Dernier match de la saison. Les Éclairs de Serdaigle terminaient sur une victoire. Une victoire plus qu'honorable. Voire presque écrasante. Grâce à cette magnifique dernière action de Solal qui venait à peine d'entrer sur le terrain. Il avait choppé le Vif comme rarement Jenkins avait vu ça. La dernière fois qu'elle avait été impressionné par une telle performance était lors de l'unique match d'Alix Fitzgerald. Belle victoire face aux Crochets d'Argent. Un match où Jenkins avait mis de côté tous les sentiments contradictoires qu'elle éprouvait envers Phœbe Swan. Heureusement, elle n'avait pas eu tant à affaire à elle... quelques Cognard, quelques pics venant de sa part. Enfermée vers les anneaux, Jenkins avait pu sagement se concentrer sans avoir à gérer une foule de sentiment en plus. Cela avait été rassurant, puis, elle avait totalement oublié cet état de fait et s'était pleinement concentrée sur le match, sans y faire plus attention que cela.

La Capitaine des Éclairs avait rejoint dans les vestiaires où la victoire était fêtée dignement. Des acclamations éclatèrent à son entrée et elle salua un à un tous ses joueurs qui avaient fait un match splendide. Elle serra des mains et échangea des paroles fraternelles avec ses coéquipiers. C'était toujours rassurant et engageant de voir son équipe ainsi. Elle donna quelques tapes amicales sur les épaules de ses amis les plus proches et serra même dans ses bras Lexie qui la suivait dans ses matchs depuis un bout de temps. Lexie avait décidé quelques semaines auparavant d'arrêter le Quidditch à son entrée en Quatrième année. C'était donc son dernier match parmi eux. Elle s'arrêtait sur une victoire était c'était le plus beau cadeau que Tally pouvait lui offrir.
Elle invita tout ses joueurs à regagner la salle commune pour prendre une douche et s'attarda un instant dans les vestiaires pour les remettre en ordre, déposer sa batte et retirer ses multiples protections de batteuse.

Transpireuse et dégoulinante, Tally rangea ses dernières protections sous un banc puis referma avec précaution la porte des vestiaires des Aiglons. Le cœur léger, elle était prête à passer une fin d'année sereine. Ou, du moins, elle se sentait prête à affronter la seconde épreuve avec application et parcimonie. Elle poussa un soupir de soulagement. La fatigue était une excellente fatigue et l'idée même d'aller prendre une douche était revigorante. Elle se retourna, prête à partir, l'esprit un peu ailleurs.

Elle ne s'attendait absolument pas à tomber sur Phœbe Swan qui empruntait le même couloir de sortie qu'elle. Elle se figea dans son mouvement. Sa respiration se bloqua un instant avant que son cœur ne s’agite soudainement. Une soirée qu'elle avait préféré oublier jusqu'à aujourd'hui lui revint de plein fouet en mémoire. Une nuit fraîche, sur la Tour d'Astronomie. Quelques moments de faiblesse, de franchise, de peur et d'incertitude. Un instant d'inattention que Jenkins regrettait depuis ce jour. Ce moment où ses lèvres avaient rencontré les siennes sur sa propre impulsion. Dès l'instant suivant, elle l'avait regretté. Dès la nuit suivante, elle avait su que vivre avec ça serait une honte, un poids. Alors, elle avait vite choisi d'oublier. D'ignorer Phœbe qu'elle avait l'impression de voir partout et de plus en plus souvent. Elle avait fermé son cœur, son esprit, laissé dans une boîte, bien à part, ce qui s'était passé cette nuit-là.

Et, aujourd'hui, après cette victoire, elle n'avait qu'une seule envie : ne pas être confrontée à cela. Ne pas y penser. Ne pas y faire attention. Elle ne voulait pas. Elle s'était déjà trop interrogée face à ça. Face à sa propre pulsion. Elle voulait pas savoir. Elle n'en avait que faire du pourquoi s'était arrivé. Et, pire que ça, elle ne voulait absolument pas confrontée Phœbe à ça. Ni elle-même.

Pourtant, là, à cet instant, l’énigmatique Swan lui bloquait le chemin et elle devait lui passer devant pour retrouver la Salle Commune de Serdaigle. Jenkins prit une grande goulée d'air et fonça, tête repliée dans ses épaules. Elle su qu'elle s'était elle-même grillée lorsqu'elle jeta un regard furtif dans sa direction, par simple curiosité.

Poum… elle était retournée à la terre, ses pieds ne pendaient plus dans le vide mais étaient ancrés sur le sol du terrain, ses mains étaient encore accrochées sur le balai. L’adolescente ne laissa que quelques doigts, ce qu’il était nécessaire de garder collé au bois pour le porter et le ranger au vestiaire. Gardienne, elle n’avait pas joué de rôle au terme de ce match, mais quand elle avait croisé le regard d’Eileen, son ancre de terrain par laquelle elle se laissait guider, la Serpentard avait compris que ce n’était pas leur attrapeuse. La joueuse de Quidditch en vol sur le terrain avait affiché une moue à la capitaine, mais à présent qu’elle était hors du match et de ses limites temporelles, la petite Swan était froide par rapport à cet affrontement. Le jeu ne sortait jamais de ces portes pour l’étudiante. Jamais son esprit ne vagabondait pour penser sport ou jeu quand elle n’était pas pleinement et physiquement impliquée par le cadre. Ce n’était pas de passion qu’était son engagement. Ses raisons étaient autres.

