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30 nov. 2018, 03:28
Le Lorésia
Chapitre I


L'ÉTRANGER


Mon histoire se déroule au printemps 1724 à Vertevallée, l'air y est pur, frais, emprunt d'iode et de noisette que le vent remmène depuis le vaste océan du Nord et des immenses forêts des terres fertiles. Moi c'est Alaïana, je vis au hameau des Trametes, aux toits d'ardoises et de chaumes recouverts d'une épaisse mousse verte et luxuriante. La pierre grise de nos maisons brillent de minuscules paillettes de quartz, les cheminées fument et les odeurs de bois brûlé, de cendre, de poissons et de viandes grillées se mélangent à celui des plantes et épices caractéristiques de notre région. L'eau y est claire, pure et cristalline ; elle coule dans un flot mélodieux et perpétuel en serpentant à travers la vallée et abreuve notre merveilleux hameau des Trametes, si vert et foisonnant. Nous ne manquons de rien, ni de bonheur, ni de rire, ni de joie, nous sommes prospères et cela depuis bien longtemps lorsque nos ancêtre découvrirent ces terres. J'aime Vertevallée, c'est l'endroit où je me sens le mieux dans tout l'univers, c'est l'endroit où je suis naît et c'est là que j'ai grandi. Les couleurs ici sont plus vivantes et plus belles que nulle part ailleurs, les roses, les bleus, les verts, les rouges, les jaunes et les blancs forment une palette digne des plus splendides paysages et des plus grands peintres. Vertevallée, c'est chez moi, jamais je ne la quitte et ne la quitterais, jamais je ne partirais de ces lieux enchantées, le hameaux des Trametes, ma maison. La rosée du matin vient déposer ses douces perles sur les herbes, les feuilles et les fleurs. Le réveil est doux, comme chaque fois, la délicate odeur de thym, de sauge et de baies vient me caresser pour m'enlever aux rêves de la nuit. Ma mère prépare le thé, j'ouvre la fenêtre en m'étirant puis les volets de bois eux aussi couverts de cette mousse humide perlée de la fraîcheur de l'aurore. La voisine, Madame Guilard, vêtue de sa longue robe bleu myosotis aux motifs champêtres de gros tournesols orangés et jaunes flamboyants me salue d'un geste amical de la main, elle récolte quelques herbes et plantes dans l'allée autour de sa maison ; à peine fut-elle baignée par les tout premiers rayons du soleil qu'elle avait déjà son panier en osier rempli de végétaux diverses. Je renvoie le bonjour puis secoue énergiquement mes draps blancs au dehors, avant de les tirer aux quatre coins de mon lit sculpté dans le bois d'un vieux chaîne. Mes pieds nus sur l'argile tiédît par le feu qui crépite, éternel et chaleureux dans la cheminée du salon. La théière en fonte fumante exaltant ses effluves délicieuses est posée sur la table en chêne massif, accompagnée d'une petite tasse en céramique tacheté de bleu turquoise et de vert émeraude. Ma mère cette artiste. Elle m'embrasse sur le front, puis sort par la grande porte de merisier aux teintes brunes acajous un peu défraîchies. Je m'installe paisiblement sur la chaise de bois accommodée d'un coussin en lin beige et garni de plumes d'oies ; je me sers une bonne tasse de thé bien chaud et regarde par la fenêtre grande ouverte du salon, qu'elle est belle ma vallée, les Trametiers vaquent à leurs occupations ; certains s'arrêtent pour discuter d'autres enduisent leurs maisons de chaux et certains ne font que passer. Le soleil traverse à présent la maison, le hameau des Trametes et Vertevallée. Comme la vie est légère, ici le temps n'est pas le même, il n'est pas un ennemi mais, au contraire un fidèle compagnon que l'on a plaisir d'avoir à ses côtés. Après avoir bien profité de ce moment de détente, je file me préparer et me dirige dans la salle d'eau. C'est la rivière qui l'alimente grâce à un système ingénieux de canaux de pierres, puis d'une formule secrète qui fait remonter les eaux jusque dans des tubes taillés dans de l'acacia, bois imputrescible. J'enlève le bouchon du tube et l'eau s'écoule dans une baignoire d'argile imperméable peinte à la chaux ; ensuite dans le sceau de fer près de la cheminé j'attrape à la fourche quelques braises bien ardentes que je viens placer dans une cavité sous la baignoire. Je n'ai plus qu'à attendre mais je n'aime pas rester à rien faire alors je vais choisir quelques affaires pour m'habiller et quelques minutes plus tard le bain est chaud, je bouchonne, je retire les braises, j'ouvre la petite fenêtre du toit grâce à la grande perche mais je dois forcer un peu car le lierre puissant prend bien ses aises. Je peux m'y plonger dedans à présent. Relaxante, l'eau chaude me détend bien que je n'étais nullement tendu, je regarde au dessus de moi les oiseaux passer dans le ciel et les branches des arbres aux milliers de feuilles virevolter et danser au gré du vent. À côté de moi sur une étagère un peu plus haute fixé au mur, des fioles de diverses tailles, formes et de multiples couleurs ; je ne les connais pas toutes mais je sais celles que je peux utiliser et celles qu'il ne faut surtout pas toucher. Je prends ma préféré, la violette et je verse seulement trois gouttes dans mon bain ; instantanément l'eau prend la même teinte et une odeur agréable de lilas s'en dégage, ma peau devient aussi lisse et soyeuse que de la soie. Je prend mon temps, ma mère claque la porte en rentrant je l'entend. Je m'habille sans attendre ; ma longue jupe de coton verte et mon large chemisier blanc à peine un peu trop grand pour ma taille fine et longiligne. Une serviette sur la tête, je sort la retrouver dans le salon et l'aide à ranger les courses et la cueillette de la matinée.

