➢ 18h32, Grande Salle


Sachant que l'excuse des carences risque de ne pas fonctionner deux fois avec les elfes je me rends dans la grande salle pour manger. Je m'assieds aussi loin des pestes que possible. Oui, des pestes, c'est ce qu'elles sont. La nourriture dans ce château est un réconfort plutôt convenable. Nous avons toujours des plats bien cuisinés et du choix, pour ça pas moyen de se plaindre. Il faut dire qu'on y met le prix, je me demande comment font les élèves dont les parents ne sont pas très fortunés...

Après quelques minutes de réflexion solitaire j'ai la surprise de sentir le banc s'affaisser et quand je relève la tête je suis entourée des Poufsouffle. Je leur souris, surtout à Alice qui est désormais sèche excepté ses cheveux dont les pointes sont encore humides. Je suis contente de ne plus me retrouver seule pour manger, mais je me demande sincèrement comment les choses se dérouleront à la rentrée. J'ai déjà vu des élèves déserter la table des Gryffondor pour aller sur d'autres, mais je ne sais pas si ce ne serait pas un peu intrusif de ma part.

James me sort de mes pensées en demandant : "Alors Naomi, on ne connait pas grand-chose de toi ! Sinon que jusqu'à présent tu étais dans le groupe des…

- James, stop. l'interrompit Alice avant qu'il n'ait fini sa phrase.

Je me sens soudainement mal à l'aise. Je parviens à peine à répondre : "Il... il n'y a pas grand-chose à savoir sur moi."

Le reste du repas je reste silencieuse, parlant seulement à Alice pour lui demander de me passer les plats. Seul Dominique essaye de me réconforter en me demandant ce que j'ai eu pour noël : "Des livres, et une menthe poivrée."

Dite-ainsi, la liste de mes cadeaux paraissait un peu courte, mais à moi cela suffisait amplement.
Une fois que l'on eut fini de manger James proposa d'aller faire du Quidditch sous la pluie, ce à quoi Alice répondit s'être déjà assez mouillé pour aujourd'hui. Nous échangeâmes un sourire complice devant le regard suspicieux de James.

➢ 23h45, Dortoirs


Il fut finalement décidé que nous jouions aux cartes. Il s'est avéré que James était un boulet pour tout ce qui concernait la mémoire et la stratégie ce qui nous a permis de bien rigoler de lui. Dominique et moi avons gagné la majorité des parties au grand damne de Julie, Alice et James qui ont fini par déclarer forfait.

À la fin de la soirée avant d'aller dormir j'ai eu le temps de la remercier pour son mot et de lui souhaiter une bonne année à elle aussi. Je ne sais pas ce qui lui a pris à cet instant, elle a fait un pas vers moi et a déposé un baiser sur ma joue pour me dire bonne nuit. Je n'ai rien pu répondre, trop troublée, ce qui l'a fait rire. Et maintenant que je suis dans mon lit je ne fais qu'y repenser encore et encore. J'ai l'impression que rien n'a de sens. Ce baiser, si chaste soit-il, et déposé sur ma joue en plus, à comme rendu réel tout ce qui avait eu lieu avant. Je suis comme marquée au fer rouge. En quelques jours ma vie est passée de misérable à digne d'intérêt... Tout ça grâce à elle, Alice... Pourquoi faut-il qu'elle hante mes pensées depuis quelques jours ?

➢ 4 janvier 2027, 8h20, Classe de sortilèges


Les trois derniers jours des vacances ont surtout été dédiés aux devoirs. Tous les jours j'ai retrouvé Alice à la bibliothèque et nous avons travaillé. Parfois seules, parfois avec les autres qui nous entouraient. Nous avons peu discuté, mais les regards en coin suffisent. Sa seule présence me détend, je n'ai pas besoin de plus pour avoir l'impression de la connaitre.

Aujourd'hui c'est la rentrée. J'avoue que j'appréhende un peu la manière dont vont tourner les choses. Je sens qu'il va être décisif que je montre à Alice que je ne veux pas que notre rencontre s'arrête à la fin des vacances.

