Mon cœur me répète que ça va mieux, jour après jour. Je m’y suis faite, à cette vie. Une nouvelle routine, plus magique, plus ensorcelante, plus solitaire aussi. La Solitude m’accapare comme un sorcier à sa baguette. Ma Solitude et moi, on s’aime je crois. D’un amour fragile et étrange.
Parfois je ferai tout pour la voir s’enfuir. Parfois, quand trop de corps et de voix menacent mon espace, je donnerai tout pour qu’elle me prenne dans ses bras.
Je n’ai fait connaissance avec personne d’autre durant ces deux premières semaines. Valsant entre l’esquive et la nonchalance, on a fini par comprendre que je n’ai pas envie de ça. Et pourtant parfois je me demande si la présence d’une personne à mes côtés ne me ferait pas me sentir mieux.

Je marche au milieu du couloir, regardant droit devant, traînant des pieds les mains dans les poches de ma robe de sorcière. Je suis en avance sur mes devoirs. Comme je ne fais rien d’autre.
Rien

Mes pas me mènent à l’entrée de la Bibliothèque. Grande, immense, débordant de livres. Mon endroit préféré après la balancelle sous le saule pleureur de mon jardin.
Monde…
Pourquoi y’a-t-il autant de monde, toujours ?
Toujours toujours, partout. Jamais seule, finalement. On n’est jamais seul.

Bondée, mais silencieuse. C’est ça que j’aime.
« Y’a plein de savoir là-dedans. Trop pour ton âge. Et tu dis rien. » Nan, je suis une Bibliothèque, laissez-moi.

Parcourant les rayonnages des créatures magiques, je m’empare d’un livre traitant des créatures magiques à plumes.
Une table libre à droite, j’y vais.
Écouteurs dans les oreilles, je lance une douce mélodie de piano qui me transporte déjà.
En tailleur sur la chaise, j’ouvre l’œuvre pleine de découvertes et je ne suis plus là.

Qu’avons-nous à envier aux oiseaux ?
La liberté, la sensation du vent parcourant tout le corps. Ce doit être la réponse à tout.
Les plumes, c’est quelque chose de magnifique. Quelque chose de si beau, si fragile et si léger, comment peut-il transporter un corps entier ?
Fascinant.

Je passe le chapitre des chouettes et des hiboux, ne supportant pas leurs visuels, et arrive jusqu’au chapitre sur l’hippogriffe. Quel magnifique être.
Sombre, noir, ébène… Oui, je crois qu’avec un plumage noir il serait encore plus beau. Les Corbeaux sont splendides après tout.
Je suis tombée dans la bonne Maison, rien que pour cela. La Maison des ailes noires.

Je sors un parchemin, mon pot d’encre ainsi que l’une de mes plumes, beiges avec quelques reflets bruns.
L’heure est à l’étude.

Une goutte ébène tombe sur le parchemin nu, formant un cercle parfait. Si beau.
Tiens…
Une idée totalement farfelue me parcourt l’esprit.
Sur le parchemin, je renverse le pot d’encre. Tout s’écoule. Un lac noir se forme.
De la pointe de ma plume, je trace quelques traits partant du cœur sombre jusqu’à ne plus rien étaler. Un immense soleil majestueux. Une éclipse.
Des boucles, maintenant. Des rosaces, des ailes, des plumes. Le Parchemin devient un dessin noir et original.

Franchement, je n’sais pas ce que je fais. Mais je me sens bien.

Je rentre dans la bibliothèque et mes pas me conduisent dans mon coin préféré : le rayon des créatures magiques. Qu'est ce qu'elles me manquent ... Qu'est ce que mon sous sol me manque ... Regarder mon père soigner tous ces magnifiques animaux, entendre ma mère râler à l'étage parce qu'on s'est encore laissé prendre par le temps et on est restés la bas quatre heures au lieu de deux ...
C'est beau Poudlard, mais ma petite maison me manque parfois. Ma solitude au milieu des moldus me manque parfois. Moi qui au début avait hâte d'être dans cet immense château j'en viens à me réfugier à la bibliothèque aussi souvent que possible. Elle me rappelle le bureau de ma mère. Une odeur de livres, plus marquée quand le livre est ancien, ça me rappelle la maison et ça fait du bien.