À Vertevallée notre seul travail est de se nourrir et d'occuper nos journées à créer, jouer et profiter de la nature dans laquelle nous vivons en paix. Bien sûr nous devons accomplir un devoir plus sérieux qui nous incombe un peu d'efforts, mais c'est grâce à cela que nous gagnions notre mode de vie. Nous devons ramasser les Mousserons d'or qui ne poussent que pendant les sept derniers jours de l'année durant l'hiver de glace. Ils sont difficiles à trouver car il faut soulever, percer l'épaisse glace des sous bois mais, sa couleur jaunes étincelante est reconnaissable entre mille. Nous n'avons pas de cota imposé cependant, il était normalement établi que chaque habitant du hameaux devait remmener un panier plein de ces précieux champignons aurifères. C'était la seule exigence du Roi de Vertevallée et chaque hameaux avaient leurs propres ressources à lui offrir. Nous savons par exemple que nos voisins, le hameau des Palissandres, doit quant à lui fournir un panier par habitants de petites fleurs blanches appelées Aurum Pila, dit la bille d'or. L'Aurum Pila produit un nectar sous forme de petites perles de rosées en or pur très recherchaient pour ses propriétés. Ces perles d'or apparaissent sur les pétales de ses fleurs tous les matins durant sept jours également mais à la fin de l'été. La plante pousse dans les profonds marécages comme une algue depuis le fond des eaux puis éclos une fois atteint la surface. Elles ont le pouvoir de régénérescence, de cicatrisation et les abeilles les butinent pour produire le miel Aurum aux mêmes effets. Les autres hameaux plus éloignés ont également leurs propre tâches mais, je n'en sais hélas pas plus. Cependant il est clair que l'attrait du Roi de Vertevallée pour le précieux métal nous importe peu, car pour nous il ne possède aucune valeur, nous ne fonctionnons que par le don et les échanges. Bien heureusement, l'hiver est encore loin, nous pouvons rester tranquille avant d'accomplir la tâche et j'en suis soulagée. Je n'aime pas la chasse aux mousserons, elle me fatigue et je suis toujours gelée à chercher ainsi durant des heures et des jours, mais bon ce n'est pas un si lourd tribu à donner lorsque l'on sait que depuis tout ce temps le Roi nous protège de la guerre et des invasions venant des autres pays autour de Vertevallée ; des êtres sans scrupules dit-on, qui aiment le sang, la souffrance et la destruction. Les anciens disent que Vertevallée et les hameaux n'étaient pas ainsi autrefois, toutes les communautés des différents pays pouvaient vivre ensembles et que la vie était certes moins tranquille mais bien plus passionnante. La guerre avait tout effacé. Aucun livre n'existe ici, l'histoire de Vertevallée n'aurait jamais été relaté que par la parole des ancêtres. Je finis d'aider ma mère et décide d'allé faire une ballade près des bois en passant chercher mon amie de toujours, Megane la Belle. Elle est ma meilleure amie, c'est une fille assez grande, très pâle, bien plus que les gens ici, ses yeux verts sont clairs comme les jeunes pousses d'herbes et sa chevelure rouge flamboyante est sublime et unique. C'est d'ailleurs cette couleur de cheveux si particulière qui lui a valu d'être évitée et même exclue du reste du hameaux, les autres disent qu'elle est le symbole du mal et que c'est malheur que de s'approcher d'elle ; bien sûr personne n'est concrètement méchant avec elle, personne ne lui fait de commentaires ou de regards déplacés car personne ne lui parle ou ne la regarde tout simplement. Il n'y a que moi qui passe du temps avec Megane et je sais pertinemment que cela déplaît fortement aux Trametiers, mais je m'en fiche. Je vais retrouver mon amie qui est assise devant sa maison de pierre où elle vit seule depuis la mort de ses deux parents il y a de cela cinq ans maintenant. J'ai treize ans et elle quatorze. Elle se lève dès qu'elle me voit et un large sourire apparaît sur son doux visage, c'est ainsi que je l'aime Megane, heureuse et souriante, Megane la Belle. Nous partons toutes les deux en ne prêtant aucune attention à l'ignorance environnante.
- Alaïana attends moi !
- Allé Megane tu traînes aujourd'hui, je dois rentrer avant la nuit sinon ma mère va encore me sermonner sur mes fréquentations si tu vois ce que je veux dire...
Je lance un regard amusé à Megane en disant cela car je sais qu'elle rigole toujours beaucoup de ces allusions à son statue de mauvaise graine au hameaux.
- C'est vrai vous êtes une drôle de Trametière chère Alaïana, vous allez vous attirer des ennuis et ici nous n'en voulons pas !
- Je tiens moi aussi à cette vie Megane, une vie paisible et calme mais si cela doit se faire au dépend de notre amitié et bien je prends le risque de m'attirer les foudres.
- Cela ne t'a jamais semblé un peu trop lisse comme existence ? Il n'y a rien de palpitant, c'est une vie bien monotone je trouve.
- Monotone ? Mais regardes comme c'est beau, c'est cela qui est palpitant, la vie qui règne ici en maître à travers cette nature si exceptionnelle et les éléments qui nous entourent si intactes... Puis les anciens disent que c'était plus mouvementé avant mais que cela nous a conduit à la catastrophe et que nous sommes chanceux de connaître une telle quiétude aujourd'hui.
- Tu parles comme une vieille dame un peu trop sage Alaïana !
- Non c'est vraiment ce que je pense, puis nos petites ballades et nos aventures m'apportent bien assez de palpitations et j'en suis très heureuse.
- Moi aussi mais si nous pouvions voyager, partager avec d'autres peuples, rencontrer d'autres personnes... les visages que l'on voit tous les jours me lassent et pour tout te dire, cela me rend presque malade à force, je m'ennuie, c'est monocorde franchement... hypocrite.

Je comprends que dans la position de Megane, la vie au hameau soit source de malaise et d'ennui, sinon je l'aurait prise pour une folle de me dire le contraire ; qui aimerait être inexistant aux yeux des autres ? Je ne réponds pas cependant, que dire de plus ? Elle rêvait d'une autre vie et moi j'aimais la mienne comme elle était. Nous arrivons à la lisière de la forêt, je regarde à gauche, elle à droite, un coup d’œil derrière pour s'assurer que personne ne nous voit, car derrière leur apparent désintérêt pour Megane, ils observaient secrètement, en tout cas, assez pour en discuter parfois sous des allures de commérages . Rien à signaler, nous entrons dans l'épaisse végétation. Les arbres sont si grands pour certains, que leurs cimes ne sont pas visibles depuis le sol, des enchevêtrements de racines passent et repassent en sortant de terre, des arbrisseaux, des arbustes, des fougères aux formes et aux couleurs diverses et cette odeur de humus que j'affectionne tant. Megane et moi avons construit une petite hutte en bois et argile emmitouflée par la mousse verte et dissimulée entre deux troncs énorme de châtaignés centenaires. Pour parfaire notre cachette, nous l'avions construite à la limite de la frontière avec le hameau des Palissandres ; personne ne s'aventurait aussi loin dans les bois, même pour la ramassage des Mousserons ; les marécages menaçants étaient juste après les derniers arbres et personne des Trametes ne les approchaient, c'était bien trop dangereux, même les Palissandrés ne prenaient jamais ce chemin. Nous jouons à monter aux branches, nous inventons des histoires en se faisant des décoctions de plantes dans notre hutte puis nous faisons d'autres constructions pour l'agrandir en même temps que nous grandissons aussi. Megane a toujours des bonnes idées, difficiles à réaliser mais le résultat est toujours là ; aujourd'hui nous construisons un étage à la hutte en recréant une porte d'entrée et en utilisant l'ancienne comme une simple arche qui relie les deux pièces puis un escalier vers l'étage.
- Passes moi les boules d'argiles Alaïana
- Tiens voilà, une, deux, quatre, six... dix. Je monte j'arrive.
- Et hop un masque de beauté pour toi.
Megane m'étale une bonne couche de boue argileuse sur le visage et nous rions comme deux folles alors que je fais pareil sur elle. Voilà que nous sommes lancés dans une bataille de boules d'argiles alors que les travaux sont loin d'être terminés. Dans les éclats de rire et les jais de boue, nous ne nous apercevons pas que quelque chose ou plutôt que quelqu'un nous observe derrière les grandes fougères blanches un peu plus bas. Un mouvement furtif, une branche qui craque et alors que Megane commence à arracher de la structure pour en faire un projectile, je fais volte face pour voir l'origine de ce bruit inhabituel en ces lieux reculés. Alors que j'ai le dos tourné, Megane dans l’excitation du jeu m'envoie une grosse boule d'argile qui me fait basculer de l'étage et m'envoie violemment au sol. Je suis sonnée, ma tête a tapé par terre et ma jambe s'est complètement tordue ; la douleur est telle que je ne peux me relever.
- Alaïana ! Oh non pardon je ne voulais pas !
Megane saute du haut de notre hutte en atterrissant les deux pieds joints, habile comme un chat, elle se précipite au dessus de moi et l'angoisse se lit dans ses jolis yeux.
- Tu vas bien Alaïana réponds moi !
- Oui ça va je suis juste un peu étourdie mais c'est ma jambe, j'ai vraiment mal je ne peux plus la bouger...
- Il faut que j'ailles chercher de l'aide, attends je vais te porter.
Megane hisse son bras derrière mes épaules et tente de me relever en vain, je suis trop lourde et ma jambe inerte rajoute un poids considérable à la charge. J'essaie de m'appuyer que sur ma jambe valide main la douleur est trop intense, je dois rester immobile.
- Vas chez moi, ma mère viendra nous aider, tu ne peux pas demander aux gens du villages, enfin, tu sais bien... ils sont capable de dire que c'est à cause de toi Megane et ça il en n'est pas question tu as déjà bien assez à supporter.
- Ils n'avaient pas vraiment tort finalement regardes ce que j'ai fais...
- Arrêtes de dire n'importe quoi tu veux, vas juste chercher ma mère et surtout enlèves toi de la tête que c'est ta faute, on jouait et je n'ai pas été assez vigilante, j'ai entendu quelques chose derrière les fougères et je me suis retournée pour voir ce que c'était au mauvais moment c'est tout.
- Alaïana...
- Je t'assures Megane, c'est moi qui suis fautive tu n'as rien à te reprocher j'ai...
- Alaïana regardes.

