Il avait été là, à fuir la bibliothèque avec ce que je pouvais considérer comme une amie. Il avait été là, lui, qui avait été à l’encontre de la vie d’un livre. Avait-il fait exprès de la suivre et de laisser cet ouvrage dans un état pitoyable ? Avait-il décidé de faire comme si cela n’avait jamais existé et tout comme si je n’avais pu le voir ? J’eus bien du mal à le croire, car il avait été observé, mais j’eus été bien trop lent pour l’interpeler.
Cependant, je n’allais pas perdre ce crime impuni, oh, cela non.



J'attendais infatigablement son arrivée. Je guettais la porte d'entrée comme un prédateur chassant sa proie ; ce qu'il avait fait ne pouvait être pardonné par un simple revers de la main. Je pouvais patienter des heures, des jours, mais je ne pouvais point renoncer ; les livres se respectaient, ne devaient pas être abandonnés de la même manière que l'étaient les mégots d'une cigarette sur un trottoir. Il aurait dû m'en parler de cet incident. Oui, je comprenais l’impossibilité de tenir éveillé, les yeux dans un roman ; bien entendu, on ne maîtrisait pas sa somnolence une fois que l'on était bien inscrit dans l'histoire. Cependant, je dénonçais le fait de ne pas venir s'excuser et de laisser un crime à la vue de tous.

Ce livre avait tant vécu avant de se retrouver abîmé ; j'eus même des difficultés à le ramener à un état proche de ce qu'il demeurait avant le sommeil de cet enfant. J'espérais juste le voir, le prendre à part, mais aussi me permettre de lui expliquer que chaque action avait des conséquences. Que chaque bavure eût pu conduire à quelques problèmes supplémentaires ; quand bien même si au fond de moi, je n'avais pas l'envie de le traumatiser de la bibliothèque, car cette dernière lui serait utile pour les cours ou pour la détente ; j'aurais préféré qu'il s'endorme à même le sol que sur les pages sacrées du savoir.

_{J'espère que cela vous plaira, monsieur Ravenstorm}

Miles était de bonne humeur ce jour là ! La veille, il avait fait la rencontre de Kaicie, une camarade de Gryffondor, et le courant était immédiatement passé. Ils avaient passé le reste de la soirée à discuter pendant le dîner, de choses et d'autres, de magie et de moldus, de trucs bêtes et de trucs plus sérieux. Ils avaient même poursuivi la conversation jusque dans la Salle Commune de Gryffondor, où, finalement rattrapés par la fatigue, ils s'était souhaité bonne nuit avant d'aller se coucher dans leurs dortoirs respectifs. Il avait dormi comme un bébé.
Il s'était réveille frais, et d'excellente humeur, s'était préparé rapidement pour avaler un petit-déjeuner copieux : il était affamé !
Après tout ça il se sentait prêt à entamer sa journée de cours. Rien ne pouvait l'arrêter !

Il se dirigeait vers les escaliers principaux et passa devant la bibliothèque. Cette vue le fit sourire : il repensait à Kaicie, et à quel point le hasard pouvait bien faire les choses. Il avait fallu que les deux enfants prenne la même décision au même moment de venir à la bibliothèque pour qu'une étincelle se crée et qu'une amitié naisse. Quel bonheur !
Soudain son regard fut attiré par quelque chose : quelqu'un le fixait. Et ce quelqu'un ce n'était pas n'importe qui : il s'agissait de Mr O'Lake, le bibliothécaire. C'était un homme grand, immense même (dans les yeux d'un enfant de 11 ans). Il avait des cheveux blonds, et des yeux d'un bleu profond. Ces mêmes yeux étaient à l'instant même en train de de le dévisager. Et pas d'un air sympathique.
Il réfléchit à toute vitesse. Qu'avait-il fait...?
La réponse lui apparut comme un flash. Le livre. Il l'avait abîmé, et il l'avait reposé sans prévenir Mr O'Lake. Il se figea sur place. "Oh boy... Je suis mal." Il envisagea de passer comme si de rien n'était, mais ils avaient échangé leur regard, il savait que Miles savait. S'enfuir n'aurait rien apporté non plus, il n'allais pas aller très loin de toute manière.
Peut-être que c'était dans sa tête ? Peut-être qu'il se faisait des idées et que...
Il regarda de nouveau Mr O'Lake, qui le foudroyait du regard.
Il déglutit. Il n'avait pas le choix, il le savait.

Il s'approcha lentement, tout penaud, du grand homme qui le toisait. Sans cesser de fixer le sol, il prit la parole.

- ... Bonjour Mr O'Lake ?

Oui Miles était d'excellente humeur aujourd'hui.
Mais visiblement ça allait rapidement changer.