Le silence régnait entre les Crochets d’Argent, et ce n’était pas Phœbe qui allait apporter de l’animation verbale. Consciencieusement, elle ôtait la tenue d’équipe pour remettre ses vêtements classiques. L’ambiance d’amertume se faisait bien ressentir, si bien que la jeune fille fut la première à partir, étrangère qu’elle était à cette sensation. La saison était telle que le Soleil régnait impitoyable dans le ciel, l’élève sentait que son corps s’était beaucoup échauffé à cause de la chaleur provoquée, et là encore elle sentait l’agression solaire assaillir les pores de sa peau, qu’elle avait épongée au terme du match mais qui déjà tentait de se protéger de ces rayons. Le visage de la verte et argent était déjà rougi.

Avant de pénétrer la fraîcheur des cachots humides, sombres, et déserts si elle choisissait le bon couloir, la jeune étudiante s’arrêta un instant devant le terrain. Fin de saison, fin de fréquentation ? Elle n’en était pas certaine, elle ne savait pas si le Quidditch pourrait encore l’avaler. Elle ne savait pas même si elle souhaitait le découvrir. Un relent de tentation en elle peut être était caché, mais il ne s’activerait que si elle approchait de trop près. Indétermination totale. L’adolescente détourna le regard pour le tourner vers la direction opposée, vers la sortie de cet espace. Les départs se faisant au compte-goutte, l’argentée avait de grandes chances de s’éclipser tranquille.

N’importe quelle présence, tant que floue, n’aurait qu’effleuré le champ de vision de la Serpentard qui l’aurait simplement contournée. Il avait fallu qu’une boule brûlante et flamboyante vienne attaquer la rétine d’Argent de Phœbe pour qu’elle penche légèrement sa tête, comme prise dans le magnétisme de cette teinte aisément identifiable. Une unique personne avait cette démarche, cette chaleur dans son regard acéré, dans sa chevelure de feu. Et cette personne se dressait sur le chemin de la petite Swan, qui demeura muette dans un premier temps. Elle n’avait rien à dire. En son esprit aucun mot. Une sphère de mémoire commençait à trembloter, comme si elle voulait libérer son contenu, mais dans sa rigidité la Serpentard l’en empêchait, elle n’était pas prête à de faire submerger par quelque forme de réminiscence. Elle parvint à déverrouiller sa mâchoire pour délivrer ces quelques mots d’une singulière banalité, qui comprenaient même une part d’affront.

« Eum… oui, toi aussi tu étais sur ce terrain, c’est vrai... »

L’avait-elle oublié ? À moins qu’elle n’ait si parfaitement ignoré Jenkins qu’elle n’avait pas réalisé ce qui était pourtant une évidence. Ou tout simplement, en rien elle n’avait été concentrée sur ce genre de détail alors qu’elle était dans les hauteurs. Complètement au jeu sur un balai, pleinement à elle-même sur la terre ferme. C’est ainsi qu’il lui avait fallu être confrontée en face à face avec la capitaine pour vraiment réaliser qu’elles partageaient le même espace, les deux filles étaient prisonnières l’une de l’autre, ne pouvant chacune plus avancer pour séparer leurs chemins.

Jenkins se maudit intérieurement. N'avait-elle donc aucune volonté ? Pourquoi avait-elle dû tourner la tête à ce moment ? Que cherchait-elle à se prouver ? Ou alors, qu'avait-elle voulu en effectuant ce geste ? Si elle avait voulu que la brunette l'arrête par une phrase eh bien, c'était gagné. Elle renifla et retrouva sa posture agressive du match. En plus, Phœbe la cherchait là, non ? Venait-elle sérieusement de lui demander si elle avait été sur le terrain aujourd'hui ? Certes, elle n'avait pas brillé par son maniement du Cognard et Lexie avait fait un travail tellement fabuleux qu'il était possible qu'elle l'ait éclipsé. Mais bon, elle était quand même Capitaine. Jenkins sentit la colère refluer. La joie brisée, elle avait l’irrésistible envie de la cogner. On provoquait pas la Capitaine des Éclairs comme ça sans s'en mordre les doigts. Et puis, humilier ses adversaires avait toujours été un drôle de péché mignon. Puis là, elle avait aussi des problèmes personnels à régler avec elle. Alors, si elle pouvait faire d'une pierre deux coups tout en masquant cela par une provocation puéril d'après match, ça l'arrangeait pas mal.