Je regarde alors les yeux de Megane, ils ne sont plus posés sur moi avec toute l'inquiétude que je pouvais y voir mais, à présent, ils sont remplis de peur et braqués quelque part derrière moi. Je tourne brusquement la tête et je le vois à mon tour, mes yeux s'écarquillent devant cet étrange apparition. Un jeune garçon se tient là, non pas devant les fougères qui sont devant moi mais derrière un buisson de fragons. Il est là debout, figé, lui aussi la surprise se lit dans son regard et il nous fixe sans rien dire. Il aurait pu bien s'agir d'un jeune du hameau des Trametes ou des Palissandres mais sa peau violette, ses oreilles pointues et ses cheveux bleus ne sont en rien comparables avec les caractéristiques des gens de Vertevallée ou de quelconques hameaux environnants. Jamais je n'avais entendu parler de personnes ayant la peau violette ou les cheveux bleus et visiblement Megane non plus.
- Toi qui paraissait bizarre avec tes cheveux rouges...
- C'est clair, à côté de lui je suis d'une banalité affligeante.
- Merci pour moi Megane.
- De rien. Mais qu'est qu'on fait maintenant ?
Avant que mes méninges ne mettent en place une issue à cette situation étrange, le garçon violet s'avance à travers le buisson piquant et s'arrête de nouveau à mi chemin lorsque Megane se lève rapidement en se plaçant devant moi avec l'air de vouloir en découdre.
- Ne t'approches pas de nous ou... ou je vais te montrer que les filles savent se défendre et puis... puis moi je porte malheur alors prends garde !
- Megane t'emballes pas non plus je te signale qu'il fait bien plus peur que toi.
Mais contre toute attente il s'approche encore de quelques pas, ne prenant visiblement pas au sérieux et à juste titre, les menaces de Megane.
- Attention, non, stop, n'avances plus je t'ai dis de ne pas approcher... mais que...
- Je peux l'aider.
- Quoi qu'est ce que tu dis ? Tu peux l'aider ?
- Je n'ai pas besoin d'aide merci c'est... gentil.
- Tu as la jambe cassée.
- Oui et bien on va s'en sortir pas vrai Megane ?
- Oui oui merci tu peux repartir j'allais la porter sur mon dos et l'emmener au hameau.
- Mais tu ne peux pas arriver à la porter.
- Et bien j'allais allé chercher de l'aide donc tu peux t'en aller.
- Mais les gens du hameau diront que tu es responsable, même si elle raconte la vérité, ils te croiront coupable.
- Et toi que proposes tu alors, si tu peux m'aider alors vas-y j'accepte.
- Alaïana non on ne le connaît pas, je me fiche de ce que disent les autres...
- C'est bon Megane, il a raison et moi je ne veux pas que tu sois encore plus discriminé à cause de moi en plus. Il n'a pas l'air méchant au contraire... Viens approches, comment t’appelles tu ?
- Mon nom est Timane. Pardon je peux ?
Megane n'avait pas baissé sa garde et l'empêchait de s'approcher de moi. Elle hésite, le fixe cette fois avec du défis en oubliant la peur de son apparence puis capitule en le laissant venir à mes côtés. Il s'agenouille et là je le vois de si près que mon cœur bat à tout rompre. Il est si étrange, cette couleur, ses oreilles, ses cheveux... mais ses yeux sont semblables à tous ceux que j'ai pu voir, à l’exception qu'ils sont plus profonds, d'un bleu que je ne saurais définir tant il est variant, changeant et rempli de reflets. Il me sourit alors et la sensation de panique qui me saisissait plus tôt disparue complètement, mon rythme cardiaque se calme et redevient normal. Son aspect ne m'inquiète plus, il est juste accroupi à côté de moi, son visage au dessus du mien mais je suis calme, presque soulagée qu'il soit là.
- Tu vas être sur pieds en un rien de temps.
Il se tourne alors vers ma jambe blessée et tend ses mains au dessus puis marmonne de drôles de mots, comme une sorte d'incantation ou de prière. Cela dure dix secondes tout au plus puis il se relève. Megane observe la scène septique et reste méfiante. Il lui sourit à son tour et me tend la main.
- C'est bon Alaïana tu peux te lever, prends ma main.
- Quoi tu veux dire que tu l'as guéris comme ça, sans rien, comme par magie ?
- Incroyable Megane je n'ai plus mal !