Heureusement pour moi, j'ai dès le premier cours l'occasion de la croiser puisque nous avons cours commun avec Poufsouffle. Nos places sont déjà attribuées et les changements plutôt mal vus mais autorisés. Je décide donc d'abandonner mon actuelle collègue, une Gryffondor du groupe de Bethany, pour rejoindre Géromine, une Poufsouffle. Ainsi Alice se retrouve juste devant moi. Lorsque le cours commence je reçois un regard suspicieux de mon professeur, et un étonné de celle dont je me suis rapprochée.

Le professeur nous a donné comme devoir un exposé sur le sortilège vu en cours dont l'histoire est apparemment plutôt longue. Pour que notre documentation soit plus efficace il nous a demandé de nous mettre en groupe avec notre voisin. Je suis un peu déçue d'être avec Géromine et non Alice. Cette dernière ne m'a pas parlé du cours, elle m'a simplement adressé un sourire à la sonnerie. Sourire auquel je m'accroche comme à un espoir, une promesse que nous n'en avons pas fini.

➢ 9 janvier 2027, 13h50, Bibliothèque


Je suis à ma place. Celle que j'avais pendant les vacances. J'ai demandé à Géromine de se mettre à ma gauche, et en face j'ai mis mon sac, pour que personne ne s'assoit à sa place. Je garde espoir qu'elle entende mon appel, car je crie intérieurement son nom.

La Poufsouffle avec qui je dois travailler est particulièrement calme et fait dans l'efficacité ce que j'apprécie. J'ai en horreur l'idée de discuter alors que je suis censée travailler. Je me contente d'écrire les informations que je trouve et de lui montrer ce que j'ai obtenu de plus intéressant tandis qu'elle fait de même. Nous avançons bien, je sens que si elle n'a pas le souhait de s'arrêter en cours de route nous en finirons dès ce week-end avec ça.

"Je peux m'asseoir là ?"

Je sursaute. Alice. Juste devant moi, belle comme toujours. Je ne peux m'empêcher de sourire, ce qu'elle me rend bien. Je me lève précipitamment pour retirer mon sac. En contournant la table je me retrouve toute proche d'elle, et je n'hésite pas à me rapprocher encore même si je pourrais déjà prendre mon sac et lui laisser la place. Debout si près de moi, elle me surplombe de quelques centimètres. Mes yeux dans les siens, mon cœur bat vite. Son sourire devient taquin, elle se penche pour murmurer à l'oreille "Tu feras attention, tu es rouge, tu dois avoir attrapé froid..."

Non Alice, j'ai attrapé chaud. Surtout depuis que je sens ton souffle s'insinuer jusque dans mon cou. Un peu effrayée par la proximité j'ai un très léger mouvement de recul qui la fait revenir à sa place. Je souris, comme une idiote. Cette fille me file le tournis.

Je reviens à ma place et m'assois penaude, sous le regard amusé de Géromine qui visiblement n'est pour une fois pas restée plongée dans son livre. Alors que j'essaye de me concentrer sur la page où j'en étais j'entends Alice s'approcher. "Tu permets que je pose ça là ?"

Ah, mon sac... C'était donc pour ça que je m'étais levée ! Je la regarde revenir à sa place comme si de rien était. Comment fait-elle pour rester aussi désinvolte ? Je ne m'attarde pas plus sur son attitude et essaye de me concentrer sur mon livre.

J'aime beaucoup les sortilèges, mais en pratique seulement. La théorie est tout ce qu'il y a de plus ennuyant, et les recherches historiques que nous faisons pour étayer mon devoir m'achèvent. Alice en face a commencé à travailler. Elle à l'air tellement concentré... À la regarder comme ça je n'aurais jamais parié que c'était une bosseuse. Mais il ne faut pas se fier aux apparences.

Cette image intellectuelle que je me suis construite d'Alice ce jour-là s'est brisé à peine quelques jours plus tard. Je me souviens, le...

➢16 janvier 2027, 13h50, Grande Salle


"Et toi Naomi, tu soutiendras les jaunes demain hein ? me lance Julie d'un ton accusateur.

Sortie de mes pensées je relève la salade et m'informe ; "De quoi ?

- Le match de Quidditch demain. Tu encourageras Alice quand même ?

J'essaye de comprendre ce qu'elle me raconte. Son regard appuyé. Alice qui fuit du regard et qui... je jurerais qu'elle rougit. James qui parait plus excité que jamais. Dom qui... mange sa salade. Le match de Quidditch demain. Oh ! Compris.