Tally serra la mâchoire, évitant de croiser l'attrape mouche qu'était le regard brumeux de la Serpentard. Elle fixait sans courage le menton de sa camarade. Elle hésitait. D'habitude, elle hésitait pas vraiment. Felix en avait fait les frais. D'habitude, l'impulsion primait. Là c'était étrangement pas pareil. Elle avait les poings serrés, tendue comme un arc par la fatigue et cette drôle de situation. La rouge fronçait aussi les sourcils. Elle savait pas trop ce qu'elle espérait avec cette attitude. Que Phœbe prenne peur et s'en aille ? Pfff. Elle effrayait peut-être des première année en manque de confiance mais après ce qu'elles avaient vécu, elle savait bien que c'était pas cette attitude puéril qui aurait raison de Swan. Il fallait plus pour l'effrayer, rien qu'un peu. Entre ses dents serrées, elle cracha.

« _ T'aurais voulu manger plus de mes cognards pour être bien sûre que j'étais sur le terrain, ou quoi ? »

Sa voix s'était faite sifflante et n'était audible que par la jeune fille en face d'elle. Jenkins eut le malheur de croiser son regard. Sa flamme vacilla. Elle s'était à nouveau faite prendre au piège. Cette grisaille était une drôle de prison, un truc dont Jenkins n'arrivait pas à se sortir et qui avait déjà joué en sa défaveur là-haut, sur la tour. Il fallait à tout prix s'échapper de ce guet-append avant de faire une nouvelle connerie. Alors, elle ne trouva que la violence qui était plus forte que ça. Elle saisit sans attendre la Serpentard par le col. Ca glissait, elles sortaient toutes les deux d'un match, après tout. Tally sentit qu'elle reprenait confiance. C'était tellement plus facile comme ça. De savoir qu'elle pouvait cogner et reprendre le dessus. C'était si simple de fuir les problèmes par ce côté-ci plutôt que de les affronter de face.

« _ HEIN ?! T'en voulait plus des cognards, c'est ça ?! » Et elle se mit à la secouer de sa main droite. Un petit crochet l'aurait peut-être soulagée mais elle parvenait pas à s'y résoudre. Elle savait même pas ce qu'elle attendait de cette situation idiote et de ses propres gamineries.

La proximité des jeunes étudiantes sur le terrain avait probablement échappée à Phœbe, qui n’avait aucun regard personnel sur un balai, mais alors que son corps était si bien ancré à la terre, cela lui apparaissait avec une force rare. Sa remarque n’était pas à destinataire, la Serpentard aurait très bien pu la garder au stade de pensée. Mais il avait fallu que ses lèvres bougent, qu’elles la fassent sortir. L’élève n’avait songé à aucune seconde à la rencontre de son propos avec l’ego de la Capitaine. Son intervention relevait de la parfaite négligence et inattention. Elle n’en faisait pas cas, elle n’avait rien dit à Tally. Pas vraiment.

La rigidité de corps de l’Aiglonne lui offrait une Silhouette parfaitement définie, le flou de la mouvance n’était plus quand la position figée prenait le dessus. La tension des muscles, dont la petite Swan savait qu’ils venaient d’être déjà beaucoup sollicités lors du jeu, assurait la stabilité de la batteuse, et à loisir la Serpentard pouvait l’entourer de ses yeux Lune. Se contenter d’observer sa présence, c’était encore simple, l’esprit de la petite Swan demeurait libre. Pas besoin de penser, pas besoin de ressentir. Le moment de suspension aurait tout autant pu durer quelques secondes ou instants, l’adolescente n’avait pas perçu l’égrenage du temps. Le basculement cependant la saisit avec netteté et clarté.

Curieusement pas de confusion. La parole fusa, un persiflage calculé dans ses intonations pour pénétrer ondoyant aux oreilles de la verte et argent qui eut comme première réaction d’entrouvrir la bouche pour prendre une inspiration, avoir un peu d’air en elle pour se permettre un retour physique, verbal, une agitation qui lui était propre, quelle qu’elle fût. Son souffle fut brusquement coupé, haché court lorsque la rousse l’attrapa, la magicienne n’appréciait pas cette subite proximité forcée, elle détourna son regard vers le côté pour s’ôter le visage distordu par un effrayant rictus de Jenkins de son champ de vision. Bien que son corps se soit tendu, la petite Swan demeurait relativement calme. Sa camarade se donnait une apparence impitoyable, c’est son Feu qu’elle manifestait mais l’intimidation ne touchait pas la jeune sorcière.

Sans émettre le moindre geste, l’adolescente permettait à la batteuse de se déployer selon ses vœux. Une nouvelle onde de choc sonore vint la frapper, et Phœbe se mordilla doucement la lèvre inférieure pour libérer sa pression interne. Sans concessions, la bouillonnante sportive voulait Tout. Elle s’y prenait mal, si mal. L’argentée sentait qu’elle serait capable de lui montrer, de l’initier, mais en la position où elle était prisonnière, cette perspective ne fut rien de plus qu’un mirage de peu de consistance. Elle marmonna entre ses dents, tentant de ne pas faire entendre son souffle qui se saccadait.