Je saisie la main violette de Timane et celui-ci me soulève avec une facilité impressionnante. Je ne sens plus aucune douleur, je suis debout, sur mes deux jambes comme si je ne m'étais jamais fais mal. Je le regarde attentivement, ma main toujours dans la sienne, je lui souris avant d'exploser de joie et de le serrer dans mes bras. Je m'aperçois de son étonnement et de son malaise alors je reprends ma sobriété et le remercie.
- Merci Timane, merci infiniment et pour Megane aussi...
- Oui merci Timane tu nous as sauvé sur ce coup là.
- C'est un plaisir, ce n'est pas grand chose, c'est même normal.
- Mais comment as tu réussis cette prouesse, Alaïana n'a plus mal mais tu n'as pas utilisé de potion ou utilisé d'objet quelconque...
- Oui c'est vrai Timane tu es un faiseur de miracle comment as tu fais ?
- Je suis un mage, j'ai me suis simplement servi de la magie.
- Quoi ? C'est impossible, la magie n'existe pratiquement plus à Vertevallée, plus personne ne pratique depuis longtemps, il ne reste que quelques bribes incrustées dans des techniques déjà mises au points il y a longtemps mais nul ne peut les reproduire ou se servir de la magie !
- Est-ce-que j'ai l'air de venir de Vertevallée ?
- Timane, ce que Megane veut dire c'est que la magie est soit déjà existante et demeure ainsi, soit inexistante car inhibée par ces lieux. En clair, il est impossible de se servir de magie ici, elle ne peut pas exister, elle a existé et reste mais, depuis des années, la magie n'est plus praticable et de ce fait pas transmise car inutile.
- Ce qu'on vous a raconté est faux désolé. La magie peut être ici comme ailleurs, personne ne peut l'en empêcher, elle fait partie du tout, elle tire sa force dans les éléments de la nature et ici, elle est d'autant plus efficace qu'ailleurs au vu de l'environnement riche et foisonnant. Je ne suis que novice mais ici, ma magie semble plus puissante.
Je regarde alternativement Megane les sourcils froncés la bouche entre ouverte l'air abasourdie. Elle aussi me regarde avec cette même expression incrédule et regarde Timane les yeux plissés pour essayé de bien assimiler ce qu'il vient de dire. La magie à Vertevallée avait disparu et avait été supprimé, seul quelques éléments avaient été sauvegardés comme l'alimentation en eau des maisons ou quelques potions de guérisons et d'esthétiques. Seulement, le fait que cet étrange garçon m'est guéri grâce à la magie, en pratiquant la magie, ici sur ces terres, cela change complètement ma vision des Tramètes et de Vertevallée, cela bouleverse littéralement mes convictions, mes certitudes et tout ce que l'on m'avait appris. Les règles, l'histoire, la vérité devient toute autre. Megane semble avoir cette même impression au vu de son visage crispé dans une intense réflexion, elle aussi se remémore sûrement toutes ses connaissances sur ce sujet, les dires des anciens, les récits de notre passé.
- Tu voulais de la palpitation Megane, tu en as.
- Quand je disais ça Alaïana, je n'imaginais pas ça non plus...
On explose alors de rire ; un mélange d’excitation, d'incompréhension et de folie. Il faut qu'on en sache plus, il faut que Timane nous raconte plus en détail cette histoire de magie et aussi, d'où il vient, qui il est et ce qu'il fait ici. Soudain, comme si le jeune garçon violet avait lu dans nos pensées, il décide de nous quitter précipitamment.
- Nous nous reverrons mais je dois partir. Vous aurez des réponses mais pas maintenant je suis navré.
- Non attends !
Nous crions en même temps avec Megane alors qu'il disparaît sous nos yeux en une seconde, ne laissant apercevoir que l'éclat de ses cheveux bleus si vifs puis, plus rien. Il se volatilise sans qu'on est le temps de le retenir ou de lui dire quoi que ce soit, c'est frustrant et aussi assez déconcertant. Il y a un tas de choses qui traversent alors mon esprit. Megane a encore les yeux accrochés à l'endroit où il se tenait avant de partir si rapidement et moi je regarde mon amie sans vraiment la voir réellement, je réfléchis et tout se mélange dans ma tête. Ce garçon mystérieux du nom de Timane, la magie...
Le crépuscule tombe mais nous restons immobiles avec Megane ; cette rencontre n'était pas anodine selon moi, je sais qu'il nous observait et je comprends maintenant comment il a pu passer des fougères au buisson de fragons en face. Nous devons rentrer mais nous allons tout faire pour éclaircir toute cette histoire et savoir qui il est sans attendre. Ma vie paisible et sans vague à Vertevallée semble prendre une drôle de tournure ; à n'en pas déplaire à Megane.

Nova Stronger ~ 3 ème année ~ Poufsouffle
Qui s'instruit sans agir, laboure sans semer

04 déc. 2018, 18:03
Le Lorésia
Chap I . L’ÉTRANGER




<< Non mais tu te rends compte ! Tu te rends compte Al ! C'est juste extraordinaire, incroyable, délirant complètement sensationnel ! >> crie Megane à travers la forêt alors que nous approchons de plus en plus du hameau. Je comprends son sentiment, je ressens exactement la même sensation.
Je poursuis la discussion mais je sais pertinemment que si les gens nous voient autant excités, ils vont forcement se poser des questions :
- Complètement fou n'est ce pas ?
- Oui ! Carrément dingue !
- Megane on va bientôt arriver, je ne pense pas qu'il faille trop se faire remarquer et raconter ce qu'il vient de se passer.
- Tu veux parler de l'étrange garçon tout violet avec les cheveux bleus et qui faisait de la magie grâce à laquelle il t'a soigné en trois secondes ?
- Tu a mis le doigt dessus, c'est exactement de ça que je veux parler.
- De toute façon je ne parle à personne alors à qui tu veux que j'ailles raconter cette histoire. Puis qui le croirait vraiment ?
- C'est certain, surtout venant de la fille bizarre aux cheveux rouges. Mais là où je veux en venir surtout c'est qu'il ne faut pas en parler à découvert tu comprends, ni arriver là bas en ayant l'air d'avoir vécu un truc démentiel, tu vois, ne pas attirer l'attention sur nous. Discrétion totale Meg.
- Oui d'accord ça va j'ai saisie je me calme c'est bon... Mais tout de même c'est pas croyable !
La lumière s'intensifie, nous sommes proches du hameau, j'aperçois déjà les volutes de fumées à travers les feuillages et des morceaux de maisons de pierres entourées de verdures. L'odeur est différente cependant, elle n'est plus si douce et si agréable, quelque chose de fort, presque d'insupportable se mêle au parfum d'habitude si délicat et significatif des Trametes. Je sens quelque chose d'anormal, l'harmonie est comme brisée, comme une fausse note au milieu d'une mélodie pourtant parfaite. Megane s'arrête et me stoppe d'une main ferme en tendant le bras raide devant moi. Son regard est effrayé, inquiet et je ressens cette désagréable impression de danger que jusqu'à lors je n'aurai jamais pu identifié tant ma vie était sans nuage, sans problèmes, sans heurt. Soudain, des cris d'enfants et de femmes, des hurlements d'hommes comme scandalisés, apeurés et emplis de rage, << COMMENT OSEZ-VOUS ! >>, << ARRÊTEZ LÂCHES >>, << LAISSEZ NOUS, NOUS N'AVONS RIEN ICI >>. Le sang glacé, les frissons parcourent mon corps et je tremble ; je suis paralysée, mes jambes arrivent encore à me soutenir mais je suis tellement fébrile, que je ne sais encore combien de temps je pourrais rester debout. Je dois m'asseoir, m'accroupir, me calmer, la peur et l'incompréhension m'enlèvent tous mes moyens et font de moi un corps chétif et incapable du moindre mouvement. Que se passe t-il, pourquoi je ne peux m'approcher plus pour voir ce qu'il se passe ? Pourquoi ce sentiment si puissant me pétrifie et m'empêche d'être ? Cette situation est inédite, horrible, nouvelle, c'est la naissance d'un moi que je ne connais pas et que je n'aurais jamais voulu connaître, un moi que je n'ai même jamais imaginé dans mes pires cauchemars, si tant est que j'en eu fait. J'ose à peine regarder Megane, mes yeux sont si grands ouverts, horrifiés et pourtant je ne vois rien. Elle s'agenouille devant moi mais je n'entends pas ce qu'elle me dit, un bruit sourd envahi tout mon esprit, je perçois le mouvement de ses lèvres comme ralentis mais aucun son audible ne parvient à me sortir de ma torpeur. Soudain ma vu aussi s'obscurcie, je pense que je suis en train de mourir lentement, je suis anéantie, une émotion violente que je n'ai jamais eut en moi, dévastatrice et meurtrière. C'est en réalité une fumée noire, opaque qui s’immisce à travers les arbres depuis le hameau. Je sens que Megane me soulève tant bien que mal par les épaules, elle titube et nous tombons sur l'épais tapis de feuilles et de branches mortes en s'écorchant sur les ronces acérées. Je ne vois alors que les couleurs chatoyantes de l'humus, son odeur que j'affectionne tant si près de mes narines et le visage de Mégane, si pâle, livide au possible et les dents serrées. Elle semble vouloir communiquer avec moi. Mais je suis loin, mon corps est lourd et refuse de se relever, je suis allongée sur le sol, je le sais, je le sens mais, la douleur de la chute ne m'atteint pas, je suis imperméable, je suis vide en fait. Elle se lève et me traîne alors par le bras, ses bottes grattent les feuilles, je lève légèrement les yeux alors que mon visage racle les épines et les fougères ; Megane use de toutes ses forces, elle paraît se démener pour m'extirper de mon état. Pourquoi je ne réagis pas... Le néant m'englouti. Brutalement je m'arrête, elle me lâche, s'effondre devant moi et tousse, elle devient rouge, elle s'étouffe ; bientôt la fumée noire nous aura dévoré et nous serons perdus. Je cherche l'air mais ne trouve que du charbon ardent, mes poumons brûlent, l'atmosphère est saturée et ma vision s'assombrie. Je ne vois presque plus Megane. Nous allons mourir, tout s'éteint c'est la fin. Comment ai-je pu laissé mon amie périr ainsi sans rien faire et être un poids lourd pour elle alors qu'elle aurait pu s'enfuir et vivre. Je suis faible. Cette émotion effroyable qui m'avait plongé en léthargie laissait place à un vaste espace en moi, inexploré, insoupçonné et l'urgente détresse de mon amie, additionnée à mon impuissance et à l'approche d'une mort certaine, donne soudainement naissance à une autre émotion. Une sorte d'instinct de survie incontrôlable, une colère telle que d'un seul coup, ma bouche s'ouvre et mon cou se contracte ; j'hurle de toute mes forces. C'est comme un déclic, sans réfléchir je bondis sur Megane et la soulève à mon tour. Mes jambes sont fermes, ancrées dans sol et je ne failli pas. Mon regard soutient tout ce qui m'entoure sans crainte, mon cerveau ne me dit rien mais mes tripes me poussent à sortir de là et je ne faiblis pas. Megane est avachie sur mon épaule, je cours et je sens la pointe de ses pieds qui suit à peine la cadence, peu importe, si il faut que je la porte sur mon dos, je le ferais.

