Privé, avec @Edward Penwyn





« - Père, pourriez-vous porter mes livres ? Ils sont vraiment très lourds.
- Il fallait en prendre moins. Allez, donnes moi ça.

Dans un sourire victorieux, Alice déposa ses nouvelles acquisitions littéraires dans les bras de son père, avant de quitter la boutique de Fleury & Bott. C'était une merveilleuse journée. Le soleil scintillait dans un ciel bleu et offrait au Chemin de Traverse une douce chaleur printanière. Alice n'aurait pu rêver plus beau temps pour passer du temps avec son père. C'était lui qui avait proposé cette journée à sa fille. Les vacances de Pâques touchaient à leur fin, et le malheureux n'avait passé que peu de temps auprès de sa fille adorée. Le travail, toujours le travail. Alice aimait le métier qu’exerçait son père, et lui aimait son métier. Mais il lui demandait du temps, beaucoup de temps. Un temps qui le tenait loin de son enfant.
Aussi, ce week-end, Dorian Sangblanc avait laissé le Ministère de la Magie derrière lui. Ce week-end serait celui de sa fille. Il ne lui refuserait rien, et lui offrirait tout ce qui pourrait la faire sourire.
Et ces derniers temps, il n'était pas difficile de la faire sourire, cette petite fille habituellement très calme, très simple. Depuis qu'elle était rentré de Poudlard, son visage était souvent serti d'un sourire. Alice riait plus que de raison, et plaisantait volontiers avec son père. Quelque chose s'était passé dans sa vie, Dorian en était persuadé. Mais il ne savait quoi. C'était perturbant, assez pour agité les nuits de l'homme. Sa fille grandissait plus vite qu'il ne le souhaitait. Encore une année auparavant, il était capable de sonder l'esprit d'Alice. Il savait ce qui la chagrinait, ce qui la rendait heureuse, ce qui l'agaçait. A présent qu'elle était à Poudlard, loin de lui, il ne savait plus.

Les cheveux blancs des deux Sangblanc brillaient comme la neige. Ils étaient éclatants, aveuglants pour quelques passants qui s’attardaient sur cette particularité capillaire. Leurs yeux d'argent étaient rendu blancs, telles deux pierres de lune scintillantes. Ils ne passaient pas inaperçus dans cette rivière de sorcier. Ils ne passaient jamais inaperçus.
Le hululement des hiboux de la Ménagerie Magique firent bondir Alice. Une grande chouette blanche attira aussitôt son regard. Elle était belle, majestueuse. La petite fille n'avait aucune difficulté à imaginer l'envergure de l'animal, ses ailes déployées. Il était douloureux de la voir ainsi emprisonnée.

- Allons prendre une glace chez Florian Fortarôme, lança monsieur Sangblanc en glissant sa main sur l'épaule de sa fille, les livres sous le bras. J'ai très envie d'une glace au poivre.

Une glace. C'était une excellente idée ! Quoi de mieux pour accompagner les rayons du soleil ? Alice prit aussitôt la direction du glacier. Elle connaissait le Chemin de Traverse sur le bout des doigts. Ce n'était pas bien compliqué, par rapport à Poudlard : ici, il y avait des écriteaux !

La devanture de la boutique apparu aux yeux des deux Sangblanc. Sur la terrasse, des sorciers dégustaient paisiblement de grandes coupes de glace aux couleurs affriolantes. L'appétit vint aussitôt. Que prendre, cette fois ? Patacitrouille ? Frêne ? Chocoballe ? Les trois !

- Je vais passer commande, dit monsieur Sangblanc en rejoignant une table vide au parasol déplié. Attends moi ici. Est-ce que tu prends comme d'habitude ? Deux boules de glace goût Patacitrouille et une de Caracollant ?
- Non, répondit la petite tête blanche en s'asseyant. Je vais prendre ... Une boules goût Cheese-cake et deux boules goût Cupcake !
- Bien. J'en ai pour un instant.

Monsieur Sangblanc déposa les livre sur la table, et un baiser sur le front de sa fille, avant de s'engouffrer dans la boutique. Alice surprit les deux sorcières attablées plus loin regarder son père et discuter à son passage. L'une d'elle, la plus âgée des deux, sortit sa baguette et fit apparaitre un éventail à son extrémité. Alice détourna aussitôt le regard. Ce n'était pas la première fois qu'elle surprenait des femmes se comporter comme des dindes. Elle savait que son père était le plus beau... mais c'était le sien, rien qu'à elle. Les autres n'avaient qu'à baisser les yeux à son passage, et c'est tout.

Quelques instants plus tard, monsieur Sangblanc revint s'asseoir aux côtés de sa fille.

- Ils nous préparent tout cela. Je t'ai commandé un jus de citrouille en plus et ...