« Ta présence ne se compte pas en coups de Cognard ou de batte. »

La Bleue et Bronze tournait autour du pot, c’était une certitude, la Serpentard avait compris que toute cette hargne jetée à en entendre les mots sur ce détail dénotaient une autre intention. Cela, Phœbe laissera à la capitaine le soin de le reconnaître par elle-même. Si elle souhaitait engager une nouvelle partie, une contre une, alors l’étudiante prendrait part au jeu. Le moment était certainement venu pour elle de prendre à son tour l’ascendant par un choix mesuré de manœuvre. Souhaitant capter son attention, elle souffla un appel.

« Dis-moi, Tally Jenkins… »

Se hissant sur la pointe des pieds, la petite Swan approcha ses lèvres de l’oreille de l’Aiglonne autant que cela lui était possible, et ayant pris une bonne inspiration auparavant, elle susurra avec subtilité et d’un seul trait d’air son interrogation, avec toute l’insinuation qu’elle comportait.

« Qui suis-je donc pour qu’il t’importe tant que je te voie ? »

*Alors ?* Ses Perles d’Argent attrapèrent le regard flamboyant et vibrant de l’adolescente qui émanait d’une pure agitation et d’un terrible transport. La verte et argent était parvenue à faire briller une lueur de défi, exhortant sa camarade à jouer un coup digne d’elle et se dévoiler pleinement.

Il y avait des choses pour lesquelles Jenkins étaient vraiment nulle. Et cette tentative d'intimidation sur une personne sur laquelle elle n'avait pas la moindre emprise en faisait définitivement partie. La Serdaigle savait que sa vis-à-vis avait parfaitement raison. Elle n'avait pas à répondre aux provocations plus que puériles de la batteuse. Elle jouait sur un terrain bien plus malin que la rouge, elle était forte. Enfin ça, Tally l'avait déjà expérimentée et elle n'en doutait plus vraiment. Phœbe l'avait déjà surprise à maintes reprises et pas uniquement sur ce foutu terrain de Quidditch. L'argentée savait manier les mots alors qu'elle ne cessait de jouer de sa batte. La nébuleuse Swan pompait ses forces en la déstabilisant toujours un peu plus. Ce serpent visait adroitement ses faiblesses... il n'eut d'ailleurs besoin d'une seule phrase pour que Tally lâche l'autre fille. Cette drôlerie ne rimait à rien et Phœbe venait de le lui faire comprendre. La colère était toujours là, elle ne pouvait pas la quitter comme ça, aussi vite. Ses poings restaient crispés, ses naseaux dilatés et son regard vengeur mais elle écoutait. Pourquoi se prenait-elle à ce petit jeu encore plus idiot que le sien ? Pourquoi acceptait-elle de laisser riposter Swan alors qu'elle savait pertinemment que, face à une adversaire aussi puissante, elle n'avait aucune chance sur l’échiquier. Pourquoi attendait-elle de se faire avoir ? Ses propres questions l'embourbaient et l'action avançait. Phœbe arrivait avec le premier sang qu'elle lui asséna adroitement en plein dans la nuque. Ou le bide. Double coup que Jenkins ressentit de plein fouet.

Par fierté, par instinct, par détresse, ses yeux restaient rivés dans les siens. Ils étaient glacials. Et Jenkins se rendit compte que, la dernière fois, cette fraîcheur n'était pas seulement dû aux conditions météorologiques. C'était bel et bien elle. Un frisson lui parcourue l'échine. Elle préférait définitivement son feu à elle. Mais, en même temps, elle ne pouvait pas battre en retraite si vite. Le problème restait qu'elle n'avait rien à répondre. Elle s'en était directement voulu après avoir lancé un regard curieux dans sa direction. Elle ne l'avait pas maîtrisé. Elle ne s'était pas maîtrisée. C'était d'autant plus frustrant. Sa meilleure défense était toujours l'attaque. Malgré la fatigue, malgré les bleus imminents elle était prête à régler ses comptes. S'en était fini de se torturer jour et nuit. Il était temps d’aplatir les choses. Elle était prête à tout raser. Coûte que coûte. A dévier les paroles mystérieuses de Swan pour être claire et précise.

« _ Une fille avec qui j'ai des compte à régler. Argua-t-elle d'un air de défi en cherchant le courage qui lui restait. Son regard vacilla un instant. Son cœur ne voulait pas être fixé. Il ne fallait pas qu'il le soit. Y s'est passé quoi, là-haut ? Le ton était menaçant même si Tally l'aurait voulu plus... sympathique. Elle ne pouvait pas abandonner son bouclier, c'était trop tôt. Et puis, de toute façon, elle avait déjà choisi de ne pas savoir. A quoi jouait-elle vraiment ? »

La brûlante adolescente finit par lâcher sa camarade qui recula instinctivement de quelques pas, elle n’était pas prête à ce que les flammes émanant de la rousse la lèchent de trop près pour attaquer sa surface. Elle ne fit pas même le geste de remettre son col en place, gardant trace du passage de Tally et souhaitant se montrer imperturbable, elle fixa le regard de la capitaine sans ciller. Toujours dans l’attente du coup qu’elle jouerait en réponse aux mots que la Serpentard avait délicatement posés au creux de son oreille. L’adolescente sentait la tension corporelle de la batteuse, presque contagieuse, voire magnétique, le corps de la petite Swan était doucement poussé en sa direction, de façon infime, elle sentait à peine le balancement qui la prit. En miroir la jeune magicienne sentait un flux d’énergie la prendre et la soutenir.