Je m'arrête devant le rayonnage qui m'intéresse et laisse mes doigts courir sur les tranches des livres. Stop. Ce sera donc ... Les créatures aquatiques. Bien, encore des souvenirs.

Je vais m'asseoir à la table la plus proche et me plonge dans mon livre sans me préoccuper de ce qu'il se passe autour de moi. J'entends alors un curieux bruit. Comme si quelqu'un renversait son encrier. Le temps que je me tourne pour identifier la source du bruit, je vois à deux chaises de moi sur la même table une jeune fille, écouteurs dans les oreilles, jouer avec sa plume sur son parchemin, complètement noir d'encre. Je vois alors devant elle un livre de la même édition que celui que je viens de prendre, mais sur les créatures à plume. Serait-elle elle aussi passionnée ?

Je vois au blason sur sa robe qu'elle est de Serdaigle, probablement en première année. Bizarrement, elle et moi nous ressemblons assez, petites, brunes, seuls nos yeux sont différents. Elle a des yeux noisette, encadrés par de grands cils, et cernés comme si elle ne dormait jamais.

Bon ... J'y vais ou pas ?

En me rapprochant d'elle, je toussote et ose :

- Bonjour je m'appelle Callirhoé, j'adore ton dessin. On dirait un peu un phénix noir qui s'envole, c'est vraiment très beau.

La danse qui résonne dans mes tympans me transporte bien au-delà de toute croyance. Je ferme les yeux à quelques reprises, éliminant un sens pour en élever un autre. Et, de mes doigts, je pianote mon humeur sur le bois de la table.
En plein rêve

Le piano ne me laisse pas totalement assourdie par ce qu’il se passe autour de moi mais, dans ma bulle, je ne fais attention qu’à ma personne.
La plume entre mes phalanges, je m’apprête à retracer une énième courbe traduisant ce que je vis au travers de la mélodie. Mais quelqu’un est là, près de moi.
Je relève les yeux, je ne l’avais même pas vue.
Elle s’apprête à parler, alors j’enlève l’écouteur de mon oreille droite, laissant le droit aux personnes les plus attentives d’écouter le morceau.

Je fronce les sourcils à l’écoute de son nom. Callirhoé ? Et moi qui pensais que j’avais un blaze totalement démentiel… J’aime bien, l’originalité, c’est pas donné à tout le monde.

Un phénix noir…

Reposant le regard sur mon parchemin et l’encre déjà séchée, je le prends du bout des doigts et tends le bras devant moi.
De près, de loin, un dessin en devient un autre.


L’on pouvait voir tout ce que l’on souhaitait, sur ce parchemin. De la tache la plus ridicule à un phénix noir. D’autres ne l’auraient pas vu, mais cette fille l’avait tout de suite aperçu.
Maintenant que j’avais remarqué sa forme, je ne pouvais plus voir autre chose que ce fabuleux oiseau.


Dommage, oui.
Je donnerai tout pour en voir un.
Tournant la tête -par simple curiosité- vers son travail, je remarque le livre qu’elle était en train d’étudier. Les animaux aquatiques… bon choix. Je lui montre son livre du menton avant de reprendre la parole.


Le parchemin souillé toujours entre mes doigts, je le repose d’un air désintéressé. Il ira à la poubelle. Je suis pas du genre à garder des dessins étranges tout droit sorti de mon imagination bizarroïde.

Bravo
Bravo Eldarya. Qui va devoir refaire le plein d’encre, maintenant ?
Je roule des yeux et soupire face à ma propre idiotie.