Un feu s'est allumé en moi et il brûle, grand, beau, chaud et lumineux. Je continus ma course sans ressentir le poids de Megane qui reprend elle aussi ses esprits. Je m'arrêtes plus loin et la dépose délicatement contre un tronc d'arbre, elle ne tombe pas, elle s'appuie contre l'écorce en se tenant les côtes et reprend sa respiration. Nous ne parlons pas, un simple regard suffit pour comprendre que nous devons partir et vite. Nous sautons alors les fourrés, les troncs étalés sur le sol de la forêt et les ronciers menaçants. Notre hutte est devant nous, à moitié terminée, les fougères blanches se dressent et au delà le marais. Une idée soudaine me pousse à regarder autour pour essayer de retrouver Timane, cet étrange garçon à la peau violette ; je veux qu'il soit là, il peut nous aider. Mais personne en vue, personne ne vient vers nous. Megane me fait signe de continuer, alors je cours. Pas une seule fois nous n'avons regardé en arrière. J'ai laissé ma mère et les Trametiers derrière, à ce moment je m'en rend compte mais aucune hésitation ne me dissuade de persévérer dans ma fuite. Suis-je lâche ou égoïste ? Ou bien les deux... Je chasse ces pensées en secouant la tête. Megane fait volte-face, je m'arrête et m'approche doucement. Je sais ce qu'il se passe, je sais où nous sommes et pourquoi elle s'est stoppée net. Le marais. Le marais des Palissandres est devant nous. Nous savons sans l'avoir jamais vu de nos yeux, il est exactement comme on nous le décrit ; vaste, sombre, verdâtre et les arbres nus enchevêtrés dans une pose morbide cachent en partie le ciel. Aucun bruit, le silence le plus inquiétant que je n'ai jamais entendu. Je regarde alors Megane et la pression redescend, nous sommes loin à présent du chaos qui s'est déroulé aux Trametes.
- On fait quoi maintenant ?
- Il faut traverser le marais je crois que nous n'avons pas le choix.
- On pourrait rester ici et attendre que les choses se calment au hameau, il faut savoir ce qu'il s'est passé et peut-être voir si il n'y a pas de blessés... Megane, ma mère est là-bas.
- Je sais Alaïana mais tu l'as vu comme moi, cette fumée est asphyxiante on ne peut pas rester plus de quelques secondes sans s'étouffer.
- Nous avons fui Meg ! Ils ont besoin de secours...
- Et c'est toi qui vas les sauver ? Toi qui étais complètement paralysé, inconsciente et incapable de bouger ?
- Je ne sais pas pourquoi j'ai réagi ainsi mais je me sens mieux maintenant, il faut y retourner.
- C'est hors de question, tu veux mourir ? Moi je ne donnerai pas ma vie pour les gens qui ne m'ont jamais accordé la moindre attention et m'ont ignorés depuis que je suis venu au monde.
- Mais ma mère...
- Ta mère doit sûrement être morte à l'heure qu'il est. Tu l'as vu comme moi non ? C'était impossible de respirer et d'y voir quoi que ce soit.
- Je t'interdis de dire des choses pareilles Megane, ne parles pas de ma mère et de sa vie avec tant de légèreté et si peu de considération !
- Rends toi à l'évidence, les Trametes c'est terminé !
- Tais-toi !
Je me jette sur Megane. La colère, la rage, tous ces sentiments négatifs totalement inconnus m'envahissent et prennent le dessus. Nous sommes l'une contre l'autre dans la boue nauséabonde du marais des Palissandres et nous nous battons. Megane se hisse sur moi et m'appuie les épaules dans la vase, ma main trouve alors son visage et je la repousse avec force, tant qu'elle atterrit de tout son long dans le marécage. Elle se relève et se propulse vers moi, je me quille à moitié genoux fléchis, à temps pour l'entraîner avec moi dans une énième roulade boueuse. Nos visages sont tirés par la haine et couverts de cette épaisse substance verdâtre. Nous sommes toutes les deux méconnaissables.
Brusquement une main m'attrape le bras et me tire sur la rive. Je vois Megane sortir tant bien que mal de la vase du marais et s'essorer les cheveux la mine renfrognée. Je tourne la tête pour voir qui m'a sorti du marais et a mit fin à cette stupide altercation. Il est de retour, l'air grave, la peau violette, les cheveux bleus, haletant et ruisselant de sueur ; Timane me fixe.
- Vous n'avez pas le temps de vous battre.
- Timane je suis si heureuse de te voir !
- Mouais tu arrives toujours à pic on dirait...
- Megane c'est bien le seul à pouvoir nous aider tu crois pas...
- Nous aider ? C'est à cause de lui que nous en sommes là Alaïana.
- Quoi ? Comment ça ?
- Et bien dis lui Timane, dis lui que c'est toi qu'ils cherchent.
- Je suis désolé pour vos amis et pour tout ce que vous vivez aujourd'hui mais Alaïana a raison, laissez moi vous venir en aide.
- Attends, comment sais-tu que c'est lui qu'ils recherchent ? Et quel est le rapport avec tout ce qu'il vient de se passer Megane ?
- Le rapport je ne sais pas trop, même si j'ai ma petite idée. Mais une chose est sûre c'est que pendant que tu étais comme évanouie, je les ai entendu parler de lui. Ils hurlaient sur les gens du hameau et demandaient où était le garçon étranger à la peau violette. Et après cette fumée noire est apparut et a glissé vers nous, c'est tout.
- C'est vrai Timane ?
- Oui Alaïana, ton amie Megane a raison mais ce n'est pas aussi simple...
- Si c'est très simple tu vas allé te rendre à ces gens qui massacre les Tramètes et nous fiches la paix !
- Je ne peux pas faire ça et ils ne les ont pas massacré...
- Attends Megane, il m'a aidé lorsque ma jambe s'est cassée, on ne peut pas le donner en pâture à ces inconnus. Regardes ce qu'ils sont capables de faire, que lui feront-ils ? Timane, tu dis qu'ils ne les ont pas massacré mais alors cette fumée noire, ces cris... ma mère ?
- Je te promets que cette fumée n'est pas mortelle. Ils ont emmené tout le monde et brûlé le hameau, vous ne pouvez y retourner c'est trop risqué et même si je me rends ils les garderont prisonniers et moi, ils me tueront.
- C'est toi qui le dis. Al, il ne faut pas croire tout ce qu'il dit...
- Il a raison. Je ne sais pas comment t'expliquer mais je sais qu'il nous dit toute la vérité. Il faut le suivre.
- T'es devenu folle ou quoi, on a pas besoin de lui !
- Très bien, alors comment vas tu traverser le marais ? Les rivages sont peu profonds mais après ? Et toutes les créatures qui y vivent, as tu seulement une petite idée de ce qui nous attend à l'intérieur ?
- C'est vrai Megane, moi je connais bien le marais des Palissandres, je peux vous guider en lieu sûr et vous protéger.
- Quoi tu as une bateau peut être ?
- Non mais j'ai une barque assez grande pour tous les trois.
Il s'écarta quelque peu et désigna une petite embarcation en bois attachée à un tronc, flottante sur la vase du marais. Nous n'avons pas le choix et une petite voix au fond de moi me disait que je devais lui faire confiance. Il est notre seule chance. Megane râle un peu et nous évitons de nous regarder ; notre dispute a quelque peu entachée notre amitié, seul le temps nous réconcilierait. Nous suivons Timane jusqu'à sa barque, mes pieds s'enfoncent dans la boue, ma jupe et mon chemisier ne son plus que de pauvres pailles sales et informes. Megane n'est pas plus reluisante. Seul Timane est resté impeccable. Nous embarquons, alors qu'il détache la corde et nous nous lançons sur les eaux boueuses du marais des Palissandres avec cet étranger, voguant vers l'hostile inconnue.