Jenkins émit alors des sons et ouvrit la bouche pour prononcer ses paroles, elle était parvenue à trouver un ton d’assurance non loin de l’impitoyabilité. Sec, aride, digne de sa folle chaleur. Phœbe avait regardé ses lèvres s’agiter pour parler, ces lèvres qui avaient… Ses pensées se turent aussitôt avant de poser ce que l’argentée tentait d’éviter de rappeler à elle depuis l’instant où elle avait eu conscience pleine d’être en présence de la flamboyante Tally Jenkins. Elle se concentra sur son émission de voix, mais ne l’aida pas, bien au contraire. Tout tentait de faire remonter en surface ce qui avait été enterré avant tant de soin et si profondément. Sa sphère scellée s’agitait follement et n’attendait que de pouvoir se briser pour déverser son océan en la Serpentard. Vibrante de sa résistance, elle tenta de faire un barrage mental pour ne pas se faire submerger par « ce qu’il s’était passé là-haut ».

En vain. Il était trop fort et inarrêtable. La bille explosa. Des images se succédèrent devant les Perles d’Argent de la sorcière vert et argent, ces étoiles silencieuses, ce sol dur, l’air frais et cet être inattendu qui avait violé son espace intime. La Tally du Souvenir et sa représentation se superposait avec la Tally qui faisait actuellement face à l’étudiante. Il s’agissait de la même personne. La petite Swan avait livré bien plus qu’elle n’aurait dû en cette soirée printanière, aveuglée et entêtée par son égarement. Elle ne se reconnaissait pas, et elle refusait de reconnaître en la grande fille lui faisant face cette même camarade qui lui avait offert une précieuse parcelle d’elle avec une infinie douceur. Qu’est-ce qu’elle aimerait nier. Considérer que cette capitaine d’Airain en face d’elle n’était pas cette adolescente sensible rencontrée au sommet. Mettre en place une rassurante dissociation des instants qui leur garderait de devoir assumer quoique ce soit.

Phœbe ignorait comment parler sans imploser et trahir son trouble. Son cœur s’était tordu dans sa poitrine et lui faisait mal, elle avait l’impression que Jenkins avait écrasé son poing autour et l’anéantissait. Ses pensées de doute ne l’aidaient pas et l’empêchaient de formuler la moindre phrase de sens. Tel était le coût pour avoir laissé s’ouvrir une porte verrouillée pour son propre bien.

« Là-haut s’est produit… »

L’adolescente s’interrompit, ne sachant comment poursuivre, elle pouvait tout aussi bien se taire, en rester là, s’échapper. Cela ne ferait que retarder et donner un sursis, au fond d’elle elle avait compris que la confrontation était inévitable. Réglons nos comptes, avait insinué la rousse. Soit. Elle se devait de se délester de tous les restes en elles, de toutes les réminiscences pour s’autoriser à oublier ce qui avait encore besoin de la tourmenter car pas encore totalement épuisé.

« … ce dont la Voûte Céleste n’aurait jamais dû être témoin. »

Chacune des lumières les avaient regardées, et conservait en elle la trace de ce moment secret. Elles s’étaient exposées pleinement à la Nuit, sans prendre garde. Phœbe s’était abandonnée alors qu’il ne le fallait pas. Il était difficile de tomber dans les yeux de Tally sans y voir toutes les nuances d’un passé. *Nous avons débordé de nos propres limites.* Cette pensée, elle la murmura seulement à elle-même, mais la distance était trop courte pour échapper à une ouïe attentive.

Jenkins avait lâché la bombe. Elle pensait que l'explosion allait tout ravager. Mais l'instant qui suivit fut plutôt calme, au contraire. Ce fut même de longues secondes de silence qui découlèrent pendant que Swan la fixait sans vraiment la voir. Tally en profita pour déglutir, elle ne savait que trop bien ce à quoi elle pensait. Et elle n'avait pas besoin d'elle pour y penser de son propre chef. Le silence fut brisé puis à nouveau limpide. La Serdaigle était agitée intérieurement et voulait mettre fin à ce supplice au plus vite. Finalement, ce fut Phœbe qui lâcha la véritable bombe entre les deux filles alors que la tension ne semblait pas vouloir s’essouffler. Ce dont la voûte céleste n'aurait pas dû être témoin. C'était la vérité. Aussi claire et précise que Jenkins l'avait commandé. C'était ce qu'elle avait attendu pendant toutes ces semaines. C'était ce qu'elle avait désiré des nuits durant.

