans le regard que tu ne comprends pas.

Une autre question que tu devrais lui poser. Mais tu te refuse à le faire. Elle t'intrigue, cette fille. Ses yeux autant que ses cheveux. Ses mains, son nez. Tu cherches dans ta mémoire l'endroit où tu aurais pu la croiser, en vain. Tu ne l'as certainement jamais vue.

Tu te baisse donc, afin de ramasser tes affaires. Tu hésite vraiment à interroger la fille.
Puis tu te ravises. Pour quelle raison irais-tu lui parler ?
Tu ne parles pas aux gens. Ou uniquement si ils t'adressent la parole. Tu ne les regarde pas, ils font partie du paysage.

Maë a tenté de t'expliquer que l'on ne se trouvait pas d'amis avec cet état d'esprit-là. Mais tu l'as regardée sans comprendre, alors elle a abandonné. Comme souvent. Elle t'aimait, Maë. Elle voulait que tu intègres son groupe d'amis. Elle ne voulait que du bien, pour toi, sa soeur adorée.
Mais toi, tu t'en fichais. Tes livres te convenaient mieux. Et à cette période-là, tu avais découvert que le mur de l'école était un excellent dossier. Tu ne cessais donc pas d'aller t'asseoir dans ce coin de la cour, et n'en n'existait d'autre que ta lecture actuelle.

Maë voulait t'expliquer l'Empathie ou la Sociabilité. Comme elle voulait t'apprendre les Paroles ou les Sourires. Comme elle t'a montré l'Amitié. Comme elle... Stop.
Maë n'est plus Maë. Elle ne va plus te montrer autre chose que la Colère, la Haine ou l'Amertume. Elle ne te sera plus d'aucun secours maintenant. Tu dois te débrouiller seule. Tu n'es plus la petite fille perdue que tu étais à ton arrivée au château. Mais tu es toujours aussi attachée à ta Solitude, et si tu as quelques amis, la plupart du temps tu es seule.

Tu ramasses tes affaires tombées au sol, les ranges dans ton sac. C'est plus prudent, surtout si l'Autre a décidé de remettre un coup dans la table.
Tu réfléchis encore un moment.
Au bout d'un moment, tu pousses un petit soupir, presque inaudible. Ta réponse est là, tu peux enfin la cueillir. Tu n'iras pas voir cette fille. C'est décidé. Elle te parlera si elle le souhaite, mais toi, tu ne l'approcheras pas. Tu n'y parviendrais pas, de toute façon.
Tu ré-ouvres ton manuel, te replonge dedans. Pendant un moment, rien ne se passe, et aucun son ne vient troubler la tranquille quiétude de la bibliothèque, pourtant surchargée. 

Mais, comme s'il lui était impossible de te laisser lire en paix, l'Etranger commence à s'agiter. Il bouge, il se retourne, il papillonne des yeux. Pendant un temps, persuadée qu'il va s'arrêter, tu ne dis rien. 
Au bout d'un moment, tu arrêtes une nouvelle fois ta lecture. Pour le regarder d'un air excédé. Il t'insupporte. Tu jettes un coup d'oeil à l'Autre, te demandant si elle va réagir. Finalement, tu attends un moment, puis te décides à parler. Même si ça va certainement t'attirer les foudres de la bibliothécaire ou de l'Autre.

Tu demandes donc, d'un ton glacial et exaspéré :

Tu peux te calmer, s'il-te-plaît ?

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05 sept. 2019, 10:36
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Il me faut tout mon contrôle pour ne pas me vanter quand le Nerveux regarde autour de lui d’un air colérique. Il doit vraiment être idiot pour ne pas avoir compris que nous ne sommes que trois à la table et que, si ce n’est pas lui, le coupable ne peut-être que moi ou la gamine. Cela ne lui effleure même pas l’esprit, il se contente de se plaindre et de rassembler ses affaires, un grognement au bord des lèvres. Mon envie de pouffer est forte, mais je me retiens. Je croise le regard de la fille par dessus l’épaule du Nerveux ; elle me regarde.
Je me fige.
Je crois qu’elle sait. Mais il n’y a aucun agacement sur son visage, seulement de la curiosité. Je fronce légèrement les sourcils avant de me détourner. Si c’est le genre de gamine que la curiosité protège de la colère — un genre de Krissel, donc —, elle sera difficile à virer de la table.