Nova Stronger ~ 3 ème année ~ Poufsouffle
Qui s'instruit sans agir, laboure sans semer

30 déc. 2018, 04:15
Le Lorésia
Chap I . L’ÉTRANGER




Sur la barque qui m’emmène loin de chez moi, loin de ma mère, loin des Trametes, je pense à ces jours de bonheur, ces moments de plénitudes sans fin et les joies simples que j'aimais partager avec elle. Je regrette de m'être enfuis mais il n'y a pas de retour possible, nous sommes tous les trois au beau milieu des marais, dans l'obscurité la plus totale. La nuit noire est tombée, à présent plus rien n'est visible, seul subsiste le bruit des branches qui grincent et craquent au dessus de nos têtes et le son du glissement du bois sur l'eau. Nous restons muets, personne n'ose prendre la parole, de peur de trahir une présence nuisible dans le silence ou justement de briser cette lourde pesanteur qu'il instaure. Je me refuse à m'interroger sur la conversation sur les berges, Timane devrait s'expliquer mais pour l'instant je n'avais aucune envie de l'écouter. Moi je me rêve assise, voguant vers le néant, je m'imagine dans les bras de ma mère au milieu du salon de notre petite maison d'argile, l'odeur des draps frais le soir lorsque je m'endors et les effluves de bois épicés de la cheminée lorsque je me réveille doucement le matin. Je n'ai rien à dire, à cet instant je ne suis pas dans cette barque, je suis chez moi et peut m'importe où cet inconnu me conduit, nous conduit. La barque heurte brusquement une surface solide et nous manquons de chavirer. Avec un pincement au cœur, ce choc me ramène inéluctablement à la réalité, froide, sombre et effrayante du présent ; pourtant je ne désire que retourner auprès de mes douces rêveries sans me préoccuper du reste. Je pourrais bien finir à l'eau, me noyer, être dévorée par un monstre ou que sais-je, j'aimerais être impassible à tout cela et ne plus souffrir de cette angoissant présent mais, on m'arrache à mes rêves. J'entends Timane qui se débat avec sa perche pour nous extraire de cet obstacle, il lutte quelques minutes. Si le dos de Megane n'était pas appuyé sur mes jambes repliées, je ne sentirais même pas sa présence ; je ne peux même pas percevoir son souffle mais je sais qu'elle est vivante car je sens le mouvement de sa respiration qui influe sur tout son corps. Elle a l'air calme Megane, je veux lui parler, détendre l'atmosphère mais mon fort intérieur se refuse à le faire, les mots sont bloqués, rien ne sort. Timane cesse de secouer la barque, j'en déduis qu'il nous a tiré de là, je sens l'embarcation repartir en glissant et l'air vaseux du marais revenir caresser mon visage. Un second choc nous arrête net, nous percutons un autre obstacle qui nous fait dangereusement tanguer. Timane râle et c'est le premier mot qui s'élève entre nous depuis presque une heure, depuis notre départ de la frontière à la forêt des Tramete.
<< Assez ! >> s'exclame le jeune garçon en repartant dans un combat contre l'invisible avec sa longue perche de bois. Je sens Megane bouger, elle semble être dérangée par la situation. J'aimerais que l'on se rassure mais encore une fois, rien ne vient. Je me force donc, il faut que je fasse quelque chose, que je dise au moins un mot moi aussi, le silence était en train de se briser, plus que quelques coups et il volerait en éclats ; c'est ce qu'il faut pour évacuer l'anxiété et le malaise ambiant, crever l’abcès.
Je me lance :
- Tu veux un coup de main Timane ? Je prends une voix assurée pour ne pas montrer ma peur et mon incertitude et quelque part, pour me redonner confiance.
- Non merci, je vais y arriver, il faut juste trouver le bon angle... répond t'il pendant qu'il force encore pour nous dégager.
- Je ne vois rien, comment peux tu naviguer dans cette obscurité ?
- C'est maintenant que tu te poses la question Alaïana ? blague Timane en continuant sa manœuvre.
- En fait depuis qu'on est parti on se la pose la question mais on n'osait pas parler alors bon... Megane venait de sortir de son mutisme à son tour.
Mon cœur se remplie d'une chaleur si intense que des picotement presque douloureux émergèrent à l’intérieur de ma poitrine, pour se transformer en chatouillis agréables, diffus et rassurants. Entendre la voix de Meg c'est vraiment ce qu'il me manquait pour retrouver mes forces. Mon amie, toi ma fidèle alliée, je ne te remercierai jamais assez d'être qui tu es, surtout ne change pas, restes toi-même. Comme j'aurais voulu prononcer cette phrase pour toi, mais c'est trop tôt et puis, le temps n'est pas à la confidence de sentiments. Mais comme je voudrais que tu saches cela... je crois que tu le sais. Pour en être sûre, je lui pose délicatement la main sur l'épaule et presse légèrement pour lui montrer que je suis avec elle, toujours. Timane lui, parait ne pas se dépêtrer de cette situation :
- C'est fichu on est coincé, ça ne veut pas... puis je ne vois rien en plus dans ce satané marais ! s'énerve t'il en lâchant sa perche plantée comme un piquet dans les profondeurs.
- Ah et bien au moins nous savons maintenant, toi non plus tu ne vois rien et tu nous guide à l'aveugle ! Super comme idée Timane... dis-je alors mais, plutôt calmement car pour la première fois, je sentais le garçon agacé et tendu.
- Oui Alaïana cela peut te sembler fou mais je connais la route comme ma poche. Seulement avec les vents de la nuit dernières des arbres morts sont tombés et leurs troncs bloquent le chemin... si seulement je pouvait y voir un peu pour appréhender un peu mieux le terrain...
- Tu fais de la magie non ? Pourquoi tu n'essais pas un de tes tours pour y voir plus clair ?
- Alaïana si je n'utilise pas la magie c'est parce que cela risque d'attirer l'attention, la lumière au milieu de l'obscurité attire toute sorte de bêtes et de créatures tu comprends...
- Attends un peu, tu veux dire qu'autour de nous il y a un tas de choses peut être dangereuses qui rodent dans le noir ! Ce n'est pas qu'une légende pour effrayer tous ceux qui veulent s'aventurer dans le marais des Palissandres ? s'exclame Megan avant même que je ne prononce un mot. De toute façon j'allais avoir la même réaction qu'elle à l'évidence, je suis tout aussi perturbée par cette révélation.
- Mais qu'est ce que vous croyez ? Qu'on vous raconte des histoires juste pour vous faire peur ? Pour le plaisir de vous effrayer ? Le marais regorge bien de choses terrifiantes Megane crois moi et les attirer ne me dit rien, alors essayons de ne pas faire trop de bruit et de ne pas révéler notre présence.
- Timane nous sommes coincés il va bien falloir faire quelques chose.
Je dis ces mots sans même réfléchir, mais après avoir entendu la confirmation de la terrible réputation du marais, ma réaction instinctive était qu'on ne devait surtout pas s'attarder en ces lieux.
- J'ai bien une solution, je connais un sort qui me permettrait d'avoir un peu de lumière mais je devrai être rapide pour ne pas qu'on nous remarque, sinon nous serions vraiment en sale posture...
- Fais donc ! Nous avions encore une fois parler en même temps avec Megan. Sans la voir je sais qu'elle s'est tournée vers moi.
- Très bien d'accord, mais il va aussi falloir baisser le volume d'accord. Bon alors, concentration... il se racle doucement la gorge pour s'éclaircir la voix.
Ne faites pas un bruit... Lumos, chuchote t'il.