- Ah je ne regarde jamais le match. Les joueurs idiots qui se la pètent et les supporters qui hurlent c'est pas ma came.

Julie parait sur le point de m'étriper. Qu'est-ce que j'ai dit encore ? "Alice est humble et intelligente, donc tu feras l'effort de venir la regarder jouer."m'impose t'elle.

Alice joue ? Mais Alice ne fait pas de Quidditch… Ou alors si ? Je devrais écouter plus souvent les conversations. Donc je viens de la traiter d'idiote ? Super. On ne se demande pas qui est la véritable idiote ici...

J'essaye de me rattraper comme je peux ; "Aaah oui bien sûr je viendrais. Mais c'est juste pour Alice hein !"

Julie semble se calmer un peu. Alice continue à me fuir du regard mais je vois bien un sourire se former sur ses lèvres. James est toujours aussi content de nature et Dom ricane en levant un sourcil dans ma direction. Moi je fais mine de rien et attends déjà avec impatience le match.

➢ 17 janvier 2027, 15h30 Stade de Quidditch

Tout naturellement j'ai retrouvé Julie, Dom et James et me suis assise avec eux parmi les supporters de la maison jaune. C'est à ce moment que j'ai réalisé que la seconde couleur qui colorait le stade était le rouge. J'ai hésité quelques instants à rester avec eux. Qu'allaient en penser mes collègues de Gryffondor si ils me voyaient de ce côté du stade ?

Mon hésitation s'est immédiatement tu, lorsque les joueurs sont entrés dans le stade. Avec sa tenue jaune et ses cheveux roux on aurait dit qu'elle était en feu... Je me trouvais soudainement un grand intérêt pour le Quidditch.

Mes camarades criaient tout leur soutient aux jaunes et en particulier à Alice. De ce que je comprenais il s'agissait de son deuxième match en tant que membre de l'équipe. Celle-ci étant très stable jusqu'à lors, elle n'avait pas pu s'y frayer chemin.

Moi même je restais silencieuse et ne la lâchait pas des yeux. Qui eut cru qu'un uniforme avec autant de tissu puisse mettre autant son dynamisme corporel en avant ? Elle jouait au rôle de batteur, et je ne pouvais m'empêcher de retenir ma respiration chaque fois que la balle noire s'approchait d'elle ou qu'elle-même se dirigeait vers la balle.

Le match c'est presque entièrement déroulé sans encombres. Gryffondor a gagné, mais je ne suis pas peu fière d'Alice ! Vers la fin du match elle s'est pris un cognard en pleine hanche et a fait quelques tonneaux. Je ne sais pas comment, mais elle a réussi à tenir sur son balai ! Et elle n'a même pas eu l'air d'avoir mal. Et pourtant je meurs d'envie de vérifier que tout va bien pour elle...

D'après James les Poufsouffles ont encore leur chance de gagner leur coupe de Quidditch, car le score était serré et qu'ils avaient pris une belle avance en jouant face à Serdaigle. Moi je n'y connais rien mais j'ai retenu dans son discours qu'on avait le droit d'aller voir les joueurs de notre équipe à la sortie des vestiaires ; “On y va alors ?” m'étais-je dépêchée de demander.

Il n'avait pas relevé mon empressement, mais je surpris Dom à ricaner à côté de moi, encore une fois. Je le foudroyais du regard et suivit James et Julie qui semblaient savoir où nous emmener.



➢ 17h09 Vestiaire de Poufsouffle.

"Alice ça va !?"

Je n'avais pas pour habitude d'être aussi brusque mais j'avais absolument besoin de savoir qu'elle n'avait rien. "Bien sur, pourquoi ça n'irait pas ? me sourit-elle

- Ce fichu Cognard, ils devraient interdire ces choses-là. C'est bien trop brutal !

- Eh, c'est ce qui fait tout le dynamisme du jeu, m'interrompit James.

- Ne t'inquiète pas pour moi, j'aurais un bleu tout au plus. me répondit-Alice sans relever la remarque de James."

Je ne pût m’empêcher de remarquer le sourire insolent qu'affichait Dom. Un peu en retrait il semblait amusé par la scène. C'est à ce moment que je me décidais de le convier à discuter en privé plus tard. Ses expressions faciales sous-entendaient trop de choses.