Qu’il est douloureux de passer deux semaines dans une maison remplie de garçons idiots, de cris, de joie, d’occupation et de revenir dans un château immense avec tous ces cris qui ne me sont pas destinés. Le château me rappelle que rien n’est destiné à durer : Aodren redevient distant quand il voit sa copine et mes grands-frères retournent à leur vie ; fini les sourires, les matchs de Quidditch, la pensée rassurante que dès que je sors de ma chambre, je suis certaine de trouver un sourire qui m’est destiné. Alors, quitte à être seule, autant l’être vraiment.
Je résiste à l’envie de me lever et d’aller faire un tour de la bibliothèque. Je sais que Thalia n’y est pas. J’ai vérifié en arrivant. Même Ebony n’est pas là. Non, je suis toute seule avec deux idiots.

C’est tout juste si je lève la tête quand la gamine récupère ses affaires tombées au sol et qu’elle les range dans son sac. Mais cela me rappelle que mes propres affaires sont tombées et en me penchant au dessus de la table je constate effectivement que l’une de mes plumes trône majestueusement par terre. D’un soupir à m’en fendre l’âme, je la regarde sans bouger. Puis j’attrape ma baguette. « Wingardium Leviosa ». Tout aussi simplement qu’elle est tombée, la plume revient sur le bureau. Satisfaite, j’accorde enfin mon attention à mon grimoire.

Si je voulais me concentrer, c’est peine perdu. Entre moi et la gamine, le Nerveux s’agite. Encore. Et ça soulève son parchemin et ça se retourne à droite et ça se retourne à gauche et ça pousse des soupirs, ça donne des coups de coude. Au troisième coups, je me prépare à balancer mon pied dans sa chaise pour le secouer un peu. Mais l’Autre, la gamine, agit avant moi. Sa voix est si froide, son ton est si glaçant que même moi je me fige en la regardant. Ses yeux couleur glace me rappellent ceux d’Ebony ; mais ils n’ont pas autant de force que les siens, ce n’est qu’un artifice.

« C’est toi qu’a fait bouger la table ! » Le Nerveux accuse la gamine d’une voix vibrante de colère. J’ouvre de grands yeux, incapable de cacher mon amusement. « Alors t’as intérêt à r’trouver ma baguette, ok ? Elle était là. Elle était là, j’te dis ! » crache-t-il en soulevant une nouvelle fois son parchemin.

Un sourire me déforme le visage. Je sais que ce n’est pas bien de ne rien dire, mais je sais aussi que si le garçon est un idiot, ce n’est pas de ma faute. Je n’ai certainement pas le temps de corriger la moindre de ses erreurs. Je ramène mes affaires près de moi. Trop tard, semble-t-il. Il se saisit d’un livre que j’avais posé là et le soulève. Le flux des possibles. De Frewd. Evidemment. Le seul livre qu’il n’avait pas intérêt à toucher.

Vive, je rabats ma main sur le bouquin qui retombe sur la table en un bruit fracassant. Le bras du Nerveux reste suspendu dans les airs. Quand je lève la tête vers lui, son regard vert est furieux. Je fronce les sourcils.

« Faut être idiot pour perdre sa baguette, murmuré-je d’une voix ironique. Débrouille-toi, t’as pas intérêt à toucher mes affaires. »

Je récupère mon livre et le pose de l’autre côté. Je me redresse, accorde un regard à la gamine et sourit au garçon.

« Ecoute-la : calme-toi ou dégage. »

22 sept. 2019, 22:10
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Lorsque tu demandes à l'Etranger de se calmer, tu sens le regard de l'Autre sur toi. Elle te fixe. Tu tournes donc tes yeux dans sa direction, la mettant au défi de parler. Peut-être est-elle plus âgée que toi. Tu n'en as rien à faire.
 