@Lancelot O'Lake J'espère que cette réponse sera à la hauteur de notre bibliothécaire

Cela est parfait, ne vous en faîtes pas

Je fus surpris en moi-même d’apercevoir ce comportement chez ce jeune homme ; lui qui semblait si fier avant de me voir ; si heureux. Oui, peut-être avait-il directement compris ce qui l’attendait, enfin presque ? J’avais cette envie de lui faire appréhender que les actes possédaient des conséquences. Mais en même temps, je voulais le lui faire inclure d’une approche ludique comme l’eut fait ma mère quand je n’étais qu’un aspirant n’appréciant pas la vertu des livres. Et pourtant, cette punition m’eut permis de tant comprendre. Je désirais, pour lui aussi, réaliser le valoir de cette expiation.

Ainsi, je le regardais me saluer à sa manière, bien que j’en fus légèrement reconnaissant ; malgré son crime, il n’avait pas omis les règles de politesse, et cela était une bonne chose. Je pouvais même comprendre d’une certaine manière que l’oubli n’était pas volontaire. La folie de la jeunesse…

— Bonjour, Monsieur Ravenstorm.

Je le toisai plus calmement, il en avait besoin. Garder ce regard allait le faire se liquéfier sur place, alors je tentai d’opérer la retombée de cette pression qu’il ressentait et qui était particulièrement mauvaise pour lui. Oui, beaucoup trop perverse pour un enfant de son âge.

— Dites-moi, Monsieur Ravenstorm, n’auriez-vous pas oublié, par hasard, de me prévenir d’un certain incident parvenu durant la journée d’hier ? Je ne sais pas, peut-être le fait de vous être endormi sur un livre sur la magie des Animagi et d’avoir réalisé une bavure involontaire ? Vous savez, je peux comprendre que les ouvrages magiques peuvent être impressionnants et apporteurs de sommeil donnant suite à une concentration intensive. Cependant, l’oublie de prévention à quelques conséquences…

Il leva les yeux pour regarder son interlocuteur : il dut se faire violence pour ne pas immédiatement détourner son regard des yeux bleus intimidants de Mr O'Lake.
Il n'y avait plus aucun doute possible : il lui avait parlé du livre de métamorphose, de son assoupissement et d'une "bavure involontaire". Aucun doute n'était plus permis, il était fichu. Le bibliothécaire avait parlé de conséquences... Il était définitivement mal.
Il se voyait déjà de faire briller toutes les étagères de la bibliothèque, en épousseter tout les livres, récurer toutes les tables de travail. Il s'imaginait ce qui pouvait traîner en sous les tables : si c'était comme à Londres, il préférait ne pas y penser.
Miles savait qu'il devait utiliser les bons mots. Lui expliquer sincèrement que ce n'était pas son intention, sans pour autant donner l'impression qui'l cherchait à lui passer de la pommade ou à se dédouaner.

- Écoutez Monsieur... Je suis sincèrement désolé. J'était sincèrement passionné par la lecture, je ne me suis pas senti m'endormir et je me suis réveillé avant même de savoir que je dormais ! Et je sais que j'aurais du vous prévenir... J'ai paniqué, j'avais peur de me faire incendier... J'ai été lâche.

Il marqua une pause, et repris, en soutenant le regard de Mr O'Lake.

- Vous devez me croire, j'adore les livres ! D'ailleurs chez moi, je me serais fait attraper pour la même chose j'aurais passé un sale quart d'heure... Mais ce n'est pas dans mes habitudes... Les livres sont des outils à respecter, ce que je n'ai clairement pas fait.

Il le pensait. Depuis qu'il savait lire, il avait le nez plongé dans les bouquins : il lisait de tout, de la fiction, des documentaires. IL savait que ces ouvrages étaient de véritables puits de science, et malgré son jeune âge il avait compris que sans livres, le savoir actuellement en possession des humains serait infiniment moindre.
C'est en pensant à ça qu'il se rendit compte, qu'il méritait sa punition après tout.

Je l’écoutais parler avec attention, je relevais chacun de ses mots au plus profond de mon être. Il avait des remords, cela était certain, mais peut-être pas assez pour assumer les conséquences. Je le voyais bien, il désirait se faire pardonner, me faire savoir ses torts. Il avait eu peur de l’incendie, malheureusement, en ne disant rien il l’avait provoqué. Cela aurait pu être évité s’il n’avait pas eu honte, après tout, n’était-il pas un élève de Gryffondor, un apprenant dont le courage avait été ressenti ?
Ce jour-là, son audace fut de me convaincre, mais je maintenais mon attitude. Il était coupable d’un fait ; il devait le payer.

Je quittai alors la partie de mon comptoir pour venir me positionner à ses côtés, placer mes mains sur ses épaules et l’inciter à avancer dans la direction que je désirais qu’il atteigne. Nous allâmes ainsi vers l’un des rayonnages dédiés à la métamorphose et je me repositionnai ensuite face à lui, me mettant même à sa hauteur, l’un de mes genoux au sol.

