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08 nov. 2019, 16:55
La guerre de Troie n'aura pas lieu  PV   T.G'S. 
@Thalia Gil'Sayan
Novembre 2044

Nonchalant, presque négligent, voici l’enfant du Tilleul qui se tenait sur sa chaise, la tête soutenue d’une main lascive aux articulations douloureuses. Son autre main, l’active, tenait ouverte les pages d’un lourd dictionnaire latin-anglais, semblable au Gaffiot des étudiants français (avec notamment ses illustrations détaillées). Le dictionnaire semblait vieux et n’appartenait vraisemblablement pas à la bibliothèque de Poudlard. Pour tout dire, c’était celui de sa mère, Annabelle Rosenthal, lorsque cette dernière était partie en France, poursuivre ses études dans les langues anciennes. Et notamment la latine, accompagnée de la grecque.
Lui, avait bien plus d’affinité avec le latin, que le grec. Notamment pour des raisons de parti pris. Quiconque de sensée irait se ranger du côté des Troyens et non des Grecs. Les Troyens avaient de bien meilleurs héros même si, bon, y avait Pâris. C’était pas glorieux. Mais c’était toujours mieux que cette brute d’Achille qui au mieux, au sommet de sa capacité à être aimable et sympathique, n’allait guère au-delà que le Gryffondor moyen à qui l’on avait offert une batte de Quidditch pour Noël.

En conclusion, le latin, c’était mieux. Surtout que bon, les Grecs étaient bien mignons à insulter de barbares tous ceux qui n’étaient pas comme eux, mais ils n’étaient pas vraiment capable de s’adapter suffisamment pour survivre à l’évolution du monde.
Et toc.

Autre raison : que serait un sorcier s’il ne connaissait son latin sur le bout des doigts ? Chez les Rosenthal, c’était un peu la langue maternelle : branche anglaise, française qu’importe mêlées. Le latin d’abord, le vernaculaire après. Ce à quoi le côté Lyndon avait bien finit par consentir, même si c’était jugé un brin réfractaire, ce genre de pratique.
Il avait donc communiqué en latin auprès de sa mère, dans ses premières années. De toute façon, elle ne lui aurait pas répondu s’il avait eu recours à de l’anglais. Il avait bien fallut qu’il s’adapte.

Et puis, c’était bien le latin. C’était beau, même. Car c’était logique, purement et fondamentalement. C’était un jeu de déclinaisons et d’emboîtement, de recherche et de découverte. Finalement très créatif, même s’il s’emmêlait toujours les pinceaux sur les mêmes choses. Car son latin, il ne le pratiquait que sur des textes, évidemment. Des textes à traduire, à commenter, à apprendre et à réciter. C’était bien que comme cela que ça rentrait. Souvent, sa mère le faisait réciter. Mais ça, c’était avant d’entrer à Poudlard. Où ne se trouvait même pas de cours de latin. Une honte, oui, tout le monde était d’accord avec ça. Ou pas. Ça lui convenait plutôt bien, que de continuer sa pratique de la langue, seul, dans son coin, avec son dictionnaire et ses extraits d’œuvres, plutôt qu’avec tout un tas d’autres enfants qui auraient tous un niveau complètement du sien. Et ce n’est pas qu’il se prenait pour plus qu’il ne l’était (quoique), mais il estimait être bien au-dessus des cours de débutant dans cette matière. Ça va, à la longue, il les connaissait ses déclinaisons.

Un soupire s’échappa d’entre ses lèvres dont la peau avait été arrachée tant pour la partie inférieure, que pour la partie supérieure. Et ce n’était pas la faute de ses dents. Ça avait été consciencieusement réalisé à l’aide de ses doigts, dans un moment de stress. Pareil pour ses mains, d’ailleurs. Partout où de la peau manquait, le stress était passé par là.

Sous la table, sa jambe bougeait, les orteils servant de levier. C’était le talon qui ne restait jamais bien longtemps au sol. Un geste répété, et répétitif. En boucle, qui ne faisait pas de bruit. On avait déjà dû lui demander quelque fois d’arrêter, mais il n’avait pas vraiment écouté. Ce n’est pas comme s’il faisait du bruit. Et même si les autres faisaient du bruit, il avait sur ses oreilles son casque anti-bruit.
Il était dans sa bulle, purement et simplement. Rien ne pourrait le déranger. Mais pour tout dire, il se dérangeait plutôt lui-même, à ne pas réussir à traduire ce vers. C’est qu’il s’était lancé dans les Héroïdes d’Ovide : recueil de lettres d’amour de femmes mythologiques à leurs amants. C’était passionnant, car évidemment, Ovide, c’est merveilleux. Mais c’était aussi, assez compliqué à traduire. Surtout en respectant les règles du vers élégiaque et de la scansion. Il n’y a pas à dire, il était tout de même bien plus à l’aise pour traduire de la prose. Mais il voulait s’essayer à Ovide, à la poésie. Il n’en avait encore jamais vraiment fait, c’était l’occasion. Paraît que c’est curieux, un Serdaigle, non ?

Dans un mouvement, il se redressa, et fit craquer des morceaux de son dos, sa nuque et ses épaules, dans un rituel bien rôdé. Toutes ses articulations le faisaient souffrir, encore plus si le temps était à la pluie. Pour ça qu’il ne pouvait jamais rester longtemps dans une même position. C’était douloureux, tout simplement. Et là encore, il ne voyait pas pourquoi il aurait besoin de se justifier.
Ainsi, comme il en avait assez de rester assis dans toutes sortes de positions différentes sur cette chaise qui commençait à devenir inconfortable, le voici qui se lève, étire ses genoux, et crac, crac dans les cheville, le genou pas très droit. Il est debout, contre sa chaise, la tête penchée sur sa feuille. Ses lèvres muettes bougent, récitent silencieusement les vers tandis que sa main s’agite, compte sur les doigts afin de scander les premiers vers de la huitième lettre : Hermione écrivant à Oreste. C’était en pleine guerre de Troie, c’était tragique. D’ailleurs, ça avait inspiré, les tragédies et les tragédiens. Il espérait que ça l’inspirerait aussi à au moins traduire une petite dizaine de vers avant de devoir se rendre dans la Grande Salle, rejoindre Iror et Pancréas à table.

Alors…
« "haec tibi sub domino est, Pyrrhe, puella suo!" »

Mais quel mou cet Oreste…

Method in the Madness
Ière année RP : 2043-2044
Théana : there's alchemy between us