Pourtant, ce n'est pas elle qui te répond. C'est l'Etranger, le crétin. Il t'accuse. Il a perdu sa baguette, et, comme du point de vue de tous les abrutis, ce n'est pas sa faute, c'est la tienne.

Tu restes muette, déconcertée. Tes sourcils se froncent davantage, tandis qu'il s'agite encore. S'il a perdu sa baguette, c'est son problème, il n'avait qu'à la ranger correctement ! Tu ne te mêleras pas de cette histoire, et tu ne chercheras pas ce maudit bâton dont il ne sait même pas se servir. Il se débrouillera, et toi tu vivras ta vie comme d'habitude. Ce garçon est bête, tu ne lui accorderas pas davantage de ton temps et de ton attention. Il se trouvera des fréquentations à sa mesure.

Peut-être l'Autre va-t-elle réagir, puisqu'un sourire étire ses lèvres. C'est alors que le garçon se tourne vers les affaires de celle-ci, qu'elle ramène près d'elle. Il attrape un livre. Sans doute n'était-ce pas la chose à faire, puisque sa main frappe violemment la couverture de l'ouvrage qui tombe sur la table. L'Etranger reste bouche bée, sa propre main toujours en l'air, ses yeux pareils à des feux ardents. Tu l'aurais giflé, si tu avais pu.

Les sourcils de l'Autre se froncent, et tu te demandes ce qu'elle s'apprête à dire. Va-t-elle hurler, ou au contraire, parler tout bas ? Tu ignores ce qui est le mieux. Lorsque tu es en colère, tu te renfermes sur toi même, tu n'adresse plus la parole à personne.

Là, tu trouves la situation presque comique. L'Etranger, qui se croit si supérieur à vous, n'est en fait qu'un pauvre idiot incapable. Il est ridicule, et il ne le sait pas. Tu aimerais t'appliquer à le lui expliquer.
Le ton de la fille est bas, et extrêmement menacant. Tu n'aurais pas aimé être à la place du garçon, qui semble, et peut-être n'est ce qu'une création de ton imagination, un espoir muet, bien malgré lui, se recroqueviller à chaque mot que lui assène l'Autre. Tu en es presque à l'admirer. Elle trouve parfaitement ce qu'il faut dire, ce qui fait mal. Ce qui rend triste et qui peut faire perdre confiance.
Elle est forte, et tu t'en rends compte maintenant.

Sans doute par sécurité, elle a replacé son livre le plus loin possible de l'Idiot, à qui, après avoir fugacement posé son regard sur toi, elle adresse un sourire.

Il va partir. Tu le sais. Il va fuir, comme le faible lâche qu'il est. Il s'en ira, bon débarras.
"Dégage". C'est le mot parfaitement approprié.
Il vous empêche de travailler, vous dérange, fait du bruit. Il n'a pas sa place ici, et l'Autre vient de lui faire clairement comprendre. Toi, tu te serais contentée d'un regard méprisant, d'un sourire dégoûté et d'une moue antipathique. Il serait parti aussi.

Mais si toi tu uses de tes expressions de visages, elle sait se servir des Mots. Elle les modèle comme il le faut, aussi bien que ton ton regard farouche et tes dents serrées, lorsque tu te braques, désespèrent ton père ou ta soeur.

Tu te lèves lentement. Ton visage est menaçant aussi, et tu espères que les chances qu'il reste, déjà moindres, diminuent encore davantage.
Une étincelle moqueuse et méprisante apparaît dans tes yeux, et tu croises les bras. Tu aurais pu paraître ridicule, pourtant ton attitude ne laisse rien présager de bon. Tu veux qu'il parte, il partira.