➢24 janvier 2027, 10h32 Bibliothèque


Je l'avais croisé par hasard. Assez discret il était rare que je remarque sa présence mais cette fois là j'avais des choses à lui dire.

Je m'étais assise en face de lui et l'avait interrompu dans sa lecture ; "Dominique, on peut parler quelques minutes s'il te plait ?

- Combien de minutes très exactement ?

- Je ne sais pas... mais c'est pas la question, on peut parler ?

- Je n'accepte rien sans savoir à quoi je m'engage. Combien de minutes ?

- Mais je sais pas moi ! Pas plus de dix minutes !

- C'est d'accord. "

Si lui était très calme, c'était loin d'être mon cas. Je m'impatientais vite et il me tapait sur les nerfs à vouloir de la précision ; "Bon, tu te doutes de ce dont je veux te parler.

- Pas vraiment non...

- Joue pas à ça Dom, je suis sérieuse.

- Moi aussi, je ne vois pas ce dont tu parles !

- Ton attitude.

- Eh bien, qu'est-ce qu'elle a mon attitude ?

- Tu sais très bien. Tes sourires et tes rires.

- Qu'ont-ils ?

Je pris sur moi pour ne pas m'énerver. " Ils me donnent l'impression que tu te moques de moi, et j'aimerais savoir pourquoi !"

- Tu veux dire que tu veux savoir pourquoi je ris ?

- C'est exactement cela.

- Moi je pense que tu le sais. il se remit à fixer son livre comme si la conversation était close.

- Non, sinon je ne te le demanderais pas.j'étais séche, mais je m'en fichais, il le faisait exprès !

- Pourquoi tu mens ?

- Mais je ne...

- Moi je pense que tu sais très bien et que tu es venue me voir parce que tu avais envie d'en parler.

Ma patience avait ses limites. Ses analyses de psychologues il pouvait bien se les garder ! Premièrement je ne savais pas du tout ce que signifiaient ses sourires. Ou alors j'avais peut-être une hypothèse mais rien de sur. Vraiment rien... Et puis deuxièmement cette hypothèse je n'avais pas besoin d'en parler. Pas le moins du monde !

Je serrais mes doigts autour du rebord de la table pour ne pas taper dessus et au moment même ou j'allais faire demi-tour et abandonner, il ajouta : "Tu sais je crois que tout le monde a remarqué qu'Alice te plaisait. Mais c'est normal ne t'en fais pas, elle fait cet effet à tous les gens qu'on rencontre !"

C'est la goutte d'eau. Mon cœur se serre. Pourquoi j'ai envie de pleurer ? J'aimerais lui balancer un diffindo. Il est horrible. Tout le monde sait ? Elle ne me plait même pas ! C'est un ramassis de mensonges. Et comme si cela ne suffisait pas il en rajoute ; "Tu feras comme tous les autres, tu t'éloigneras de nous quand elle t'aura jetée. Autant t'éloigner tout de suite, tu t'éviteras bien des souffrances inutiles. Je dis ça pour ton bien."

- Connard !

C'est sorti tout seul. Il venait du cœur celui-là je crois. Comment ose-t-il me dire ça ? Et tous les autres pensent pareil ? Je sens le monde s'effondrer autour de moi...

➢14h56, Dortoirs.

Après avoir insulté Dominique je suis sorti en courant de la bibliothèque. Je me suis enfermée dans le dortoir et depuis tous ces mots tournent en boucle dans ma tête. Je n'ai même pas été mangé, je crois que j'ai loupé l'heure du repas. Tant pis. Il a peut-être raison... Finalement il est le seul à me l'avouer, je devrais lui en être reconnaissante. Je ferais mieux de m'éloigner d'eux.

Alors je suis à nouveau seule n'est-ce pas ? Loin des vipères de ma maison, loin des blaireaux. Leur animal leur correspond bien finalement... Faut croire qu'ils griffent plus qu'il n'y parait.

➢1er Février, 15h56, salle commune de Poufsouffle.


Quatre poufsouffles, deux filles et deux garçons, assis en cercle sur de gros fauteuils rembourrés. Occupés à lire et travailler ils restent calmes jusqu'à ce que l'une d'entre eux ne se décide à briser la tension ;

- Dites vous n'avez pas l'impression que Naomi a passé sa semaine à nous éviter ?