Et là, alors qu'elle s'attendait à la délivrance salvatrice. Rien. Ni sérénité, ni bien être, ni sensation d'avoir réussi à mettre les choses au clair. Et même un drôle de sentiment insidieux qui semblait vouloir lui faire comprendre que cette réponse était une forme de déception.
Elle qui aimait tout contrôler, tout savoir, avoir la main mise sur sa vie, son rôle, ses sentiments, tous ces petits détails qu'elle ne souhaitait pas voir échapper. Là, Phœbe était une énigme insoluble qui lui offrait une nouvelle porte verrouillée à chacun de ses entrebâillements. C'était frustrant, définitivement, la réponse attendue et parfaitement valide ne lui offrait pas la délivrance recherchée.

Elles avaient dérapé. Elles n'étaient plus elles-même. Rien n'aurait dû se passer comme ça. Elles en étaient toutes deux conscientes. Et ce regard qui se prolongeait dans les limbes du temps en disait long. Elles étaient d'accord sur ce point. L'erreur était partagée. Jenkins n'osait pas cligner des yeux. Si elle faisait ça, cela signerait la conclusion de cette entrevue. Une chose qu'elle appréhendait plus qu'elle ne le souhaitait. Se jauger les yeux dans les yeux avait cette forme rassurante qui explicitait que l'instant de perdition n'en avait été qu'un, qu'il était passé et n’effleurerait plus la surface de leurs esprits. Arrêter là, c'était perdre cette certitude et replonger dans un état de doute dont Tally cherchait à tout prix à s'extraire.

« _ Non, personne n'aurait dû être témoin. Ni Tally. Ni Phœbe. Ni cette fichue voûte céleste. Et maintenant ? Et maintenant quoi ? Elles vivraient avec ? C'était ce qu'elles désiraient toutes les deux, non ? Clore ce songe. Pourquoi Jenkins relançait cette conversation sans issue ? Le doute. Enfin, plutôt la dose d'espoir qui se planquait bien loin en elle. Être aimée. Un truc dont l'idée ne l'avait jamais effleuré et qui avait pourtant explosé à ce moment-là. Mais c'était inexplicable. Impossible. Déviant. Ce n'était pas elle, cela ne lui ressemblait pas. Pourtant, son cœur s'accrochait. C'était si injuste de dépendre de cette sensation inconnue. »

Inébranlable, toujours. Phœbe attachait encore cet Invariant à Tally Jenkins, c’était constitutif de sa personne, même dans le vacillement elle voyait un contrôle, la recherche d’une maîtrise stable qui refuse de s’effondrer. Bien loin de l’instabilité insaisissable dans laquelle la Serpentard flottait sans Ancre. La capitaine titillait doucement une ardeur latente chez sa camarade qui avait jusque là conservé un calme où les remous et vagues n’avaient pas encore leur place. Réveiller ce que toutes deux avaient scellé de façon prolongée était une provocation assumée, et acculée la petite Swan tentait de sa faufiler sinueuse en des terrains moins minés, mais elle sentait bien qu’à moins de poser une chape occultante, une sorte de brasier partagé les enchaînerait l’une à l’autre jusqu’à ce qu’elles parviennent à le contrôler ensemble. Incontrôlable, elles n’avaient d’autre choix que de s’en charger par cette confrontation. En faire quelque chose de plus compréhensible, d’identifié, ce n’était alors qu’un foyer imprévisible qui les consumaient, les dévorait à petit feu.

La jeune sorcière s’approchait et reculait en même temps dans ses mots, elle souhaitait voir quelle était le cap de la batteuse en soufflant doucement pour percer un opercule encore clos mais qui protégeait certainement ce que l’adolescente avait besoin de connaître. Une très grande tension était entre les deux filles, la briser ou la délier, peu importait mais elle devait être altérée d’une manière ou d’une autre. La toile d’araignée était étirée, elle ne pouvait être coupée net, mais la distendre demeurait possible, c’est ce à quoi Phœbe comptait s’employer. Retourner à une forme de sérénité que Tally lui avait arraché par son geste d’impulsion folle. En étant elle, tout simplement, voilà certainement le plus troublant au sein de cette histoire. Est-ce qu’elle acceptait que la capitaine soit ainsi ? La souhaiterait-elle différente ? La petite Swan n’était pas certaine, oui Jenkins pouvait présenter ce jour, mais elle n’acquiesçait pas encore.

La Serdaigle prit position dans le sens de la dernière parole de la Serpentard, qui baissa silencieusement la tête en closant les paupières pour signifier qu’elles étaient bien en accord sur ce point. Et maintenant ? La jeune sorcière avait formulé cette pensée presque simultanément au moment où sa camarade le formulait. Chacune avait besoin de mettre à distance parce qu’aucune n’assumait d’avoir vécu ce qu’elles n’auraient dû, d’avoir glissé. L’étudiante ignorait que faire pour tout lisser, que les adolescentes se quittent l’esprit débarrassé du nœud intriqué les habitant. Elle prit une grande inspiration silencieuse. L’air était chaud, certainement la saison en était la cause, alors que son intérieur suffisait à l’échauffer, un vent de fraîcheur aurait été bienvenue.

