@gabryel fleurdelys

15 septembre 2044

La bibliothèque, voilà où Noah devrait dorénavant passer des heures et des heures. Pourquoi ? Parce qu’il ne comprenait strictement rien à ce que baragouinait ses éducateurs _ professeur, alors qu'il venait de commencé depuis à peine une semaine! Il était évident qu’il ne rentrerait pas chez lui de sitôt, d’ailleurs il n’en avait pas envie, il refusait de rendre la vie encore plus difficile à sa mère et à sa grand-mère, aussi il n’y avait qu’une solution : il devait s’intégrer, travailler avec acharnement, et surtout commencer par comprendre les mécanismes pas très clairs de l’établissement. La bibliothèque, avec ses milliers de livres, semblait donc tout indiquer.

Fini les heures à errer dans les couloirs, le jeune garçon refusait d’échouer tout simplement. Il avait vu pas mal de choses qu’il n’arrivait pas à expliquer. On lui sortait le mot « magie » à tout bout de champs, mais pour lui magie signifiait clown et tour de passe-passe, deux choses qu’il ne maîtrisait pas de toute façon. Pourtant quelque chose lui échappait, mais il ne parvenait pas à mettre le doigt sur cet élément.

Et puis il y avait le morceau de bois, celui qu’il ne devait jamais quitter et qui semblait bien plus animé qu’une vulgaire branche, mais quand ? Comment ? Pourquoi ? Pourquoi dans son cas il ne se passait rien ? Était-ce mécanique ? Une technologie avancée ? Le sien était-il en panne ?

C’est donc entre ses murs, à proximité d’une table de travail, au beau milieu des dizaines et dizaines de rayonnages que le garçonnet avait pris place, bien décidé à comprendre les méandres de l’institut dans lequel on l’avait envoyé sans se poser de question. Il était là, bêtement assis, ne sachant par où commencer, manipulant son bout de bois, l’examinant sous toutes les coutures, cherchant le boitier contenant les piles, le frappant contre la table, dans un boucan d’enfer, pour tenter de créer des connexions. Il avait même essayé de le brisé à de nombreuses reprises sans succès.

Jeudi 16h

Gabryel arpentait les couloirs de l’école en sortant de son dernier cours de la journée. Il aimait observer tous ces nouveaux élèves qui avaient fait leur rentrée quinze jours auparavant. Cela le ramenait à son arrivée au Château, un an plus tôt, tout excité et stressé à la fois. Il ne connaissait presque rien du monde des sorciers, élevé parmi les moldus. À la maison, on utilisait la magie pour les choses du quotidien mais en dehors, il lui était bien sûr formellement interdit d’en parler. Tout ce qu’il savait à l’époque de Poudlard lui avait été raconté par ses parents, eux-mêmes anciens élèves Gryffondors sortis diplômés. Cela avait exercé sur lui une immense pression d’être à la hauteur. Il s’était depuis un peu détendu, avait trouvé ses marques, et vécu en une année plus d’aventures extraordinaires que son imagination ne lui aurait offertes. Il se sentait maintenant chez lui et avait trouvé sa place, s’était fait accepté et respecté.

Il s’amusait de voir le regard ébahi des nouveaux lorsque Nick Quasi Sans Tête les saluait, les fois ou un élève expérimenté s’amusaient à transformer un objet devant eux, ou quand l’équipe de Quidditch s’entrainait sur le terrain. Lui aussi s’émerveillait encore de tout ce qui l’entourait. Mais il ne perdait pas de vu les révisions. Maintenant qu’il était en seconde année, les leçons étaient un peu plus difficiles et nécessitaient plus de travail personnel. Il avait à rendre pour le lendemain une étude sur Merlin et la Table Ronde pour le cours d’Histoire de la Magie. La bibliothèque était le lieu préféré du jeune Gryffon pour faire ses devoirs et réviser en toute sérénité. Les livres à profusion nourissaient son appétit croissant de connaissances.

L’enfant salua Madame Minal qui lui adressa un large sourire. Les élèves la trouvaient parfois austère, mais elle avait toujours été aimable avec lui. Elle lui indiqua où trouver les grimoires correspondant à ses recherches. Le jeune Gryffon la remercia et prit la direction du rayonnage. Il n’y avait pas grand monde, les élèves préférant souvent se retrouver après les cours en salle commune pour se détendre. Gabryel savait que s’il ne profitait pas d’avoir encore assez d’énergie pour travailler, il serait facilement distrait par ses compagnons de chambre, à jouer aux cartes ou à se raconter des bêtises.