Au bout d'un petit moment qui te semble Eternité, au cours duquel la tension monte, et où on peut presque sentir l'électricité crépiter, il finit par rassembler les parchemins, plumes et autres manuels, qu'il avait étalés sur la table. Une moue victorieuse s'affiche sur tes lèvres, tu frémis.

La Fierté. C'est ce que tu ressens. Ce crétin, âgé de deux ans de plus que toi, vient de fuir. Et même si ton attitude n'était pas le seul facteur de son départ, elle a aidé. Ca te plaît, de savoir que si tu peux être considérée comme une gamine, tu peux aussi effrayer plus grand, plus massif et plus âgé que toi.

Tu le suis des yeux, alors qu'il quitte d'un pas lourd la bibliothèque encore surchargée. Il trébuche quelques fois, et tu souris. Maladroit, en plus !
Une fois que tu es assurée qu'il est parti, et qu'il ne reviendra pas, tu te rassois tranquillement, comme si rien ne s'était passé. Tu ne sais pas si il y a eu des témoins à votre altércation, mais tu t'en fiches.
Tu t'apprêtes à reprendre ton travail, puis te rappelles d'une chose. Tu tournes la tête, retrouves le visage de l'Autre, et fiches ton regard, comme une flèche acérée, dans le sien.

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02 oct. 2019, 17:02
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Le temps se fige et se divise en deux forces ; il y a lui et nous. Il m’est étrange de penser que la gamine et moi formons un nous, mais c’est pourtant ce que je ressens actuellement dans ce temps suspendu où le regard du Nerveux passe d’elle à moi sans savoir sur laquelle se poser. Moi, je sais pourquoi il hésite. Parce qu’il n’y a pas d’elle et pas de moi ; il n’y a que Nous qui nous dressons contre Lui et il ne peut rien faire contre ça. Je le sais déjà.
Je me laisse aller contre le dossier de ma chaise, les épaules détendues et le visage décrispé. Je sais déjà que nous avons gagné, je sais déjà que le Nerveux ne peut plus être autre chose que l’être misérable qu’il est désormais. Et j’adore ça, par Merlin. J’avais oublié combien il pouvait être agréable d’avoir le contrôle total sur un Autre. C’est absolument palpitant. De la pointe de mes pieds au sommet de ma tête je me sens frémir de bien être ; un sourire s’affiche sur mon visage.
Il est sincère. Pur.
Finies mes pensées récalcitrantes et dérangeantes, finie la soupe à la grimace. D’ailleurs, je ne me rappelle même plus pourquoi mon coeur était si lourd. Dorénavant, il flotte. Il flotte dans mon corps et mon corps flotte dans cet instant. C’est parfait. Que demander de plus ?

Une ombre me répond. Elle s’étend au dessus de moi sans me dominer. Elle se pose contre moi comme une cape doucereuse. Je tourne la tête vers la Gamine. Elle s’est levée et surplombe complètement le Nerveux par sa taille. Non. Pas seulement sa taille. Elle le Domine par ce qu’elle Est, tout simplement. A cet instant précis, alors que l’air crépite de notre Domination, je comprends que l’Autre est comme moi. Sous ses airs de Gamine se cache *elle est comme moi !*. Aime-t-elle frapper, elle aussi ? Cela fait longtemps que la rage ne m’a pas poussé à m’exprimer par la violence.

Le Nerveux balaye mes songeries. Il rassemble ses affaires et s’en va. Je le regarde fuir, trébucher et disparaître sans éprouver la moindre surprise. Après tout, je m’y attendais. Je pousse un profond soupir de contentement et me penche sur la table pour étaler mes affaires. J’éloigne parchemins et livres devant moi pour envahir l’espace de ma présence. Du coin de l’oeil, je surveille l’Autre qui retrouve sa place. Ce n’est qu’en sentant son regard sur moi sur je me tourne vers elle ; son regard verrouille le mien et je me fige dans cette observation silencieuse.

