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20 oct. 2018, 20:28
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[ 10 JUIN 2043 ]
Charlie, 13 ans.
2ème Année


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Assise sur le toit de cette tour de Quidditch, je balançais mes pieds nus dans le vide. La brume de ce matin glissait entre mes orteils serrés, créant des corridors de sons ; je savais que l’espace entre mes orteils était suffisamment étroit pour jouer une ou deux notes musicales, mais je n’entendais rien de cette mélodie. Je ne pouvais que l’imaginer – ce que je faisais déjà bien : quelques accords aux émotions venteuses, accompagnés de quelques notes dissidentes.
Je ne savais pas si ça pouvait être joli. Tout ce que je pouvais réellement faire se limitait à articuler mes orteils dans tous les sens pour imaginer la mélodie se péter la gueule.

Il était bien trop tôt pour un dimanche, la brume était encore la compagne de toutes les structures. Que ce soit le château à ma droite, la pagode juste en face ou la forêt interdite sur ma gauche. D’aussi haut, tout me donnait l’impression d’être tellement plus ridicule ; à part la forêt et le lac qui paraissaient infinis, côtoyant l’horizon. Mon regard était planté sur ce même lac, et je pourrais presque m’y noyer. J’en tomberais, et tomberais…
Je reniflais bruyamment tout en détournant les yeux.

Mon corps était encore chaud du réveil, ça ne faisait même pas une demi-heure que j’avais ouvert les yeux. Sans même me doucher, j’étais venue sur ce toit. De ma main libre, je rabattis les pans de ma robe sur mes cuisses. Le dimanche matin était parfait pour être seule. Ma main gauche était fermement posée sur le balai que j’avais utilisé pour monter sur cette poutre, au cas où un mouvement d’air un peu trop brusque m’obligerait à écarquiller les yeux face à mon balai s’envolant sans moi. Mon regard voyagea jusqu'à ce manche au bois inégal.

*Tss…*. Est-ce que c’était possible de se jeter dans le vide avant de s’asseoir sur le balai, et d'en reprendre le contrôle en plein vol ? D’un léger mouvement des yeux, je jaugeais la distance jusqu’au sol. *Bon Dieu…*. C’était très haut, j’avais totalement le temps de reprendre le contrôle du balai ; si c’était au moins possible. Je ne savais même pas si je pouvais contrôler le balai sans avoir à décoller du sol. *’pourrais tester*. C’était très haut, et j’étais sûre de crever si je me ratais. Mais je pourrais quand même essayer.
Quelque chose montait dans mon buste, et me donnait confiance en mon idée ; ce n’était pas un feu, ni une vague, c’était comme une légèreté. *Ouais-j’pourrais-l’faire*. Sans poids, sans contrainte. Me jeter avec le balai dans la main et l’enfourcher en plein air pour m’envoler. C'était facile à faire ; même si je ne savais pas si c’était possible.
Ma respiration s’accélérait, mais pour une fois j’aimais la sentir s’affoler. Je serrais le manche du balai de plus en plus fort, et le sol me paraissait de plus en plus proche. J’avais totalement le temps d’enfourcher mon balai ! Je m’entendais respirer comme un chacal, mais je n’y faisais pas attention. Depuis quand je respirais aussi fort ?
J’étais concentrée, mes jambes ne se balançaient plus.
Le silence pesait ; et me poussait.
Mon esprit était en arrêt, la respiration coupée.
Je fis glisser mes fesses, mon cœur grinça.

*Oh bon Dieu !*

Mon corps s’arrêta. *Imp…*. Mes yeux étaient douloureux, mes paupières étirées, prêtes à exploser. Ma tête pivota lentement, bien trop lentement pour moi, vers la droite. La tour des Gryffondors.
*N’importe quoi*. La fenêtre de mon dortoir était visible d’ici. Yuzu dormait là-bas. *Pas possible*. Et si elle mettait sa petite tête et que je me ratais ? *J’me raterais pas !*. ET SI JE ME RATAIS ET QUE JE M'ÉCRASAIS ?! Le regard de Yuzu, si sombre, si lourd, qui me regardait échouer ; mon corps se tortillant dans les airs sans Pouvoir, et son Onyx inutile, impuissant pour une fois. Et ce serait la fois de trop.

Bordel !