Il avançait dans les allées lorsque son regard se posa sur un élève assis derrière une table. Ce dernier manipulait sa baguette avec beaucoup de brutalité, la frappant sur le bord du bureau. Il s’agissait manifestement d’un Première Année Serdaigle. Le Rouge et Or ne pu s’empécher de l’aborder.

- Tu ne devrais pas la maltraiter ainsi... Ta bbbbaguette t’a choisi tu sais, elle ne mérite pas ça.

Il avait tenté de s’exprimer avec bienveillance, ne voulant pas que le garçon se braque face à sa remarque.

Noah restait sceptique face à la branche de bois qu'il tenait entre ses mains. Il envisagea de la rapporter à la boutique d'où elle provenait afin de la faire échanger, elle était forcément en panne. Mais le jouet était-il sous garanti où allait-il devoir en payer un nouveau? Il n'avait pas les moyens, pas encore.

De plus en plus en colère, il s'apprêtait à l'envoyé valser dans un coin de la bibliothéque quand une personne s'adressa à lui. Il retint alors son geste, reposant son bras sur la table, et fit roulé sa baguette devant lui.

- Tu ne devrais pas la maltraiter ainsi... Ta bbbbaguette t’a choisi tu sais, elle ne mérite pas ça.

Noah se tourna, leva les yeux et vit que le jeune garçon s'adressait à lui. Il le fixa, clignant des yeux rapidement, sans comprendre de quoi il parlait. D'ailleurs il ne comprenait pas non plus qui était ce garçon et pourquoi il venait lui parler. Il le détailla de la tête au pied, et remarqua sa tenue, légèrement différente de par ses couleurs de la sienne. Il était donc d'une autre unité, et Noah se demanda subitement qu'elle pouvait être la pathologie des "rouge et or" et si ceux ci était potentiellement dangereux. Même si l'ambiance depuis la rentrée était à la rigolade sans aucune violence et que l'attitude générale de son camarade indiquait que non, le jeune Serdaigle, plus par réflexe que par peur réelle, se recula faisait racler sa chaise sur le sol. Sur la défensive et par habitude, il plaça ses bras devant son visage afin d'esquiver les potentiels coups.

Le jeune Gryffon fut quelque peu décontenancé par l’attitude du Serdy. Pourtant, une corde sensible résonna en lui. Ce garçon semblait avoir vécu des moments compliqués avant d’arriver à Poudlard. Cette réaction d’autodéfense illustrait un passé parsemé de rejet et de violence. Gabryel ne voulut pas le brusquer davantage. Afin que son camarade soit rassuré par ses intentions, Gabryel s’assit sur une chaise face à lui. En s’installant à sa table de travail, il espérait que ce dernier ne reprenne sa place et veuille bien faire connaissance.

- Je peux m’assoir avec toi ?

Afin qu’il l’identifie comme un apprenti sorcier au même titre que lui, l’Écossais se saisit de sa baguette rangée dans sa besace et la plaça à son tour à plat sur la table.

- Ma bbbbaguette à moi est en bois de noyer et composée d’un micro ventricule de ssssnallygaster. C’est une créature mi-oiseau, mi-reptile. Je n’en ai jamais vu mais ça doit faire peur comme bestiole.

Le Rouge et Or sourit à son camarade avec bienveillance. Il lui parlait avec douceur et bonne humeur.

- Tu es en première année si je ne me ttttrompe pas. Tu dois être un peu perdu ici. Moi j’ai mis au moins deux ou trois mois à trouver mes marques. C’était l’année ddddernière. Maintenant ça va beaucoup mieux. Je m’appelle Gabryel au fait, Gabryel Fleurdelys. Enchanté de te connaître.

Volontairement, le Rouge et Or évitait de lui poser des questions. L’élève qui le regardait parlerait s’il en avait envie.

Noah attendait les yeux fermés que les coups arrivent, mais il n’en fut rien. Lorsqu’il ouvrit enfin les yeux, il remarqua que son camarade s’était assis à la table où lui-même se trouvait quelques instants plus tôt.

Les paroles du jeune rouge et or laissait entrevoir une gentillesse débordante. Noah n’avait rien à craindre de ce jeune garçon c’était certain. Au contraire, il semblait même que celui-ci voulait sympathiser avec Noah. Il baissa alors sa garde et se remis à sa place initiale. Il n’allait pas répondre au jeune garçon face à lui, mais il ne voulait pas l’ignorer. Aucune personne gentille ne devait être ignorée, au contraire, il fallait l’encourager à poursuivre dans cette voie. Noah ne voulait surtout pas le blesser et encore moins le décevoir. Il ne comprenait toujours pas de quoi lui parlait le jeune face à lui à propos de la baguette *du bois c’est du bois* mais il voulait entrer en contact avec lui, quelque soit sa pathologie.