Pendant un temps je pense qu’elle va parler, mais les secondes s’enfuyant je comprends qu’elle n’en a pas l’intention. Moi non plus. Je la regarde en silence, observant ce visage en essayant d’y voir le mien. Finalement, je n’y vois que le sien, mais l’impression que j’ai eu tout à l’heure persiste malgré moi. Maintenant que je sais qu’elle est comme moi, je ne peux plus l’ignorer. Lentement, mes lèvres s’étirent en un fin sourire. Il ne veut rien dire d’autre que : je sais qui tu es, mais je sais que l’Autre n’y comprendra rien du tout.
Ce n’est pas important.

« C’était comme ça qu’il fallait faire, » approuvé-je tout simplement et pour moi ça vaut tous les compliments du monde.

Puis je m’en retourne à mon travail, le corps inconsciemment tourné vers cette Autre avec laquelle j’ai partagé une chose qui n’a pas de nom. Peut-être pourrais-je appeler cela de la complicité, mais je suis réticente à utiliser ce mot avec une autre personne qu’Ebony.


Excuse-moi pour ce temps de réponse, Plume. 

15 oct. 2019, 17:05
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
L'Autre te fixe un moment. Peut-être attend-elle que tu prennes la parole ? Tu n'en sais rien, mais tu n'en as pas l'intention.
Pendant un long moment, tu te refuses à détourner ton regard, non pas par peur, ni par fierté. Simplement parce que quelque chose, que tu n'avais jamais ressenti auparavant avec quelqu'un d'autre que Maë, est en train de se produire. Tu ne parlerais pas d'un lien qui se forme, parce que tu ne connais même pas le nom de l'Autre, non, autre chose. Indéfinissable. Tu essaies de mettre un mot sur cet étrange sensation, mais tu n'y parviens pas.
Finalement, un sourire étire ses lèvres, faisant définitivement disparaître la moue boudeuse dont tu parvenais encore à apercevoir les vestiges quelques minutes plus tôt. Peut-être cela signifie-t-il quelque chose ? Tu n'en sais rien. Et tu te refuses à interpréter. Si ça se trouve, elle est simplement heureuse de... d'avoir terminé son livre, par exemple ! Non, tu n'en sais rien, et si l'Autre souhaite t'expliquer la raison de cette soudaine bonne humeur, elle le fera. Toi tu ne demanderas pas.
Sa voix retentit soudain. Elle ne te fait pas sursauter, parce que tu t'attendais à ce qu'elle parle, mais sa voix te surprend. Peut-être trop douce, ou trop sèche. Peut-être trop basse, trop haute. Peut-être pas assez. Ça non plus, tu ne sais pas.

C’était comme ça qu’il fallait faire.


Tu fronces les sourcils. Ainsi, ta façon de faire ne l'a pas vexée. Non, au contraire. C'est un compliment qu'elle t'adresse. Ses yeux brillent un instant puis elle tourne la tête, reprenant son travail. Ton cerveau cherche une réponse convenable, sans succès. Quelque chose qui ne te ferait pas paraître minable à ses yeux, parce que ce n'est pas avec cette sorte d'intérêt si durement gagné que tu ne risques pas son mépris à tout instant. Ces phrases glaciales qu'elle a dites au garçon, pour rien au monde tu n'aimerais qu'elles te soient adressées. Tes lèvres s'étirent doucement.
Tu inclines la tête, tentes de faire passer le message que tu ne parviens à exprimer par les Mots par ton regard.

*Il n'y a pas une façon particulière. Tes Mots étaient parfaitement ajustés. Voir ce crétin fuir vaut toutes les récompenses du monde. Je t'en remercie.*