Un halo lumineux apparaît dans sa main ; une boule de lumière diffuse et incandescente. Ce spectacle est fascinant, je reste bouche-bée et je suppose que Megane doit faire la même tête que moi alors que je ne vois d'elle que ses longs cheveux rouges, car naturellement elle aussi a les yeux braqués sur la boule lumineuse dans la main de Timane. Nous voyons aux alentours à présent, pas trop loin mais, assez pour que le garçon reprenne sa perche et arrive à sortir la barque emmêlée dans les branches d'un vieil arbre mort. Il envoie ensuite la petite boule au dessus des eaux du marais et elle éclaire la route, pour enfin revenir dans sa paume. Il secoue sa main comme pour se débarasser d'un truc collant, << Nox. Bon sang j'ai dis Nox ! >> dit-il précipitamment et la lumière s’éteint aussi soudainement qu'elle est venue. Je ne sais que penser de ce que je viens de voir, si ce n'est que c'est à peine croyable. Magique. Je sens l'arrière de la tête de Megane venir se poser sur mon genoux, elle glousse légèrement presque intérieurement, << Pince moi je rêve ! >> me chuchote t'elle avec une pointe d'ironie dans la voix. C'est la même excitation que tout à l'heure, que la première fois que les talents de Mage de Timane se dévoilaient à nous, lorsqu'il m'avait soigné la jambe dans la forêt des Trametes. Je la pince au bras et elle rigole en faisant attention de pas trop se faire entendre. Un exploit pour Meg. Je ris aussi doucement de ma bêtise et aussi parce que cette magie avait quelque chose d'euphorisant, comme un délire fou auquel je n'aurais jamais cru. Cependant ce fut de courte durée, je me calme vite car nous ralentissons, << Chuuuut >> souffle Timane, alors qu'il arrête lui même l'embarcation avec sa perche. Je tends l'oreille, le palpitant se met en route comme une machine infernale et là mes yeux s'écarquillent dans le noir ; un grognement sourd s'élève tout près de nous, trop près de nous.
Dernière modification par Nova Stronger le 26 janv. 2019, 21:32, modifié 2 fois.

Nova Stronger ~ 3 ème année ~ Poufsouffle
Qui s'instruit sans agir, laboure sans semer

26 janv. 2019, 20:44
Le Lorésia
Chap I . L’ÉTRANGER




Un éclat de lumière rouge jaillit. Je suis aveuglée par son intensité. Je sens Megan s'accrocher à moi et la barque menace de nous mettre à l'eau. Le grognement s'était muté en rugissement et Timane avait de suite réagi. Il est si vif, c'est impressionnant ; il a cette force mystérieuse, au delà de sa magie, il a un quelque chose de particulier que j'ai du mal à identifier. Timane. Timane. Voilà que je l'admire, j'admire ses talents, ses qualités, je suis subjuguée par sa personne. Un flash apparaît puis une lumière douce, diffuse, forme une bulle autour de nous et je l'entends marmonner : << Protego maxima, protego maxima... >>. Nous ignorons ce qui se passe mais, à présent, je peux voir la barque, je peux voir Megan et Timane plongés dans un halo tamisé ; seul l'extérieur de la bulle reste encore dans l'obscurité totale. Il se tourne vers nous brusquement et me regarde moi, d'un regard franc, droit, sans faille, << Accrochez vous les filles ça va secouer >>. À ces mots, je n'hésite pas, je comprends que quelque chose va arriver, alors j'attrape fermement les bords de l'embarcation et resserre mes genoux autour de Megan. Elle aussi serre ses mains sur le bois de la barque et s'appuie un peu plus contre moi. Timane est debout, en équilibre sur la proue, le regard fixé devant lui. Je regarde ses cheveux bleus si étranges et je me surprends à les trouver beaux, comme sa nuque à la peau violette et ses oreilles pointues ; son apparence au combien singulière ne me perturbe pas, au contraire, je le trouve harmonieux et plutôt captivant à regarder. Je ne sais pas ce que pense Megan, elle avec ses cheveux rouges flammes ne doit pas être si étonnée par son aspect si différent. Brutalement, mes pensées futiles sont immédiatement évanouies, stoppées par un choc violent à l'avant de la barque. C'est là que je vois la bête, le monstre qui nous menaçait quelques secondes plus tôt ; c'est un mélange de poisson et de serpent géant, ses écailles sont bleus turquoises et vertes émeraudes et paraissent dure comme de l'acier, sa gueule est grande ouverte et laisse découvrir des dents en formes de crochets, ses moustaches semblables aux carpes mais en plus beaucoup long flottent dans l'air, deux nageoires entourent sa tête et forment une sorte de couronne et ses yeux rouges brûlent d'envie de nous dévorer. Il est énorme et semble très en colère ; sûrement la cause de son altercation avec Timane. Ce dernier ne bouge pas, il ne montre aucun signe de surprise ou de peur devant la créature, alors que nous avec Megan évidement, nous avons hurlé à ce moment là. En effet la bête avait foncée sur nous, mais elle s'était heurtée violemment à la barrière magique qui nous enveloppe. Les forts remous de l'eau nous font encore tanguer mais, le choc en lui-même est sans impact direct, grâce à la protection magique érigée par Timane. Je suis tiraillée entre l'affolement créé par la peur et le soulagement doublé du fait d'être rassurée par l'efficacité de cette bulle lumineuse. Timane écarte les bras et fait comme si il formait une boule invisible entre ses mains, puis une sphère argentée se matérialise et se transforme en un cheval de lumière imposant ; il cabre, se jette au galop sur la bête et la charge. L'ennemi pousse un sifflement rugissant et d'après le bruit qui s'en suit, il semble qu'il replonge dans les profondeurs. Timane se tourne vers nous le sourire aux lèvres, je perçois même un air malicieux se dessiner sur son visage :
- Allé on y va, on ne peut plus passer inaperçu maintenant, cramponnez vous c'est pas fini !
- Mais qu'est ce que c'est que cette chose ! Hurle Megan toute tremblotante.
- C'est un magnifique Leviatan mais, ce n'est pas le pire qu'on puisse trouver ici. Timane se précipite vers nous en courant sur le bord fin de la barque tel un funambule. Ne vous détendez pas, on va devoir foncer dans le tas ! Ajoute t'il.