Après quelques secondes de réflexion, Noah se leva soudain et disparu dans le dos de son camarade, puis revins sa table quelques secondes plus tard avec un morceau de parchemin et une plume qu’il avait emprunté à la bibliothécaire de laquelle il ignorait le nom. Il avait décidé, pour la première fois depuis sont arrivé à Poudlard de communiquer avec un élève. Pourquoi celui-ci ? Parce qu’instinctivement il savait qu’il était sincère. Il écrivit dessus son nom, son prénom ainsi que le nom de son unité.

Le Gryffon fut soulagé de voir le Serdy quitter sa position défensive pour venir s’assoir en face de lui, le regard curieux. Il sembla hésiter un instant, puis se leva et disparut. Gabryel se dit qu’il avait lamentablement échoué dans sa tentative de communication avec un première année. D’autant que ce dernier avait laissé sa baguette sur le bureau. Comment un apprenti sorcier pouvait abandonner ainsi ce que l’Écossais considérait comme une extension de lui-même. Il se souvint de sa visite chez Ollivander, sur le Chemin de Traverse. C’était la veille de sa première rentrée à Poudlard. À peine l’avait-il eue entre les doigts qu’une chaleur l’envahit. Il n’avait jamais ressenti une telle sensation. C’était comme si la Magie avait maintenant un sens réel, quelque chose de palpable, tout en restant immatérielle. Elle s’insinuait dans son sang, faisait bouillonner tout son être et lui apportait toutes sortes de réponses silencieuses.

Il s’apprêtait à se lever lorsque le garçon réapparut, une plume et un morceau de parchemin entre les mains. Gabryel ne comprit pas tout de suite ce que son camarade gribouillait, jusqu’à ce que ce dernier ne retourne la feuille de papier devant ses yeux :

Noah Johnson - Première année Serdaigle

Ces quelques mots bouleversèrent le jeune Gryffondor. Son empathie naturelle le submergea. Ainsi, l’enfant cherchait à communiquer avec lui et lui signifiait son nom et sa maison. Le Rouge et Or sourit.

- Ravi Noah ! J’espère que tu te plais chez les Serdaigles. « Originaux, intelligents, curieux et créatifs », ce sont les jjjjolies valeurs de ta maison.

Après un court silence, Gabryel comprit que son camarade n’était pas très bavard. Peu lui importait, il avait bien l’intention de partager un petit moment avec lui. Il se saisit de sa baguette.

- Comme je te disais, il faut que tu en prennes soin. Je sais que pour le moment, tu n’as ppppas encore eu l’occasion d’étudier beaucoup de sorts, mais elle te sera très utile dans les mmmmois à venir.

Il manipula un peu son instrument, mimant quelques gestes de sortilèges en souriant.

- Dis Noah... Tu veux que je te mmmontre un truc cool ?

Il fit un clin d’oeil au Serdaigle.

Le garçon face à lui avait semblé toucher par la petite réponse inscrite sur le parchemin. Il s'était dit ravi, mais surtout semblait l'être réellement, Noah pouvait le lire dans son regard qui avait semblé s’illuminer. Il ne s'était pas trompé, ce jeune garçon rouge et or méritait qu’on s’intéresse à lui. Il avait malgré tout du mal à comprendre ce que lui expliquait son camarade, non pas à cause de son bégayement qu’il trouvait fort agréable, mais à cause des termes qu’il employait…

Il avait récité des qualités attribuées aux enfants de son unité « originaux, intelligents, curieux et créatifs » ce qui le définissait plutôt bien dans l’ensemble, mais il avait plutôt l’habitude qu’on le décrive par ses symptômes ou ses attributs physique peu flatteurs, « le nain roux », « le muet » et surtout « le zinzin ». A Gingerhead, il avait tellement l’habitude d’entendre cela, que lorsqu’il rentrait chez lui pour un jour ou deux, il avait du mal à répondre lorsqu’on ne l’appelait pas son prénom, peu habitué à l’entendre, il ne se retournait qu’après qu’on l’ai répété au moins deux ou trois fois.

Mais dans son esprits les mots qui resonnaient le plus était « baguette » et « sort », *ok chez les rouges et or, on à une imagination trop débordante, voir des délires et des hallucinations*. Mais Noah ne voulait surtout pas fâcher son camarade si avenant et tellement gentil, aussi quand celui lui proposa de lui montrer quelque chose de « cool », Noah hocha la tête pour donner son accord, malgré son inquiétude sur ce qui est « cool » ou ce qui n’est l’est pas.