Alice regardait son père, en attente d'une suite. Mais il n'y avait rien, l'homme avait les yeux braqués sur un autre. Il plissait ses yeux d'argent semblait chercher quelque chose.

- Serait-ce Edward Penwyn ? lança l'homme en se levant pour signaler sa présence à l'autre homme. »

Edward Penwyn ? La fillette posa ses yeux sur cet homme qu'elle ne connaissait pas. Du tout. Des cheveux bruns, une barbe fournie.. qui était-ce ? Un ami ? Un collègue ?

La saison froide avait disparu depuis plusieurs semaines déjà et les premières bourgeons commençaient à apparaître sur les arbres de la cité londonienne. Au fur et à mesure des dernières semaines, le ciel s'était de plus en plus éclairci, et les longs manteaux d'hiver avaient fait place à des vestes plus légères. Le printemps était là et Edward Penwyn comptait bien profiter de son premier week-end de libre depuis une éternité pour se balader dans la capitale anglaise.

Ce jour-là, il n'avait aucun impératif professionnel ni même personnel et avait décidé de flâner dans la partie sorcière de Londres afin de se distraire et oublier le travail. Sur les coups de treize heures, il fit irruption dans un Chaudron Baveur où la foule ne se pressait pas : il n'y avait que très peu de sorciers présents à l'intérieur du pub, sans doute parce que la météo à l'extérieur était plutôt agréable. Edward jeta un coup d’œil en direction du comptoir en espérant y trouver une longue chevelure rousse familière, mais visiblement, elle ne devait pas travailler aujourd'hui. Dommage, comme l'affluence était faible dans le bar, il aurait pu passer quelques instants avec elle pour discuter.
Sans transition, il emprunta le petit passage qui menait à l'allée marchande sorcière, et une fois le mur de briques traversé, le sorcier s'arrêta quelques instants pour profiter de la scène qui se présentait devant lui. A contrario du Chaudron Baveur, le Chemin de Traverse était plein de sorciers et sorcières de tout âge. Cela faisait plusieurs mois qu'Edward n'avait pas vu ce lieu aussi peuplé, et il comprit tout de suite que c'était parce que les sorciers de premier cycle étaient en vacances. Son intuition se révéla juste, lorsqu'en avançant sur l'allée principale, il aperçut un groupe d'adolescents devant la boutique Keddle & Leather, spécialisée dans le matériel de Quidditch, en train d'observer le nouveau modèle de balai à la mode. Il se rappelait avoir eu le même âge qu'eux et être à chaque fois aussi émerveillé par les nouveaux modèles de balai, mais lui, avait l'excuse de venir d'un monde où les balais ne servaient qu'à enlever la poussière du sol.

En passant devant la ménagerie magique, Edward se rappela qu'il n'avait bientôt plus de Miamhibou dans son appartement, et qu'il allait devoir en racheter si il ne voulait pas que son hibou ne lui morde les doigts à son retour d'Écosse. Le sorcier entra dans la boutique pour acheter plusieurs sachets de cette confiserie dont raffolait son animal à plumes avant d'en ressortir une dizaine de minutes plus tard. Continuant sa promenade sur l'allée marchande, il aperçut le glacier Florian Fortarôme et décida de se faire plaisir et de s'acheter une glace. À peine rentré à l'intérieur de la boutique, le sorcier entendit une voix masculine l'appeler. Interloqué par cet appel, Edward se retourna et aperçut un homme debout qu'il était facile de reconnaître de par les cheveux blancs qu'il arborait. Dorian Sangblanc, le chef des Aurors britanniques se tenait là et lui faisait signe de venir. De par leur boulot au Ministère, les deux sorciers avaient régulièrement l'occasion de discuter. S'approchant de lui, il aperçut une deuxième tête blanche assise à côté de lui - et nul doute ne faisait qu'il s'agissait de la fille de Dorian.

- Bonjour Dorian, comment vas-tu ? dit Edward en se tenant droit comme un pic devant la table où les deux Sangblanc se trouvaient et en tendant sa main droite à son collègue de travail.

Son regard se porta alors sur la plus jeune des Sangblanc en attendant la réponse de Dorian. Nul doute ne faisait qu'il s'agissait de sa fille lorsqu'on voyait ses cheveux blanc et l'argent de ses yeux. Il s'assit en face de l'apprentie sorcière et lui dit :

- Tu dois être Alice, c'est ça ? Au Ministère, ton père nous parle tout le temps de sa merveilleuse fille ! s'exclama Edward, un grand sourire apparaissant sur son visage.

Lorsque la main de son père saisi celle de l’homme pour le saluer, Alice étira un sourire, léger, poli. Qui était-il, Alice l’ignorait encore, mais supposait qu’il s’agissait d’un collègue du ministère. Quel bureau pouvait-il bien diriger ? Ou alors, était-ce un Auror ? Son père se laissait-il tutoyer par ses subalternes ? Après tout, pourquoi pas. Il avait été Auror pendant vingt années, et donc avait travaillé au même rang que ses actuels subordonnés. Et puis Alice ne voyait vraiment pas son père forcer tout le monde à le vouvoyer. Il était si simple. Si gentil.