C'est une jeune fille rousse et élancée, jolie et visiblement inquiète. Le parchemin posé devant elle semble avoir des difficultés à se remplir. L'autre fille lui répond presque instantanément ; "Je suis sûre que c'est à cause des pétasses rouges !"

Ce à quoi le plus grand des deux garçons ajoute : "Probable ! En tout cas oui il est clair qu'elle nous évite."

Seul l'un d'entre eux reste silencieux. La rousse lui lance un regard suspicieux. Un silence lourd de sens prend place, rapidement brisé par la brune : "Dom. T'as rien dit."

Il hausse les épaules et se cache derrière son livre. Dom est un jeune homme compulsif, très honnête, il ne sait ni mentir ni garde ses secrets. Il prie pour que ses amis laissent tomber rapidement, sans quoi il se sentira obligé de tout leur dire. "Dominique ? s'enquiert Alice.

- Oui ?

- Tu sais quelque chose ?"

Haussement d'épaule.

"Dom..." c'est James, le plus grand, qui s'y met cette fois. On dirait que c'est tout ce qu'il manquait au brun pour tout avouer : "Bon d'accord d'accord, je lui ai peut-être un peu parlé."

- Comment ça parlé ? La dernière fois que tu as "parlé" à quelqu'un il a fini en larmes ! s'inquiète Alice.

La jeune fille fait référence à Tom, un jeune poufsouffle qui s'était rapproché de leur groupe et en particulier de la rousse. Sa conversation avec Dominique l'avait complètement fait fuir et aujourd'hui encore il semblait éprouver de la rancœur pour eux. Alice est sans aucun doute effrayée que ce schéma ne se reproduise. Immédiatement elle range ses affaires et s'en va vers les dortoirs. Une ou deux minutes plus tard elle repasse devant eux et sort dans le couloir devant leur salle commune.

Julie foudroie Dominique du regard. "C'est elle qui est venue me parler" se défend-il.

Ses deux amis soupirent et se penchent à nouveau sur leur travail.

➢ 16h07, Bibliothèque.


Plongée dans mon livre sur les plantes aquatiques je ne relève même pas la tête lorsque quelqu'un s'installe en face de moi. De toute manière je suis seule désormais, si quelqu'un s'est mis là c'est sans aucun doute parce qu'il n'y avait pas beaucoup d'autres places aussi calmes.

Les deux premiers jours m'ont paru assez tristes. Etre seul c'est s'exposer à tous les dangers. Puis j'ai trouvé de quoi m'occuper. J'étudie, je lis, je sors dehors et je dessine ce que je vois. Je m'ennuie souvent, mais je finis par m'y faire. On peut vivre seul, c'est un fait.

Un objet lourd est posé sur la table, juste devant mon bouquin. Prise de curiosité je ne peux m'empêcher de regarder. Un plateau d'échecs ? Qui donc vient à la bibliothèque pour jouer seul aux échecs ?

Mon cœur se met à battre à toute allure. J'ai peur que ce que je pense ne soit vrai si je lève la tête. Ce pourrait être n'importe qui... "Je commence. Pion en B4."
C'est elle. J'ai l'impression d'un étau dans ma poitrine. Qu'est-ce qu'il m'arrive ?

Je corne la page de mon livre et lentement le pousse pour pouvoir jouer. J'ai l'impression de jouer ma vie dans cette partie. Je sens mes doigts commencer à trembler, heureusement que je n'en ai pas besoin ; "Pion en C5"

Je sais que le but de cette partie n'est pas de gagner. Nous transparaissons dans notre manière de jouer m'avait-dit Alice lors de nos premières parties.

- Fou en A3, pourquoi te rendre vulnérable ?

- Cavalier en C6, pourquoi ne pas en avoir profité ?

- Je ne suis pas comme ça.

La partie se termine rapidement, par une victoire d'Alice. J'ose enfin la regarder dans les yeux. Son regard semble perturbé. "Naomi, de quoi avez-vous parlé avec Dominique ?"

Bien sur. Il fallait qu'elle le demande. Je ne sus plus où me mettre. Je n'avais aucune envie de le lui révéler. Que pouvais-je bien lui dire ? Je réfléchis un instant et me décider sur les mots à lui confier ; "Il m'a juste conseillé de m'éloigner de vous.

- Mais pourquoi ? s'étonna-t-elle

- Je ne suis pas sûre de vouloir en parler...avouais-je.