Je frappais violemment le balai contre la poutre ; qui tangua légèrement. Mon cœur sursauta.
Je remontais aussitôt mes fesses à leur place. « ‘chier ! ». J'enrageais. Il n’y avait que mon regard qui s’envolait : d'abord la tour des Gryffondors, puis la tour des Serdaigles. *Harmonie*. Elle aussi aurait pu mettre sa grosse tête entre les carreaux. *Mais...*. Les pouffys ou les serpents ne pouvaient pas me voir. Et pour l’instant, il n’y avait personne à part la brume.

Je sentais mes doigts écrasés contre le manche, et ma paume glisser sur la moiteur de ma sueur. Le sentais la force des regards invisibles. *J’arrive pas*. Je ne pouvais pas sauter tant que je n’étais pas sûre de moi ; j'avais trop peur de me rater. Et ça me faisait chier.
Dernière modification par Charlie Rengan le 08 nov. 2019, 04:54, modifié 3 fois.

je suis Là ᚨ

21 oct. 2018, 01:36
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Tu as Juste, trop réfléchir est parfois mauvais.

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Un morceau de bois enchanté était posé sur la pelouse verte. De nombreuses aspérités à sa surface étaient autant de témoins de ses utilisations, une sorcière l’avait enfourché à bien des reprises. Pourtant le vernis avait plutôt bien tenu en dépit d’une année d’intensive sollicitation. Son aspect était hybride, on sentait en l’observant le soin à la conservation donnant une apparence presque neuve à certaines parties du manche, responsable aussi de la parfaite régularité des brindilles, à croire qu’elles avaient été taillées avec un appareil de mesure. Et quelques marques, signes d’incidents et de prise de pouvoir de la perte de contrôle menant à de fatals coups. Un état tout à la fois éclatant et terne. Placé au centre du terrain, il ne semblait pas se trouver d’éléments au sein de son proche alentour, ou du moins dans un premier périmètre d’un pas environ qui ne l’entourait que lui. En élargissant le champ de perception, se révélait alors un point sombre. Ce petit point, c’était une enfant. Assise en tailleur, ses petites mains posés sur l’herbe et qui sentaient la fraîcheur qu’avait encore la terre au matin, quand rien ni personne ne l’avait foulée, alors qu’elle venait de bénéficier du doux repos offert par Nyx.

Sa nuit d’être, elle l’avait passée les mains collées sur les vitraux du Petit Salon, à contempler les profondeurs du lac. Jusqu’à ce que les créatures marines aient jugé que ce temps s’était achevé. Dans la noirceur des eaux, leur agitation est imprévisible, elle crée des remous et des volutes, comme la fumée, si ce n’est qu’elle a un pouvoir ravageur de contact quand la brume enveloppe de sa douceur. Elle asphyxie insidieusement par sa délicatesse et son intangibilité. Dès que la lumière solaire avait atteint la surface, la verte et argent l’avait senti les vibrations changer, les ondulations se réguler, et elle s’était éloignée. C’est ainsi que, ne souhaitant aucunement rejoindre son dortoir, dans lequel elle ne dormait quasiment jamais, la petite fille laissa ses pas la mener vers l’air vivifiant propre au temps de l’Aube. Personne n’osait être outrément matinal quand il n’y avait cours. Presque, il y avait bien ce blondinet bouillonnant capable de faire trempette aux aurores. Une fois mais pas deux, elle y croyait.

L’imposante stature familière dressée devant elle avait failli être contournée, jusqu’à ce qu’un ultime revers d’hésitation ne la pousse à s’y introduire. Encore récemment elle était entre ces limites pour un dernier affrontement. Mécaniquement, elle alla chercher son balai, qui n’avait pas bougé d’un iota de la position dans laquelle elle l’avait posé la dernière fois. Elle pénétra dans l’enceinte et se figea à peine quelques mètres parcourus. C’était différent, elle était seule. Quand elle jouait… non, pas elle. Quand son corps jouait, l’équipe était là, il faisait alors partie d’un réseau et se faisait aisément absorber. Seul, il n’était plus possible de se couler dans ce cadre spécifique ne donnant aucune place à Elle.

Une distraction, une saturation. C’est ce que la petite Swan avait à l’esprit en ce début d’année, quand elle s’était présentée pour participer à la saison avec les Crochets d’Argent, elle avait toujours été de marbre face au Quidditch, et n’éprouvait rien de particulier à la vue d’un match. Elle avait en revanche compris que les joueurs étaient très pris, aspirés dans une spirale. Des entraînements réguliers, la sollicitation d’une attention pleine, des exigences interdisant de penser à autre chose sur le terrain. Les traits qui transperçaient perpétuellement son esprit, elle avait eu besoin de les engourdir et elle avait vu en cette activité le meilleur moyen. Une fois dans le jeu, son être était un outil d’exploitation offert au Quidditch : son corps, sa pensée. Ou plutôt sa capacité à penser que sa pensée propre. Diable, elle aimait cette idée de ne pas avoir à être Phœbe Swan, de pouvoir l’oublier, cette consumante entité, dès que le jeu commençait et la happait et jusqu’au terme. Elle devenait son Soi désincarné.