« - Ça va, je te remercie. Mais je t’en prie, installes toi, la table est bien assez grande pour nous trois.

Le regard de la fillette croisa celui du dénommé Edward Penwyn, qui venait de s’asseoir en face d’elle. Son père s’installa à nouveau, reprenant confortablement place dans son siège, ses bras croisés nonchalamment sur sa poitrine. Il était à l’aise, cela détendit immédiatement la petite Sangblanc. Visiblement, la présence de l’autre homme le ravissait.
Lorsque monsieur Penwyn s’adressa à elle en des termes élogieux, Alice ne put retenir un grand sourire. Son père parlait d’elle au Ministère ! Elle n’en doutait pas, bien sûr, mais l’entendre c’était quelque chose de merveilleux. Elle s’empressa d’acquiescer d’un signe de tête en souriant un instant à son père avant de reporter son attention sur monsieur Penwyn. Il était souriant, c’était très plaisant. C’était donc un collègue à son père. Il changeait des personnes fermées avec qui il avait l’habitude de traiter. Peut-être était-ce un bon ami ?

- Je suis très contente de vous rencontrer monsieur Penwyn, dit la fillette sans perdre son sourire. Et encore plus contente de savoir que mon père parle de moi au Ministère, et en bien en plus !

Dorian poussa un léger rire en posant ses yeux sur sa progéniture. Le regard était tendre, et empli de fierté. Il ne fallait pas être legilimens pour comprendre à quel point cet homme aimait sa fille, cela crevait les yeux.

- C'est la plus jeune de mes enfants, dit Dorian en reportant son attention sur Edward. Et l'unique petite fille de la fratrie, mais il me semble l'avoir déjà mentionné une fois ou deux.

Pour l'heure, Alice ne portait aucune attention sur son père : elle regardait monsieur Penwyn, et désirait savoir qui il était vraiment. Ami, ou simple collègue ? Auror? Non, vraiment, elle ne l'imaginait pas Auror. Quelque chose ne collait pas, dans son regard ou dans son attitude. Du moins, il ne correspondait pas à l'idée qu'Alice se faisait des Aurors.

- Alors vous travaillez avec mon père. Vous travaillez aussi au département de la justice magique ? Vous dirigez un autre bureau ? »

La serveuse, plateau sur le bras, rejoint la table. Elle annonça les commandes, dont une coupe de glace goût Cheese-cake et Cupcake, une autre goût Vanille et Chocolat ainsi qu'un jus de citrouille. Après un sourire pour l'attablée, elle déposa le tout devant les Sangblanc avant de questionner Edward sur son hypothétique commande avant de demander à monsieur Penwyn ce qu'il désirait.

À l'instar de son père, la jeune Alice Sangblanc semblait tout à fait polie et courtoise. Sans perdre le sourire qui s'était dessiné jusqu'à la commissure de ses lèvres, elle lui répondait d'une manière assurée que peu avaient à son jeune âge. Son assurance était tellement remarquable qu'Edward fut un court instant déstabilisé mais se ressaisit rapidement avant de réaffirmer un sourire encore plus chaleureux. Même si lorsqu'il avait son âge, il avait pu paraître tout aussi assuré, cette confiance était plutôt synonyme de désinvolture. Elle était intrigante.

Se tournant vers Dorian lorsque celui-ci reprend la parole, le Gallois sourit - décidément il ne sait faire que ça - et dit sur le ton de la plaisanterie :

- Il me semble en effet t'avoir entendu le mentionner plusieurs fois ahah ...

En faisait-il trop ? Sans doute, mais être assis là, à une table du glacier Florian Fortarôme en compagnie du chef des Aurors et de sa fille avait de quoi mettre de nombreuses personnes dans l'embarras. Il ne risquait certes pas sa carrière si un incident arrivait, mais il pourrait voir son évolution au sein du ministère compromise si il se fâchait avec les mauvaises personnes. Non, Dorian Sangblanc ne semblait pas être de la sorte, il semblait juste accueillant et paisible - encore plus en dehors du travail. Écoutant les questions de la fillette, Edward lui répond d'une voix posée :

- Non du tout. Je suis au département des accidents magiques, dans le bureau de désinformation. Ton père et moi travaillons souvent ensemble sur des affaires communes. Il attrape les méchants et moi ...
 