Vous êtes différentes, physiquement. Elle est blonde, ses yeux sont foncés. Tu es rousse, ton regard est clair. Elle est grande, tu es petite. Vous êtes l'opposée l'une de l'autre. Les contraires parfaits. Si différentes, et pourtant si semblables. Tu ne la connais pas. Son nom t'es complètement étranger. Et pourtant, tu as l'impression qu'elle t'est absolument identique. Vos vies respectives ne semblent pas être les mêmes. Elle doit, comme tout le monde, connaître la Joie. La Peur, la Tristesse, le Désespoir. Le Dégoût, l'Envie. Mais pas comme toi. Et c'est sans doute ce qui fait de vous une seule personne. Une Union, un Vous. Quelque chose que tu n'avais jamais vécu avec quelqu'un d'autre que Maë. Ça te perturbe. Au plus haut point. Tu ne savais pas qu'une telle complicité, même pas volontaire, soit possible. Avec une personne que tu n'as jamais rencontrée. Jamais vue. A qui tu n'as jamais parlé.
Sortant de ta rêverie, tu détournes le regard.
Tu te remets à ton travail. Tranquillement. Mais tu ne parviens plus à te concentrer. Dans ta tête se repasse l'épisode de l'Etranger, en boucle, ses mimiques, ses paroles, et, enfin, le compliment de l'Autre.
Tu ne cesses de tourner la tête dans sa direction, ne parvenant qu'à apercevoir son profil. Tu ne sais pas si elle remarque ton manège, mais tu t'en fiches. Tu aimerais d'un coté tout savoir d'elle, et de l'autre ne pas la connaître, qu'elle ne soit qu'une Autre parmi tant d'Autres.
Navrée pour ce temps de réponse.

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ent‘r‘êvée

22 oct. 2019, 16:12
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Je sens son regard sur moi. Ou devrais-je dire que je le vois. Tournée comme je le suis vers elle, je ne manque rien de ses agissements. Pourtant, mon regard ne se pas lève pas une seule fois vers elle ; cela ne m’empêche pas d'apercevoir sa tête se tourner vers moi à intervalle régulier. Je me demande si cela signifie qu’elle veut me parler. Quand Thalia veut me parler, elle me jette des regards insistants. Et quand Zikomo veut le faire, lui il n’attend pas, il le fait. Alors que veut cette fille ? Mes maigres points de comparaison ne me permettent pas de le deviner. Alors je ne dis rien, me contentant de travailler et d’avancer dans mon travail. Mais je finis par me rendre compte que je n’avance pas du tout ; depuis tout ce temps, mon regard est toujours fixé sur la même ligne et ma plume dans ma main n’a rien écrit du tout. Pas le moindre petit signe. Mon esprit est comme verrouillé par la fille que j’observe sans regarder. Rien à faire, mes pensées me ramènent vers elle. Son regard sur moi. Sa tête qui se lève. Son air que je ne comprends pas.
Et dire qu’elle ne parlait pas beaucoup. Pourquoi a-t-il fallu qu’elle ne cesse de me regarder ? Je n’aime pas les regards que l’on porte sur moi. La plupart du temps, ils ne cachent rien de bon.

Je lève la tête. Naturellement, mon regard se fixe dans le sien. J’hésite quant à ma future action : dois-je lui dire clairement que son regard me dérange ? Ou lui demander ce qu’elle me veut ? Ou lui faire une grimace ? Déjà, je devine que je ne lui dirais pas de se barrer ; étrangement, je n’en ai pas envie. Elle et moi sommes camarades, désormais. Elle ne me dérange plus, même si j’aurais préféré avoir cette table pour moi toute seule. 
Une image s’impose alors dans mon esprit.
Je la revois, elle, se lever et faire dégager le Nerveux de la seule force de son regard ; et du mien. De sa hauteur, elle a réussi. Croit-elle pouvoir faire de même à présent ? Veut-elle me faire dégager en m’harassant de son regard ? Je fronce légèrement les sourcils et me laisse aller contre le dossier de ma chaise.