L’argentée s’approcha à portée de toucher de la rousse. Elle leva sa main, traçant dans l’air et à quelques centimètres de distance les contours de la Silhouette de Tally, n’osant pas vraiment entrer en contact avec elle. La tête doucement inclinée vers la gauche, son regard gris était dans un entre-deux, si bien qu’il était impossible de savoir s’il était sur le visage de sorcière d’Airain ou contemplait une autre chose au loin.

« Nous pouvons refouler cette folie d’un Instant. L’oublier et gommer deux points pour que la suspension devienne conclusion. Ou… »

L’adolescente baissa son bras, frôlant au passage la batteuse… involontairement ? Quoiqu’il en soit ce contact, bien qu’il ne durât qu’une fraction de seconde, l’électrisa et elle se mit rapidement en retrait. Elle tourna alors le dos à la joueuse et s’assit sur l’herbe, les jambes pliées devant elle. Pouvoir toucher ces brins d’herbe avait quelque chose de rassurant, elle pouvait les manipuler pour occuper ses mains, prenant garde de ne pas les couper. Ce n’était pas le moment de se blesser, surtout après avoir réchappé d’une rencontre sportive dangereuse.

« …reconnaître qu’elle fut et demeure nôtre. Qu’il en reste des relents. Dans quel Gouffre terrifiant nous jetterions-nous alors ? »

Phœbe fit alors un nœud entre deux brins d’herbe qu’elle serra très fort jusqu’à ce qu’il paraisse impossible de les délier autrement que par le déchirement.

Tally observa d'un œil attentif les mouvements de la joueuse de Serpentard. Sa main était si proche, si fugitive. La Capitaine chercha son regard de neige mais celui-ci fuyait, instinctivement. Parfois, Jenkins se rendait compte à quel point elles n'avaient aucun point en commun, à quel point plusieurs mondes les séparait, à quel point rien n'avait jamais été fait pour les réunir. Et pourtant, c'était déjà la deuxième fois qu'elles se retrouvaient si proches. C'est qu'elle en regrettait des choses, la Serdaigle. Elle restait focalisée sur l'avant pour ne pas repenser au passé. Parce que c'était trop dur, trop douloureux, sur tous les points. Sur sa fichue famille, sur ce maudit tournoi mais surtout, sur cette foutue tour d'Astronomie qui n'aurait jamais dû être là. Ça sentait le sapin mais elle n'était pas du genre à freiner. Même si elle devait finir dans les guirlandes. Phœbe était l'une des choses qu'elle regrettait. Sûrement celle dont elle avait le plus honte. Surtout parce que ce souvenir était secret, caché. L'humiliation du tournoi avait été vue de tous. Là, c'était différent, elle voulait revenir en arrière pour ne donner aucune chance à ce qu'il s'était produit. C'était pourtant fichu et fait.

Et maintenant ? Elle comprit que sa question se reflétait dans l'esprit de la Serpentard. On s'assoit et on mange du chocolat ? Camarades ? Impensable, inadmissible, irréaliste. Tally resta de marbre alors que Phœbe lui effleurait le visage. A vrai dire, elle cligna plusieurs fois des paupières jusqu'à oublier aussi vite ce geste qui ne devait être qu'une illusion. Ou un piège.

Refouler, oublier, gommer. Ces mots faisaient envie. Elle traçait les lettres que Jenkins avait voulu écrire. Elles étaient au moins sûre de ça, autant l'une que l'autre. Pourtant, Swan vacilla et se tourna pour trouver la fraîcheur de l'herbe sous l'air interrogateur de la Serdaigle. Tally ne bougea pas, attendant la suite de la phrase en suspension. S'assurant que son doute allait être effacé.
Reconnaître. Accepter. Aussitôt, la rouge frissonna et son corps se révulsa. Elle était vraie, oui, mais pour ça, c'était pas négociable. Elle ne pouvait pas accepter ça. Son regard se perdit sur les deux brins d'herbe liés.

Elle franchit en deux enjambées la distance que Swan avait vaillamment créée. Elle la contourna pour retrouver son regard fuyant. Elle s'accroupie à sa hauteur pour lui prendre des mains le nœud adroitement tissé. Sans aucune délicatesse, elle tira sur les deux extrémités jusqu'à ce que le tout se brise. Décidée à ne plus lui laisser le choix, ni se laisser l'occasion de tergiverser plus longuement, elle s'accouda aux genoux de la brune et lui donna un coup de paume dans l'épaule, brisant à nouveau leur bulles respectives.

« _ Peu importe qu'elle soit nôtre ou j'sais pas quoi. Je peux pas accepter ça. »

Jenkins déglutît face à Phœbe, son regard cherchant toujours à capter le sien. Elle était moite. Elle ne savait pas par quel miracle elle pouvait s’échapper de se traquenard. L'autre lui proposait bien des solutions, mais aucun n'allait. Elle ne voulait juste pas. Elle ne voulait pas de cette situation, ni des questions qui allaient avec, ni même d'un passé entaché d'une faute pareil. Et elle la lâcherait pas tant que c'était pas réglé, même si elles devaient y passer la nuit.