Le sorcier s'interrompit dans son discours lorsqu'une voix féminine annonça les parfums que les deux Sangblanc avait commandé et qu'une main les déposa tour à tour sur la table. Les coupes étaient remplies à ras bord et Edward ne put résister longtemps. Il se tourna vers la serveuse et lui demanda sa composition préférée : une boule à la patacitrouilles et une autre au sorbet citron. Après s'être retournée vers Alice, il se dit qu'elle ne devait connaître du ministère de la Magie que le service de son père et fit le choix de lui expliquer :

- Le rôle du bureau de désinformation, pour simplifier, c'est de faire gober des mitos aux Moldus lorsqu'il y a des accidents magiques et qu'ils sont incapables de justifier ça rationnellement. C'est un peu comme le Comité d'invention d'excuses à l'usage des Moldus, mais pour des affaires d'une ampleur beaucoup plus importante.

Il avait essayé de ressortir de vieilles expressions qu'il employait lors de son adolescence, mais sans doute qu'elle n'était plus à la mode aujourd'hui. Pas grave. Lorsqu'il parlait de son métier, Edward avait du mal à s'arrêter, et il avait dû se freiner pour ne pas ennuyer la jeune Alice.

- En tant que Né-Moldu, c'est beaucoup plus facile pour moi de trouver des justifications, je sais comment ils pensent, tu vois ?

Le sorcier espérait ne pas fâcher la jeune fille en parlant de son ascendance moldue, car même si les mœurs étaient différents de ceux d'il y a trente ans, certains sorciers considéraient encore que les nés-moldus étaient inférieurs au reste des sorciers.

Désolée pour le retard, les idées n'étaient pas là !

Du bout de ses doigts, Alice apporta la glace au plus près d'elle, ses grands yeux braqués sur monsieur Penwyn. Le département des accidents magiques... Alice se demandait bien ce qui pouvait y être intéressant ! Surtout au bureau de désinformation.
Elle eut sa réponse après le départ de la serveuse. Gober des mitos ? Alice jeta un regard intrigué à son père qui regardait monsieur Penwyn avec une fascination mêlée d'amusement. Gober des mitos... qu'est-ce qu'un mito ? Ce questionnement mis de côté, le travail de monsieur Penwyn semblait intéressant. Moins que celui de son père, mais intéressant tout de même. Fabriquer des mensonges, falsifier la vérité et en faire son métier... les jours ne devaient pas se ressembler !

Armée de sa cuillère, Alice récupéra une petite partie de sa boule Cheese-cake et la gouta aussitôt. Le goût sucré du gâteau envahit aussitôt sa bouche, c'était délicieux ! A ses côtés, son père semblait tout aussi ravi de son choix de glace.
Ses dents claquèrent sa cuillère lorsque Monsieur Penwyn mentionna son statut de sang. Elle coula un regard à son père qui ne semblait pas préoccupé par la révélation de son collègue, ami, quoi qu'il soit. Ou alors il le savait déjà. C'était certainement cela.
Alice planta sa cuillère dans sa boule Cupcake et reprit la parole, les yeux grands ouverts :

« - Vous êtes un Né-moldu ? Un vrai Né-moldu ? Je ne savais pas que vous aviez le droit de travailler au Ministère de la Magie.
- Qu'est-ce que tu racontes ? demanda Dorian en haussant un sourcil.
- Thomas, il m'a dit un jour que les Nés-moldus ils ne peuvent pas passer les protections du Ministère de la Magie, qu'ils sont repoussés comme les Moldus.
- Ton frère dit beaucoup d’âneries.

Cela, Alice ne pouvait pas le nier. Un soupir sorti d'entre ses lèvres, constatant qu'une fois encore son frère avait abusé de son très jeune âge pour lui dire des mensonges. Et quel mensonge... elle venait de passer pour une idiote devant un collègue de son père, c'était malin ! Qu'allait-il pensé d'elle et de son père ?

- Alice est rarement au contact des Nés-moldus, expliqua monsieur Sangblanc. Elle ne pensait pas à mal.
- Donc si je vous touche, je ne vais pas perdre mes pouvoirs ? Vous n'allez pas les aspirer et ...?

Cette fois, Dorian ne répondit pas, seul un sourire amusé trahit ses pensées. A nouveau, il se laissa aller dans sa chaise, ses yeux rivés sur sa fille.
Si il y avait bien une chose qui effrayait Alice, c'était la perte de ses pouvoirs. Quelle horreur cela serait ! Thomas lui avait raconté un jour que si un Né-moldu touche un vrai sorcier, il peut lui voler ses pouvoirs. Alice l'avait bien sûr cru sur le coup, mais aujourd'hui la fillette se demandait si c'était vrai. Les Nés-moldus avaient forcément quelque chose de maléfique !

L'évocation de son statut de sang semblait perturber la fille de Dorian Sangblanc. Même si Alice ne lui en touchait pas mot de suite, son regard se tournait vers son père, comme si elle cherchait à ce qu'il la rassure et lui dise qu'Edward ne faisait que plaisanter. Sauf que non : l'homme était réellement un Né-Moldu et Dorian ne semblait pas deviner le spectacle qui allait se profiler sous ses yeux. En quelques instants à peine, les paroles de la fille aux cheveux blancs percutèrent la sensibilité d'Edward, qui tenta du mieux qu'il pouvait de cacher sa gène. 