« Tu crois y arriver avec moi ? demandé-je alors à voix basse, un sourire au bord des lèvres. J’partirais pas. »

Quel que soit son but, je doute fortement qu’elle veuille me dégager pour les mêmes raisons que nous l'avons fait pour l’autre abruti. Mais je crois qu’elle a quelque chose derrière la tête et je doute que cela me plaise. Je dresse légèrement le menton pour qu’elle ne se méprenne pas sur mes intentions : je resterais ici, quoi qu’il arrive. Je ne suis pas une pauvre abrutie, moi. Je ne me laisse pas impressionner.
Elle me fait un peu penser à Krissel : elle veut des choses qu'elle n'aura jamais. Avoir un pouvoir sur moi, par exemple. Mais ce qu'elle ne sait pas encore, c'est qu'elle ne pourra jamais me faire ce qu'elle a fait au Nerveux. Je me demande si elle aussi naïve que Grewger ou si elle a vraiment une idée derrière la tête. Etrangement, je n'aimerais pas la découvrir naïve. 

25 oct. 2019, 01:03
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Tu te replonges dans tes devoirs, et cette fois-ci rien ne te perturbe. Pas même le visage de ta voisine, qui tourne et retourne dans ton esprit. Tu veux terminer ce devoir. Et ton envie de continuer à défier l'Autre qui t'impressionne tant n'y changera rien. Elle semble également tenter de travailler, mais, au bout d'un temps, tu n'y fais même plus attention. Plus rien d'autre n'existe que ta délicate Plume d'aigle, ton parchemin et ta main n'existent. Qui tantôt courent sur le papier, traçant de belles lettre, légèrement penchées, tantôt s'arrête un instant, s'étirant, avant de reprendre sa course effrénée.

Beaucoup de boucles, d'arrondis. Tu as mis un temps fou avant d'être satisfaite de ton écriture. Trop petite, trop grande, trop rapprochée. Il y avait toujours quelque chose qui ne convenait pas. Toujours quelque chose qui t'incitait à tout reprendre à zéro. A tout recommencer, comme si rien n'avait existé. A tout effacer de ta mémoire. Disperser le tout dans la brume.

Des gouttelettes d'eau. Voilà ce que sont tes souvenirs. Éphémères.

Enfin, elle parle. Tu attendais ce moment. Presque avec impatience. Peu importe ce qu'elle va dire. Tu auras enfin un motif valable pour te tourner vers elle.

Tu crois y arriver avec moi ? J'partirai pas.

Sa question est déroutante. Arriver à quoi, enfin ? A quoi peut-elle bien faire allusion ? Tu réfléchis. Longtemps, peut-être quelques minutes, peut-être quelques secondes.

La notion du temps t'est devenue complètement étrangère.

Finalement, la réponse te parvient d'elle-même. Et elle te blesse. Elle t'estime donc si peu ? Pense que tu la considères au même titre que l'Etranger ? Une idiote, une fille qui ne mérite que la fuite sous la pression de ton regard ? Une incapable ? Qui ne sait pas se tenir ?

Tes épaules se baissent un peu. Ce que tu considérais comme un progrès ne semble être rien, aux yeux de l'Autre. Rien d'autre que... que quoi, d'ailleurs ? Une discussion ? Un ennui, une journée comme les autres ? Une honte, celle de devoir parler à une première année sans cervelle ?

Tu gardes le visage tourné vers l'Autre, et lui réponds, sur ton ton de défi habituel :

Nan. Tu fais c'que tu veux. Tant que tu déranges pas.

Tes yeux se sont un peu durcis. Non, tu veux pas la voir partir. Et tu sais très bien que jamais elle ne laisserait sa place. Elle est fière, et cette fierté tu la comprends. Parce que tu possèdes la même.
*Un point commun de plus*, penses-tu inconsciemment. Et avec une certaine... joie.
Elle t'a répondu avec un brin de moquerie, assez cassante. Ta réponse est presque identique. Cassante. L'humour en moins.
Peut-être as-tu mal interprété sa réponse, que dis-je, son affirmation. Peut-être tentait-elle de renforcer le lien qui commençait à vous unir.
Mais tu ne l'as pas perçu comme ça.
Tu penses qu'elle réagit comme toi. Tu espères. Qu'elle réfléchit comme toi. T'es bien trop naïve.
Les hommes ne sont pas tous pareils, Kyana ! Réveille toi ! Où est passé la conscience que tu avais commencé à acquérir chez ton père ? Celle qui te dictait de ne te fier à personne ?
Elle a disparu. Elle a disparu et ça ne te fait rien. Parce que faire confiance à quelqu'un, ça te soulage. Mais, enfin ! Tu ne la connais même pas, cette Autre ! Tu ne sais pas qui elle est. Comment peux-tu deviner ses pensées ?