Sur sa paume ces brins d’herbe, risible construction dénuée de sens, le fruit d’une occupation manuelle et fébrile certainement. Alors que Phœbe allait l’élever pour étudier de plus près cette pièce indénouable, un verrou sans clef, une ombre imposante s’abattit devant elle, qui s’arrêta pile en face de la Serpentard demeurée immobile alors que cette forme s’était approchée à une proximité gênante. Réflexe que la petite Swan avait à chaque fois qu’elle était approchée de trop près, sa respiration se coupa et ses yeux écarquillés regardèrent l’action du corps de la rousse. Le trait vert disparu et l’adolescente l’identifia devant elle, l’adolescente réalisa qu’il avait changé de mains, son attention était portée sur ces doigts tenant fermement ce duo d’une fragilité extrême. La Serpentard, tendue, observait et attendait. Immédiatement et sans exprimer quoique ce soit quant à ses intentions et l’effet qu’un tel acte provoquait en elle, la Capitaine détruisit l’Alliance. Façon brute et directe, aucune netteté, une séparation pleine. L’adolescente entrouvrit la bouche pour réagir mais aucun son ne sortait. Étrange, ce n’étaient rien de plus que deux brins d’herbe, sortis de la terre et noués. Alors pourquoi la jeune fille avait-elle senti la déchirure aussi bien en spectatrice qu’en actrice ? Une sorte de tenaille qui avait tenté de provoquer une fissure. Voir Tally dans l’acte de destruction aurait suffit à marquer à ce point l’argentée…

La sorcière n’eut pas le temps de recomposer ses pensées et de se remettre du choc interne dont elle avait été subitement saisie. L’Aiglonne s’était presque ruée sur sa camarade, ou du moins l’avait mise dans une position indélicate en la prenant en étau, sa grande force de batteuse devait pour beaucoup aider. Elle s'y attendait un peu, si bien que l'étudiante fut moins ébranlée qu’elle ne l’aurait été en temps normal lorsque Jenkins toucha et entra dans la Sphère de Phœbe par voie directe. L’adolescente avait conscience que Tally ne l’aurait probablement pas rejointe à ses côtés avec douceur. Son visage montra une grimace au moment où elle fut frappée à l’épaule, mais cette expression s’évapora en moins d’une seconde, elle recomposa une façade rigide et lisse. Prête à entendre et affronter cet ouragan fou. Après que la Serdaigle eût parlé, Phœbe demeura dans un long mutisme, plongeant ses deux Lunes dans le regard transperçant de la rousse, conservant une froide inexpressivité. Commençant à manquer d’air, sa respiration avait repris, les souffles des adolescentes se mêlaient dans cette promiscuité singulière. Sa poitrine s’élevait à un rythme régulier auquel les deux semblaient s’être accoutumées. Alors qu’une expiration était attendue après une inspiration, la petite Swan parla enfin, débutant par un murmure avant d’adopter une voix sifflante et modérée.

« Alors oublie, Jenkins. Qu’est-ce qui t’en empêche ? Laisse la magie anéantir de ta mémoire l’Inacceptable et devient une autre, sereine de cette absence. »

En poussant de toute la force de ses bras, la gardienne s’employa à repousser sa geôlière pour se lever et se redressant, elle continua en employant un ton d’une dureté qui lui était inédite.

« Détruit la Tally d’aujourd’hui. Moi, je ne peux pas oublier, même si j’étais déchirée et consumée, je sais que c’est partie de moi, je préfère souffrir d’un souvenir que l’effacer. »

Oui, elle savait ce qu’était l’amnésie. Ses parents lui avaient volé un pan de son passé, et la Phœbe d’avant l’oubli avait été tuée. Elle en avait retrouvé les fragments en recouvrant la mémoire, mais elle ne croyait pas à une résurrection. Elle était une Nouvelle Lune. La Serpentard savait qu’elle ne voulait plus jamais oublier pour être confrontée à l’impossible reconstruction. Ressentir pleinement les évènements marquants, même les plus douloureux était préférable à en différer les sensations et impressions. Une fin parfaite ne pouvait être espérée, mais Tally pourrait s’abandonner à l’illusion de l’ignorance.

« Mais toi, quel serait ton frein ? Libère toi du fardeau que je te suis. »

*Si tu ne peux pas, agis en conséquence.* Phœbe bouillonnait, rarement elle avait grimpé en un tel état d’excitation et d’échauffement. La capitaine voulait des solutions, elle voulait cesser d’errer dans un Dédale. Voici une réponse, il fallait se confronter à ses réelles intentions. Que voulait-elle, réellement ? En d’autres circonstances une telle pression aurait pu faire craquer la Serpentard, elle aurait pu verser des larmes à la suite d’exhortations données avec tant de ferveur et d’énergie. En cet instant cependant son regard était parfaitement sec, il plongeait avec colère sur le visage de Tally. Qui d’entre elles avait été la provocatrice ? Elle s’en fichait, elle en avait assez de ces détours, il était temps de choisir quelle suite donner.