Un vrai né-moldu ? Que voulait bien dire cette expression ? *Pense-t-elle vraiment que les nés-moldus sont une légende ou que nous volons leurs pouvoirs aux nés-sorciers ?* Ses sourcils se froncèrent tandis que le père de la fillette la réprimandait à sa manière. De ce qu'il comprenait le frère d'Alice l'avait induit en erreur, il ne s'agissait que d'un simple enfantillage. Néanmoins, Edward tenait rigueur à son collègue de n'avoir pas su déceler le mensonge que son fils avait instigué dans la tête de sa fille. Reprenant un sourire agréable et se détendant un peu plus, le sorcier récupéra la coupe de glaces que lui tendait la serveuse tout en écoutant la fin de la discussion entre les deux Sangblanc. Seulement, Alice ne s'arrêta pas là, et se mit alors à lui poser des questions plutôt étranges. L'homme à la barbe décida alors de prendre ces remarques sur le ton de l'humour et s'exclama en riant :

- Ahah... Comment crois-tu que nous les Nés-Moldus obtenons nos pouvoirs magiques ?

Il voulait se jouer de la petite fille qui semblait avoir des préjugés plutôt bien ancrés sur les moldus et les nés-moldus. Après tout, il n'imaginait pas une seule seconde que Dorian lui en voudrait. Afin de la laisser cogiter sur sa dernière parole, Edward se tut pendant plusieurs secondes en regardant Alice d'un air diabolique.

- Quand nous touchons un sorcier suffisamment longtemps, nous aspirons ses pouvoirs magiques jusqu'à ce qu'il n'en ait plus. C'est comme ça que j'ai eu mes pouvoirs, et vu que le sorcier n'avait plus besoin de sa baguette, je lui l'ai prise.

Le sorcier arrivait à être bon comédien quand il mettait du cœur à l'ouvrage, et il espérait que la fillette goberait tous ses mensonges. Après tout, ce n'était pas pour rien qu'il travaillait au bureau de désinformation. Pour accentuer la tension qui commençait à régner entre Alice et lui, Edward se mit à remuer frénétiquement ses mains au-dessus de la table. Sans prévenir, il dressa ses mains à quelques centimètres du visage de la fille, décollant légèrement ses fesses du banc et s'écria :

- BOUUUUHH !

De nouveau, un sourire, cette fois-ci moqueur, apparaissait sur son visage. Il était heureux de la frayeur qu'il venait de faire à la fillette. Cependant, il avait momentanément oublié qu'il était dans un espace restreint, et désormais, de nombreux regards se tournaient vers leur table. Edward ne savait plus quoi dire et préféra se rasseoir entièrement sur la table, un peu gêné.

- Non, ce n'est pas vrai. Toi et moi sommes exactement pareils, hormis que tes parents sont des sorciers et les miens des moldus. Où as-tu pu bien entendre de telles bêtises ? À Poudlard ?

Aucun reproche ne se faisait sentir dans la voix de l'adulte, il voulait simplement comprendre pourquoi la jeune fille avait pu croire de telles inepties. Son regard semblait bienveillant tandis qu'il la scrutait du regard.

Je m'excuse également pour ce retard, excès de travail 

Quelle aubaine de se trouver face à un Né-Moldu adulte. Alice allait pouvoir lui poser toutes les questions qu'elle souhaitait, et son père serait là pour veiller à ce que son collègue ne s'énerve pas sur elle. Et en plus, elle avait une glace pour la rassasier, c'était parfait !

Monsieur Penwyn se mit à rire tout en posant une drôle de question à Alice. En réalité, ce n'était pas vraiment une question. Etait-il vraiment en train d'affirmer qu'il s'agissait d'une vérité ? Les Nés-Moldus voleraient-ils vraiment les pouvoirs des vrais sorciers ? Alice jeta un regard vers son père qui dégustait sa glace, le regard perdu dans l'allée principale du Chemin de Traverse. Pourquoi continuait-il à sourire ? Pourquoi souriait il toujours ? Alice ne parvenait pas à savoir si ce que lui disait Monsieur Penwyn était une vérité ou une moquerie !
Les yeux d'argent de la petite fille se reposèrent sur l'homme à la barbe. Il était sur le point de lui en dire beaucoup, c'était une certitude ! Mais il ne parlait pas, il ne disait mot. Il se contentait de regarder la fillette. Elle serrait fort sa coupe de glace entre ses doigts délicats. Il fallait qu'il parle, Alice voulait savoir !
Lorsque ses lèvres se remirent à bouger, les yeux d'Alice s'arrondirent. Alors...ils aspiraient vraiment les pouvoirs magiques des sorciers, des vrais sorciers. C'était effrayant. Si effrayant ! C'était comme cela que cet homme avait obtenu ses pouvoirs : ils les avaient volé ! Et la baguette aussi ! Thomas n'avait pas mentit là dessus non plus : jamais une baguette ne choisit un Né-Moldu de son plein gré.
Monsieur Penwyn bougeait beaucoup, il poussait Alice à se reculer sur sa chaise. Il était effrayant, finalement. Il avait perdu de ce côté agréable et chaleureux que la petite fille lui avait trouvé. Sa glace entre ses mains, Alice fronçait un peu les sourcils. Son père, lui, souriait un peu plus. Qu'est-ce qui pouvait toujours l'amuser autant ?
Soudain, deux mains vinrent s'imposer à la vision de la petite fille qui poussa un petit cri de terreur, alors que la voix de monsieur Penwyn s'élevait avec la sienne :