Le jeune Serdy semblait très réceptif aux propos du jeune Gryffon. Il l’observait avec une petite étincelle de curiosité dans les yeux. Assis tous les deux au milieu des rayons interminables de vieux grimoires poussiéreux sur la magie, le lieu était idéal pour lui faire une petite démonstration en toute discrétion. Il n’y avait que peu de monde autour d’eux, et Gabryel n’avait de toute façon pas l’intention de se frotter à quelque chose de dangereux ou d’interdit.

L’Écossais se leva, recula sa chaise, s’immobilisa et se concentra afin de se vider la tête de toute pensée. Visualisant dans son esprit le résultat escompté, il leva sa baguette devant lui. Le bras tendu à hauteur de son visage, le Rouge et Or forma une sorte de boucle assez ronde et large, tout en prononçant distinctement « Lumos ». Un court instant s’écoula puis l’extrémité de son instrument produisit une lumière relativement vive qui entoura les deux enfants d’un halo flamboyant. Gabryel observa son camarade avec un sourire satisfait :

- Crois moi, c’est bbbbien pratique pour les petites virées nocturnes...

Il fit un clin d’oeil à Noah avant de prononcer « Nox », ce qui eut pour effet d’éteindre la lumière. Le Gryffon reprit place face au Première Année.

- C’est assez simple, je t’apprendrais à le mmmmaîtriser si tu veux.

Noah regarda son camarade faire des gestes bizarres avec son bout de bois comme s’il tentait d’écrire dans les airs. Il prononça un mot bizarre qu’il n’avait absolument jamais entendu. Sans comprendre comment, la baguette du rouge et or produisit de la lumière. C’était donc cela, le bâton n’était ni plus ni moins qu’une lampe de poche à commande vocale ! Noah n’avait même pas pensé à essayer puisqu’il ne parlait pas. Sa baguette lui était donc parfaitement inutile, comme il l’avait pensé depuis le début.
Il regarda d’un air hébété son camarade lorsque celui-ci fit éteindre la baguette à l’aide d’une autre commande vocale. Il aurait bien voulu savoir faire cela, Poudlard n’étant éclairé que par des bougies il était impossible de s’y promener la nuit, et même le jour vu que le château recelait de tout un tas de coin sombre.

Curieux de voir ce qu’était capable de faire d’autre le bout d’écorce, il reprit son parchemin et la plume pour interroger son camarade.

Elle fait d’autre chose ta lampe de poche ? La mienne aussi fait cela ? Il faut des piles ? Je fais comment sans parler ?

Noah avait bien plus de question à poser au garçonnet face à lui. Sur la lampe tout d’abord, mais aussi sur tout le fonctionnement de l’école. Il était à peu près sûr que de nombreuses choses fonctionnait de la même manière, ce qui expliquait tous les langages incompréhensibles qu’il avait entendu jusqu’ici. Non ils ne parlaient pas une langue étrangère, il maîtrisait seulement une technologique inconnue par lui.

Il eut soudain une révélation : la baguette était probablement une télécommande Wifi !

Gabryel prit quelques secondes avant de comprendre que les mots de Noah n’étaient pas de l’humour. Les yeux de son camarade, posés sur lui, exprimaient une réelle interrogation sur ce qu’il prenait pour une lampe torche. Le Rouge et Or se demanda si son camarade avait bien conscience du lieu où il se trouvait. Comment était-ce possible ? Pourtant, cela faisait bien quinze jours que la rentrée était passée. Personne ne semblait avoir expliqué à ce garçon quelle école était Poudlard, et encore moins qu’il était apprenti sorcier. Gabryel en déduit qu’il avait comme lui été élevé parmi les moldus.

Il fallait lui expliquer. Mais l’Écossais avait bien conscience que cette tâche ne serait pas aisée. Il s’agissait de ne pas l’effrayer.

- Oui, cela peut servir de lampe, et il n’y a guère besoin de pppppiles. Mais nos baguettes ont beaucoup d’autres fonctions...

L’élève le regardait. Ses grands yeux curieux tentaient de déchiffrer chaque mot qu’il prononçait.

- Disons que tu apprendras ici à l’utiliser de nombreuses manières. (après un instant d’hésitation) Noah... J’aimerai bien te mmmmontrer l’un de ces grimoires si tu es d’accord ? Je reviens.

Gabryel sourit à son camarade avec bienveillance, se leva et se dirigea vers le rayon « Histoire de la Magie ».