Elle sembla prendre le temps de réfléchir. Mes mains continuaient de trembler sous la table tandis que j'attendais sa réponse. J'avais beau essayer de me convaincre qu'on était mieux seul, je mourrais d'envie qu'elle me dise que tout irait bien, que nous serions amies pour la vie... Au lieu de cela elle répondit simplement :" D'accord. Mais ne nous fuis pas s'il te plait... Je pense qu'il faudrait que tu en parles à Dom. Il a parfois de drôles de sautes d'humeur, mais il n'a vraiment pas mauvais fond.

- J'y penserais...

- On refait une partie ?"

Je souris timidement. Je n'ose pas l'avouer, mais je suis plus que soulagée.

➢5 Février 2027, 17h56, Bibliothèque.


Il est là. Je repense à ce que m'a dit Alice. Depuis qu'elle est venue me voir j'ai pu petit à petit revenir un peu vers eux. J'ai aidé James avec ses devoirs de botanique, j'ai discuté avec Julie des droits des créatures magiques, j'ai beaucoup discuté de tout et de rien avec Alice, mais je n'ai pas touché un mot à Dom.

Je crois que les choses ne rentreront jamais dans l'ordre si je ne fais pas l'effort d'aller le voir. Alors je me détourne de mon rayon, et je le rejoins. Je m'assois à côté de lui pour ne pas avoir à le regarder et fait mine de lire mon livre. J'hésite à m'excuser, mais je n'en ai pas envie, je n'avais pas tort ! Je prends plutôt mon courage à deux mains et rentre dans le vif du sujet, comme si notre conversation ne s'était jamais arrêté : "Je ne sais même pas si Alice me plait. J'ai juste envie de passer du temps avec elle, avec vous, comme amis.

- Je sais.

- Alors pourquoi ?

- Parce qu'à elle, tu lui plais.

Je comprends aussitôt à sa voix que c'est la jalousie qui l'a poussé à se montrer injuste à mon égard. Je peux le comprendre je crois... Mais il a tort, je ne plais pas à Alice. C'est impossible.

- Alors ce n'est pas moi que tu cherches à protéger. Ni elle.

- Non, c'est vrai, je n'aurais pas dû...

Il semble vraiment regretter. Je n'ai pas envie de lui en vouloir pour toujours, tout ce que je veux c'est que nous fassions la paix, même si cela passe par une conversation délicate.

- Tu l'aimes ?

- Je crois oui... Ne le répète pas s'il te plait.

Mon cœur se serre étrangement. Et si elle l'aimait aussi ? Ce n'est pas impossible...

- Je le lui ai déjà dit, et les autres le savent, mais on préfère ne pas en parler et ils pensent que je suis passé à autre chose.

Je me sens presque soulagée. Comment puis-je me réjouir ainsi de son malheur ? Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Quoi qu'il en soit il n'est pas question que je me serve de cette révélation contre lui ; "Très bien, ce sera notre secret."

Je crois que c'est à ce moment que Dom et moi sommes devenus très proches. Si nous sommes aujourd'hui meilleurs amis, c'est grace au secret qui nous aura contraints à de nombreuses discussions en seule à seule. Et qu'il ait finalement réussi à vaincre ses sentiments pour Alice et ai encouragé notre relation malgré tout par la suite est la preuve qu'il est le meilleur ami que je puisse imaginer.

➢2027, 12 Juillet, 15h25.


Je n'ai quitté Poudlard que depuis quelques jours et déjà mes nouveaux amis me manquent. L'ambiance à la maison n'est pas la plus chaleureuse qui soit mais j'ai l'impression que ma relation avec Jonas et Kim s'améliore un peu.

Cet après-midi nous rendons visite à ma tante. C'est elle qui m'a servi de nounou plus jeune et je l'ai toujours énormément apprécié. C'est une potionniste talentueuse mais aussi mystérieuse. Je me rends compte que presque arrivée à l'âge adulte je n'en sais pas plus sur elle que ça. Tout ce que je connais d'elle concerne son travail. D'ailleurs attablés autour de petits gâteaux c'est autour de ce quoi la conversation tourne ; "Tu es toujours dans le domaine des potions médicales alors ?" se renseigne mon père.

- Toujours ! Figure-toi que la sauge a plus de vertues magiques qu'on ne l'imaginait."