« - BOUUUUHH !

Alice, au cœur affolé, releva ses yeux sur Monsieur Penwyn qui la regardait, amusé, moqueur ! Son père, lui, riait en observant sa fille. Elle fronçait les sourcils, peinait à calmer son petit cœur. Ils s'étaient bien moqué d'elle. Et Monsieur Penwyn qui avait bien failli lui toucher le bout du nez ! Les adultes étaient vraiment idiots, parfois !
Monsieur Penwyn se remit correctement à sa place, sous le regard boudeur d'Alice. Il n'était vraiment pas aimable du tout. Finalement, ce qu'il venait de dire à la petite fille n'était qu'un mensonge. Il s'était joué d'elle. Ça lui apprendra à poser des questions... il n'avait vraiment pas le sens de la pédagogie.
De sa cuillère, Alice revint chercher un morceau de sa glace, sans quitter Monsieur Penwyn des yeux. Il disait être comme elle, à l’exception que leurs parents respectifs étaient bien différents. Donc, non, ils n'étaient pas pareil du tout.
La moquerie quitta les yeux de Monsieur Penwyn, Alice se détendit aussitôt. Elle n'aimait pas se sentir aussi vulnérable, elle ne pouvait rien répondre à cet homme qui venait de se moquer d'elle. A présent, c'était différent.
Son père avait reporté son attention sur eux. La question de son collègue au sujet des mensonges qu'avaient entendues Alice semblait l'intéresser.

- C'est mon frère, répondit Alice en regardant Monsieur Penwyn. Il m'a raconté plein de choses sur les Nés-Moldus et les Sang-Mêlés.... je pense qu'il a entendu ça quand il était à Poudlard. Et puis ma mère dit des choses aussi.
- Il ne faut pas tout écouter lorsque cela vient de ta mère ou de ton frère, Alice. Les Nés-Moldus ont des pouvoirs magiques comme toi et moi, ils leur appartiennent, naissent avec, et les découvrent plus tard. Comme toi et moi.

Comme toi et moi . Alice n'aimait pas cette formulation. Non, ils n'étaient pas pareil. Néanmoins, elle hocha légèrement la tête, tout en reposant ses yeux sur Monsieur Penwyn.

- C'est vrai, monsieur ? demanda la fillette d'une petite voix. Vous avez découvert vos pouvoirs comme les vrais sorciers ?
- Les sorciers, Alice. Il n'y a pas de vrai ou de faux.
- Oui, pardon Père. Et quand vous avez découvert vos pouvoirs... ça a dû être quelque chose pour vos parents... »

Alice observait maintenant Monsieur Penwyn avec une certaine curiosité. Elle avait du mal, beaucoup de mal, à imaginer de la magie au sein d'une famille moldue. C'était impensable ! Est-ce que les Oubliators intervenaient ? Est-ce que Monsieur Penwyn avait été enlevé à sa famille ? Alice n'en savait rien, et Alice voulait savoir.

Un sourire traversait le visage de Edward en suivant la conversation que le père et la fille Sangblanc avaient. A priori, Dorian ne semblait pas du tout au courant de toutes les âneries que son fils racontait à Alice et Alice n'avait pas encore suffisamment d'esprit critique pour ne pas se faire berner. À la place de Edward, de nombreux Nés-Moldus se seraient emportés, mais lui, préférait rire de la situation, et mettre ce comportement sur le dos de la jeunesse. Après tout, il avait bien du sortir quelques stéréotypes sur les sorciers lors de sa Première Année à Poudlard, alors il ne pouvait pas en vouloir à Alice.

Il ne put cependant s'empêcher de froncer les sourcils lorsque la fillette employa le terme de vrais sorciers. Avant même qu'il n'eut le temps de répondre, Dorian sermonna son enfant qui posa alors une autre question.

