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10 janv. 2019, 23:39
Résignation ou Étreinte
Allongée directement sur l’herbe, son buste se soulevant et s’abaissant au rythme de ses profondes inspirations, l’adolescente regardait le Ciel gris et lourd qui la dominait de son épaisseur et de sa masse effroyable. À quelques mètres de son corps, un balai était posé en inclinaison sur une pierre, sa propriétaire l’y avait négligemment déposé juste avant de s’effondrer, exténuée. Alors que l’entraînement officiel avait pris fin depuis un moment déjà, la gardienne était restée jusque bien plus tard, pour dompter enfin cette balle pourpre, le Souafle. En environ une année, il lui glissait toujours entre les doigts en dépit de la répétition de chacune des actions qu’elle devait maîtriser. Aucun tir. Aucun vrai arrêt, lucide. À en déduire que seuls ses mots étaient une arme certaine pour la Serpentard. Dès que l’adolescente quittait ce terrain dédié au Quidditch, elle oubliait tout et peu lui importait ce qui avait bien pu s’y passer, ses performances. Rien à fiche de mon jeu, pouvait-elle avancer dès qu’elle s’émancipait de ce contexte spécifique, enfermée dans le Château ou ailleurs. Elle avait compris que ce n’était qu’en débordant des créneaux destinés au sport qu’elle saurait encore s’y consacrer. Sans se soucier du temps qui était passé et de l’heure elle avait longuement tourné autour des anneaux, des trois hauteurs pour en comprendre l’organisation. Avait adopté les deux perspectives, cherché à percer les mécaniques du rapport entre sphère de cuir, cerceaux, êtres en confrontation. Serait-ce probant ? Une prochaine séance ou même une rencontre le déterminerait certainement. L’étudiante Verte et Argent avait mis fin à cette prolongation en solo dès qu’elle sentit avoir épuisé trop de magie et énergie physique pour tenir droite sur le balai. Puis elle s’était écroulée, en étoile, mêlant dans sa perception ce qui était en elle et l’extérieur. La Voûte sombre ne laissait pas percer les rayons du Soleil par la densité des nuages qui en saturait toute sa parcelle visible aux yeux de Phœbe. Il pouvait être tard.

Ses battements, la petite Swan les entendait sourds entre ses oreilles, elle sentait aussi la fébrilité de son souffle qui poussait sa poitrine à se mouvoir mécaniquement sans qu’elle ne cherche à contrôler ce geste vital. Ces indications internes étouffaient le son de la vague d’Éole qui l’enveloppait. Sa peau en revanche accueillit ce contact frais et agréable qui apaisait le feu de l’effort qui lui brûlait le visage. Quand elle sentit ses mains fourmiller avec retard, la jeune sorcière les ouvrit et referma rapidement pour s’assurer de n’avoir rien perdu de leur mobilité et agilité. Son souci s’était très rapidement écarté de son activité récente pour s’inquiéter de l’état de ses doigts. Si elle s’en cassait, c’était fichu pour elle. Autant, recevoir un Cognard dans les côtes, c’était le jeu. Autant, devoir renier un jeu pour un jeu... Ce serait chose impossible pour l’adolescente. Quitte à choisir, ce ne serait pas cette distraction qui prévaudrait. Certes, elle prodiguait des moments ‘Hors’ à Phœbe, mais ce ne suffisait  pas pour tout pardonner. Elle passa un doigt sous sa chevelure, au niveau de sa nuque, puis le tourna, réussissant à les torsader pour le réunir sur le côté gauche de sa tête. La joueuse se redressa d’un mouvement avant de s’arrêter, le temps que son champ de vision se stabilise et que le flou se dissipe. Elle posa alors les mains à plat devant elle. De taille moyenne, les doigts en revanche plutôt fins, ils tremblaient. Pourquoi tremblaient-ils ? Non couverte, elle n’avait pas réalisé que l’arrivée de la saison automnale venait avec le froid. Elle devait rentrer, c’est ce qu’aurait dicté la conduite la plus raisonnable. Probablement la Serpentard ne l’était-elle pas assez pour la suivre. L’adolescente leva la tête pour observer le Ciel, comme dans l’attente d’une variation de teinte, de nuance qui lui indiquerait qu’elle pouvait se soustraire à sa contemplation. Elle demeurait immobile, telle un dormeur qui fixe longuement, inexpressif, l’espace au-dessus de lui avant de daigner complétement quitter le seuil de Morphée, comme dans une léthargie intermédiaire.

Éternelle nouvelle Lune
Sombre Ciel