Je les écoute parler distraitement jusqu'à ce que ma tante me lance, "Je vais refaire du thé, Naomi tu viens m'aider ?"

Aussitôt j'accours, intriguée par ce qu'elle peut avoir à me dire. Elle me fait un grand sourire. Son visage est décoré de quelques rides, mais elle reste aussi rayonnante que dans mes souvenirs : "Alors comme ça tes notes montent en flèche ? s'intéresse-t-elle.

- Oh ce n'est pas grand-chose, je me suis juste mise au travail...

- Bien ! Et tu sais ce que tu vas faire l'an prochain ?


- Oh et bien...pas vraiment. Comment on est censés choisir ?

- Tu seras guidée vers différentes écoles. Si tu veux un conseil n'écoutes pas ce que les autres auront à dire et choisis ce qui te fait le plus envie.

- Compris ! je hochais la tête et préparais la théière.

Soudain, ne pouvant plus me tenir je demandais ; "Dis Tata, tu as déjà été amoureuse ?"

Elle se met à rire visiblement peu étonnée que je lui pose la question " Bien sûr ! Je ne présente pas mes conquêtes à toute la famille mais ça ne signifie pas que je suis célibataire. Je ne souhaite pas me poser pour l'instant c'est tout... Et toi alors, tu as l'âge pour ce genre de choses non ?

- Possible...

- Dis-moi, ne sois pas timide !

- Je crois que j'aime quelqu'un, mais c'est un peu compliqué.

- Compliqué, à ce point ?

- Oui c'est à dire que... avec un ami on est amoureux de la même personne.

- Ah, je vois où se situe le problème.

- Il m'a dit de tenter ma chance quand même, mais ce n'est pas correct vis-à-vis de lui tu ne crois pas ?

Elle semble réfléchir. "Je te connais depuis toute petite, si tu ne tentes pas ta chance tu le regretteras à t'en mordre les doigts."

- Oui mais...

- Pas de mais ! Le thé est prêt."

Cette conversation, aussi courte fût-elle, a été pour moi un grand soulagement. J'avais enfin quelqu'un qui savait ce qui m'arrivait, un point de vue extérieur. Je restais partagée et doutait de savoir quoi faire, mais je me sentais incroyablement soulagée.

Une fois rentrée à la maison j'ai écrit à Alice. Pas pour lui dire que je l'aimais, ni quoi que ce soit de plus que d'habitude, mais je voulais lui parler de ma tante. Je me sens suffisamment proche d'elle pour lui parler de ma vie privée sans filtres.

J'ai aussi hésité à en parler à Kim et Jonas, mais je me suis dégonflée quand Kim m'a fait la remarque que j'avais commencée à manger alors que tout le monde n'était pas servi. C'était une réflexion anodine mais son ton ne laissait pas de part de mystère, il m'en veut encore. La tension entre nous reste palpable et je ne me sens pas de me confier à eux.

➢2027, Samedi 24 décembre, 13h12.



Cela fait presque un an que j'ai perdu la part de moi qui me déplaisait. Je suis désormais l'amie de quatre formidables Poufsouffle qui me font presque penser que le choixpeau s'est trompé de maison pour moi ! Ma relation avec Alice est restée très plate, surtout parce qu'à chaque fois que nous nous rapprochions je m'éloignais prise de culpabilité envers Dominique. Celui-ci avait beau me jurer que cela ne le dérangeait pas, je me sentais réellement trop mal pour lui.

Ce week-end est organisé une après-midi à Pré-au-Lard avec les élèves restés pour noël. J'aurais très bien pu rentrer chez-moi mais en apprenant que tout le monde restait j'ai décidé de faire de même. J'adore l'atmosphère qui règne sur le petit village. Il a tellement neigé que tout est blanc. Des colonnes de fumées s'élèvent des toits en harmonie, les enfants jouent dans la neige, on s'entasse dans des bars bien chauffés pour boire une bièraubeurre ou un chocolat chaud. Je ne suis pas certaine que transformer un lapin en chausson puisse être plus magique que ce moment. Le seul défaut de ce climat est la température. D'autant que bête que je suis j'ai complètement oublié de prendre une écharpe !