- Comme les vrais sorciers, oui. Mes pouvoirs ne sont pas apparus aussi brusquement que certains. De petits incidents se sont produit et personne autour de moi n'arrivait à les expliquer. Un lustre qui se met à trembler alors que je me dispute avec mon père, des cheveux qui repoussent en une nuit après être passé chez le coiffeur. 

Edward s'interrompit pendant quelques secondes pour prendre une nouvelle bouchée de sa glace, regarda la fille quelques instants de ses yeux bleus, puis répondit à la deuxième partie de sa question :

- En somme, c'était assez banal et j'ai vraiment été surpris quand j'ai découvert que j'étais un sorcier. Mes parents et moi avons cru à une farce lorsqu'on a reçu la fameuse lettre par l'équivalent moldu des hiboux. Jusqu'à ce qu'un professeur de Poudlard vienne chez nous. Un nouveau monde s'offrait à moi, et mes parents ont été très fiers au début d'avoir un sorcier dans la famille. La magie existait, ce n'était pas qu'un récit pour enfants !

Ce qu'il ne disait pas à la jeune fille, c'était que la relation avec ses parents, notamment son père, fut beaucoup plus tendue les années qui suivirent sa première rentrée à Poudlard. L'excitation d'avoir un fils sorcier avait cédé à une certaine peur, peur qu'il avait eu du mal à chasser de l'esprit de ses géniteurs jusqu'à l'été entre sa 3^ème et 4^ème année.

- Et toi Alice, tu savais que tu étais une sorcière, tes parents le sont. Mais tu n'avais pas de pouvoirs à  ta naissance. Comment se sont-ils manifestés ?

En attendant la réponse de la jeune fille, le sorcier en profita pour prendre une énième cuillerée de glace à la patacitrouilles. La glace commençait à fondre par la chaleur qu'il faisait dans la boutique et Edward devait s'empresser de la manger avant qu'il ne soit trop tard.

Chaque parole prononcée par monsieur Penwyn était intéressante, c'était un vrai puits à connaissance. Bien sûr, le sujet était très dirigé, et il était évident que cet homme savait des choses sur les Nés-Moldus vu qu'il en était un. Mais pour Alice qui ne connaissait rien sur eux, c'était une véritable aubaine : il fallait bien l'écouter pour ne plus jamais se sentir idiote.
Ses grands yeux d'argent posés sur le collègue de son père, Alice buvait ses paroles. Elle aimait apprendre comment les sorciers avaient découverts leurs pouvoirs, cela en disait long. Pour monsieur Penwyn, c'était assez simple, mais certainement très impressionnante pour son entourage moldu. La petite fille ne parvenait pas à imaginer ce que pouvait ressentir un Moldu face à une manifestation magique. Peut-être de la peur, peut-être de l’admiration, de la jalousie ? Et lorsque un hibou venait leur apporter la lettre d’inscription à Poudlard, qu’est-ce qui pouvait bien se passer dans les foyers moldus ? Est-ce que certains parents refusaient que leur enfant soit envoyé dans le monde sorcier ? Si le contraire arrivait dans sa famille, Alice savait pertinemment que jamais on ne l’arrangerait à son univers sorcier.
Les parents de monsieur Penwyn, eux, étaient très fiers. *Tant mieux* pensa Alice. Il avait quitté les Moldus avec le soutien de ses parents, c’était bien.

Et puis, Monsieur Penwyn posa cette question à laquelle il avait gentiment voulu répondre. La glace qui coulait le long de la gorge d’Alice lui paraissait soudainement bien plus froide.
Elle se risqua à jeter un regard à son père. Il l’a regardait avec sa bienveillance habituelle, et ne fit aucun commentaire. Il aurait au moins pu changer la discussion, ou bien seulement dire quelque chose ... mais il n’avait rien fait, il n’avait rien dit.

« - Comment se sont manifester mes pouvoirs..., répéta Alice pour se donner un peu plus de temps.

C’était gênant d’en parler à un inconnu, mais très impoli de ne pas répondre à cette question qu’Alice avait elle même posé.
Après avoir apporté une cuillère de glace à sa bouche et l’avoir dégusté, la petite fille répondit :

- J’ai blessé la main de ma mère.

Cela suffisait, monsieur Penwyn n’avait pas besoin d’en savoir plus. Alice jeta un nouveau regard à son père. Ses yeux n’étaient plus posés sur elle, et la bienveillance les avait quitté. Cet événement l’avait beaucoup affecté, tout autant qu’Alice. Le sang, le bruit terrible des os, les rires frénétiques de sa mère... et les mots qu’elle répétait en boucle, sa main sanguinolente tenue contre elle : « J’ai guérie ma fille ».

A nouveau, Alice engouffra une autre cuillère de glace. Le froid irradiait ses dents, montait jusqu’au haut de son nez. Quelle sensation désagréable ! Elle se massait le nez, plissait les yeux ... et rien n’y faisait. Cela passerait de soi même, il fallait juste être un peu patient ... maudite glace !