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ent‘r‘êvée

27 oct. 2019, 10:26
Pérégrination d'Enfant solitaire  Terminé 
Peut-être n’est-elle pas naïve, mais je n’en ai pas la certitude. Ce que je sais, c’est que sa voix me fait grincer des dents. Elle s’est simplement tournée vers moi et m’a calmement énoncé ces mots. 
Elle s’en fout.
Elle ne veut pas que je parte.
Tant que je ne dérange pas.
Comme si j’étais une enfant récalcitrante. Comme si elle, elle acceptait gracieusement que moi je reste. De ce fait, elle me relègue exactement au même point que le Nerveux : je ne suis qu’un élément secondaire de son horizon. Le genre dont on se débarrasse s’il devient trop bruyant. Elle s’octroie le Droit ; je vais le lui refuser. Maintenant que nous partageons un secret, elle et moi, je ne me considère pas du tout au même point que tous les autres dans son regard. Alors si elle croit pouvoir me considérer comme une quantité négligeable, si elle croit avoir le droit de se penser au-dessus de moi, elle va déchanter.

Je soutiens son regard avec la même force qu’elle use pour soutenir le mien. A cet instant, le temps semble s’arrêter. Il se passe des choses dans son regard, presqu’autant qu’il s’en passe dans le mien. Je crois que c’est du défi. Oui, ce sont ses mots qui me défient. Ils me disent : tu crois être mieux que moi ? Impossible ! Et moi, je n’aime pas que l’on pense cela de moi. Et moi, je m’amuse follement à l’idée de faire comprendre à cette fille — qui me ressemble étrangement, je ne l’oublie pas — que personne ne peut décider à ma place.

« Et si j’dérange ? » défié-je en dressant le menton et en plissant les yeux.

Et si je dérange, que feras-tu, gamine ? Si tu es comme moi, tu t’imposeras, comme tu l’as fait avec le Nerveux. Mais si tu es comme moi, tu comprendras ce que chante mon coeur à cet instant même et tu sauras quoi faire. Mais je ne me fais pas d’illusion, pensé-je alors en laissant un sourire mensonger étirer mes lèvres. Non, je ne m’en fais pas. Car je sais qu’elle n’est pas comme moi. Elle n’en a que l’air. Elle n’est que la façade de ce que je suis : une enfant qui sait ce qu’elle veut et qui n’hésite pas à le dire. Mais sous cette façade-là, elle est une Autre. Une Autre sans consistance, qui juge, qui se moque, qui croit savoir mais qui ne sait rien. 
Ici, je suis seule. Ici sans Thalia, je suis seule. Cette Autre ne me comprendra pas. Delphillia me l’a fait comprendre, cela, n’est-ce pas ? Elle me l’a dit que personne ne pouvait avoir ne serait-ce que l’envie de me comprendre. Alors je suis complètement seule. Il n’y a qu’à la Maison où je suis moi, car on m’y comprend. Mais la Maison est loin et j’ai beau m’affliger de cet éloignement, cela ne change rien au fait que je sois ici, face à cette Autre qui pense pouvoir me comprendre mais qui n’en sera jamais capable.

Mon visage a perdu son sourire. Mais mes yeux ne se sont pas détournés. Qu’elle me pense donc sérieuse, sa réponse n’en sera que plus sincère. Quoi qu’elle dise, elle m’occupera : si elle s’impose, elle fera fuir mes pensées ; et si — si miracle il y a — elle essaie de me comprendre, l’effet sera le même. Alors, quoi que tu fasses Enfant-de-défi, occupe un peu mon esprit, secrètement je t’en remercierais.