— Vous savez, je fus comme vous enfant, à m’endormir sur les livres, enfin, ce n’était pas involontaire de ma part... Je le faisais exprès pour faire rager ma mère. Elle est libraire dans le centre de Londres, et je haïssais la voir dans ses livres, nous en imposer la lecture. Et il fallut une fois où mon comportement ne lui convint plus, je devais avoir huit ou neuf ans. Elle m’avait alors obligé à tenir, avec elle, son magasin, à accueillir les clients ; à ranger les nouvelles entrées littéraires ; et ce qui devait être une punition fut une révélation. J’ai aimé conseiller les acquéreurs sur les livres, dire que Stephen King était un maître de l’horreur ; recommander certains acheteurs à lire des livres des années 2020 comme American Dirt de Jeanine Cummins et tant d’autres auteurs ; même si j’ai découvert une passion pour les écrivains du dix-huitième siècle avec Montesquieu et Voltaire. Alors, oui, si je suis bibliothécaire aujourd’hui, c’est par cela, en outre, que je chéris effectuer l’apprentissage des histoires ; guider les étudiants et parce que ma libraire de mère a eu la meilleure punition qu’il y eut existé. Nous allons donc, ensemble, refaire les référencements de ces livres et les classer par ordre alphabétique. En êtes-vous partant ?

Je me relevais, par conséquent, en tendant ma main à l’enfant ; accepterait-il cette proposition ?

Tout d'abord, Mile fut surpris de voir Mr O'Lake mettre un genou à terre pour s'adresser à lui, d'égal à égal. D'où il venait, c'était loin d'être commun, c'était même plutôt inattendu. Il n'avait pas le souvenir d'avoir déjà vu Mrs Watson ou n'importe quel autre professeur de la Fulham Primary School faire de même. Les professeurs étaient les adultes, les gardiens, et eux élèves étaient bons à obéir. Ce simple geste de la part du bibliothécaire lui faisait ressentir énormément de respect pour celui-ci, tout comme Mr O'Lake semblait lui montrer ce respect.
Les yeux grands ouverts, Miles l'écouta lui parler de son expérience, de sa jeunesse au milieu des livres, de son ressenti, de ce qui l'avait conduit à être passionné de livres. Miles était fasciné : même s'il était loin d'avoir vécu la même chose que lui, il se reconnaissait dans cette histoire. Ses parents ne l'avaient jamais forcé à lire mais c'était bien eux qui l'avaient initié. Au tout début, comme beaucoup de très jeunes enfants, il était surtout intéressé par les activités en extérieur et jouer avec ses amis, mais il avait été mordu par les livres de fantasy. Progressivement, son intérêt s'était également développé à la science-fiction.

C'est alors que le bibliothécaire lui avait proposé de refaire le classement des livres de la bibliothèque. Proposé, pas imposé. Miles était surpris, et un peu méfiant : était-ce une punition, ou une proposition ? Et s'il refusait, risquait-il quoique ce soit ?
Mais il se rendit compte qu'il ne voulait pas refuser une telle occasion de travailler aux côtés de Mr O'Lake, dont il semblait partager les valeurs littéraires tout du moins. Il pris la main tendue du bibliothécaire :

- Mr O'Lake... Ce serait un véritable honneur que vous m'appreniez à classer une bibliothèque. J'accepte, avec grand plaisir !

Il sourit.
Pas si pourrie cette journée !

Désolé pour la réponse tardive @Lancelot O'Lake !

Ce n'est rien, ne vous en faites pas

J’étais abasourdi, l’élève de première année venait de passer d’une expression désolante à une expression joyeuse, comme si la punition prenait un sens trop positif pour lui ; ses mots ne purent que confirmer mes aprioris. Cela en était plus qu’intéressant ; je pouvais voir à son comportement que cela était une chose qu’il avait cherché à atteindre comme pour un rêve d’enfance.

Mais cela m’arrangeait, si la punition lui plaisait, cela me prouvait qu’il appréciait les livres ; leur lecture et que son comportement de la veille ne reflétait que d’une inadvertance et d’un besoin coupable d’annoncer un fait. Je pensais donc avoir été trop sévère sur le coup, mais au moins, cela avait pu m’aider à comprendre, à voir la vérité.

Je pris ainsi ma baguette et fis venir avec nous les quelques livres que nous allions pouvoir référencer à nouveau, revoir si tout pouvait être classé comme je l’espérais. En même temps, cela pourrait aussi me permettre de réaliser une révision des livres et entamer des réparations assez rapides. Du moins, je l’espérais. Je reposai mon regard sur le futur adolescent et le fit venir jusqu’au comptoir où je tenais un carnet avec les référencements anciens, enfin, que je gardais serait plus appropriés ; je devais réaliser le mien, celui qui me serait propre, et quelle meilleure idée que de l’inaugurer à l’aide d’un élève ?