- J’espère que tu n’as pas été vexé par les propos d’Alice ? s’enquit Dorian, ses yeux perçants posés sur monsieur Penwyn. Alice sait bien qu’il n’y a aucune différence entre un sang-pur, un né-sorcier et un né-moldu. N’est-ce-pas Alice ?
- Je suis désolée si je me suis montrée grossière envers vous, monsieur. Je ne voulais pas.

La fillette se permit un petit sourire en direction du barbu. C’est vrai, après tout il était comme elle malgré sa naissance. Et en plus, il était gentil. Un peu taquin, mais gentil. Pour une raison qui échappait à Alice, il ressemblait à son père. Ce n’était pas ses cheveux, ni sa barbe, ni son visage très masculin. Ce n’était pas son sourire, ni son regard. C’était autre chose, c’était bien différent.

- Dites, monsieur ... est-ce que vous aimez être un sorcier ? demanda Alice en regardant l’homme sous toutes les coutures. Est-ce que vous ne regrettez pas de ne pas être un moldu, comme le reste de votre famille ? Ça ne doit pas être facile d’être différent au sein de votre entourage. Moi, je ne n’aimerai pas me sentir différente et regardée comme une sorte de phénomène étrange. »

Alice ne passait pas inaperçue au milieu des autres, avec ses cheveux de nacre, ses yeux d’argent et sa peau d’albâtre, mais au sein de sa famille Alice ne dénotait pas : mis à part sa mère, ils étaient tous semblables.
Pour monsieur Penwyn, c’était autre chose.
A nouveau, Alice plongea sa cuillère dans sa glace molle et en récupéra un bon morceau avant de l’apporter à sa bouche. Cette rencontre plaisait beaucoup à la petite fille.

Se délectant d'une bouchée de glace à la patacitrouille, Edward regardait la jeune Alice Sangblanc avec une étincelle pétillante dans les yeux. Il s'attendait à une réponse pleine d'entrain de la jeune fille sur la première fois où ses pouvoirs s'étaient manifestés, mais il fut particulièrement déçu de sa réponse. Elle ne s'était pas épanchée sur la situation et s'était contenté de donner le moins de détails possibles, là où une enfant de son âge n'aurait pas hésité à le noyer d'informations et de ressentis. L'homme ne dit rien et se contente de jeter un regard d'incompréhension à son collègue de travail.

- Tu n'as pas été grossière du tout Alice, c'est normal que tu te poses ces questions à ton âge, et c'est le travail des adultes de t'aider à démêler le vrai du faux dans ce qu'on te dit.

Il n'insiste pas auprès de la fillette sur l'histoire de la découverte de ses pouvoirs, ne voulant rendre ni Alice ni Dorian mal à l'aise. Pour ne pas qu'un silence s'installe entre eux, Edward s'apprêtait à poser une nouvelle question à la famille Sangblanc, mais il fut pris de court par la curiosité de l'enfant qui voulait savoir si il avait déjà eu des regrets sur son statut de sorcier.

- C'est une question vraiment intéressante, commence-t-il avant de s'éclaircir la gorge pour prendre le temps de la réflexion : il y a bien eu des périodes où j'aurais aimé que ma nouvelle existence ne soit qu'un cauchemar. Au début, j'étais excité à l'idée d'avoir des pouvoirs magiques, mais quatre mois après mon entrée à Poudlard, quand l'excitation est retombée, ma famille me manquait cruellement et je me disais que la vie serait plus facile sans toutes ces facultés.

Edward se gratte la barbe quelques instants  en regardant Alice. Sa curiosité était impressionnante, jamais il n'aurait eu l'idée de poser ce genre de questions à son âge, préférant laisser les adultes parler entre eux de trucs de grands. Mais elle, elle semblait vouloir tout connaître ; sans doute que certains avaient déjà profité de sa curiosité pour lui faire croire des âneries comme celles qu'elle lui avait tenu plus tôt.

- Il y aura toujours un moment dans ta vie où tu remettras en question tes choix. Avec du recul, je me dis que ce n'était qu'une crise passagère d'enfance, je ne pourrais concevoir ma vie sans mes pouvoirs. Seuls mes parents sont au courant de ma situation, le reste de ma famille l'ignore, ils me trouvent juste un peu bizarre.

Il ne voulait pas rentrer dans les détails, la petite fille n'avait pas besoin de connaître toute sa vie familiale ; il s'était contenté de lui fournir suffisamment d'informations pour que son esprit puisse avoir de quoi travailler. 

- J'espère qu'après notre discussion, tu verras différemment tes camarades nés-moldus à Poudlard, la taquina Edward en souriant, ils sont exactement comme toi et méritent le même respect.