Le réseau, la présence des autres comptait pour beaucoup, c’est pourquoi en cet instant, le bras gauche tenait tremblant le balai sans amorcer le moindre geste pour le monter. Et si ça ne fonctionnait pas ? Et si sans le jeu, le vol ne provoquait rien ? Provoquant la passivité donnant tout le loisir à l’Interne de Phœbe de se déployer pleinement. Elle ne le souhaitait aucunement, elle cherchait à le fuir en venant ici. Mais qui disait saison finie, disait aussi fin des entraînements, elle ne pouvait plus être accompagnée. Dans le doute, elle avait posé le balai, au milieu de l’étendue verte avant de reculer et de se poser à terre. D’où la position où se trouvait actuellement l’adolescente.

La jeune personne n’était pas tout à fait en face du balai, son corps était pivoté comme s’il était à la tangente entre le détournement et le magnétisme. Elle n’osait pas le toucher avant qu’une certitude ne lui tombe dessus. Tentant de déterminer si le vol était suffisamment constitutif du Quidditch pour provoquer ce qu’elle recherchait s’il était dépouillé de tout cadre. Son regard Lune était rivé sur la branche, la défiait, la jaugeait. Son pouvoir était questionné, mesuré. Les doigts fins de la Serpentard pianotaient le sol avec fébrilité, mus par son besoin d’évacuer sa tension par ses appendices capables de déverser avec densité toute son agitation que lui causait son indécision. Placé bien hors de sa portée, le bois insolemment vibrait devant Phœbe. Son chuchotis, qui figeait son désir en une suite de termes explicites, fut porté par l’air qu’elle poussa entre ses lèvres et qui se projeta en fumée blanche devant elle, se mêla à l’atmosphère, s’estompant sans réellement disparaître.


« Vol, parviendras-tu à me la Voler ? À l’engourdir ? »

L’expérience teintée d’attente comportait le risque d’être terriblement déceptive si elle se trouvait bafouée. Un sourcil relevé, ses Perles d’Argent luisant de l’incertaine interrogation, le buste doucement penché en avant, la magicienne était dans une figeante appréhension. Elle croyait aux signes. La réponse serait une Manifestation. Bien sûr ce ne seront pas des paroles, le langage ne sera pas le sien, mais l’attention accrue de la petite Swan était prête à capter le moindre retour, quelle que soit sa forme.

Éternelle nouvelle Lune
Sombre Ciel

08 nov. 2019, 04:34
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Le manche du balai me glissait dans la paume, imperceptiblement, comme un hypocrite. Il utilisait ma propre sueur comme moyen de fuite, sans modération, comme un traitre. *À cause de toi, j’arrive pas !*. Je serrais mes doigts tellement forts qu’ils craquèrent autour du bois dur et bosselé, ne procurant aucune douleur au balai. Je voulais lui faire du mal parce qu’il ne pouvait pas ressentir ce qu’était la douleur. *À CAUSE DE TOI !*. Je l’enviais, mais j’étais sûre qu’il enviait tout autant mon âme. Ce simple objet ne savait pas ce qu’était la mort, alors il ne savait pas à quoi pouvait ressembler la vie. Sans mort il ne pouvait pas Voir.
Ce balai était déjà mort et pourtant il était encore là, il avait cassé la promesse de la vie, il était passé de l’autre côté avant tout le monde ; avant même le Temps lui-même. *Bon Dieu…*. Mes pensées me faisaient peur.

AH !