Nous faisons le tour des magasins tous les quatre, rigolons devant les objets loufoques de chez Zonko et débattons nourriture chez Honeydukes. Je ne suis pas étonnée de voir Alice se constituer une véritable réserve de chocogrenouilles.

Sortis du magasin nous marchons un peu dans la rue et décidons de nous éloigner un peu pour trouver un coin tranquille où jouer avec la neige. Nous sommes adolescents mais ce n'est pas pour autant que nous ne pouvons plus nous amuser avec insouciance !

L'endroit parfait est désigné par la première boule de neige lancée. Sans surprise c'est James, le plus enfantin d'entre nous, qui a lancé les hostilités. Julie se retourne vers lui, les cheveux pleins de neiges, et lui lance le traditionnel :" Ma vengeance sera terrible."

Aussitôt plusieurs camps se forment. Je me place instinctivement du côté de Dom, sachant qu'il n'osera pas s'imposer dans la bataille et le pousse à m'aider à nous fabriquer un mur de neige de fortune. D'un autre côté James agit en solitaire, courant partout et esquivant les nombreuses boules qui lui sont adressées. Alice et Julie forment une alliance clairement ciblée contre le pauvre garçon.

Après une dizaine de minutes nous commençons déjà à fatiguer et Dom s'éclipse pour faire quelques emplettes. Nous continuons de jouer comme si de rien était, trop impliqués dans notre bataille pour nous arrêter là. Soudain James et Julie semblent se rappeler de lettres à envoyer via le bureau de poste. "Mais vous pouviez les envoyer depuis Poudlard !" je m'exclame.

Ils haussent les épaules, ignorent ma réponse et s'éclipsent... Il y a quelque chose qui cloche. J'ai la furieuse impression de tomber dans un traquenard. Mais je n'ai pas le temps d'y penser plus, interrompue par une boule de neige en pleine face. "Eeeh ! J'ai été déconcentrée !

- Victoire par KO ! s'exclame Alice.

Son rire est contagieux et un large sourire gagne mon visage. "C'est d'accord, je déclare forfait !

- Bien. Ca te dit qu'en attendant les autres on se promène un peu ?

- Si tu veux oui !"

Je me relève et époussette la neige sur moi puis la suis le long du chemin qui mène à Poudlard. Visiblement elle ne veut pas retourner du côté du village et préfère continuer à s'enfoncer dans la neige.

Nous restons silencieuses quelques minutes avant qu'elle ne remarque que j'ai froid : "Tu trembles !

- Oui je ne suis pas habituée à recevoir de la neige en pleine face. je réponds d'un ton faussement accusateur.

- Tiens pour me faire pardonner...

Avant que je ne puisse protester elle retire son écharpe jaune et noire et l'enfile autour de mon cou. Un frisson me traverse, qui j'en suis sûre n'est pas dû au froid. Je rougis et laisse son odeur m'envelopper peu à peu. Elle sent le pain d'épice et le feu de cheminée... Et mon sourire est coincé sur mon visage, plus moyen de l'enlever.

Nous marchons encore, côte à côte jusqu'à ce que soudainement elle ne s'arrête. Nous nous sommes suffisamment éloignées pour ne voir plus que les colonnes de fumées. Sinon tout est blanc. "Pourquoi tu t'arrêtes ?" je demande.

- On est sous le gui.

Intriguée je lève la tête et constate qu'il y a bien une branche qui flotte au-dessus de nous. Comment est-ce possible ?

- En fait c'est plutôt du houx ça... je fais remarquer.

Elle se rapproche d'un pas, nos corps ne sont plus qu'à quelques centimètres et mon cœur semble ne pas réaliser ce qu'il se passe. En comprenant ses intentions je me fige. Je sens que mes jambes flageolent, j'ai l'impression à la fois de ne pas pouvoir faire le moindre mouvement et que je vais m'effondrer à tout moment. "Tu es sure ?" murmure-t-elle.

Je sens mon sang se précipiter dans mon visage quand je réponds avec hésitation "...non ?"

Prenant cela comme une acceptation tacite Alice pose sa main sur ma hanche et se rapproche lentement. Incapable du moindre mouvement je ne peux que regarder ses cheveux roux se découper sur le fond blanc, sentir son odeur encore plus intensément, entendre le bruit d'une branche qui craque, puis de James qui chuchote "mais chut, tu vas nous faire remarquer !", et puis tout oublier.