Timane se poste derrière nous, il me caresse furtivement la joue au passage, j'ai l'impression qu'une plume toute douce, toute légère et délicate m'a effleuré le visage. J'en frissonne. Il se met dos à nous, debout sur la poupe, les mains tendues vers la surface de l'eau et prononce d'une voix grave et forte : <<Ascendio totalum >>. En une seconde nous sommes propulsés en arrière avec Megan et le cheval de lumière galope à toute vitesse devant la barque en éclairant l'environnement autour. Nous fusons à travers le Marais mais nous ne ressentons nullement l'effet du vent, tout est calme dans la bulle, seule la rapidité se fait sentir. Armé de sa perche, qu'il avait récupéré avant de filer, Timane la plante dans l'eau à chaque obstacles visibles au passage de l'animal lumineux et ainsi il fait pivoter l'embarcation pour la diriger et éviter qu'on ne percute quoi que ce soit. La manœuvre est dangereuse , à la vitesse où nous allons, le moindre choc peut être fatal. Megan est pétrifiée, toujours plaquée contre moi, écrasée par la force de notre allure et ses doigts à présents, sont carrément incrustés dans le bois de la barque. J'imagine ses yeux horrifiés et son expression de terreur crispée sur son joli visage. Moi je me tiens fermement mais je ne ressens plus aucune peur, ni angoisse, ni appréhension, au contraire j'ai envie de crier de joie tant cette sensation de vitesse et les virages serrés me donne de l'adrénaline. Je n'ai jamais eu cette sensation auparavant, jamais je n'ai eu l'occasion de vivre une telle expérience. J'ai confiance en Timane. Je me risque à tourner ma tête vers lui, derrière moi, il est concentré sur sa trajectoire, les lèvres un peu pincées à chaque tournants et la langue sortant dans un ultime effort de concentration, comme si il jouait à un jeu compliqué mais amusant, ses yeux pétillent de bonheur. Je vois les sabots bondissants et la queue virevoltante du cheval argenté refléter dans sa pupille. Il se risque à son tour un regard rapide vers moi, je rougis instantanément et me détourne aussitôt. Un large sourire se dessine alors sur Timane et le cheval et la barque semblent accélérer de plus belle ; << Attention ça va cogner ! >> crie t'il d'une voix un peu trop enjouée pour la situation. Un choc terrible fait trembler le bouclier magique autour de nous. Une autre créature venait de foncer sur nous. Je n'ai pas le temps de la voir, j'aperçois juste une masse sombre frapper le filtre de lumière. Deux autres masses noires approchent et fondent sur le cheval argenté ; ce dernier n'arrête pas sa course folle et d'un coup de sa crinière sauvage, il expédie ces monstres dans les méandres du marécage. J'ai cru voir un espèce d'Ours énorme aux griffes bien trop acérées pour être "normales" et un autre Leviatan ; peut être était-ce le même que tout à l'heure. Leurs rugissements témoignent de leurs férocités, il reviennent à la charge mais, sans succès. Timane continu d'éviter les troncs flottants, les arbres fantomatiques émergeant de l'eau avec adresse et les monstres sont repoussés par le cheval et le bouclier de lumière. Nous ne décélérons pas pour autant. Les chocs se multiplient, il semblerait que toutes les créatures du Marais des Palisandres se soient données le mot, la présence de trois humains se baladant sur les flots vaseux de leur demeure est visiblement une occasion à ne pas manquer. Megan pousse un cri à chaque percutions, j'ai presque envie de rire nerveusement car étrangement cela ne me fait pas peur ; je suis un peu inquiète mais toujours aussi excitée par l'aventure. Timane gère parfaitement la barque, entre tout, il est un pilote virtuose. Notre route se prolonge ainsi sûrement sur des kilomètres, je ne me rends pas bien compte de la distance parcourue. Au fil des créatures qui se jettent sur nous, j'entends un craquement au niveau du bouclier, je pense bien qu'il ne va pas tenir comme ça encore longtemps. J'observe Timane du coin de l’œil en tournant légèrement la tête, je ne veux pas que son regard se replonge dans le mien, cela me met bien trop mal à l'aise... Il n'est pas préoccupé par l'état de sa bulle protectrice, il garde son attention droit devant lui. J'ai confiance en lui. Alors que je continue de le regarder discrètement, ses yeux se baissent vers moi, je tressaille. Il me sourit encore et parle calmement :
- Ne t'en fais pas Alaïana, j'ai un plan avant qu'il ne se brise.
- Je te fais confiance Timane. Je lui réponds en me détournant de lui encore une fois.
- Quoi ? Qui de quoi ? S'exclame Megan qui retourne sa tête vers moi comme une folle en proie à une crise de panique. Son visage est à quelques centimètres du mien.
- Arrêtes de t'inquiéter Megan... Je tente de lui insuffler de mon calme mais, son état de furie me donne vraiment envie de rire, un rire que je ne peux réprimer plus longtemps alors j'explose.
- Tu te moques de moi Al ?! C'est pas drôle ! S'indigne t'elle pendant que Timane rit lui aussi.
- Désolé Megan c'est toute la situation qui me fait rire ! Je comprends qu'elle soit vexée par mon attitude alors je me force à retrouver mon sérieux.
- La situation... te fait rire ? Où est passée la véritable Alaïana ? Demande Megan, perdue, ses yeux sortant de leurs orbites au point que s'en est démentiel. Je réprime un nouveau fou rire et Timane fait pareil je le sens.
- Elle est là ! Je suis là devant toi ! C'est excitant tu ne trouves pas ! Profites mon amie ! Lui dis-je.
- Wouahaaaaouuuuu ! Crie alors Timane avec l'échos de toutes ses tripes.
- Yaaaahaaaaaaaa ! Je cris à mon tour.
- Vous êtes malade... Souffle Megan en me regardant avec le même air incrédule, puis, un rictus apparaît au coin de sa bouche, ses yeux papillonnent et elle semble s'apaiser. Vous êtes des grands malades, si je meurs ici je vous tue tous les deux ! Reprend t'elle avec assurance.
- C'est promis. Répond Timane en lui faisant un clin d’œil amusé.

Megan râle et se retourne en me fusillant une dernière fois du regard. En vérité je n'y suis pour rien c'est plus fort que moi. Bien sûr que la situation est folle, nous filons à toute vitesse dans le marais, coincés dans une minuscule barque en bois, des monstres nous assaillent dans tous les sens, un cheval argenté au triple galop nous ouvre la route, le bouclier menace de céder et Timane gère les virages avec un bout de bois en faisant preuve de réflexes presque inhumains pour l'allure à laquelle on est lancé. Je crois que je ne me suis jamais autant sentie vivante, est-ce la menace de la mort qui flotte sur nous, sur moi, est-ce cela qui me donne l'impression d'être tellement en vie. Je suis en vie. Je ne pense à rien, même les Trametes, même ma propre mère et ses souvenirs douloureux ne parviennent à s’immiscer dans ce moment intensément présent.

Nova Stronger ~ 3 ème année ~ Poufsouffle
Qui s'instruit sans agir, laboure sans semer