Mon corps tangua brusquement, je réintégrais tous mes sens en m’éclatant contre mon esprit. Tout bougeait affreusement. « d’merde ! ». *Poutre !*. Mes mains plongèrent contre le bois de l’énorme poutre, plantant mes ongles de toutes mes forces. « Argh ! ». Un truc cogna contre ma poitrine avec une force horrible. J’avais eu le temps d’apercevoir l’éclair du balai traverser mon regard. Je tombais ?! *MA MAIN !*. Les ongles de ma main droite s’enfoncèrent encore plus, des éclairs de douleur explosaient partout dans mon corps. Tout se cassait la gueule ! Je levais mon bras gauche en l’air, pour ne pas me faire frapper encore une fois par un réflexe. *Bouge plus !*. Je pliais mon dos, mes fesses s’écrasaient contre mon bassin. Un monstre rugissait dans mon corps. *BOUGE PLUS*. Tout mon corps se figea, d’un coup. Le monde ne tournait plus.
Ma poitrine pulsait, elle était traversée de haut en bas par une barre de douleur. Mon cœur s’était décroché de sa place, tombé dans l’oubli. Mon cou était troué, j’avais l’impression de m’être pris un énorme impact, une cloque de douleur se propageait jusqu’à ma nuque, mais à l’intérieur de moi. Mes paupières se mirent à frapper plusieurs fois. *Qu’est-ce qui…*. J’essayais de regarder autour de moi sans oser tourner la tête, il n’y avait que mes yeux qui roulaient. *Rien*. La brume et le château. *Rien…*.Ma main gauche, son balai et mes tremblements. Mon cou, ma douleur et mon cœur perdu.
Je ne comprenais pas pourquoi j’avais brusquement perdu mon sens de l’équilibre, en étant assise en plus. Mon dos se redressa lentement, sans relâcher ma prise écrasante autour du balai. J’étais déjà venue plusieurs fois sur cette poutre et ça ne m’avait jamais fait ça. *Pourquoi…*. Le château se foutait de ma gueule, je l’entendais rire en aboyant : « La prochaine fois c’est la bonne ! ». Toutes les pensées qui me pourrissaient le crâne allaient finir par me rendre folle. J’avais un pressentiment si mauvais que ça me donnait envie de dégueuler.
Ma deuxième année se finissait, mais je n’avais pas envie d’arriver à sa fin. *J’sais pas c’qui m’arrive…*. Il y avait tellement de pourquoi sans réponses dans mon esprit que j’en avais le vertige. *J’dois descendre d’ici*.

Une fraicheur anormale se réveillait sur mon menton, ma main libre s’envola pour se poser dessus. *D’la bave*. Je regardais ma main légèrement brillante, c’était bien ma bave. Mon avant-bras s’occupa d’essuyer cette trace, pendant que j’observais mon autre bras tendu, le balai au bout. *T’es vraiment un sale traitre*. Ma poitrine bouillonnait encore du coup de balai que je m’étais prise. J’imaginais que si c’était mon crâne qui s’était pris le coup, la puissance m’aurait totalement couchée, j’aurais dégringolé sans aucune grâce les quelques mètres avant le choc contre la terre.
Tout le bien-être que j’avais ressenti sur cette poutre s’était totalement cassé, et je la détestais de me noircir les quelques beaux souvenirs qu’il me restait. « Bordel ». En levant mon genou droit vers ma tête, je posais mon pied à plat sur la poutre. De ma main gauche, je plantais l’extrémité du manche à mes côtés pour me remettre debout. *Bien*.
J’enclenchais mon corps.
Mes muscles gémirent, mon cou hurla, ma bouche se tenailla, mais je réussi à finir debout. « Haa… » expirais-je du tréfonds de ma gorge. *Ça fait mal…*. J’enfourchais le balai pour m’enfuir d’ici — sans prendre le risque de lever une jambe, l’introduisant entre mes genoux.
Dans ce silence subjectif, mon pied droit qui frappa contre la poutre détona mollement. Et je m’envolais à travers la brume.

Mon balai traversait les particules humides comme un démon, fonçant vers le Terrain d’Entrainement. Ma seule envie se limitait à descendre de ce foutu manche, alors je piquais vers le sol, la tête en bas, le corps collé contre le bois. *Quelques mètres*. Ma robe était collée sous la force du déplacement. *Qu’est-c’tu ?!*. Un élève était planté en plein milieu du terrain.
Tirant sur mes bras, je redressais le manche vers le haut ; la brusquerie de ma manœuvre inversa ma position, replaçant ma tête en haut, et soulevant toute ma robe vers le ciel. La fraicheur de l’air me chatouilla partout : les cuisses, le ventre, la poitrine. Mais mon freinage tout aussi brusque fit tout redescendre.
Je flottais à quelques centimètres du sol et à deux-trois mètres de la *Serpentard* fille. *Qu’est-c’tu fous…*. Un autre balai était allongé à côté d’elle, comme un sacrifice.

Je plongeais mon regard dans son visage, à la recherche de ses yeux.

je suis Là ᚨ