Remarquant quelques gouttes d’encre sur le bois de la table, je tente de les essuyer avec l’arrière du parchemin au phénix. Ça ne part pas. Tant pis, la bibliothécaire connait sans doute un sort pour récurer les tables. C’est pas mon boulot, à moi, de nettoyer les tables. Tss

Musique toujours dans l’oreille gauche et pendante sur mon épaule droite, mes doigts se remettent à pianoter. Mes paupières se ferment à nouveau. Aussi noires que ce phénix imaginé.


Même si je me sens plutôt à mon aise, ma voix pourrait paraître froide, j’en suis sûre.
Pas mon problème.

Je ne sais pas vraiment quoi penser de la jeune fille avec qui je viens d'avoir cet échange. Eldarya, c'est plutôt joli comme prénom. Elle agit comme si elle n'était pas vraiment dans cette pièce, comme si ce qu'elle dit et fait n'as pas de résonance. C'est étrange.

Depuis qu'elle a enlevé son écouteur pour entendre ce que je dis, j'entends des notes de piano s'en échapper, et je comprends qu'elle était venue s'enfermer dans une bulle, comme ce qu'il m'arrive de faire quand je lis. Bien.

Voyant que le sujet des créature magiques l'intéresse, et me souvenant de ce qu'elle a dit un peu plus tôt sur les phénix couplés aux corbeaux, je lui dit :

- Mon père est magizoologiste, on a eu l'autorisation de la mairie de Londres d'agrandir notre sous sol et il en a fait un sanctuaire pour toutes les créatures qu'il recueille et soigne. Il y a quelques années il a eu un phénix, il avait été victime d'un mauvais sort c'était pas beau à voir. Mon père l'a gardé jusqu'à ce qu'il ai la force de se régénérer en oisillon, il m'avait fait descendre pour le voir c'était magnifique.

Comme à chaque fois que je me mettais à parler de mon père ou de son travail, j'avais des étoiles plein les yeux, et en mettant fin au souvenir j'eus un petit pincement au coeur tant ma maison me manquait.

Je ne savais pas si mon histoire l'intéressait, ou si même elle m'avait écouté. Je sais que j'ai tendance à beaucoup parler, et cette Eldarya ne semblait pas partager mon goût pour les discours à rallonge.

Callirhoé ne semble pas prête à partir. Elle est là, elle reste à mes côtés.
Mais bizarrement, je ne la trouve pas dérangeante.
Peut-être est-ce la tournure que prend notre conversation naissante ? Oui, peut-être.
Peut-être qu’elle me trouve étrange, qui sait.

Son père est Magizoologiste. Le métier de mes rêves. J’aimerais tellement pouvoir en apprendre d’avantage que ce que je peux lire dans les livres d’étude. La théorie ne sert pas à grand chose sans la pratique.

Mon regard noisette se pose dans le sien et je tente de lire en elle. C’est une habitude que j’ai depuis presque toujours. Mauvaise ou bonne, peu importe. Dérangeant ? Peu m’importe.

Ses paroles font briller mes yeux d’une petite lueur de fascination. Un peu de jalousie aussi. Mon visage, lui, ne fait rien paraître, comme à son habitude.
J’aurai tellement adoré voir le sous-sol de sa maison. Et son phénix…


Ce n’est pas que je n’en ai pas, loin de moi cette idée. J’ai des parents merveilleux, un frère exceptionnel. Si on oublie l’objet baveux et bruyant qui me sert de soeur, ma famille est la meilleure que je n’ai jamais eue.
Quand bien même…
Si ma mère travaillait avec les Créatures Magiques, ou que mon frère s’y intéressait, peut-être que je serai la plus heureuse des sorcières.


Des créatures marines aux créatures à plumes, en passant par les plus dangereuses et les dragons. Je relis encore et encore ces livres qui me passionnent tant.


Dommage que ce soit impossible.


Pas que ça m’intéresse vraiment, finalement.

RP ABANDONNÉ