— Très bien, Monsieur Ravenstorm, savez-vous comment réaliser un référencement ?

La question du bibliothécaire pris Miles par surprise : savait-il faire le référencement d'ouvrages dans une bibliothèque ?
Il réfléchit quelques instants. C'était en effet une bonne question : le temps qu'il avait passé dans les bibliothèques lui avait donné une bonne idée de comment s'organisait les rayons. Mais de là à dire qu'il s'y connaissait ...

- Et bien... il hésita, un moment, espérant ne pas dire de bêtises. Avoir fait preuve d'autant de bonne volonté pour ensuite se rétamer, voilà quelque chose qu'il préférait à tout prix éviter. Il reprit : ... Si je ne dis pas de bêtises, on classes les livres par ordre alphabétique de leurs auteurs ? Et on essaie de les regrouper par thème, ou genre ? Par exemple on met les contes ensemble, pareil pour les bandes dessinées...

Il se sentit stupide. Il parlait de contes et de bandes dessinées, mais quelles étaient les chances qu'une bibliothèque comme celle de Poudlard abrite des livres aussi simplistes que des bandes dessinées. Il s'imaginait des rayons de tomes obscurs, aux sujets complexes et au savoir antique, pas des volumes de Calvin & Hobbes. Il tenta de peaufiner sa réponse.

- Dans le cas de Poudlard, comme nous sommes dans une école je m'imagine qu'on peut essayer de regrouper les livres par matière concernée ? Comme les potions ou les sortilèges...

Malgré tout il avait l'impression de n'effleurer que la surface de la vérité.

La réponse du jeune Gryffondor était particulièrement justifiable, pourtant, il ne se baisait que sur ce que l’on pouvait croire ou voir dans les librairies ; lieux où l’ordre orthographique avait son sens, mais en même temps, dans les bibliothèques ; les livres d’une discipline étaient aussi triés en ce sens, mais le référencement en était tout autre, puisque les sujets étaient bel et bien diverses.
Je souris — finalement — et me permis d’ébouriffer les cheveux de l’enfant avant de laisser échapper un rire discret ; il était fait pour être — ne serait-ce qu’un jour — bibliothécaire ou libraire selon le choix de carrière qu’il souhaiterait développer. Alors cela était le moment, pour moi, d’expliquer ce qu’était la classification décimale de Dewey.

— Vous n’avez pas tort, du moins, d’une certaine manière. Cette réalité est, en effet, bien plus complexe. La répartition par ordre alphabétique et par genre se fait très souvent dans les librairies du monde Moldu, ainsi que dans les librairies sorcières. Dans les bibliothèques, cela est quelque peu différent puisque nous apprenons à faire une classification décimale pour le référencement ; cela est, certes, ardu et pourtant, cela est très utile. Cette hiérarchisation décimale est celle de Dewey ; Melvil Dewey, un biographe américain du 19e siècle ; mais ce n’est pas ce qui est important. Ce référencement permet de classer les ouvrages dans plusieurs domaines, et ce aux dépens du thème concerné. Effectivement, le sujet peut traiter du Bicorne et ce n’est pas pour autant que le livre peut s’identifier à l’approche des soins aux créatures magiques puisqu’en fonction de la discipline de l’écrit ; on pourra le retrouver dans le rayonnage de potions, car il fera renvoi à l’emploi du Bicorne en tant qu’ingrédient de potion. Et c’est un peu cette classification que nous allons faire.

Je parlais bien trop, mais cela n’avait point d’importance — finalement — puisque cela n’était, en fin de compte, qu’une punition bien cachée dans l’apprentissage. Il devait comprendre que les documents devaient être manipulés avec de grands soins, car eux-mêmes avaient une complexification dans le référencement d’usage ; et qu’en abîmer un pouvait amener à un remaniement complet d’un système de référencement si l’ouvrage meurtri n’était plus disponible dans le monde pour donner suite à une perte relative au contrat d’édition ; une faillite de la part de l’une des maisons de publication, ce qui pouvait arriver avec les années ou les siècles (plus précisément pour les plus anciens livres existant dans ce monde). Je pris, dès lors, plusieurs livres dont l’étiquette de référencement était devenue illisible avec le temps ou détériorée par les mauvaises utilisations (rapide ou colérique) que pouvaient avoir les élèves bien trop pressés par leur réussite scolaire ; mais devais-je leur en vouloir ? Non, puisque c’est un comportement humain que nous pouvions tous avoir un jour… Du moins, c’était que l’on m’eût dit par le passé.